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Landerneau : le curé constitutionnel Pillet.

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Pillet, élu curé constitutionnel, veut être le seul maître de la religion à Landerneau ; sa conduite à Saint-Houardon ; il fait fermer l'église Saint-Thomas ; démission du maire Renault ; M. Jacolot est élu maire.

A peine Expilly parti, le Conseil décide que Pillet, élu curé de Landerneau, doit occuper l'église de Saint-Houardon, au moins jusqu'à la définition des circonscriptions paroissiales nouvelles, car c'est l'église principale de la ville. Il enjoint à M. de La Rue, ex-recteur de Saint-Houardon, d'avoir à évacuer la maison curiale pour le dimanche suivant, afin d'en laisser la jouissance à M. Pillet. Cette maison curiale existe encore, c'est la maison habitée jadis par le regretté docteur Chalmet, occupée vers 1929 par M. Charles Gayet. M. de La Rue répond en protestant « qu'il est et reste recteur de Saint-Houardon » ; il rappelle toutes les infirmités qu'il a contractées au service de sa paroisse ; paralysé, il ne peut marcher qu'appuyé sur un bras charitable ; son coeur est broyé par tous les tristes événements qui se passent, sursit par les défaillances qu'il voit dans ses ouailles ; « n'importe, ajoute-t-il, si l'humanité n'est pas assez forte pour vous arrêter de porter la main sur un vieillard infirme, employez la force, je ne sortirai que par la force ». La ferme attitude de M. de La Rue en un moment au Conseil ; le maire demanda un sursis et M. Pillet resta dans sa maison de Saint-Julien, même après son installation à Saint-Houardon, le dimanche suivant.

« 7 Avril, en effet, raconte le Procureur syndic dans une lettre au Département, M. Pillet, curé de Landerneau, monté en chaire, a prêté le serment devant les Officiers municipaux et a pris possession en célébrant la messe paroissiale. Les prêtres réfractaires n'ont point paru : l'office n'a pas été moins décent. M. Corre, curé élu de Plougonvelin, et M. Thomas, nommé à la Cure de Landunvez, ont assisté. Le Vicaire des Récollets, aujourd'hui curé élu de Hanvec, est survenu et le clergé officiant s'est trouvé suffisant. Cent citoyens avaient pris les armes... Cependant, les dévots et les femmes aristocrates ont été entendre la messe aux Ursulines, et c'est le sieur Cessou qui l'a dite pour elles... ».

Ainsi diacre, sous-diacre, baïonnettes, rien n'a manqué à l'éclat de la patriotique installation du sieur Pillet ; pour devenir le maître suprême de la religion à Landerneau, il ne lui reste plus qu'à écarter les prêtres fidèles et à faire fermer les églises ou chapelles encore en leur pouvoir ; pour y parvenir, rien ne l'arrêtera.

Le 17 Avril, à Saint-Houardon, le vicaire de M. de La Rue, ayant fini sa messe, entre à la sacristie. Pillet vient vers lui et lui déclare son intention de se réserver à lui seul pendant la quinzaine pascale la distribution de la Sainte Eucharistie. « Monsieur, répond le vicaire, votre déclaration est étrange, le pasteur ici est M. de La Rue, je suis son vicaire, vous n'avez pas d'ordre à me donner ! ». M. Jocquet, un instant après, rentre à l'église pour faire son action de grâces. A ce moment, M. Bodroz, un prêtre habitué qui a refusé le serment, entre à la sacristie et M. Pillet lui communique le même avis qu'à M. Jocquet. M. Bodroz ne répond pas, mais, pénétrant dans l'église, il voit M. Jocquet et lui raconte les propos de Pittet. Tous deux sortent alors de l'église et, après avoir parlé au recteur, vont chez M. Renault. Ce dernier arrive une heure plus tard à la Sacristie de Saint-Houardon ; M. Pillet est encore là récitant du bréviaire. « Monsieur le Curé, lui dit le maire, je viens vous rappe1er qu'avec moi vous êtes venu voir ces Messieurs de Saint-Houardon et de Saint-Thomas, pour les prier de continuer leur ministère, et cela après entente entre M. Expilly, vous et moi ». — Pillet se fâche : « Comment, vous dont la charge devrait vous faire le plus grand soutien des prêtres constitutionnels, vous venez les troubler dans une des plus importantes de leurs fonctions spirituelles ? Ces fonctions ne dépendent pas de vous, M. Renault, même comme maire. ». — « Je me contente, répond le maire, de vous rappeler la proposition que vous-même avez faite devant moi à ces prêtres de continuer à célébrer et à donner les sacrements à Saint-Houardon ». — « Moi seul suis Curé ici, dit Pillet ; mon vicaire, M. Leyer et moi, avons seuls qualité pour donner la communion pendant la quinzaine pascale, d'ailleurs je suis officier municipal, je dénoncerai votre conduite au Conseil ». — « Monsieur, répond le maire, je vous rappelle que vous-même devant moi avez prié ces Messieurs, au nom de la religion, de continuer à dire la messe, à administrer les Sacrements et même à visiter les malades, en un mot, et c'est le vôtre, à agir comme par le passé ; vous n'avez mis aucune restriction à vos propositions : c'est là votre parole, et j'étais venu uniquement vous la rappeler », et ce disant, M. Renault quitte la Sacristie.

