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Landerneau sous la Restauration.

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Abdication de Napoléon ; avènement de Louis XVIII, enthousiasme des habitants de Landerneau. La paix religieuse est restaurée par la fermeture du collège de Pillet et le retrait que l'Evêque lui fait du pouvoir de confesser ; la prospérité économique est rétablie par la sage administration du maire M. de Cadeville. Pillet meurt en 1836.

Le génie peut avoir sa folie et devenir le fléau de sa patrie. Le « Corse aux cheveux plats », après avoir relevé les autels, signé les traités glorieux de Lunéville et d'Amiens, qui donnaient à la France une place prépondérante en Europe, eût pu être un sauveur, mais, grisé par l'ambition, il jeta son pays dans des guerres gigantesques. Les nations formèrent bloc contre lui et la cinquième coalition brisa le vol de l'Aigle. Le 30 mars 1814, le maréchal Marmont, enfermé dans Paris, capitulait. Le 2 avril, le Sénat proclamait la déchéance « de l'homme qui avait opprimé la liberté publique et privée, ...versé le sang de la France dans des guerres folles et insensées ». Deux jours plus tard, Napoléon abdiquait et, appelé par le Sénat, impérial et non « embarqué dans les fourgons de l'étranger », Louis XVIII faisait, le 3 mai, son entrée dans Paris et concédait une Charte établissant une monarchie constitutionnelle.

Le 21 avril, le maire de Landerneau, après avoir réuni son Conseil en session extraordinaire, lui disait : « Messieurs, une Constitution nouvelle, en rappelant au trône la postérité de saint Louis, le digne héritier de Henri IV et de ses vertus, va rendre à la France la paix et le bonheur si longtemps exilés de son sein. Vous avez partagé avec nous, avec tous nos concitoyens, la joie qu'a fait naître cet heureux évènement et vous avez hâte d'en consigner les témoignages sur nos registres. C'est l'objet que je me suis proposé en vous invitant à vous réunir ».

Le maire fait ensuite donner lecture des actes du gouvernement provisoire du 31 mars et de la Charte constitutionnelle, et, ajoute le Registre des Délibérations :

Le maire, les adjoints, le Conseil municipal adhèrent à l'unanimité et avec transport à la Charte constitutionnelle qui appelle au trône Louis-Stanislas-Xavier de France et après lui tous les membres de la maison de Bourbon. Ils adhèrent pareillement à tous les actes du Gouvernement provisoire établi par le Sénat. Vive le roi ! vive Louis XVIII !

On décide de laisser ouvert le registre des Délibératiens pour permettre aux principaux habitants de venir apposer leurs signatures au bas du procès-verbal de la réunion. Le 15 Mai, le Maire lisait au Conseil l'adresse suivante qui était adoptée à l'unanimité :

« SIRE, Les habitants de votre ville de Landerneau, qui depuis longtemps ont fait parvenir au Gouvernement provisoire l'expression de leurs sentiments pour Votre Majesté, éprouvent le besoin d'adresser à Votre Majesté elle-même un nouveau témoignage.

Le rétablissement de votre auguste famille sur le trône de saint Louis est pour eux, Sire, ainsi que pour toute la France, le présage d'une longue paix et d'une félicité durable.

Pleins de confiance dans les vertus et dans les lumières de Votre Majesté et surtout dans cet amour bien connu pour son peuple qu'elle a hérité de Louis XII et d'Henri IV, ils attendent, non sans impatience, mais avec une parfaite sécurité, les lois bienfaisantes qu'elle a daigné promettre et que dans sa retraite, au sein même de l'infortune, elle méditait sans cesse pour le bonheur de ses sujets. Ces lois douces et libérales, sagement combinées pour assurer les droits du monarque et ceux du peuple, appropriées tout à la fois à nos moeurs anciennes et à nos mœurs d'aujourd'hui, vont rallier toutes les opinions, tous les voeux et terminer véritablement cette révolution dont la fin nous avait été si souvent et si vainement promise.

Sire, telles sont les espérances que forment, avec tous les Français, vos fidèles Bretons habitants de la ville de Landerneau. il en est de particulières qu'ils oseraient concevoir et manifester encore, s'il leur était permis en ce moment de montrer leurs désirs à cet égard. Ce serait, Sire, de recouvrer les établissements dont ils jouissaient sous les rois vos prédécesseurs et que la nouvelle organisation judiciaire leur a fait perdre. Ce serait du moins d'obtenir, comme en échange, ceux que la position centrale de leur ville semble, ils peuvent le dire, y appeler pour le bien de toutes les contrées environnantes.

