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Landerneau : proclamation du gouvernement révolutionnaire, création d'un comité de surveillance et d'un club des Sans-Culottes.

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P. Leroux délégué à la Convention par la ville de Landerneau ; les résultats de son voyage. Proclamation du gouvernement révolutionnaire. Création d'un comité de surveillance (3 octobre 1793), son épuration par le Représentant du Peuple ; arrestations, création du club des Sans-culottes ; le couvent des Capucins transformé en prison pour les prêtres : les recteurs de Saint-Houardon et de Saint-Thomas y sont enfermés.

La victoire de la Montagne a donné de l'audace aux plus violents de Landerneau, ceux que l'on appelait les Maratistes. Ces derniers se groupent et traitent déjà en ennemis les membres de la Société des Amis de la Liberté. L'un des plus exaltés est le sieur Crespy, l'épicier de la place Saint-Thomas, l'ancien trésorier de la fabrique de cette paroisse. La veille du plébiscite, il est venu à la mairie faire la déclaration de la naissance d'une fille et voici cette déclaration, telle qu'on peut la lire dans les registres de l'état-civil :

Le 27 juillet 1793, l'an 2 de la République, s'est présenté devant-nous Jean-Etienne Crespy marchand épicier demeurant en la ville et paroisse de Landerneau, lequel a déclaré en présence de Pierre-Louis Jacolot, marchand de draps, âgé de 39 ans, et de Charles Gourmelon, praticien, âgé de 36 ans, demeurant en la ville et paroisse, que Marie-Marguerite Clérec son épouse en sa susdite demeure est accouchée hier 26 du présent à 6 heures du soir d'une fille qu'il nous a présentée et à laquelle il a fait donner les prénoms de Marie-Anne-Joseph-Victoire-Constitution républicaine-Egalité, dont nous avons rapporté le présent acte sous notre seing et ceux des parents. JACOLOT, CRESPY, GOURMELON. LE GUEN, officier public.

En fouillant d'autre part les registres du curé constitutionnel Pillet, nous n'avons pas vu que la petite Constitution républicaine Crespy ait reçu le baptême au moins en cette année 1793.

Cependant Pierre Leroux, député pour apporter à la Convention les résultats du plébiscite de Landerneau, était arrivé à Paris. Le 10 août il était dans le cortège des sept mille délégués qui alla prendre sur l'autel de la patrie au Champ de Mars « l'arche sainte » qui contenait la Constitution nouvelle pour la déposer dans la salle de la Convention. Là cette arche allait devenir un tombeau. Accaparés par les Jacobins, grisés de vin, d'honneurs, de discours, ces délégués qui la veille saluaient avec enthousiasme la Constitution nouvelle, demandaient, le 11 août, à la Convention de ne pas se séparer avant la fin de la guerre. La Montagne se hâta de prendre au mot cette nouvelle manifestation de la volonté nationale. On remisa comme une relique la Constitution de 1793 dans un petit monument dessiné par David, placé en lieu bien apparent dans la salle de la Convention.

Le 21 août, la Montagne fit décréter que la France « serait en révolution jusqu'à ce que son indépendance fut reconnue ». Et sept semaines plus tard, le 10 octobre, sur la proposition de Saint-Just, l'Assemblée votait « l'ajournement de la Constitution et le maintien du gouvernement révolutionnaire jusqu'à la paix ». C'était la proclamation officielle du régime de la Terreur.

Le 27 août Leroux était de retour à Landerneau, car il rendait compte ce jour-là de son voyage, au Conseil général de la Commune.

« Citoyens, disait-il, j'étais chargé par la Commune de Landerneau de présenter à la Convention l'acceptation de la Constitution nouvelle, de lui demander en votre nom le rapport du décret d'accusation lancé contre les administrateurs du Finistère, enfin de me réunir aux députés de Léon pour obtenir que la disposition provisoire de ce décret relative à la fixation du Chef-lieu devint définitive...

Je portais à Paris votre voeu presqu'unanime de vous réunir autour de l'arche sacrée qui s'est élevée sous les yeux de la France entière, j'ai vu la fête de la réunion et de la liberté, j'ai été témoin de ces grands évènements et je dois dire qu'ils se sont passés à l'abri de la tranquillité et de la concorde...

