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Landerneau sous la 1ère République.

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La nouvelle de la suspension du roi arrive à Landerneau ; le 16 août 1792 ; arrestation des suspects, leur incarcération aux Ursulines : difficultés que soulève leur garde. Proclamation de la suppression de « la roialité ». Six semaines d'élections.

Le trône renversé, il ne reste debout que la Législative. Celle-ci décrète aussitôt la convocation d'une nouvelle Assemblée, dite Convention nationale, dont les membres, élus au suffrage universel, se réuniront à la fin de septembre pour instituer un régime nouveau. En attendant, afin d'exercer le pouvoir exécutif, l'Assemblée élit un conseil composé de six membres. Menacés dans leur vie après le 10 août, les députés de la droite, les Feuillants, ont fui l'Assemblée ; la Gironde y est donc plus puissante que jamais, et cependant, sur 284 votants, 222 voix élisent Danton, qui n'était pas Girondin, comme ministre de la Justice. La Gironde veut ainsi payer les émeutiers du 10 août ; elle vient de se blesser à mort.

Maintenant que les Girondins n'ont plus pour adversaires la Cour et les Feuillants et qu'ils n'ont plus à détruire mais à conserver, ils vont sans doute faire prévaloir les idées d'humanité, de justice et de liberté que tant d'historiens leur prêtent ? Qu'on en juge : du 10 août au 21 septembre, la Législative met en vigueur les lois de proscription votées en mai contre les prêtres [Note : Le veto du Roi empêchait leur exécution], elle supprime toutes les congrégations, confisque au profit de l'Etat les biens des émigrés, vote quatre lois de mort, entre autres une loi qui punit de la peine suprême le port de cocardes autres que la cocarde tricolore (la mort pour des rubans !). Le 28 août, le futur Montagnard Danton demande l'arrestation des suspects de la Capitale ; les Girondins, pour lutter de vitesse avec la démagogie qu'ils ont déchaînée, non seulement acceptent sans protestation l'horrible proposition, mais décident que la mesure s'étendra à toutes les communes de France. A son dernier jour enfin, le 21 septembre, la Législative vote la remise de l'état-civil aux communes et la loi du divorce. Et cette dernière loi, Pillet devra la proclamer comme toutes les autres face à l'image de celui qui a dit : « Quod Deus conjunxit homo non separet. Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni ».

C'est le 16 août que la nouvelle de la suspension du roi arrive à Landerneau. Le Conseil municipal, aussitôt réuni, arrête que dès le lendemain cette nouvelle sera publiée avec solennité. Le 17 août, M. Crespy, officier municipal, et M. Léyer, notable, escortés par les archers de police, parcourent les rues de la ville ; s'arrêtant à chaque carrefour, ils annoncent qu'il n'y a plus de roi, que le peuple va être appelé à exercer la souveraineté par le suffrage universel ; c'est l'avènement du régime démocratique. Mais, comme dit Taine, la démocratie apporte au peuple deux cadeaux qui ne vont pas l'un sans l'autre, à savoir le bulletin de vote et le sac au dos. Et si la conscription obligatoire n'est pas encore une loi, MM. Crespy et Léyer préviennent ce jour-là même la population que tous les citoyens en état de porter les armes, même ceux qui ont été désarmés, devront, le dimanche suivant, se réunir sur le quai de Léon, à l'endroit dit Place d'Armes, pour se faire inscrire ; il faut 26 hommes pour les batteries du goulet de Brest ; ceux qui ne se présenteront pas seront proclamés soldats de droit. Le 26 août, le suffrage universel joue la première fois pour les élections des assemblées primaires ; l'élection a lieu à la chapelle des « ci-devant Capucins » à Landerneau.. Le nombre des électeurs ne semble pas augmenté par rapport aux élections précédentes ; le canton de Landerneau élit 6 représentants : MM. Dubois, juge, Le Bihan, Roher, négociant, Robert, médecin, Quéré, fabricant, Le Bris. Ces représentants, réunis à Brest le 2 septembre avec ceux des autres cantons, choisissent comme députés à la Convention MM. Marec, Guezno, Guermeur, Kervéléguan, Quéinnec, Bohan, Blad et un des vicaires épiscopaux d'Expilly, Gomaire, l'ancien prédicateur de Saint-Houardon.

Ce jour-là précisément, il y avait du bruit dans Landerneau. En effet :