Mais, Sire, dans cette grande circonstance, ils ne croient pas devoir mêler ces idées d'intérêt local aux considérations générales qui les occupent et aux nobles sentiments dont leurs coeurs sont remplis. Ils n'ont d'autre vue, d'autre objet aujourd'hui que d'offrir à Votre Majesté l'hommage de leur respectueux dévouement et de leur inviolable fidélité ».

MM. Goury, le Gualès et Poisson, membres du Conseil, s'offrent pour aller, à leurs frais, présenter cette adresse au roi, le Conseil les nomme députés à cet effet.

Mais voici que l'Aigle, retiré à l'île d'Elbe et impatient d'activité, veut reprendre son essor. Le 1er mars 1815, Napoléon débarqua près de Cannes, et l'ancienne armée impériale, mise à la demi-solde, accueillit avec enthousiasme « le petit caporal » ; le drapeau aux trois couleurs vola de clocher en clocher jusqu'aux tours de Notre-Dame. Le 20 mars, Napoléon rentrait à Paris, pendant que Louis XVIII se retirait à Gand. L'aventure dura cent jours. Le 18 juin, l'Aigle était blessé à mort par les Anglais à Waterloo, et, le 9 juillet, Louis XVIII revenait sur le trône. En vain avons-nous consulté les cahiers des Délibérations du Conseil, il semble que rien ne se soit passé d'anormal ; il n'y a aucune allusion au changement de gouvernement, la Restauration se poursuit.

Restauration d'abord au point de vue religieux. Pillet était jusqu'ici, à Landerneau, l'obstacle à la pacification religieuse. Quoique fonctionnaire, il n'a pas signé au registre des Délibérations lors du retour du roi ; lui coûterait-il tellement d'adhérer à un nouveau régime, lui qui a juré fidélité si facilement à tant de gouvernements successifs et divers ? S'il n'y avait eu que la question politique, Pillet, pensons-nous, eut accepté celui-ci même avec serment, mais il y avait la question religieuse. L'Empire a toléré, pour ne pas dire favorisé, les intrus qui ont adhéré au Concordat sans rétractation ; le gouvernement d'un frère de Louis XVI ne peut accepter cette religion constitutionnelle qui seule a causé sa mort ; et Pillet, obstiné, s'accroche à cette religion constitutionnelle que depuis 24 ans il défend avec une bonne foi déconcertante.

Le 11 octobre 1815, le maire, M. Le Bourg, écrivait à Pillet :

MONSIEUR, Je remplis un devoir bien désagréable et bien pénible en vous transmettant l'arrêté de M. le Préfet du Finistère du 5 de ce mois que vous trouverez ci-joint mais en vous invitant à vous y conformer. Je vous prie de remarquer que cet arrêté ne contient que des dispositions provisoires et que vous pouvez conséquemment éclairer la religion du magistrat dont il émane et solliciter de la justice votre réintégration dans vos fonctions.

Le préfet ordonnait la fermeture du collège de Pillet. Celui-ci reçut l'arrêté, le publia dans les classes et, sans ajouter aucun commentaire, priait les élèves de se considérer comme libres et de rentrer chez leurs parents. Malgré les sollicitations du maire, il refusa d'écrire au préfet et d'en appeler à la justice. Il y eut « du bruit à Landerneau », les parents vinrent protester près de M. Le Bourg, et celui-ci écrivit alors au sous-préfet de Brest la lettre suivante :

Landerneau, le 18 octobre 1815. MONSIEUR LE SOUS-PRÉFET, Aussitôt la réception de l'arrêté de M. le Préfet relatif à la fermeture de l'école du sieur Pillet, je l'ai fait notifier à cet instituteur et sur le champ il a renvoyé ses élèves.

Le sieur Pillet a eu des torts, il s'est montré partisan d'une Révolution qui a causé nos malheurs ; mais il faut lui rendre cette justice, il a su se défendre de cette exaltation que l'on peut reprocher à beaucoup d'autres. Il a des moeurs pures et tous ceux, en grand nombre, dont il n'a cessé de diriger la conscience depuis 25 à 30 ans, attestent qu'il leur a constamment prêché la soumission, le bon ordre et la paix. Ajoutez à cela qu'il faisait beaucoup de bien aux pauvres et qu'un tiers de ses élèves, pris dans cette classe, ne lui payait aucune rétribution. On regrette donc assez généralement son école, on la regrette d'autant plus que, d'ici longtemps, elle ne sera pas remplacée ; il ne faut pas compter du moins qu'aucun des maîtres actuels puisse y suppléer sous aucun rapport.

