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Landerneau : la terreur durant la Révolution.

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La Terreur est suspendue pour les suspects politique, mais continue pour les prêtres fidèles. L'administration Départementale quitte Landerneau pour Quimper. Les prêtres des Capucins sont libérés le 26 mars 1795. Pillet doit partager l'église avec les prêtres fidèles. La vie chère à Landerneau. La Convention se sépare.

Les Représentants à Brest ne veulent pas qu'on fasse rebrousser chemin à la Révolution. Ils ont su qu'à Landerneau, la Montagne a été démolie. « La Montagne reste, écrivent-ils à la Commission administrative du Département à Landerneau, elle reste et doit rester comme le seul palladium de la liberté. Redoublons d'activité pour surveiller les aristocrates et les conspirateurs... que la hache de la justice nationale déjoue leurs complots... ».

Et sur leur ordre, la Montagne est réédifiée à Landerneau, citoyens et soldats sont tous invités à la reconstruction, cependant que l'agent du District vient le soir du 6 août déposer sur le bureau du Conseil général l'arrêté suivant portant régénération de ce Conseil.

COMITE DE SALUT PUBLIC

LIBERTÉ - EGALITÉ - FRATERNITÉ

Au nom du Peuple français.

Brest le 20 thermidor de l'an 2 de la République française une et indivisible.

Le Représentant du Peuple dans les Départements maritimes de la République arrête que le Conseil général de la Commune de Landerneau sera composé ainsi qu'il suit :

René Bazin fils, maire.

Hacher, Cruzel père, Thomas Le Gall, Lacaze fils aîné, Radiguet, Le Bourg, Guiastrennec, Léyer, sont officiers municipaux.

Auguste Rousseau jeune, agent national.

Robert, Arzen, Le Fèbure. Davy, Goudiguen, Félep, Le Guen, Kerler, Y. Le Gall, Teurnier, Mazurié père, Bidanel, Betho, Thomas père, Meillard, Calvez, Le Béon, Kerros, sont nommés notables.

Charge l'agent national du District de Landerneau de l'exécution du présent arrêté.

Signé : Prieur de la Marne. Daras, secrétaire.

Mais le Comité de Salut public prenait le 10 août un arrêté supprimant le Tribunal révolutionnaire de Brest ; le 5 septembre, Faure et Tréhouart remplaçaient les représentants Jean Bon et Prieur de la Marne.

Alors « on sembla sortir du tombeau et renaître à la vie », les prisons s'ouvrent, le cahier de correspondance du Comité de surveillance à Landerneau n'est plus qu'une liste de noms de détenus dont on donne les dossiers pour la libération et le Comité de surveillance lui-même emboîte le pas à la réaction, car dans son cahier on lit à la date du 3 frimaire (23 novembre) cette lettre laconique aux Représentants du Peuple :

Nous vous rapportons les plaintes et les gémissements des détenus ; venez les délivrer.

A cette époque aussi, Landerneau cesse d'être le chef-lieu du Département, car, malgré les représentations du Conseil et du District, la Commission administrative du Département part s'installer à Quimper.

Néanmoins si nobles et suspects bénéficient de la réaction, si la guillotine chôme à Brest [Note : Le 15 octobre, on guillotinait encore à Brest les abbés Jacob, recteur de Saint-Pabu et Claude Chapalain, vicaire à Sizun ainsi que Marie Chapalain, veuve Mazé. Ce n'est que le 16 octobre que la sinistre machine sera démontée], les prisons restent fermées pour les prêtres, la réaction ne s'étend ni au culte catholique ni au culte constitutionnel.

Pillet reste sans église ; depuis l'exécution d'Expilly il n'a plus d'évêque ; et le collège épiscopal qui en cas de vacance devait régir le diocèse est lui-même dispersé, son chef, le vicaire épiscopal Huraut, ne sort des prisons de Landerneau que pour abdiquer son sacerdoce. La loi ne reconnaît plus aucun culte. Le traitement prévu par la Constitution au clergé constitutionnel n'a pas été payé pendant la Terreur et se transforme en pension, versée en assignats, autant vaut dire que le clergé n'est plus payé. Le Temple de l'Etre suprême a été transformé en Temple décadaire et le 16 août 1794 le Conseil général adoptait le plan suivant des Cérémonies à y accomplir chaque décadi.

Plan des fêtes décadaires.