« Le 2 septembre dès 6 heures du matin, dit le cahier des délibérations, le Conseil s'est réuni en séance extraordinaire et secrète sous la présidence de M. Jacolot. Après lecture des lettres du sieur Roujoux, député, en date du 28 et du 29 août, portant instructions, avis et décrets relatifs au désarmement et à l'arrestation des citoyens suspects, le Conseil délibérant arrête, pour la plus prompte exécution de la loi, de mettre en arrestation en la maison ci-devant conventuelle des Ursulines, les ci-après dénommés, savoir: Mme et Mlle Gonidec et son domestique ; Mme Vve Kerlayno et sa soi-disante fille de chambre ; Mme Lavaur ; Mlle du Drennec ; Armand, tailleur ; Cadet, père et fils ; la femelle de François Bodénez, cabaretier ; Barbier ; Moucheron (Châteauvieux) ; Fillles soi-disant de la Sagesse ; Riouallon ; Renault, avoué ; Guy Drésen ; Chalupt Vve et sa fille ; Vve Le Gris et sa fille ; Mme Le Gris, rue Saint-Houardon ; Michel Castel ; du Rosel et Mme Tonquédec, sa fille ; Mme Portzamparc ; la famille Doixant ; la demoiselle Châteaufur ; la demoiselle Leinard et finalement toutes autres personnes qui pourraient être suspectes. Le Conseil arrête au surplus que les armes de toutes les personnes suspectes seront saisies et déposées en la maison commune, et qu'il sera tenu note, et remet la continuation de la séance à 2 heures du soir ».

Le soir, le Conseil, s'étant réuni sous la présidence de M. Cruzel, arrête :

« 1 ° M. Gillart père sera saisi et conduit aux Ursulines et M. Dumaige est nommé commissaire à l'effet d'apposer les scellés sur sa correspondance; 2°) il sera écrit à un fondeur pour lui demander 2 pièces de canon, du calibre 4, payables en matière de cloche ; 3°) il y aura un corps de garde de 25 fusils en état pour le service de la garde ; 4°) il sera tenu un registre pour l'inscription de 15 citoyens de bonne volonté qui voudront faire le service de la gendarmerie nationale lorsqu'elle partira pour se rendre sur tes frontières ; le Conseil nomme pour commissaires MM. Bazin aimé et Nicolas Leissègues, à l'effet d'obtenir de Brest les équipements nécessaires à la formation de 2 compagnies de cavaliers que la Loi l'autorise à former ; 5°) il sera nommé des commissaires pour recevoir les offrandes en faveur des femmes et des enfants des citoyens qui se sont dévoués pour la défense de la Patrie et qui sont sur les côtes, sur les frontières ou dans les camps ; 6°) tous les citoyens depuis l'âge de 18 ans seront tenus de faire personnellement le service de la garde ; 7°) la garde placée aux ci-devant Ursulines sera soldée par les personnes détenues et les citoyens les moins aisés seront mis dans ce poste ».

Le lendemain, le cahier des délibérations porte pour la première fois : « Ce jour 3 septembre de l'an IV de la Liberté et Ier de l'Egalité, le Conseil s'est réuni sous la présidence de M. Jacolot maire ». Sur le bureau il y a quantité de lettres réclamant la libération des détenus. Le Conseil rejette toutes ces demandes et arrête : « Qu'aucun des détenus n'aura de communication avec les personnes du dehors ; seules entreront aux Ursulines les personnes qui apportent du linge et des vivres ; le chef de poste inspectera tout ce qui sera introduit ; rien ne sera délivré aux détenus qu'en présence d'un factionnaire et nul ne pourra entrer que de 11 heures du matin jusqu'à 1 heure de l'après-midi, et de 6 heures à 8 heures du soir. Puis le Conseil, faisant sortir le public, se forme en comité secret et décide l'arrestation de Mme Kerret, de Mme Goury mère et du ,sieur Le Bègue demeurant au Kergoat ».

Le 4 septembre, le Conseil arrête qu'il sera permis aux détenus d'avoir près d'eux un domestique, mais ce domestique devra rester lui-même aux Ursulines. Une seule presonne du dehors pourra communiquer avec les détenue et encore en présence du chef de poste ; cette personne aura une carte dont l'usage est personnel et elle ne pourra rester plus d'un quart d'heure. Madame Veuve Le Gris [Note : C'est la mère de l'abbé Le Gris-Duval], détenue aux Ursulines, ayant écrit une lettre déclarée malhonnête à M. le Maire, le Conseil arrête qu'elle sera enfermée toute la journée dans un parloir de la cour, sans communication si ce n'est avec le domestique qui lui apportera à diner ; une sentinelle sera mise à la porte de cette dame.

Un autre détenu, M. du Rosel, a eu également une parole un peu vive ; il est déféré à la barre du Conseil. Celui-ci décide qu'il sera transféré des Ursulines à la prison du Pont, située au-dessus du moulin. Elle était à ce moment remplie de malandrins, prisonniers peu commodes qui par les fenêtres communiquaient avec les gens passant sur le pont et qui parfois, descellant les pierres de leurs cachots, se jetaient à la rivière et s'évadaient à la nage. Aussi venait-on de décider que tous les prisonniers seraient mis aux fers. Aller à cette prison du Pont, signifiait donc être condamné au « carcere durissimo ».

Mais les personnes arrêtées et leurs familles, après avoir protesté inutilement près du Conseil, en appellent à l'Administration départementale. M. Le Gris, trésorier du District, surtout réclame vivement près du Département contre l'arrestation de sa femme et se plaint du traitement qui lui est infligé : « Ma femme, écrivit-il manque du nécessaire ». Le Département communique toutes ces lettres au Conseil municipal de Landerneau et peut-être demande-t-il plus de discrétion dans l'application de la mesure votée le 28 août. Le Conseil en tout cas se fâche, comme toutes les fois que le Département a voulu intervenir. Le 8 septembre, il prend une délibération dont une copie sera expédiée au Département.