La chose s'est vite ébruitée au dehors. Quand le lendemain matin, ouverture de la Pâque, M. Pillet fait sonner la cloche de Communion, une foule se présente à la Sainte Table, l'intrus revêtant le surplis et l'étole monte à l'autel ; à ce moment, M. Jocquet entre à l'église. Aussitôt la table de communion est désertée et il ne reste que 3 personnes auxquelles Pillet distribue la Communion. La colère du constitutionnel est alors à son comble. Comme ce jour-là même il y a réunion du Conseil, un rapport est vite composé, signé de Pillet et de son vicaire Léyer, et se terminant ainsi :

« Messieurs, nous vous prions de prendre en considération la plainte que nous vous adressons à regret au Sujet du Maire, plainte que nous eussions désiré renfermer en nous-mêmes, mais le scandale a éclaté. Quand moi curé, me suis présenté ce matin pour donner la communion, le sieur Jocquet est venu dans l'église, la Ste Table a été aussitôt désertée, il n'y est resté que trois personnes. Peut-on scandale plus grand ! Ne semble-t-il qu'il y ait deux pasteurs à Saint-Houardon ? Ces considérations de première importance ne nous permettent pas de garder le silence. Nous vous prions de recevoir notre plainte, de nous en donner acte et de délibérer ce jour-même là-dessus, vu la circonstance impérieuse du temps ».

Le maire présent répond que quand le sieur Pillet prit possession de sa paroisse, les prêtres réfractaires cessèrent leur service à l'église de Saint-Houardon. Le public en souffrant beaucoup, lui, maire, demanda à l'Evêque d'engager les prêtres non assermentés à venir confesser à Saint-Houardon. L'Evêque y consentit et offrit de faire lui-même cette démarche. Mais le maire dit à l'Evêque qu'il suffirait que M. Pillet la fît lui-même. Cette démarche, M. Renault l'a faite de concert avec M. Pillet près de ces Messieurs, il a entendu M. Pillet leur demander d'agir comme par le passé. « Et, ajoute M. Renault, je ne suis allé hier trouver le Curé que pour lui rappeler sa parole ». Sur ce, le Conseil vote un blâme à M. Renault, celui-ci répond en donnant sa démission et en réclamant 279 livres 3 sols par lui avancés pour le dîner offert à l'Evêque dans la salle de mairie. Huit jours après, des élections ont lieu en la chapelle des Capucins ; il y a 141 votants ; M. Jacolot est élu maire par 89 voix et l'on se rend à Saint-Houardon cette fois, pour assister au Te Deum, chanté par M. Pillet, « en action de grâces à l'Auteur de tout bien ».

M. Pillet triomphe en apparence. Hélas ! les « patriotes » qui le soutiennent sont plus fervents pour la Constitution civile que pour la Constitution de l'Eglise, et malgré l'éloquence enflammée de Gomaire, la Table Sainte de Saint-Houardon reste déserte. En revanche, la foule accourt faire ses Pâques soit aux Ursulines où M. de La Rue célèbre, soit à Saint-Thomas. Pillet a écrit au recteur de Saint-Thomas pour que la Pâque des enfants se fît le même jour dans toute la ville, comme d'habitude. Le recteur de Saint-Thomas n'a pas répondu, et les enfants de Saint-Houardon et de Saint-Julien viennent en foule faire leurs Pâques à Saint-Thomas, le jour où Pillet y pensait le moins.