ART. 1. — Les autorités constituées se réuniront à chaque décadi à la maison commune à 10 heures du matin, d'où elles se rendront au temple accompagnées seulement des vétérans qui auront, exclusivement à toute autre force armée, la police de la salle pendant la fête.

ART. 2. — Les présidents du Département, du District, de la Commune, du Tribunal, de la Justice de paix, du Comité révolutionnaire, de la Société populaire, les officiers généraux seront placés sur les marches de l'autel : les différents membres des corps constitués se rangeront indistinctement quoique avec ordre sur la première estrade autour des premiers.

ART. 3. — Les chaises et les bancs seront placés en ligne parallèle de chaque côté de la nef et cet ordre y sera strictement maintenu. Les femmes occuperont la droite et les hommes la gauche.

ART. 4. — L'orchestre sera placé dans le choeur et une symphonie ouvrira la fête.

ART. 5. — Les orateurs et la musique se succéderont alternativement suivant l'ordre établi par l'officier municipal de service auquel on sera tenu de s'adresser à la maison commune pour se faire inscrire avant l'heure du rassemblement lorsqu'on voudra parier ou chanter.

ART. 6. — Le commandant de la place sera requis de rassembler tous les corps militaires à 9 heures pour se rendre au temple sans armes.

Comment faire pour vivre dès lors ? Pillet continue à instruire les fils des principaux habitants de Landerneau et ajoute à ce métier celui plus rémunérateur de marchand de biens, d'agent d'affaires et cette dernière besogne l'enrichira. En attendant, obséquieux il réussit à entrer dans toutes les commissions, à devenir même membre du Comité de Subsistance. Quant à deux de ses vicaires, Torret et Rannou, ils entrent comme commis aux écritures dans les Commissions municipales ; Rabby se contente de vivre de ses leçons et proteste souvent contre la garde qu'on lui fait monter. Considérés dès lors comme des citoyens ordinaires, ils obtiennent les certificats de civisme que chaque nouveau régime exige. C'est ainsi que le 28 décembre 1794, Pillet obtient le sien.

« Sur la demande faite d'un certificat de civisme par le citoyen Emmanuel Pillet, domicilié de cette commune, lit-on dans le cahier des Délibérations, le Conseil a ouvert un scrutin et sur 16 votants il a obtenu 16 oui ; copie de la présente lui sera décernée pour valoir de certificat de civisme. ».

Quant au culte catholique, il n'est pas seulement ignoré comme le culte constitutionnel, il reste suspect, et quand les prisons s'ouvrent pour les suspects et les nobles, elles restent fermées pour ces prêtres qu'on appelle encore réfractaires. Néanmoins la captivité est moins dure, car le vent souffle à la clémence.

Le bon recteur de Saint-Houardon, M. de la Rue, écrit à la municipalité pour lui demander un certificat de bonne vie et bonnes moeurs, et le Conseil, organisé par Prieur de la Marne, le lui accorde.

Le 1er mars 1795 (11 ventôse) on lit ce qui suit dans le Cahier des Délibérations :

« Vu la lettre du citoyen Joseph-Marie la Rue, réfractaire, ex-prêtre, détenu en la maison d'arrestation de cette commune en date du 6 de ce mois adressée à la Municipalité, portant demande d'un certificat qui atteste qu'il n'a jamais rien dit ni rien fait qui pût troubler l'ordre public, que dans toute sa conduite il a montré le plus grand respect pour les lois. Le Conseil a ouvert un scrutin par oui ou non, lequel dépouillé à montré que l'unanimité était pour le oui ; le Conseil arrête d'accorder au citoyen La Rue un certificat attestant sa bonne conduite et ses bonnes moeurs ».

Les prêtres dits réfractaires restent enfermés aux Capucins. Par suite de la translation nouvelle du chef-lieu du Département à Quimper, les captifs originaires de la Cornouaille obtiennent leur translation à Quimper ; les départs des déportés ont diminué ; également le nombre des détenus qui ne sont plus que 24 aux Capucins en janvier 1795. Mais la réaction s'étend ; le 1er mars 1795, la municipalité choisie par Prieur de la Marne décide pour le prochain décadi la démolition de la Montagne ; tous les citoyens sont invités à cet effet, et, sur la place de la montagne définitivement supprimée, citoyens et citoyennes dansent avec allégresse. Le 8 mars, Faure et Tréhouart nomment une nouvelle municipalité composée comme il suit :

Duthoya, maire.