Voilà, Monsieur le Sous-Préfet, les considérations qu'en vous rendant compte de l'exécution de l'arrêté de M. le Préfet, j'ai cru devoir vous présenter et je désirerais bien que vous les jugiez propres à être transmises à ce magistrat. Le sieur Pillet eût prêté serment de fidélité à Louis XVIII si ce serment lui eût été demandé, il le ferait encore aujourd'hui et je suis persuadé que ce serait une garantie sur la quelle on pourrait compter.

Je crois, Monsieur le Sous-Préfet, que, j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, le serment demandé à tout fonctionnaire aurait dû, ce me semble, s'étendre à tous les instituteurs. C'eût été un engagement qui les aurait contenus ; en tout cas, si quelqu'un avait osé l'enfreindre, il n'aurait pu s'en prendre qu'a lui des mesures sévères qu'on aurait prises à son égard.

Si cette condition, Monsieur le Sous-Préfet, rendait son école à M. Pillet, cet exemple de sévérité et d'indulgence ferait un excellent effet ; le voeu de tous les gens raisonnables serait rempli et rien ne serait plus propre à ramener tous les esprits qui se calment tous les jours et pour la réunion desquels nous faisons tant de voeux...

Pillet a donc fermé son école, et, malgré les raisons formulées par le maire, elle restera fermée. Certes ce fut un coup rude pour lui, mais ce coup ne l'atteignait guère dans sa fortune. Avec une pension, il lui restait la vaste propriété des Capucins, dont il était le propriétaire plus légal que légitime ; certes, à cause du Concordat, on ne pouvait l'inquiéter à ce sujet, mais « res clamat domino », la chose ne crie-t-elle pas après son maître ? Ce cri ne semblait guère gêner la conscience de Pillet, et celui-ci consacra ses grands loisirs au ministère de la confession. Le confessionnal devint la chaire où il pouvait encore défendre sa chère religion constitutionnelle. La police s'en émut au point de vue de la pacification religieuse, car l'auréole de victime donnait désormais un singulier appoint à l'influence de ce prêtre. Le 4 décembre, le Commissaire. spécial de police à la Préfecture du Finistère écrivait à l'évêque :

MONSEIGNEUR, Monsieur le Préfet a fait fermer, il y a quelque temps le pensionnat d'un sieur Pillet, prêtre de Landerneau, qui lui était justement suspect pour l'éducation contraire au gouvernement du Roi qu'il donnait à ses élèves.

Sa charité était d'autant plus habilement déguisée que son école était nombreuse et gratuite. En conséquence de tout cela, son influence était grande.

Le sieur Pillet a cherché à se rattraper d'un autre côté ; il veut avoir de l'influence à tout prix ; il s'est jeté dans le ministère quoiqu'il n'en soit pas digne. La confession prend aujourd'hui une partie de son temps. Il y a un si mauvais esprit à Landerneau que l'abbé Pillet peut continuer à l'entretenir. Ne pourriez-vous pas, Monseigneur, faire obstacle à ce zèle qui pourrait entretenir le trouble ?...

Mgr Dombideau, qui avait déjà jugé Pillet digne de censure, eut égard au coup terrible qui venait de l'atteindre, car il se contenta de lui enlever les pouvoirs de confesser. Le 5 décembre, il écrivait, en effet, à Pillet, la lettre suivante :

MONSIEUR, L'éclat avec lequel votre école a été fermée et les motifs graves qui ont provoqué cette mesure ne nous permettent pas de vous continuer les pouvoirs qui vous avaient été donnés pour les confessions. En conséquence, nous ne pouvons nous dispenser de vous annoncer que vos pouvoirs sont révoqués et cessent dès que la présente vous sera parvenue...

C'était, on l'avouera, après les plaintes que l'évêque avait formulées lui-même contre les agissements de Pillet, une pénalité bien douce, si pénalité il y a ; en effet, cette absence de pouvoirs n'entache nullement l'honorabilité du prêtre ; et encore aujourd'hui, le prêtre qui est sans poste officiel n'a pas ordinairement les pouvoirs de confesser. Pillet avait mérité la suspense et il était simplement mis à son rang ; il pouvait dire la messe même en public, il n'était entaché d'aucune censure. Va-t-il se faire oublier maintenant ?