L'espoir de profiter de la joie générale pour déterminer l'Assemblée à oublier les torts ou les erreurs de notre administration (départementale) ne m'abandonnait pas encore au dix août... Mais ne nous abusons pas sur le succès de cette mission, elle sera sans doute sans effet...

Pour ce qui est de la question du chef-lieu, j'étais armé de la raison, j'avais du courage et je le porte jusqu'à l'opiniâtreté, lorsque je suis guidé par elle, j'ai dissipé tous les préjugés, j'ai détruit les impostures, j'ai replacé je ne dirai pas dans nos intérêts, mais dans ceux de la Justice tous ceux qu'on avait cherché à en détourner.

Il ne me restait donc plus qu'à obtenir du Comité de division une décision qui nous fut favorable.

J'y parus, j'y plaidai notre cause avec succès...

En dernière analyse, citoyens, voici ce qui résulte, ce que j'ai pu conjecturer. Le département restera provisoirement fixé à Landerneau, jusqu'à l'époque où des lois réglementaires prescriront le mode de réclamation sur la décision de ces questions... D'ailleurs la Convention qui a senti fortement l'influence des Départements tiendra sûrement à la diminuer et peut-être cet objet deviendra-t-il d'une moindre importance...

Je n'ai pas insisté, car la Convention n'eût pas vu d'un bon oeil que le député d'une ville déjà calomniée eut abandonné les grands intérêts de la République pour suivre une affaire qui n'intéresse qu'une partie de son territoire et qu'elle avait déjà provisoirement jugée en sa faveur...

Donnons aux Commissaires de la Convention, à leur arrivée parmi nous, le spectacle d'un peuple fier qui combat pour sa liberté, pour ses lois ; nous demanderons des armes à l'administration, de la vigilance aux autorités, de la patience aux soldats citoyens, de la fermeté aux chefs, du patriotisme à tout le monde et nous aurons rempli, en voyant s'organiser ainsi tous les citoyens de la république, la plus honorable des tâches ».

Pierre Leroux disait vrai, l'administration départementale perdait son ancienne importance pour devenir un simple instrument de la Montagne dans la répression des Girondins. Toute l'autorité va se concentrer entre les mains des Représentants du Peuple que le Comité de Salut public envoie à Brest. « Les ennemis de la République, dit Barère à la Convention le 25 août, ont égaré le peuple du Département du Finistère ; les administrations sont corrompues..., les députés conspirateurs se sont rendus dans ce département, où ils travaillent les esprits... ». Et Bréard et Tréhouart viennent à Brest en qualité de Représentants du Peuple.

Pendant que, instruments de la Justice immanente, ils organisent la chasse aux Girondins qui ont jadis organisé eux-mêmes la chasse aux prêtres, et que, grâce aux efforts des Perrin et des Moyot, membres de la Commission administrative, tous les anciens administrateurs, dont le pauvre Expilly, sont arrêtés, les Représentants vont épurer les administrations communales. Sans doute Landerneau n'a pas officiellement concouru à la levée des troupes fédéralistes, cette ville a même brûlé solennellement la bannière fédérative du Département sur le quai de Léon, le 21 septembre 1793, mais plusieurs des membres de la municipalité ont fait montre de fédéralisme, tel M. Gillart fils qui fut lieutenant de fédérés, tel encore M. Robert, le procureur de la Commune ; ces derniers sont arrêtés. De plus, Landerneau n'a pas de comité de surveillance, malgré la prescription de la loi du 21 mars. Sur la remarque que lui en font les Représentants, la ville fait observer que le comité de salut public formé dans son sein lors des émeutes de Mars et composé de 5 membres joue avec fruit le rôle de ce comité. Vous n'observez pas la loi, répondent les Représentants, vous êtes coupables. La Municipalité décide alors la création d'un Comité de surveillance et fixe au 3 octobre l'élection des membres.