Bazin aîné, Y. Le Guen, Kerros, Léyer, Cruzel père, Féburier fils, Taylor, officiers municipaux.

Radiguet, agent national.

Barbier (à qui on refusait en décembre un certificat de civisme), substitut de l'agent national.

Huguen, Le Gall, Le Roux cadet, Guiastrennec, Favier, Teurnier, Havart, Le Béon, Mazurié père. Cloarec, Draut, Jh. Abgrall, Michel Castel, Kérébel, Querrien, Cloarec fils, Demaine, notables.

M. Duthoya n'accepte pas sa nomination de maire et jusqu'au 25 mars 1795 la municipalité sans maire délibère sous la présidence d'un des officiers municipaux. A cette époque de nouveaux Représentants du Peuple sont nommés, Guezno, Brue et Guermeur ; leur premier soin est de réorganiser une fois de plus la municipalité de Landerneau de la façon suivante :

René Bazin, maire.

Cruzel père, Léyer, Lacaze fils aîné, Hacbec, Thomas Le Gall, Guillou, Radiguet, Paul Poisson, officiers municipaux.

Le Bourg, agent national.

Robert, T. Le Roux, Brichet, David, Guiastrennec, Meillard, Le Guen, Kérébel, Mazurié, Teurnier, Kerler, Béon, Y. Bertho, Goudiguen, Quéré, Calvez, Félep, notables.

Ces Représentants prennent même le 26 mars 1795 un arrêté ordonnant l'élargissement de tous les prêtres détenus pour refus de serment et le 2 avril les prêtres quittaient la prison des Capucins. En même temps, le temple décadaire était fermé et loué à la Guerre pour magasin d'intendance. Les fourrages qui emplissaient l'église Saint-Julien sont transportés aux Capucins, couvent devenu caserne et Pillet prenait cette église pour son culte.

Mais si les prêtres fidèles sont libres, leur situation est pénible quand même, car le séquestre a été établi sur leurs biens ; leur mobilier a été dispersé dans les ventes. La soeur du recteur de Saint-Houardon, Mlle de la Ruë, la « grande Marguerite » est accourue à Landerneau, elle a jadis sauvé de la vente une partie du mobilier de son frère et le prêtre paralysé a, avec un toit, une soeur et un domestique qui le soignent.

Le pauvre recteur de Saint-Thomas, lui, n'a plus de toit sous lequel se réfugier, il est réduit à vivre de la charité et les vivres sont chères, nous le verrons plus tard. Aussi est-elle poignante la lettre que le vieux prêtre adresse à l'Administrateur du Département :

Le citoyen Bodénez, ci-devant recteur de Saint-Thomas (Landerneau) aux citoyens administrateurs du Département.

Citoyens,

Lorsque les décrets ont frappé les biens du clergé, la municipalité de Landerneau me notifia de vider le presbytère que j'occupais près de la ci-devant église de Saint-Thomas [Note : Maison occupée en 1928 par M, Le Goff, cordonnier], d'en enlever mes meubles. J'obéis et aussitôt je louai un appartement pour les mettre.

En 1792, je fus arrêté, mis au Château de Brest avec plusieurs autres sexagénaires comme moi ; de là transféré à Audierne, ensuite à Quimper. J'avais conservé la propriété et la jouissance de mes effets, je pouvais me procurer des rechanges, la vieillesse en a besoin ; c'était une douceur dans ma captivité ; elle n'a pas été de longue durée.

La Commission départementale ayant ordonné ma translation à Landerneau, le séquestre a été établi sur mes biens. Je fus dès lors privé de leur jouissance, j'ai beaucoup souffert pendant ma détention faute de linge et autres hardes.

Enfin, citoyens, sorti de la maison d'arrêt, je crus que j'allais encore une fois posséder un bien que j'avais acheté, mais je me trompais, le séquestre tenait. Je fis une pétition au District qui a répondu que l'arrêté de Guermeur et Guezno pour ma liberté n'avait pas prononcé la mainlevée.

Je souffre depuis 4 mois sans feu, sans linge, sans hardes, sans aucun des effets nécessaires à la propreté, à la santé ; j'ai 70 ans, je suis couvert d'infirmités, et il me faut errer sur les pavés, à la merci du premier qui a la charité de m'aider, de secourir mes infirmités, d'appuyer ma vieillesse.