« Considérant que les ennemis sont entrés sur le territoire de la Liberté et que la Patrie est dans le péril le plus imminent, considérant qu'au moment où les Français rebelles et lâches portent le fer et le feu dans le sien de leur patrie, il est urgent d'intercepter, même de détruire toutes les intelligences que ces traîtres se sont ménagées dans l'intérieur. Considérant qu'au moment où la Patrie est en danger, les citoyens seuls qui par leurs principes, leurs biens et leurs armes sont prêts à combattre pour sa défense et pour le maintien de l'égalité, doivent être libres, que les autorités constituées doivent employer tous les moyens que les circonstances impérieuses, le salut du peuple, commandent pour opposer que les Personnes mal intentionnées ne nuisent à la chose publique, que le moyen le plus sûr est de les séparer de la société, le Conseil, le 2 septembre a arrêté que les personnes suspectes, les personnes entachées d'aristocratie seraient désarmées, mises en état d'arrestation dans la maison des ci-devant Ursulines et que leurs correspondances et leurs papiers seraient vérifiés. La dame Le Gris-Duval, prévenue d'avoir manifesté et de manifester chaque jour des opinions absolument contraires à la Révolution heureuse qui régénère la France, a été portée sur le tableau des personnes suspectes. La considération que son mari est fonctionnaire public, qu'il est trésorier du District n'a pas semblé devoir établir un titre d'exception en faveur de son épouse. La dame Le Gris-Duval est commodément logée, elle ne manque pas du nécessaire ; c'est à tort que le sieur Le Gris voudrait l'insinuer.

Considérant tout cela, le Conseil rejette la pétition du sieur Le Gris et arrête que les titres de noblesse seront saisis et les scellés apposés sur les appartements de ceux qui sont supposés en avoir, tels que MM. du Rosel, de Tonquédec, de Portzamparc, d'Arnault, d'Oixant, de Keroparz, Conen, Vve de Kerautret, du Refuge, de Coatlus, Vve de St-Pierre, Gourio, de Tronjoly, Vve Le Gentil de Quélern, du Drennec, de Kérobezen, Vve Le Gonidec, de Latour, du Gleuziou, de Moëllien, de Kerlayno et autres ; presse les commissaires désignés à faire saisir registres, lettres, à faire mettre en fourrière les chevaux de luxe ou non utiles soit au labourage, soit au commun des professions des citoyens ».

Cette adresse au Département est l'oeuvre du procureur de la Commune, M. Nicolas Leissègues. C'est le frère de l'abbé, mais depuis le début de la Révolution, il a embrassé avec ardeur toutes les idées nouvelles. Par zèle ou pour faire oublier son titre de « roturier vivant noblement », c'est lui surtout qui a dressé la liste des suspects et réclamé leur arrestation. Ses collègues du Conseil n'ont pas son ardeur, et depuis que les séances sont employées à proscrire, la plupart, entre autres Pillet, se font excuser de ne pouvoir prendre part aux délibérations. Le 9 septembre même, le Conseil, n'étant pas en nombre, n'a pu délibérer. Sur la réquisition du procureur, le maire convoque les conseillers en réunion plénière. Au début de cette séance, le 10 septembre, c'est M. Leissègues qui prend la parole :

« Messieurs, dit-il, la nouvelle de la prise de Verdun n'est malheureusement que trop vraie, les dangers de la Patrie accroissent chaque jour. Nous devons redoubler de zèle, d'activité, de discrétion et de surveillance. Tous les Français doivent être sous les armes.

Nous nous formons en comité secret pour assurer l'exécution à nos arrêtés, pour que nous ne délibérions pas en vain ; mais à peine l'assemblée s'est-elle séparée que toute la ville est instruite de nos délibérations secrètes. Je requiers que les membres du Conseil prévenus d'indiscrétion soient suspendus de leurs fonctions et considérés comme citoyens dangereux et nuisibles à la chose publique.

De plus, le Conseil est à peine en nombre suffisant depuis quelques jours ; il nous faut la moitié plus un des membres pour délibérer. Si nous ne pouvons donner tout notre temps à la chose commune, comme la Loi le prescrit, donnons-lui au moins quatre heures par jour. Je requiers qu'à 4 h. 1/2 tous les soirs tous les conseillers soient à la maison commune et qu'entre les séances un municipal soit toujours ici avec les pleins pouvoirs du Conseil municipal. De plus, les hommes de la garde nationale ne sont pas assidus aux exercices et tous n'ont pas prêté le serment. Je requiers que vous délibériez à ce sujet ».