On sait que, dès le début de la Restauration, l'opposition libérale se jeta dans les sociétés secrètes. La Franc-Maçonnerie qui avait joué dans la Révolution un rôle récemment éclairci par les travaux d'Augustin Cochin, se trouva dépassée par le Carbonarisme plus actif et surtout plus radical ; cette société secrète se recrutait parmi les jeunes gens. Quand la liberté de la presse fut accordée, le 5 mai 1819, ce fut sur toute la France un déluge de publications antimonarchistes et surtout antireligieuses, On connaît les pamphlets de Paul-Louis Courier et surtout ces chansons où Béranger a flétri religion, famille et autorités dans un rire bachique perpétuel. Qu'on ajoute à cela l'influence des journaux comme le Constitutionnel, l'arrivée à l'âge mûr d'hommes élevés pendant la Révolution, et on comprendra la vague d'irréligion qui s'abattit sur la France et qui balaiera Charles X lorsque ce dernier voudra restreindre la liberté de la presse. Sur tout le territoire ce n'est alors que troubles et tumultes à propos de processions et à propos de Missions surtout. Les carbonaristes à Brest réussirent à empêcher la Mission de 1819 ; si celle de 1826 réussit, ce fut grâce à l'extraordinaire fermeté de Mgr de Poulpiquet « l'évêque que tous les canons de la Bastille braqués sur lui n'auraient pas réussi à faire trembler » ; mais cette audace épiscopale mit en effervescence toute la ville pendant six mois au moins. Naturellement tout cela avait son contrecoup à Landerneau, où il y avait aussi des carbonaristes. C'est ainsi, qu'en 1826, à la procession de la Fête-Dieu, les musiciens se mirent à jouer des airs mondains, voire même des airs de valse. A l'église, le curé, M. Le Fur, dut les inviter à se taire. Nos musiciens quittèrent aussitôt l'église avec fracas et se plaignirent vivement d'en avoir été chassés. « Non, écrit le curé, je ne les ai pas chassés, je leur ai simplement dit que je ne voulais pas de musique ». Un seul prêtre à Landerneau était réspecté des carbonaristes, et même acclamé par eux : c'était naturellement Pillet, « la noble et sainte victime des tyrans, de la Congrégation et des Jésuites », comme ils disaient. Dès 1819, la secte louait à Bouroullec l'ancienne église Saint-Julien et y tenait ses assises. Chaque fois Pillet y était acclamé, puis on allait manifester devant les Capucins ; et le bonhomme, loin de se défendre de l'approbation de ces impies, cédait à son amour de la popularité et s'abaissait à les remercier. Il n'y avait qu'un moyen de calmer cette tempête, c'était de démolir l'église. La loi accordant à la Fabrique les biens des églises supprimées, celle-ci mettait en vente l'ancienne église, en 1825. M. Goury s'en rendait acquéreur et trois mois plus tard l'église était démolie.

L'effet de cette vague antireligieuse ne se fera sentir que plus tard. En attendant, pendant que la Restauration accomplit dans le pays l'oeuvre qui lui a fait donner son beau nom, le même bienfait s'accomplit à Landerneau, d'abord sous la mairie de M. Le Bourg, puis surtout sous celle de M. Améline de Cadeville. L'hospice ne pouvait recevoir qu'un nombre assez restreint de malades ; « touché, dit M. de Cadeville, de voir tant d'indigents privés de secours dans leurs maladies, je voudrais leur procurer des religieuses qui, aux frais des plus riches, s'occuperaient des plus pauvres ». M. de Cadeville fit venir, en décembre 1826, trois religieuses du Saint-Esprit, trois « soeurs blanches » ; il les installa, rue de Plougastel, dans une maison occupée par un boucher nommé Kergoat ; l'immeuble, possédé par Madame Damar-Durumain, prieure des Bénédictines du Calvaire, fut cédé à la ville moyennant une rente perpétuelle de 300 francs payable à chaque Saint-Michel. La ville inscrivit à son budget la somme de 1.200 francs pour le traitement de ces 3 religieuses.

Le 3 novembre 1827, M. de Cadeville ouvrit le cimetière Saint-Jean (cimetière actuel), dont le terrain fut acquis en partie de M. Le Bourg (69 ares), moyennant une rente de 100 francs, en partie de M. le Tronc (1 hectare), moyennant 1.500 francs de capital. Cette même année, il faisait obtenir l'autorisation légale pour les Bénédictines du Calvaire, « dames se vouant à l'éducation des jeunes filles et donnant pension aux dames âgées » ; cette autorisation fut donnée par ordonnance de Charles X du 13 juin 1827.

En 1826, la ville acheta à M. Le Bourg, fils de l'ancien maire, l'immeuble qui sert de presbytère en 1929. En 1828, M. de Cadeville s'occupa de restaurer l'oeuvre de l'instruction publique. Il entra en relations avec M. Lacombe, directeur d'école secondaire à Brest, et obtint de lui un sieur Sourimant, bachelier ès-lettres, qui tenta la résurrection du collège. Un local fut loué dans la rue Fontaine-Blanche et une école payante fut ouverte. Pour les indigents, on ouvrit une école d'enseignement mutuel.