« L'an 1793, deuxième de la République, une et indivisible, lit-on dans un procès-verbal de cette élection, le 3 octobre à 9 heures du matin tous les citoyens de la commune de Landerneau, ayant droit de voter suivant les lois, dûment convoqués s'étant réunis en l'église des ci-devant Capucins de cette ville, le citoyen Cruzel maire a annoncé aux citoyens que l'objet de la Convocation était de former dans la commune, suivant la loi du 21 mars dernier, un comité de surveillance composé de 12 citoyens ; que si les magistrats du peuple n'avaient point plus tôt fait mettre cette loi à exécution, c'est que déjà, dans un moment où toutes les campagnes menaçaient d'une insurrection générale, les autorités constituées de cette ville, réunies dans la Salle de l'Administration du District, avaient cru prudent de former un comité de salut public composé de cinq membres, qui, par leur surveillance active ont su jusqu'à présent déjouer les complots des malveillants et ont dans le temps sauvé la ville de Saint-Pol de sa ruine entière.

Mais de nouvelles lois accordant aux Comités de surveillance, établis dans les communes, d'après la loi du 21 mars, des droits que ne pourrait s'arroger le comité de salut public et voulant d'ailleurs rendre au peuple de Landerneau le droit inaliénable de nommer les citoyens à qui il veut confier directement la surveillance de ses intérêts.

Le conseil de la commune assemblé a arrêté que les citoyens seraient convoqués aujourd'hui à 9 heures pour former le Comité de surveillance, qu'il prévenait d'ailleurs que la population de Landerneau étant d'environ 4.000 âmes, il croyait nécessaire que le nombre des votants fut d'environ 400 suivant les dispositions de l'article 3 du même décret et qu'il ne doutait pas que tous les bons républicains ne se fussent empressés de venir concourir à cette élection.

Les applaudissements de l'assemblée ont prouvé au maire et aux magistrats du Peuple combien elle était satisfaite de l'intérêt qu'ils prenaient à conserver ses droits.

L'assemblée s'est provisoirement formée sous la présidence du citoyen Cosson, doyen d'âge, des citoyens Cadet, Cruzel et Gillart père ayant été reconnus les trois plus anciens d'âge, propres à remplir les fonctions de scrutateurs, le citoyen Adam a accepté provisoirement celle de secrétaire.

Pour l'élection du bureau définitif, le résultat a été 83 voix à Gillart, 77 à Le Bihan, 74 à Cruzel, 55 à Leroux, 46 à Lacaze. Le président a été donc Gillart, secrétaire, Le Bihan et scrutateurs, Cruzel, Leroux et Lacaze.

A 2 heures de relevée, les président, secrétaire et scrutateurs ayant pris place au bureau, le secrétaire a donné lecture de la loi du 21 mars dernier et les citoyens cultivateurs, qui, jaloux de concourir à la formation du Comité de surveillance, s'étaient rendus en foule à l'assemblée, ayant demandé que lecture de la loi fut faite en breton, le citoyen Pillet curé est monté à la tribune et la leur a traduite en langue bretonne.

Un membre ayant demandé que l'appel commençât par les cultivateurs, pour qu'ils aient le temps de retourner chez eux, ce voeu a été adopté à l'unanimité.

Un membre a demandé : peut-on voter pour des fonctionnaires publics ? On a répondu que la loi n'excepte que les eclésiastiques, les ci-devant nobles et les ci-devant seigneurs et leurs agents.

On a ensuite procédé à l'appel des citoyens. Cet appel a continué jusqu'à 8 heures et, une grande partie des citoyens n'ayant pas encore voté, on a remis la séance au lendemain 8 heures du matin.

Le 4 octobre à huit heures du matin l'appel a repris jusqu'à midi. Le soir le travail des scrutateurs a donné le résultat suivant sur 404 votants : Cruzel père, 224 voix ; Leroux, 224 voix ; Lacaze, 196 voix ; Kerros, 167 voix ; Gillart, 163 voix ; Le Bihan, 150 voix ; Kérébel, 148 voix ; Querré, 127 voix ; Taylor, 113 voix ; Le Gall, 109 voix ; La Grange, 95 voix ; Castel, 93 voix. Signé: ADAM, greffier ».