On a établi aux Ursulines une garde de 25 hommes, sans compter les chefs de poste. Ce sont les moins fortunés qui ont été désignés à cet effet ; mais voilà plus de dix jours qu'ils font ce service, ils réclament une solde. Le 13 septembre, le Conseil :

« Arrête que la garde placée aux Ursulines sera soldée par les détenus. Ces derniers sont tous solidairement tenus de fournir la solde de la garde ; une personne désignée paiera pour toutes les autres, sauf reprise vis-à-vis de ses co-détenus ; cette solde sera payée tous les jours ; de plus, de huitaine en huitaine, on leur présentera la note du chauffage de la garde. Il est juste que les citoyens qui se détournent de leurs travaux dans la saison la plus précieuse pour monter une garde particulière soient salariés. Si les détenus faisaient difficulté d'obéir aux arrêtés, le Conseil sera forcé de recourir aux voies de rigueur et d'ordonner pour le soulagement et la tranquillité des citoyens que les détenus soient transférés au château du Taureau ou au château de Brest ».

On a taxé à 30 sous les ouvriers qui montent la garde aux Ursulines. Ils ne sont pas contents et demandent une augmentation.

« Ce service, écrivent-ils au Conseil, n'est pas un service prescrit par Loi, mais un service particulier et extraordinaire ; depuis que nos camarades sont partis pour les côtes et les frontières, les gardes sont plus fréquentes. Nous ne murmurons pas, nous demandons le salaire de l'ouvrier ordinaire. Or ce dernier touche 20 sous par jour quand il travaille et pareille somme lui est donnée en plus quand il consent à passer la nuit lorsque le travail est pressé. Nous demandons donc 40 sous. N'avons-nous pas bien servi jusqu'ici la chose publique et ne sommes-nous pas prêts à mourir pour la défense de la Patrie, pour le maintien de la liberté et de l'égalité ? ».

La dernière phrase du placet émeut les plus endurcis de nos conseillers municipaux et le Conseil accorde les 40 sous demandés.

Mais les détenus refusent unanimement de payer et la solde des gardes et le chauffage du poste.

« Vous n'avez pas d'argent pour payer la garde, écrivent-ils au Conseil, élargissez-nous ; quant à nous, jamais nous ne vous en donnerons pour perpétuer notre détention ! »« Vous élargir, ah ! non, répond le Conseil, ce n'est pas au moment où la Patrie est en danger, le moment où la population de Landerneau diminue, que l'on pourra mettre en liberté des personnes suspectes ou entachées d'aristocratie, qui se répandraient dans la société pour la corrompre, quai tenteraient de séduire et d'effrayer les feanines des Défenseurs de l'Egalité... ».

Néanmoins une « femme entâchée d'aristocratie » voit les portes des Ursulines s'ouvrir devant elle ; c'est la femme du cabaretier Bodénez. Elle va être mère, écrit son mari au Conseil, vous ne voudriez pas que naquît en prison peut-être un futur défenseur de la Liberté et de l'Egalité ! Cette adroite formule d'adjuration amollit le coeur d'airain des Jacolot, Pillet et consorts ; ils permettent à la femme de Bodénez de rentrer chez elle, après avoir été traduite à la barre du Conseil et semoncée d'importance. Une matrone même (nom de la sage-femme en ce temps) sera déléguée pour recevoir le petit être qui, espère-t-on, sera plus tard un défenseur de la Liberté !

Les autres détenus tiennent bon dans leur refus de payer la garde, et les ouvriers mobilisés, ne recevant rien, réclament bruyamment ; s'ils sont prêts à mourir pour le maintien de la Liberté et de l'Egalité, ils ne veulent pas mourir de faim ; après avoir inutilement présenté leurs notes aux détenus, ils les présentent au Conseil ; mais, la caisse municipale est vide. Pas d'argent, pas de suisses, et le Conseil réduit la garde à 10 hommes, puis à 5 ; et pour obtenir le paiement de cette modeste garde, on recourt à des amendes infligées, aux détenus, de plus en plus nombreux et extorquées par les voies de rigueur ou par la menace du transfert à la Prison du Pont.

Pendant qu'à Landerneau les prisons se remplissent, à Paris ont lieu les horribles massacres dits de Septembre. Le soir du premier jour de ces tueries, une députation de la Commune est venue annoncer à l'Assemblée « qu'il se fait des rassemblements autour des prisons et que le peuple veut en forcer les portes ». La Législative a nommé douze commissaires, dont Audrein, vicaire de l'évêque constitutionnel du Morbihan, « pour parler au peuple et rétablir le calme ». — « Les ténèbres ne nous ont pas permis de voir ce qui se passait », conclut simplement le rapport de ces commissaires.

Le 22 septembre, les membres de la nouvelle Assemblée, la Convention nationale, prenaient possession de la salle du Manège, que la Législative venait de quitter ; les 371 membres présents sans attendre les autres, c'est-à-dire 371 sur 749 votèrent l'abolition de la Royauté et, sans proclamer ouvertement la République, décidèrent que les actes seraient datés de l'an I de la République.

Le 3 octobre à midi, on battait la générale dans les rues de Landerneau. Tous les citoyens étaient invités à se réunir à 2 heures sur le quai de Léon autour de l'autel de la patrie. A l'heure dite, arrive M. Jacolot, maire, escorté des officiers municipaux en écharpe, des membres du Conseil général et des autorités du District. Un coup de canon retentit et quand le silence s'est fait, le maire proclame « la suppression de la roialité (sic) en France ». Des applaudissements éclatent, la musique joue des airs patriotiques, des rondes civiques s'organisent et le soir tous les citoyens, par ordre, illuminent leurs fenêtres de 8 heures à 10 heures. Pas plus qu'à la Convention, on ne proclame la République, mais on commence à dater dans le Cahier des séances à partir « du 3 octobre de l'an IV de la liberté et Ier de la République Française ».