Votre justice, citoyens, ne viendra-t-elle pas m'ôter de cette douloureuse position ? Ne me rendrez-vous pas ma petite propriété ? Je la réclame et j'ose me flatter que votre humanité ne souffrira pas que je reste plus longtemps sans des secours qu'on ne refuse même pas aux assassins jusqu'à leur jugement ?

Oui, citoyens, je le crois, vous confirmerez que la liberté n'est qu'illusoire et chimérique lorsqu'on ne jouit pas de la propriété de ses biens, surtout quand on n'est plus qu'un vieillard incapable de gagner sa vie.

Mettez fin à mes peines, prononcez définitivement ce que je requiers.

Et ferez justice !

Salut et fraternité, P. BODÉNEZ.

Hélas ! le pauvre M. Bodénez ne recouvrera pas sa propriété, la procédure de la levée du séquestre ne sera pas terminée que le bon prêtre sera de nouveau arrêté. Comment dès lors fit-il pour vivre ? La Providence qui donne aux oiseaux leur pâture dut intervenir, car la cherté des vivres était effroyable à ce moment.

Nous n'avons pu trouver les Mercuriales de Landerneau à cette époque, mais M. Duchâtellier donne, dans une plaquette intitulée Essai de socialisme pendant la Révolution, les Mercuriales du Département du Finistère pour l'année 1794 : elles vont du 1er pluviôse an III (20 janvier 1794) au 1er frimaire an IV (22 novembre 1794) ; notons que la Convention venait de porter à 10 milliards l'émission de son papier-monnaie, l'assignat.

  Pluviôse   Germinal Messidor Frimaire
           
Quintal de froment (100 livres) 60   120 480 1.200 f.
Quintal de seigle 36   90 250 900 f.
Quintal de blé noir 24   99 110 300 f.
La livre de boeuf 2   15 18 30 f.
La livre de veau 1,50   2 5 5 f.
La livre de lard 3   8 9 12 f.
Le couple de poulets 6   12 - -
La livre de chandelles 5   9 18 75 f.
La livre de beurre 4   5 12 21 f.
La bouteille de vin 4   7 9 37 f. 50
La livre de pain fromenté 2   4,50 9 30 f.
La livre de pain de seigle 1,40   2 3 7 f.

Voici du même auteur un tableau donnant la valeur du billet de 100 francs vis-à-vis du numéraire :

Année 1794 :

Mars .... 11 fr. 75.

Avril .... 7 fr. 25.

Mai .... 3 fr. 25.

Juin .... 3 fr. 25.

Juillet .... 3 fr.

Août .... 2 fr. 50.

Septembre .... 1 fr. 75.

Octobre .... 1 fr.

Novembre .... 0 fr. 50.

Aussi, à partir de janvier 1795, à toutes les pages du cahier des Délibérations du Conseil général de Landerneau, rencontre-t-on des pétitions de fonctionnaires demandant augmentation de salaire. Au début, le Conseil essaie de résister, mais force est tout de même de céder, quand le boisseau de blé (130 livres) monte à 1.350 francs et que la paire de souliers revient à 200 livres !

19 nivôse an IV (8 janvier 1795). Demande d'augmentation de 25 livres par mois des huissiers de police : le Conseil les refuse parce que les charges locales ne permettent pas d'accorder cette augmentation.

29 nivôse : nouvelle pétition des huissiers de police exposant que le prix exorbitant des denrées de première nécessité les met hors d'état de subsister avec le modique salaire qu'ils ont et demandant une augmentation de 50 livres par mois. — On leur accorde 40, ce qui fait 90 livres par mois.

Même jour. Pétition du greffier de la municipalité demandant une augmentation de salaire ; le Conseil lui accorde 300 livres de plus par an ; le greffier aura donc 1.800 livres de traitement.

Le 16 février, c'est le tour des tambours de la garde nationale :

27 pluviôse. Petition des tambours de la garde nationale, Alexandre Le Moal et Le Treut demandant augmentation. On leur accorde 50 livres en sus des 150 qu'ils ont déjà mais ils ne seront pas habillés.

Le 1er mars, huissiers, greffier et tambours font de nouvelles demandes ; chaque mois, il en est ainsi.

Le 20 fructidor (7 septembre). Pétition des huissiers de police demandant l'augmentation, vu le prix excessif du blé qui suivant la dernière mercuriale est monté à 1.350 livres le boisseau (10 fr. la livre de blé !) etc., etc...