Le 6 octobre, le Conseil municipal assemblé décidait : « Vu le procès-verbal de l'assemblée primaire du 3 de ce mois, le Conseil invite les citoyens nommés par le dit procès-verbal composant le Comité de surveilance orordonné par la loi du 21 murs dernier à s'assembler incessament et à se mettre en fonction ; en conséquence indique pour le lieu de leurs assemblées la maison du citoyen Thomas père qu'il accorde pour la somme de trente livres par mois ».

La Commission administrative en a fini bientôt avec les anciens administrateurs ; elle va maintenant faire appliquer la loi du 17 septembre, dite loi des suspects. Le 7 octobre, elle édicte l'ordre suivant :

« Nous requérons les gendarmes de faire arrêter sur le champ les personnes suivantes et de les conduire en la maison d'arrestation auprès de nous :

Cessou prêtre à Bel-Air.

Tonquédec à la Petite Palue.

La bonne femme Gonidec et la femme de Gonidec.

Durosel de la Petite Palue.

La Keropartz rue Saint-Houardon.

La mère et les filles Penfenteniou rue de la Fontaine blanche.

Darnault mère et la fille à Belery sur le chemin de Brest.

La Kerlayno, la bonne femme Moëlien et la Châteaufur.

La bonne femme Keravézan.

Le Bègue.

La femme de Châteauvieux et la veuve Kérusoret au Cribinic au-dessus de la rue des Boucheries.

Signé : les citoyens administrateurs du Département. DUCOUEDIC, MOYOT, DAVON, LE GRAIN.

Le 9 octobre : ordre de conduire à Carhaix les femmes de brigade en brigade.

Signé : les mêmes ».

La même Commission organise la Société des Sans-culottes, formée de Montagnards éprouvés, et se plaint près des Représentants du peuple de ce que le Comité de surveillance élu à Landerneau compte peu de vrais républicains. Les Représentants aussitôt annulent l'élection faite le 3 octobre et nomment un Comité de surveillance présidé par Leissègues et ayant pour membres Duclos-Duval, Callégan, Gourvêz, Pongérard, Mazé, Davon, etc... Ce Comité dans sa première séance décide la révision de tous les certificats de civisme et fait défense à tout payeur de la République d'acquitter gage ou traitement sans un certificat visé par lui. Dans sa seconde séance, le bureau étant déjà couvert de lettres, dénonçant des citoyens suspectés d'incivisme, comme fédéralistes ou comme parents d'émigrés, le Comité décide, « en raison de ce qu'il est instant de réprimer la fureur des aristocrates », que toutes ces lettres seront portées par Davon aux Représentants du Peuple à Brest et que toutes les personnes dénoncées seront arrêtées. Pendant que les Girondins montent à l'échafaud à Paris, que la reine Marie-Antoinette est immolée, la prison du Pont à Landerneau se remplit de prisonniers de tout âge et de tout sexe, n'ayant qu'un peu de paille pour couchette ; la prison des Ursulines se remplit de même ; cependant tous les jours il y a des départs de prisonniers pour Carhaix. Nous ne pouvons citer tous les noms, citons François Durosel, 80 ans, arrêté parce qu'on a trouvé chez lui 3 Bulletins de la Cour ; Colette Durosel, femme de Tonquédec, âgée de 24 ans, motif : femme d'ex-noble ; Gabrielle Toullec, motif : domestique de l'ex-recteur de Saint-Houardon, La Rue ; Jean-Marie Mascle, 55 ans, motif : défaut de preuve de civisme ; Suzanne-Marie Glay, Vve Jacques Mazurié, âgée de 70 ans, motif : mère d'émigré ; Louis-Joachim Goury, âgé de 71 ans, motif : a été receveur de la contribution patriotique et n'a poursuivi aucun des ex-nobles qui ont émigré sans l'avoir payée ; Anne-Marie Mascle, femme Goury, âgée de 50 ans, motif : n'a de société qu'avec les aristocrates; Louis-Marie Goury fils, âgé de 29 ans, motif : a donné sa démission de notable en 1791 parce qu'il fut nommé commissaire pour la fermeture d'une église où officiait un prêtre réfractaire ; Jeanne-Anne-Yvonne Kervelguen, femme Goury, motif : ex-noble ; Chalut mère et fille, motif : constamment fanatiques et aristocrates ; Jéséquel, tailleur, motif : vulgairement dit commissionnaire des aristocrates, à cause de ses relations avec eux, etc... etc. ; nous avons compté plus d'une centaine d'arrestations.