Le 1er octobre, le Département décide de soustraire les détenus pour incivisme à la juridiction des Conseils municipaux pour les mettre sous celle des Districts. Le 4 octobre, le District de Landerneau met en liberté M. Gillart et la dame Le Gris-Duval. Cette mesure exaspère le Conseil : et dans le Cahier des Délibérations on peut lire des pages entières de récriminations de la part du procureur ; celui-ci déclare que la décision du Département est illégale. Et aux libérations du District, le Conseil répond par de nouvelles arrestations. N'ayant plus à son usage la prison des Ursulines, la Ville entasse ses victimes dans la prison du Pont ; et comme celle-ci est insuffisante, la ville loue sur le quai de Saint-Thomas une maison, où elle fait incarcérer les anciennes Ursulines qu'elle n'a pas voulu arrêter le 2 septembre afin de n'avoir pas à les réintégrer dans leur couvent. Pour calmer nos Girondins, le District leur jette en pâture d'autres religieuses. Il leur demande de procéder à l'inventaire des effets et à l'examen des titres des ci-devant Soeurs de la Sagesse, et de se prononcer sur l'utilité ou l'inutilité des dites Sœurs pour le bien public. Le Conseil municipal, réuni avec les notables, Pillet présent, vote l'inutilité de ces Soeurs, « les citoyens chirurgiens ayant déclaré qu'ils se chargeraient de traiter les malades indigents ». L'article 1 de la loi du 18 août 1792 porte suppression des congrégations et des confréries.

« Les Congrégations des Filles de la Sagesse sont nominativement éteintes et supprimées. Ainsi donc, cette congrégation ou si l'on veut l'association des Filles de la Sagesse que l'on nomme aussi soeurs grises est éteinte et abolie, le nom n'y fait rien. La loi n'excepte aucune association de piété et de charité ; cependant l'article 2 de la dite loi porte que les hôpitaux et maisons de charité des mêmes personnes continueront provisoirement et comme ci-devant le service des pauvres et le soin des malades à titre individuel et sous la surveillance des corps administratifs et municipaux. Cette exception doit-elle s'appliquer aux ci-devant Filles de la Sagesse ? Sont-elles dans un hôpital ? non, leurs soins sont donnés hors de chez elles. Cependant on ne peut ignorer qu'elles visitent gratuitement les malades indigents, qu'elles leur fournissent linge et médicaments. Mais d'autre part, elles ont entretenu des correspondances suspectes avec des apôtres du fanatisme, leur maison sert de lieu de rassemblement pour les personnes entachées d'aristocratie, on y tient des conciliabules tendant à fanatiser les esprits. Dès lors le Conseil requiert que cette Congrégation soit dissoute, les soeurs Anne-Marie Bérée, dite de la Résurrection ; Madeleine Dupas, dite Sainte-Avit ; Adélaïde Roger, dite Saint-Cyr, seront envoyées à l'hôpital de la marine à Brest. Le Conseil nomme comme commissaires MM. Crespy et Dubois pour procéder à l'inventaire des ci-devant Soeurs et leur adjoint Pillet pour fournir des renseignements pour le linge des pauvres ».

Cela fait, on reprend la lutte contre les suspects, et la Prison du Pont se remplit de détenus politiques jusqu'au 13 novembre ; ce jour-là vient de la Convention l'ordre « d'élargir tous les détenus pour cause d'incivisme, autres que ceux dont la conduite est susceptible d'être dénoncée aux tribunaux » et il ne restera plus dans la Prison du Pont, en dehors des malandrins, qu'un sieur Barbier ; la Ville et le District se le renverront l'un à l'autre pendant un mois, nul ne sachant, pas même Barbier ! le motif de sa présence en prison.

La prison du Pont fut démolie en 1825, à la suite d'un incendie qui se déclara dans une des boutiques du rez-de-chausée, la pharmacie Herrard. De tout l'édifice qui alors s'étendait de la chapellerie Abalain jusqu'à l'entrée du pont, du côté de Saint-Houardon, on ne conserva que le moulin ; celui-ci disparut à son tour en 1897. Un plan de base de 1770 et un procès-verbal d'état des lieux après l'incendie de 1825 nous ont permis, grâce au talent du colonel Roy, de reconstituer tout l'édifice. Au rez-de-chaussée se trouvaient le moulin, une pharmacie et une boutique de perruquier ; les deux étages étaient occupés par la prison, dont l'entrée se faisait par une tourelle donnant sur le quai de Léon. Sur le pont une dernière maison faisait suite à ce bâtiment du côté de Saint-Thomas ; elle était habitée par un marchand de drap, le sieur Kérébel qui nous intéressera bientôt.