Mais en octobre 1795 la livre de pain était à 12 fr. et la viande de vache 16 fr. la livre en assignats ! A ce moment on porte la ration des prisonniers à 6 fr. par jour.

Cependant, quelques faits saillants viennent rompre cette monotonie singulièrement éloquente du Cahier des Délibérations : C'est ainsi qu'on délibère sur le changement de l'heure et qu'on décide de faire disposer à l'horloge du Temple de l'Etre suprême (église Saint-Houardon) et à celle du Temple décadaire (église Saint-Thomas) un cadran suivant le nouveau style qui marquera l'heure décimale et la minute décimale. Le calendrier républicain, en effet, ne comportait pas que la division de l'année en mois et des mois en décades ; le jour lui-même devait être divisé en 10 heures. La circonférence du cadran fut donc divisée en 10 parties égales et entre 2 divisions il y avait 10 divisions plus petites donnant les dizaines de minutes décimales. Qu'on se représente un décimètre peint le long de la circonférence du cadran, on aura une idée du nouveau style ; les centimètres donnant les heures, les millimètres, les dizaines de minutes.

Hélas ! ce furent réclamations sur réclamations de la part de tous et non pas du peuple seulement, si bien qu'au-dessous des nouvelles divisions, huit jours plus tard on dut faire établir les divisions de l'ancien style. Néanmoins le nouveau style est religieusement observé dans les actes officiels et le sera assez longtemps. Ainsi un procès-verbal d'élections du 26 mars. 1798 (5 germinal an VII) débute et finit ainsi :

Ce jour cinq germinal an VII de la République une et indivisible, à 3 heures 75 minutes décimales du matin, les citoyens actifs de la commune de Landerneau, assemblés au Temple décadaire ...... L'assemblée s'est séparée à 7 heures 8 minutes décimales.

Or 3 heures 75 c'est exactement 9 heures du matin et 7 heures 8, c'est 6 heures 43 du soir ou 18 heures 43, style actuel. Quand nous parlerons du culte décadaire nous retrouverons ce style horaire.

Ce changement d'heure fut établi à Brest également et cependant les manuels disent tous que la division du jour en 10 heures ne fut jamais mise en pratique.

Un autre fait intéressant du Cahier des Délibérations c'est le compte-rendu d'une enquête sur les savons. Au lieu de s'adresser aux chimistes (Lavoisier avait été guillotiné, il est vrai), les Représentants du Peuple confièrent l'enquête au suffrage populaire.

14 vendémiaire an IV (6 octobre 1795). Le Conseil général en exécution de son arrêté du 10 de ce mois portant que les buandiers, buandières et perruquiers seraient appelés à cette séance pour donner des renseignements sur l'usage des savons fabriqués à Landerneau, lesquels ayant été convoqués, on leur a posé les questions suivantes :

1°) Quel est le meilleur savon des fabriques de Landerneau.

2°) En quelle proportion est son déchet avec celui de Marseille.

3°) Quel est son effet sur le linge et la peau ?

Marie Rohou buandière a répondu qu'il n'en est aucun de bon, que cependant ceux de la veuve Le Maître et de Guillou sont les moins mauvais, qu'en général ils ne blanchissent pas bien, que la différence du déchet avec celui de Marseille est de 6 livres contre une, qu'il est corrosif et brûle le linge et la peau.

Marie Ruellen buandière a déclaré faire les mêmes réponses.

Marie Troadec déclare que le meilleur est celui de Rousseau, qu'il n'est pas aussi corrosif que les autres, que le déchet avec celui de Marseille est de 6 contre 1.

Marie Le Meur, autre buandière, dit que celui de Rousseau est le meilleur, que son déchet est de 4 contre 1, qu'elle ne s'est jamais aperçue qu'il causât du mal au linge ni à la peau.

Joseph Le Meur buandier a dit que celui de Rousseau est le meilleur, qu'il l'estime à peu près autant que celui de Marseille, que son déchet est de 1 livre et demie contre 1, qu'il n'est nuisible ni au linge ni à la peau.

Le citoyen Le Fébure perruquier déclare qu'il a employé tous les savons fabriqués à Landerneau et que le meilleur est celui de Rousseau, que ses effets ne sont point dangereux pour la peau, que le déchet est de 2 livres pour 1 avec celui de Marseille, que les autres savons de Landerneau diminuaient beaucoup et étaient très corrosifs.