Des postes de la garde nationale et des dragons volontaires furent placés sur toutes les routes, et, de jour comme de nuit, tout voyageur passant par la ville devait présenter ses papiers et sa personne au Comité qui s'était déclaré en permanence à cet effet. Dès qu'un visage nouveau était signalé en ville, tout de suite il y avait un citoyen zélé ou un membre du Comité qui en faisait un rapport à la première assemblée. Un jour, c'est Roulin qui rentre à la séance tout effaré et il y a de quoi ; passant à dix heures du soir dans une des rues de Landerneau il a rencontré deux hommes arrivant à franc étrier qui lui ont demandé où demeurait la veuve Le Gris-Duval. Aussitôt ordre est donné à cette dame de venir donner des explications au Comité. Son interrogatoire, repris deux fois, établit que c'était son fils qui, malade à Quintin et n'ayant pu trouver de voiture publique, s'était fait conduire en chaise de poste au domicile maternel pour y recevoir les soins dont il avait besoin.

Cependant ce Comité ne plait point aux sans-culottes qui adressent à son sujet plaintes sur plaintes au Représentant Bréard. Le 21 novembre 1793, deux affidés intimes de Bréard, Héraut et Le Clerc, viennent à Landerneau munis de pleins pouvoirs ; après plusieurs séances au club des Sans-culottes, ils prononcent la dissolution du Comité Leissègues et son remplacement par un Comité de douze bons sans-culottes, élus par le club. Le président en est Kérébel, marchand de draps sur le Pont (dans l'ancienne chapellerie Abalain).

Le premier acte du nouveau !Comité, le 14 décembre, est une adresse à la Convention pour la prier de rester à son poste.

« Vertueux Montagnards, dit-il, restez à votre poste ! Le Comité de surveillance Sans-Culotte révolutionnaire de Landerneau vous le répète aussi, restez à votre poste, restez jusqu'à ce que les tyrans coalisés aient abandonné la terre de la liberté et nous demandent en vain la paix ! Nous vous en prions, nous les organes de nos frères qui ont volé en foule à la défense de la patrie, de nos épouses qui viennent offrir à l'envi leur vieux linge et travailler aux vêtements qui doivent couvrir les défenseurs de la liberté ».

Le 17 décembre le Comité écrit aux Représentants du Peuple :

« Notre société sans-culotte compte 118 membres et sera plus nombreuse ; mais pour éviter des gens non connus du noyau, nous les ferons tous monter à la tribune : chacun devra rendre compte de sa vie politique et privée : dites-nous quelles questions poser ; nous désirons n'avoir que des Montagnards attachés à la République comme le lierre à l'arbre. On fait courir le bruit dans le public que notre club est feuillant et si cela est, peut-être ceux qui parlent dans l'ombre auront la hardiesse de parler en public. Nous vous embrassons fraternellement ».

Le 29 décembre, il écrit encore aux mêmes : « Représentants, nous vous invitons au nom du salut public de vous occuper promptement de l'épurement des autorités constituées de ce District, sans quoi il est impossible que le sage gouvernement révolutionnaire aille. Salut et fraternité ».

Une conséquence de la translation de l'administration départementale à Landerneau était encore le transfert en cette ville des prêtres arrêtés pour n'avoir pas prêté serment.

Nous avons parlé du départ au 12 août 1792 des 72 prêtres déportés pour l'Espagne. Le voyage fut pénible et dura 6 jours. « Nous n'eûmes à bord, raconte M. Boissière, d'autre nourriture que du gros pain bis pris à Brest et du biscuit fort vieux ». Cependant, le Département avait fait embarquer à bord du Jean-Jacques un boeuf, 18 moutons et une grande quantité de poulardes. On tua le boeuf, un mouton et 2 poulardes, mais pour la table du capitaine et de son équipage. Le reste fut vendu par Thoumyre ; c'était un beau supplément aux 2.900 francs qui avaient été alloués au capitaine. Et le 18 août nos pauvres exilés, ayant reçu chacun 300 francs en assignats, étaient déposés au port de Bilbao.