Avec la suppression de la Constitution de 1790, la Société des Amis de la Constitution perdait de son opportunité, elle se maintint néanmoins, mais une autre Société se forma dès le mois d'octobre sous le nom d'Amis de la Liberté et de l'Egalité ; elle ne tarda pas à vouloir, elle aussi, tenir en tutelle le Conseil municipal. Dès le 31 octobre, elle demanda à la ville l'installation de 4 reverbères, 2 sur le Pont, un devant la maison commune et un autre sous les Halles. Le maire répondit que les finances de la ville ne lui permettaient pas cet éclairage. Alors la nouvelle Société commença contre M. Jacolot une campagne de dénigrement ; la raison en était surtout que le magistrat était membre de la Société des Amis de la Constitution ; c'était une question de concurrence, mais la lutte fut si vive que M. Jacolot, traité de suspect, après avoir fourni tant de gages de son civisme, écrivit au Conseil pour donner sa démission de maire. Les conseillers n'acceptèrent pas son offre, ils nommèrent une députation composée de Pillet, Crespy, Lagrange et Thomas pour le prier de conserver l'écharpe ; le 7 novembre, M. Jacolot se rendit au désir de ses amis et retira sa démission.

Ce jour là même arrivait la nouvelle du premier succès de nos armes en Savoie et la Convention demandait de célébrer cet événement heureux au dimanche le plus prochain. Mais une lettre du Département, parvenue il y avait une semaine, avait annoncé que le dimanche 11 septembre les représentants cantonaux se réuniraient à Landerneau pour le renouvellement de l'Administration départementale. La session devait durer huit jours. On fixa donc la fête au 25 novembre ; Pillet, Lagrange et Radiguet furent nommés commissaires pour organiser la cérémonie.

Un décret du 19 octobre prescrivait en effet, de renouveler les administrations civiles et juidiciaires et modifiait le mode d'élection ; les autorités départementales ne devront plus être élues, par leurs collègues du Conseil, mais par les électeurs désignés dans les assemblées primaires. C'est donc 474 électeurs de toutes les parties du Département qui vont se réunir à Landerneau. Suivant les instructions reçues, on dispose aux Ursulines des salles de vote et des boîtes de scrutin, on prie les boulangers, les bouchers et les hôteliers de faire des provisions, des chambres, sont retenues chez les particuliers pour loger les électeurs. Et voici que le lendemain même 8 novembre, le Département fait savoir au maire de Landerneau, que, revenant sur sa première décision, il a décidé que les sessions électorales se tiendraient à Lesneven. Pourquoi ce brusque changement ? C'est que le canton de Lesneven est resté « comme l'Arche Sainte au milieu des eaux du déluge », suivant l'expression de Mlle Kerjagu dans une lettre écrite en septembre 1792 ; lettre ensuite saisie et dont l'imprudente comparaison vaudra à la pauvre demoiselle de monter sur l'échafaud le 31 juillet 1794. Les 5 administrateurs de ce district, accusés de faiblesse pour les prêtres réfractaires, ont été le 21 août enfermés au Chateau du Taureau. Il s'agit donc maintenant de frapper les esprits, dit un membre du Département, et de les entraîner à la Révolution ; déployons à Lesneven la force des patriotes. Landerneau protesta, rappela les dépense que la ville et les particuliers avaient déjà engagées. Rien n-y fit.

Le 10 novembre cependant, il y eut affluence à Landerneau : Expilly vint, en compagnie de Pillet, faire une visite aux municipaux et le soir même il partait pour Lesneven.

« Le dimanche 11 novembre, à dix heures du matin, dit le Procès-Verbal, les électeurs du département du Finistère, réunis dans l'église de la ci-devant communauté des Récollets à Lesneven [Note : Couvent occupé actuellement par le Collège], ont procédé à l'élection du Bureau... Expilly a été élu président. En ouvrant la session électorale l'après-midi, le président a annoncé qu'il ne ferait point de compliment parce que des Républicains ne devaient pas perdre le temps à se complimenter... ».

La session dura jusqu'à midi le dimanche 18 novembre. On votait le matin ; l'après-midi avaient lieu le dépouillement et la proclamation du scrutin. Puis dans l'intervalle, on recevait avec force discours, tous insérés au procès-verbal, des députations de la municipalité, de la garde nationale, des chasseurs volontaires, de la Société des Amis de l'Egalité de Lesneven. On émit le voeu de la translation à Landerneau du chef-lieu du Département par 231 voix contre 37. Fait à remarquer : c'est là que fut élue la dernière Administration départementale ; 26 de ses membres monteront sur l'échafaud, le 23 mai 1794, à Brest. Kergariou était élu président du Conseil général. Les 7 membres qui avaient ensuite recueilli le plus de voix formaient le Directoire, les 28 suivants, dont Expilly, étaient nommés administrateurs ; le procureur du Département était M. Brichet, de Landerneau.