Mével perruquier dit que le meilleur est celui de Rousseau, qu'il n'a aucun inconvénient pour la peau et le linge, qu'il faisait une grande différence du savon de Rousseau d'avec les autres, qu'il aimerait mieux payer le premier 40 sols la livre que celui de Simon 5 sols.

En l'endroit la citoyenne Marie Rohou s'est représentée au Conseil, laquelle a déclaré par l'organe de la citoyenne Calvez que lorsqu'elle fut interrogée elle a été intimidée par l'affluence de monde ; elle avait omis de dire qu'elle avait eu un morceau de savon du citoyen Rousseau qui était très bon ....

Donc à la pluralité des suffrages le savon de Rousseau fut déclaré excellent, valant celui de Marseille et inoffensif pour le linge et la peau ; ajoutons aux qualités du savon de Rousseau la grande qualité du fabricant d'être un bon sans-culotte ! Car, dit le Catéchisme républicain, quelles sont les vertus du sans-culottes ? Toutes les vertus.

Depuis mars 1795, les prêtres insermentés ont été mis en liberté. Pillet, le curé intrus a recouvré son ancienne église de Saint-Julien et les prêtres fidèles en sont réduits à officier dans des maisons particulières. C'est en vain que l'ancien maire, M. Renault, a écrit à la Municipalité pour demander l'église Saint-Thomas en leur faveur. Sa lettre est du 6 juin 1795 ; le lendemain, il a ajouté à cette lettre une pétition portant plus de 1.000 signatures. Le Conseil attend trois semaines avant de prendre en considération cette démarche. C'est le 22 juin que la décision suivante est prise :

3 messidor. Vu la lettre du citoyen Renault en date du 28 prairial, prévenant la municipalité de Landerneau que la plus grande partie des habitants de cette commune, désirant profiter des bienfaits du décret du 11 de ce mois, se proposent de présenter une pétition à l'effet d'obtenir l'église de Saint-Thomas pour l'exercice du culte catholique,

Vu la pétition présentée le 29 du dit prairial.

Le Conseil renvoie le tout au District, renvoi motivé sur ce que le premier jour de l'an II il n'existait en cette commune qu'une seule église pour l'exercice du culte catholique et qu'il en existe encore une maintenant.

Mais une dame, la Veuve Gardéol, obtient quelques jours après la location de la chapelle de N.-D. des Anges au haut de la rue de Daoulas, et c'est là que les prêtres fidèles reprennent l'exercice du vrai culte catholique, celui de Pillet étant schismatique. Hélas ! il n'y pas huit jours que M. Bodénez célèbre dans cette chapelle, que la nouvelle de la descente « des Anglais » à Quiberon arrive au pays et en même temps la ville reçoit un arrêté des Représentants du Peuple, Tropsent, Guesno, Guermeur et Brue daté du 9 de messidor et décrétant des mesures de sûreté générale. Le Conseil décide aussitôt de réquisitionner sur le champ la maison Kervéguen comme maison d'arrestation. Le locataire de cette maison est M. Renault ; il sera invité à donner les clefs. Il y a deux sortes d'individus à arrêter, dit le Cahier :

1°) de vieux jacobins comme Lami, Discours et Guillaume Barbier dit Moustache, car ces hommes ont refusé de porter la cocarde tricolore et Discours a dit à Perrin sur la Place de la Pompe : « Il est temps que tu arrives, Perrin ; les sans-culottes sont opprimés ; nous ferons respecter la sacrée Montagne et nous aurons notre tour » ; 2°) les nommés Bodénez, La Rue et Coll, prêtres insermentés, Carof aussi prêtre insermenté et présumé à Landerneau, puis la veuve Kerlayno, la femme Portzamparc, la veuve Kerret, la veuve Darnault et ses deux filles, la femme Fontaine Hervé, toutes parents d'émigrés. Ces dames ont été mandées à la Municipilaté, où, après leur avoir donné lecture de l'arrêté des Représentants du Peuple et du réquisitoire du District, on leur a ordonné de se rendre à la maison d'arrêt :