Quant aux seize prêtres sexagénaires et infirmes qui avaient été dirigés le 11 août sur Audierne, à bord de l'Alexandrine, ils arrivèrent dans ce port le lendemain. Mais le couvent des Capucins destiné à les recevoir n'était pas prêt ; on les logea chez l'habitant. Ce n'est que le 29 août qu'ils furent enfermés aux Capucins.

Une lettre d'un de ces vieillards, citée par M. Peyron dans ses Documents pour servir.. nous donne quelques détails sur leur vie à Audierne : « J'avais aimé à rire jusqu'au 12 août, je crois que j'ai laissé toute ma gaîté à nos bannis ; j'ai tort, je l'avoue, car la Providence de Dieu sur ses serviteurs est admirable. Si vous connaissiez le recteur jadis de Saint-Houardon (de Landerneau), M. de La Rüe, il ne peut aller qu'à l'appui de son domestique, voilà le dixième mois qu'il est incarcéré ; il va à merveille... Le 29 août nous fûmes casernés aux Capucins. Toutes les réparations n'étaient pas encore faites : la chaux, l'air de la nuit m'ont occasionné une érésipèle au nez et sur toute la face. Je vais mieux... Ne nous voit pas qui veut et on débite que nous serons encore plus resserrés. Nous ne voyons personne, nous n'apprenons rien... nous abandonnons nos 20 sols par jour de la nation pour nous nourrir ; à nous de nous précautionner de vin... ».

Les détenus ont encore, en effet, la faculté de célébrer la messe. La nourriture est meilleure ; la conserve de saumon, servie si régulièrement au Château de Brest, est remplacée par de la morue fraîche. Une souffrance nouvelle vint néanmoins rendre la captivité bien dure. L'hiver de 1792-1793 fut extraordinairement froid. On sait que les vieillards sont sensibles au froid et ils ne pouvaient faire de feu. Le 4 décembre, l'un d'eux adressait une supplique à la municipalité d'Audierne pour lui demander cette permission :

« J'ai l'honneur de vous exposer, de la part des prêtres détenus, que les rigueurs du froid ajoutent beaucoup au poids des années. Plusieurs d'entre eux sont dans l'impossibilité de se réchauffer par l'exercice du corps ; d'ailleurs l'intempérie de l'air ne permet pas toujours de le faire ; deux sont malades et ne peuvent quitter le lit, étant privés de feu. Les sentiments d'humanité que vous nous avez montrés jusqu'à présent, Messieurs, nous font espérer que vous ne nous refuserez pas une ressource que les plus malheureux trouvent » (Documents pour servir...).

Mais le 15 janvier 1793, tous les détenus, dont le nombre s'était accru de 16 à 22, furent transférés à Quimper dans l'ancien couvent de la Retraite (devenu ensuite caserne de gendarmerie).

Dans cette maison de la Retraite, qui servait aussi d'hôpital pour les militaires, les prêtres étaient bien traités. Les soldats en traitement à l'hôpital en devinrent jaloux et portèrent plainte au Département. Ces ennemis du peuple, disaient-ils, ont la plupart une chambre avec un bon lit, pendant que les volontaires nationaux sont entassés dans une salle commune ; les appartements que ces individus occupent sont les plus commodes et les plus salubres. Puis ce fut de leur part des tracasseries telles, que les prêtres eux-mêmes supplièrent le Département de les séparer des militaires : témoin cette lettre de M. Kermarrec, recteur de Saint-Vougay, âgé de 80 ans.

« Chargé, écrit-il, comme le plus ancien de l'arrestation de vous faire parvenir nos supplications et nos plaintes, nous osons pour la seconde fois remettre sous vos yeux le tableau des peines que nous éprouvons dans cette maison... Nous étions persuadés que vous auriez senti l'incomptabilité qui se trouve entre les militaires et nous... Nous vous supplions instamment d'avoir égard à nos cheveux blancs, de jeter un coup d'oeil sur nos infirmités multipliées... Ce faisant, nous prions le Seigneur de récompenser votre charité » (Documents pour servir).