Mais cette élection n'était que la première d'une série d'autres qui devait durer plus d'un mois ; le décret du 19 octobre demandait le renouvellement de toutes les administrations. Le dimanche 25 novembre avaient lieu les élections des juges du District. La salle de vote était cette fois pour le canton de Landerneau dans le couvent des Urselines. C'était aussi le jour où devait se dérouler la fête décidée le 7 novembre pour célébrer le succès de nos armes en Savoie. La cérémonie devait comprendre la plantation d'un arbre de la liberté, le premier arbre étant mort depuis longtemps. On a invité tous les corps administratifs et judiciaires ; les commandants de la Garde nationale, des Chasseurs à cheval, de la Gendarmerie nationale et le colonel du 77ème d'infanterie dont 400 hommes) sont en garnison aux Ursulines, ont promis le concours de leurs troupes. Sur la promenade du quai de Léon, baptisée place de la Révolution, l'autel de la patrie se dresse avec sa parure de fête ; mais la croix a été remplacée par la statue de la Liberté sous les traits d'une femme portant d'une main les Droits de l'Homme et de l'autre une pique ; une toile formant rétable présente des peintures allégoriques, la Victoire, une femme casquée foulant aux pieds un ennemi ; l'Egalité, une femme présentant une balance et la Fraternité, une femme enlaçant dans ses bras un blanc et un nègre. Toute cérémonie religieuse est exclue cette fois-ci de la fête, néanmoins on y retrouvera l'inspiration cléricale, car le commissaire Pillet, devenu une sorte de maître de cérémonies, s'est souvenu de la Liturgie du dimanche des Rameaux. A une heure et demie les troupes prennent position, cependant que les autorités se rassemblent à la maison commune. A deux heures, un coup de canon retentit, les cloches sonnent, et entre deux haies de soldats on voit défiler un incroyable cortège, Maire, conseillers et notables, coiffés du bonnet phrygien de couleur écarlate, ceints de leur écharpe portent à la main une branche de chêne. La musique fait entendre des airs patriotiques. L'itinéraire comprend d'abord une visite au local des Ursulines où siège la commission électorale. Mais à peine le cortège a-t-il pris cette direction qu'un sergent de police, tout affairé, vient prévenir les commissaires que le District ne veut pas interrompre les opérations électorales ; elles urgent car les électeurs sont fatigués, Alors le cortège contournant la place, se dirige vers le Champ de la Révolution. Au moment où le maire et ses conseillers prennent place sur les marches de l'autel, les tambours battent, la musique fait entendre l'air de la Marseillaise ; les soldats tirent des salves de coups de fusil, cependant que les cloches sonnent à toute volée. Puis le procureur Leissègues monte sur l'estrade qui fait face à l'autel, et prononce le discours suivant :

« Citoyens, nous célébrons en ce jour la fête de la Liberté française et savoisienne. Ces deux peuples ont recouvré ce bien précieux pour ainsi dire à la même époque. Avant la fameuse journée du 10 août, les Français n'étaient pas véritablement libres ; ils étaient d'autant moins qu'ils semblaient l'être davantage. L'arbre de la Liberté a déjà été planté, mais il le fut dans un temps où le parjure Louis régnait encore. Alors l'aristocratie faisait un dernier effort pour conserver son sceptre de fer.

Citoyens, de souffle brûlant et empesté du despotisme a desséché l'arbre sacré ! Les Français se sont levés, ils ont couru aux armes, le trône du traître Louis a été renversé dans la poussière, la royauté est abolie sans retour, le gouvernement républicain est proclamé ; ce n'est plus en vain que les droits de l'homme ont été déclarés. Les rois criminels vont enfin recevoir le châtiment de leurs forfaits ; trop longtemps ils ont joui du sang et des larmes qu'ils ont fait verser aux peuples opprimés sous le joug barbare de leur tyrannie. Le jour de la vengeance approche ; leurs trônes ébranlés vont bientôt s'écrouler devant l'étendard de la Liberté déployé par le peuple français. Déjà les Savoyards, les Nicéens, les Brabançons. partagent avec nous les faveurs de la liberté ; ils jurent de ne vivre que sous son règne, ils jurent de ne jamais se séparer des Français, leurs libérateurs et leurs frères. La France victorieuse s'entoure majestueusement de peuples libres, prêts à combattre pour sa défense ; leurs coeurs et leurs bras forment un rempart assuré contre les attaques des êtres couronnés et de leurs vils satellites. La liberté combat pour eux et pour nous ! Cette déesse bienfaisante tient d'une main les Droits de l'homme, de l'autre une pique redoutable : la victoire la conduit, l'Egalité l'accompagne, la Fraternité la suit. Des milliers de combattants s'arment pour elle. Ils combattent et cependant la paix est à leurs côtés : « Paix aux peuples, guerre aux tyrans », c'est la devise des hommes libres. Ils ne voient dans les peuples esclaves que des frères aveuglés, égarés et malheureux.

Célébrons, citoyens, célébrons les rapides succès de nos armes et de nos principes ! C'est dans ces jours de gloire, d'allégresse et de satisfaction, c'est sous les heureux auspices qu'il convient de planter une seconde fois l'arbre de la liberté. Cet arbre sera le signe de ralliement des amis de la patrie ; ils en écarteront soigneusement la hache aigüe de l'anarchie, fléau mille fois plus terribleque le despotisme. C'est à l'ombrage de ce chêne antique que les bons citoyens viendront chaque année renouveler religieusement le serment de maintenir la liberté, l'égalité, la sûreté des personnes et des propriétés, et de mourir, s'il le faut, pour l'exécution de la Loi ! ».