« Les citoyens Bodénez et Coll [Note : Guillaume Coll, ancien recteur de Botsorhel] s'étant aussi présentés à la Municipalité qui leur a pareillement fait donner lecture de l'arrêté des Représentants du Peuple sus-daté, ont déclaré se soumettre aux lois de la République et en conséquence s'abstenir de provoquer pour l'exercice de leur culte aucun rassemblement particulier et consentir à l'exercice dans l'église de Saint-Julien, local que la Municipalité désigne pour cet objet, invitant la dite Municipalité à fixer les heures pour l'exercice de chacun des prétendus différents cultes. Le Conseil, d'après ces déclarations et vu la lettre du directoire du District, autorisé à porter des exceptions à l'arrêté des Représentants du Peuple, a suspendu l'arrestation de ces 2 citoyens et arrête qu'il sera écrit au citoyen La Rue pour le prévenir des mesures que la municipalité doit prendre, lui faisant défense d'exercer son culte dans sa demeure ni ailleurs qu'au local désigné à cet effet.

Trois jours plus tard, le Conseil prenait la délibération suivante :

Le Conseil, considérant que la loi du 18 prairial dernier accorde aux communes les édifices dont elles étaient en possession au 1er de l'an 2 (22 septembre 1793) pour la célébration du culte.

Considérant que cette loi porte que dans le cas où il n'y aurait qu'un édifice destiné au culte dans une commune et qu'il serait réclamé par des citoyens de différents cultes ou prétendus tels, la municipalité fixera les heures de la célébration de chaque culte.

Considérant qu'à l'époque du 1er de l'an 2, cette commune n'était en possession que d'un seul édifice destiné au culte et que cet édifice pris depuis pour magasin a été remplacé par l'édifice connu sous le nom d'église de Saint-Julien.

Considérant que cet édifice est actuellement occupé par le citoyen Pillet et par ceux qui suivent son culte et que les citoyens Coll et Bodénez désirent le partager.

Le Conseil arrête, qu'aux termes de la loi, l'édifice connu sous le nom d'église de Saint-Julien servira aux divers cultes de la commune, qu'en conséquence à compter du 17 de ce mois jusqu'au 1er novembre (sic) inclusivement les citoyens Coll et Bodénez et ceux de leur culte jouiront du dit édifice depuis 6 heures jusqu'à 9 heures du matin et de 1 heure à 3 heures de l'après-midi et le citoyen Pillet et ceux de son culte jouiront du même édifice depuis 9 heures jusqu'à midi et de 3 heures à 5 heures l'après-midi ; l'édifice demeurant libre et commun à tous les cultes le reste du jour.

C'est ensuite le défilé d'abord des prêtres fidèles, puis des intrus devant la Municipalité pour signer leur adhésion à cet arrêté. Le pauvre M. de la Rue alité n'a pu venir, il envoie un papier écrit de sa main et ce n'est pas sans émotion que nous avons vu ce papier avec l'écriture tourmentée qui trahit tant de souffrances si noblement acceptées pour la défense de la foi.

Je déclare me soumettre aux Lois de la République française et promets de ne laisser exercer aucune cérémonie religieuse dans le local que j'occupe, acceptant comme mes confrères le local de Saint-Julien. LA RUE, prêtre paralytique, demeurant chez le citoyen Simon négociant, rue du Couër.

Ces actes nous indiquent aussi que M. Bodénez a été recueilli par un M. Dumaine, demeurant rue de Daoulas (n° 28).

Mais Pillet est furieux ; on veut, dit-il, transformer son église en Panthéon, et cette église est sienne car il en est le locataire et il a versé des arrhres pour sa location ; il désire que son temple soit un et indivisible comme la République à laquelle il s'est attelé et il envoie plaintes sur plaintes à la Commune, au District, au Département. On lui répond que la loi ne reconnaît aucun culte et l'on maintient le partage décidé. N'est-ce pas alors lui qui va jusqu'à exciper contre ses anciens confrères du décret du 4 brumaire an IV rappelant que les lois de 1792 et de 1793 contre les prêtres sujets à la déportation n'ont pas été rapportées ? Le Conseil lui répond :

Considérant que les citoyens Coll, Bodénez et La Rue ont satisfait à la loi du 11 vendémiaire dernier en faisant leur déclaration de reconnaître la souveraineté du Peuple français et de se conformer aux lois de la République et qu'ainsi les lois de 92 et de 93 ne semblent pas leur être applicables.

Le Conseil arrête que le Département sera consulté à cet égard et qu'en attendant les dits citoyens Coll, Bodénez et La Rue demeureront provisoirement en arrestation chez eux, en fournissant caution de se présenter à la première réquisition.