Le 20 février 1793, les prisonniers furent transférés dans la maison de Kerlot. Leur nombre alla encore en s'accroissant : en mai, on y comptait 53 ; en octobre ils étaient 85, logés deux ou trois par cellules au 1er et au 2ème étage. Le règlement devint d'une sévérité extraordinaire ; et le 24 juin 1793, on leur enlevait la dernière et suprême consolation qui leur restait, la faculté de célébrer la messe ; ils ne la recouvreront plus !

Le 19 juillet 1793, la Convention décrétait d'accusation les Administrateurs du Finistère et par suite le chef-lieu du Département était transféré de Quimper à Landerneau. La loi portait que c'était le chef-lieu qui devait servir de lieu de détention pour les prêtres réfractaires.

La translation des prêtres à Landerneau se fit en plusieurs convois, et le Journal de Mademoiselle du Plessis, dont nous avons eu communication et que le Bulletin publie, nous raconte leur arrivée à Landerneau.

« Samedi 2 novembre. — ... La barbarie des tyrans républicains, n'ayant nul frein, devient chaque jour plus affreuse. 28 des pauvres prêtres infirmes, qui, suivant les décrets, s'étaient rendus volontairement en arrestation à Quimper, sont arrivés aujourd'hui en charrette à Landerneau et seront transférés au Château du Taureau. On a donné pour prison, pendant la nuit, à ces respectables ministres et confesseurs du Dieu vivant, l'église de Saint-Julien et un peu de paille pour lit ; leurs conducteurs leur parlaient avec une brutalité pire que païenne... ».

Plus tard, un second convoi arrive, dans lequel sont le recteur de Saint-Houardon et celui de Saint-Thomas :

« Samedi 16 novembre. — Les pauvres prêtres qui sont venus à Landerneau, en charrette, y sont arrivés par un temps affreux... Je les vis, le soir de leur arrivée, c'est-à-dire, le mercredi 6 : ils manquaient absolument de tout, et on n'avait même pas préparé un seul pain pour eux. La plupart n'avait pas le sou, et, dans cet état, ils étaient calmes et même gais. Tous les aristocrates s'empressèrent de leur apporter du pain, de la soupe, et enfin ce que chacun pouvait donner. Jeudi, ils furent encore nourris par les habitants de la ville ; depuis vendredi, le département paie 35 sols par jour pour chacun d'eux à la geôlière (la Vve Colomby) qui les nourrira. On ne leur a point fourni de lits ; ils en ont eus du public...

Jusqu'à présent, les domestiques les voient très librement, mais on a averti les dames de n'y point aller.

Les prêtres qui étaient aux Ursulines (ceux du premier convoi) ont été aussi transférés aux Capucins et, comme ce sont les plus jeunes, on les a logés dans l'église qui est extrêmement froide, les vitraux en étant tous brisés... L'abbé de La Rüe, recteur de Saint-Houardon, paralytique depuis plus de 15 ans, est très bien ; il n'a pas du tout changé. Il a une chambre à feu entre lui, le prieur de Saint-Thomas (M. Bodénez) et le recteur de Saint-Vougay. L'abbé Le Masson (Simon) est seul dans sa cellule... ».

Ce fut, en effet, un véritable assaut de générosité de la part des habitants de Landerneau, quand on leur permit de fournir aux pauvres prêtres les objets indispensables de literie dont ils avaient besoin.

Un « Inventaire fait de tous les meubles et effets qui se trouvaient à la disposition des prêtres réfractaires détenus dans la ci-devant Communauté des Capucins de Landerneau » énumère les noms des personnes qui ont procuré ces meubles ; on y trouve les noms de toutes les principales familles de Landerneau, les Goury, Jacolot, Féburier, Kerros, Darnault, Renault, Lanrinou, Bodros, Le Gris-Duval, Duthoya, Chalupt, Lacaze ; et on y trouve aussi les noms de quantité d'humbles domestiques.

Tous ces prêtres resteront à Landerneau au Couvent des Capucins, sauf les plus jeunes qui seront envoyés à Rochefort, et leur histoire va se mêler à celle de Landerneau pendant toute l'affreuse période de la Terreur. (L. Saluden).

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