Le discours fini, des applaudissements frénétiques se font entendre, dit le procès-verbal, et les cris mille fois répétés de : Vive la liberté ! Vive la République ! Des bras vigoureux apportent un chêne de belle taille, et quand l'arbre enfin se dresse, les assistants se découvrent et agitent leurs chapeaux, pendant que les municipaux brandissent leurs rameaux. La musique ayant donné les premières notes, l'hymne des Marseillais, dit le cahier des séances, fut chanté solennellement pour la première fois par tous les citoyens présents.

Après quoi, un air plus gai éclate : danses et farandoles s'organisent autour de l'Arbre de la Liberté. pendant que Pillet, son rameau patriotique en mains, rentre dans son presbytère.

Pendant ce temps, les élections se poursuivent au couvent des Urselines ; elles durent jusqu'au mercredi soir. M. Leissègues était jusqu'ici premier juge ; au 1er tour de scrutin sur 48 votants, M. Dubois recueille 11 voix et M. Leissègues père, 5 voix ; un deuxième tour donne 23 voix à M. Dubois, 20 à M. Leissègues ; M. Dubois est nommé premier juge. Le 2° juge est le député Bohan élu par 34 voix ; le 3° juge est enfin M. Leissègues qui recueille 29 voix, puis MM. Le Borgne et Derrien sont élus 4° et 5° juges. Enfin on nomme des suppléants, puis les six membres du bureau de conciliation du District.

Le 2 décembre ont lieu les élections pour « le tribunal de Paix » dit le cahier des Délibérations, M. Cosson est élu juge de paix, MM. Taylor et Bodros sont nommés assesseurs, et Joseph Briche est élu greffier ; ces élections ont eu lieu à l'assemblée de canton qui s'est tenue au couvent des Ursulines.

Le dimanche 9 décembre, les citoyens de Landerneau sont convoqués « en l'église des ci-devant Capucins » pour l'élection du conseil général de la commune et des officiers municipaux. Ces autorités ne doivent plus être renouvelées par moitié, comme le demandait la Constitution de 1790, mais en entier d'après le décret de la Convention du 19 octobre précédent. Un premier scrutin est formé pour l'élection du bureau. M. Dumaige est nommé président, M. Leisisègues fils, secrétaire, et MM. Roulloin, Le Bihan et Taylor, scrutateurs. Ceux-ci individuellement prêtent le serment « d'être fidèles à la nation, de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir en les défendant, de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourraient leur être confiées ».

Les opérations électorales commencent alors. Un premier scrutin ne donne pas de résultat, Au 2° tour M. Cruzel est nommé maire, par 85 voix contre 60 à M. Lacaze. On procède ensuite à l'élection de 8 officiers municipaux ; sont élus : MM. Lacaze, Taylor qui refuse, Dumaige, Le Guen, Le Bourg, Lagrange, Robert, Crespy qui refuse, Goury fils et Gillart. Un scrutin de ces huit municipaux nomme l'officier de santé Robert comme procureur de la Commune. Puis on élit 16 notables, à savoir : MM. Kérébel, Grespy, Calvez, savetier, René Bazin, Bertho, Drau, Pérennez, Kerros, Cornec, Radiguet, Le Borgne, Léyer, Taylor, Thomas père, Guiastrennec et Foulloy. Et, dit le procès-verbal, les élections terminées, l'hymne national a été chanté avec l'énergie qui convient à des hommes libres prêts à combattre les tyrans et leurs satellites !

Quatre jours après, le 13 décembre, a lieu, l'installation du nouveau Conseil général de la Commune. M. Jacolot est absent, M. Cruzel, membre de l'ancienne municipalité et nouveau maire, reçoit le serment des nouveaux élus, prête à son tour le même serment, et l'on désigne des commissaires pour vérifier les comptes de la municipalité précédente.

Le lendemain, le maire et les officiers municipaux se rendent à l'auditoire des Ursulines pour l'installation des juges ; ils prennent place aux sièges des juges ; le maire, M. Cruzel, fait un discours, demande le serment des nouveaux élus ; après quoi, les municipaux descendent de leurs sièges, où les juges les remplacent, le Tribunal est installé et le Conseil général se retire à la maison commune.

Le 15 décembre, même cérémonie aux Capucins pour l'installation des juges de paix.

Et le 16 décembre, les élections reprennent pour la nomination des administrateurs du District, élus en assemblée cantonale. M. Jacolot est nommé président du Directoire, M. Déniel vice-président et M. Leissègues procureur.

Au bout de ces six semaines d'élections continues, Pillet n'est plus rien, ni officier municipal, ni notable. Un décret du 9 octobre proscrit même des actes publics les appellations de Monsieur et de Madame, remplacées par celles de citoyen et citoyenne ; si bien qu'à la fin de 1792, Pillet n'est plus officiellement que le « citoyen curé » ! (L. Saluden).

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