M. de Cadeville fut nommé chevalier de la Légion d'honneur ; nulle distinction ne fut plus méritée, car il restaura tout à Landerneau : finances, voirie, instruction publique et assistance.

Son successeur fut M. Duval, en 1830. Cette année-là même, une insurrection éclata à Paris, ce furent les fameuses « journées de juillet », dont le résultat fut la « monarchie de Juillet » et l'avènement de Louis-Philippe, roi en vertu de l'émeute. Hélas ! c'est en vain que la monarchie de 1830 essaiera de réagir contre les idées révolutionnaires qui l'ont favorisée, elle devra les abriter sous son drapeau tricolore. Dans presque toutes les grandes villes, toute procession fut interdite, mais à Landerneau on n'interdit que la procession du 15 août. En tout cas, de toutes ces révolutions on ne trouve aucun écho dans le cahier des Délibérations du Conseil municipal.

En 1833, meurt M. Le Fur, curé de Landerneau. L'Evêque, d'accord avec le gouvernement, nomme pour le remplacer M. Perrin. Celui-ci meurt subitement le jour même où il reçoit avis de cette nomination. Il est remplacé par M. Yves-Marie Puluhen. En 1834, le directeur de l'école secondaire, M. Sourimant, est remplacé par M. Giquel. M. Duval, maire, voudrait obtenir le titre de collège pour cette école. Mais le recteur d'Académie s'y oppose sous le prétexte que dans cette école il n'y a pas assez de latinistes. « S'il n'y a pas assez de latinistes, répond le maire, c'est que les habitants d'une ville commerçante et manufacturière et d'un port de mer, sans méconnaître la beauté et l'utilité même (quoique secondaire) de la langue de Virgile et d'Horace, ont pensé qu'il pourrait y avoir pour leurs enfants des études d'une utilité plus urgente et plus appropriées en un mot aux professions qu'ils sont appelés à exercer un jour... ».

Néanmoins, le 11 octobre 1836, paraît une ordonnance royale reconnaissant comme collège l'école de M. Giquel qui est nommé principal. M. de Roujoux était alors maire de Landerneau.

Que devenait Pillet ? Cette même année 1836, il mourait, le 19 janvier, à quatre heures du matin, dans sa propriété de la rue de la Fontaine Blanche, n° 53 ; il était âgé de 77 ans. Nous ne connaissons rien sur ses derniers moments. Néanmoins, il dut rétracter son erreur, car dans le registre des enterrements de la paroisse Saint-Houardon, on lit qu'il fut enterré religieusement et que le curé, M. Puluhen, chanta même la messe d'enterrement. Il fut inhumé au cimetière Saint-Jean, près de la croix et près du tombeau de M. Le Fur ; c'est là qu'il repose encore aujourd'hui. Sa tombe est surmontée d'une simple dalle d'ardoise sur laquelle on a écrit : « Ci-gît Emmanuel-Claude Pillet, ancien curé, — mort à 77 ans le 19 janvier 1836. — Requiescat in pace »

Sa mort le fit revivre un peu dans la mémoire des habitants. On se le montrait toujours comme le témoin des temps révolutionnaires ; ses charités firent oublier le triste rôle qu'il y avait joué ; la disgrâce que lui avait infligée la Restauration le transformait en victime et attirait la sympathie ; les républicains le saluaient comme un héros antique. Finalement, la légende l'embellit à un tel point qu'il passa pour un saint prêtre ; les mères de famille se mirent à essayer sur sa tombe les premiers pas de leurs petits enfants ; c'est en vain que les curés tonnèrent et fulminèrent contre cette pratique populaire. L'un d'eux M. Barbier imagina heureusement de disposer à cet effet un terrain autour d'une croix située sur la route de la Roche « la Croix de la Vierge » on mit au bas de la Croix une Pieta, sous laquelle fut gravé le naïf distique suivant :

« Si l'amour de Marie est dans ton coeur gravé,

Passant, ne passe pas sans lui dire un Ave ».

Et ainsi les générations actuelles n'essaient plus leurs premiers pas sur la tombe de Pillet, mais, comme il le convient, près de l'image de leur mère du ciel ! Et depuis, comme la paix est venue, les peuples heureux n'ayant pas d'histoire, ici s'arrête l'histoire de Landerneau avec celle du singulier Pillet. (L. Saluden).

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