Hélas ! Pillet triomphe, car le Département consulté ordonne l'arrestation de M. Coll et de M. Bodénez, par un arrêté du 15 novembre 1795. M. de la Rue est maintenu en arrestation chez lui, à cause de son état de santé, mais MM. Coll et Bodénez sont transportés à Quimper et enfermés au Collège de cette ville. La joie de Pillet est à son comble, comme aussi son audace. Dans le clocher de Saint-Julien ou plutôt dans son clocher, puisqu'il est seul maintenant à officier dans cette église, Pillet a obtenu qu'une cloche de Saint-Thomas fût rétablie, sous le prétexte de servir de timbre à l'horloge qui y est placée. Et voilà que, soulevant le marteau qui sert à frapper les heures, un beau jour Pillet a fait sonner à la volée cette cloche pour annoncer un exercice de son culte. L'agent national aussitôt lui écrit :

CITOYEN, En vous laissant la disposition de la cloche de Saint-Thomas pour servir de timbre à l'horloge de l'église de Saint-Julien, nous étions loin de penser que vous vous en fussiez servi pour contrevenir à la loi du 21 frimaire an Il qui ne laisse qu'une cloche par commune destinée seulement à annoncer les assemblées primaires et celles de la commune. Je suis persuadé qu'il n'entre pas dans votre intention de contrevenir aux lois et votre civisme connu m'assure d'avance que dès l'instant même vous ferez cesser tout son de cloche.

Ce n'est pas seulement des cloches qu'il faut au curé intrus, Pillet veut une messe de minuit pour Noël ; il écrit donc à l'agent municipal.

CITOYEN, Je vous préviens que conformément aux usages du culte dont j'exerce le ministère conjointement avec mes collègues, il doit y avoir le soir dans l'édifice national appelé Saint-Julien une cérémonie religieuse qui commencera à 10 heures et qui se prolongera assez dans la nuit. Comme cet usage a été interrompu depuis 2 ans pour des raisons qui vous sont connues, j'en donne avis à l'administration afin que la police en soit instruite et ne, voit pas avec surprise un rassemblement de citoyens dont elle pût ignorer les motifs. 4 nivôse en IV de la République une et indivisible. Salut et fraternité. PILLET.

L'agent national lui répond :

CITOYEN, Les motifs qui ont déterminé depuis 2 ans la cessation de toute assemblée nocturne existent encore. Prévenu trop tard de votre résolution, je ne puis réaliser les mesures nécessaires pour pouvoir vous y autoriser. Vous connaissez comme moi la quantité de vols et meurtres qui se commettent journellement. Le malveillant ne profiterait-il pas encore de cette occasion ? Chargé par mes concitoyens de veiller à l'ordre et à la tranquillité, je dois me refuser à tout ce qui pourrait les compromettre. Salut et fraternité.

Pillet réplique aussitôt avec aigreur :

Citoyen, je viens de recevoir votre missive, par laquelle vous m'annoncez que vous ne pouvez autoriser une assemblée nocturne. Je ne vous ai demandé aucune autorisation, aucune loi ne m'y oblige. J'ai prévenu l'administration que conformément aux usages de mon culte je devais célébrer un office à 10 heures le soir afin que la police fit son devoir de protéger la liberté de mon culte, comme j'ai droit de l'exiger. Si j'avais annoncé un bal de nuit l'agent ne se serait pas permis de le défendre, il aurait plutôt donné une garde pour la sûreté. Si on peut danser la nuit sans troubler l'ordre, on peut bien chanter sans donner occasion à des vols ou à des désordres ; la diversité d'opinion entre dans votre écrit pour quelque chose. Salut et fraternité. PILLET.

Sur le dos de la lettre on lit ces mots écrits par l'agent municipal : « Pour souvenir, il n'y aura pas de messe de minuit l'an prochain ».

Et toute cette audace de Pillet tomba au début de janvier 1796, quand, dénoncé, il faillit être arrêté pour incivisme. Désormais il jouira moins bruyamment de son église ; d'ailleurs il va être obligé de la céder souvent pour des réunions d'électeurs.

Nous avons, en effet, anticipé un peu sur les événements, car depuis le 20 octobre 1795, la Convention s'est séparée après avoir voté une nouvelle Constitution dite Constitution de l'an III, et nous sommes entrés en une nouvelle phase de la Ière République, celle du Directoire. (L. Saluden).

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