Mais l'occasion va s'offrir à Pillet de venir à bout de cette église rivale. Expilly a publié un mandement qui doit être lu dans toutes les églises du Finistère ; le Club des Amis de la Constitution écrit au Conseil pour l'avertir qu'au lieu de lire ce mandement, le Vicaire de Saint-Thomas a lu le mandement des « soi-disant vicaires capitulaires de Quimper ». Trois membres de ce club, MM. Périn, père et fils, et M. Cornec, demandent que lecture du mandement d'Expilly soit faite à Saint-Thomas, et que cette lettre soit lue en breton, puisqu'il y a une traduction bretonne. D'ailleurs, comme le greffier Décours n'a pas un volume de voix assez considérable et qu'il ne lit pas facilement « l'idiome breton », M. Périn fils se propose pour le remplacer. Le Conseil applaudit au zèle de Périn fils, l'adjoint au greffier, et l'autorise à faire cette lecture. Le dimanche suivant, au moment où M. Bodénez, après l'aspersion, entre au sanctuaire pour commencer la grand'messe, on voit M. Périn, accompagné du greffier, se poster près de la chaire, Après l'Evangile, le vicaire, M. Marc, monte en chaire, fait les prières prônales, les annonces ordinaires, et donne une instruction que, d'après le procès-verbal, il termine par ces mots : « Mes chers auditeurs, soyez toujours fidèles à vos anciens évêques et à vos prêtres, qui vous enseignent la religion catholique, apostolique et romaine ». A peine est-il descendu de la chaire, que Périn en fait l'escalade. Protestations, brouhaha intense dans l'église : le célébrant et son vicaire quittent le sanctuaire et vont à la sacristie ; des fidèles sortent en grand nombre. Périn, avec « son volume de voix », commence la lecture du mandement d'Expilly, quand une femme, la femme du jardinier de Penanrue, apostrophe le lecteur en breton : « Ferme ta bouche, voyons, les prêtres seuls ont le droit de parler en chaire ; si tu as quelque chose à nous dire, va dehors sur les marches de la Croix du cimetière », et elle accompagne son apostrophe d'une épithète mal sonnante que le procès-verbal ne cite pas, mais qui soulève un rire intense dans le lieu saint, cependant que les hommes, rappelés au devoir par cette humble femme, escaladent à leur tour la chaire, font sortir Périn, et le mettent hors de l'église. Immédiatement, les autres fidèles rentrent, le célébrant regagne l'autel, entonne le Credo, et la messe se poursuit dans un calme relatif.

Mais le club est fou de rage ; il somme le Conseil de dénoncer au Tribunal du District MM. Bodénez et Marc comme « perturbateurs du repos public », et de poursuivre la « femme fanatique » qui a causé la défaite honteuse du beau Périn. La Municipalité fait incarcérer la « femme fanatique » et se contente de répondre à la conduite des prêtres de Saint-Thomas en leur interdisant de faire à l'avenir aucune procession hors de leur église, et en leur ordonnant de se joindre aux prêtres de Saint-Houardon pour la procession du Sacre. Fort bien ! mais cette année 1791, pour la première fois, il n'y aura pas de procession du Sacre, déclare le recteur de Saint-Thomas. — « Devant de tels agissements, dit Pillet au Conseil, il n'y a qu'une chose à faire, interdire le culte à Saint-Thomas » ; il en est ainsi décidé. Pillet triomphe, il n'a plus de concurrrents, et le 5 juillet entouré de tous les « patriotes », il peut chanter à Saint-Houardon un service solennel pour le repos de l'âme de Riquetty dit Mirabeau, « député et zélé défenseur de la liberté française » et, il faut le dire, fervent adepte comme Pillet, de la force des baïonnettes.

Cependant, la décision qui interdit le culte à Saint-Thomas et qu'on sait inspirée par Pillet, soulève une véritable tempête dans le quartier. Pillet a voulu se rendre à Saint-Thomas, il a été insulté et frappé même. Pétitions sur pétitions sont déposées sur le bureau du Conseil, toutes réclamant le service divin à Saint-Thomas. La municipalité est sur le point de céder, mais le Club des Amis de la Constitution est là. Cette société veut un autel de la Patrie sur le quai de Léon, pour la fête de la Fédération, elle ouvre une souscription pour l'ornement de cet autel patriotique, sur lequel un prêtre patriote officiera. Mais alors, dit un conseiller du quartier de Saint-Thomas, laissez faire le service divin dans notre église. « Non, répond-elle, en fermant les portes de Saint-Thomas, vous avez pris un parti violent peut-être, mais nécessité par des circonstances impérieuses et majeures. Cette fermeture a éteint le flambeau de fanatisme dont la vapeur infectait cette ville. Vous avez détruit le germe d'une zizanie que l'hypocrisie semait parmi nous, vous avez rappelé à la même opinion des familles qu'une diversité de culte séparait. Vous avez amené à la Religion catholique, débarrassée des préjugés et des abus qui en obscurcissaient l'éclat, des hommes que l'habitude seule entraînait dans une secte. Il n'est que trop vrai que les prêtres de St Thomas avaient entrepris de former une secte anticonstitutionnelle. Les Décrets de l'Assemblée auguste qui régénèrent la France veulent qu'aucun citoyen ne soit au dessus de la loi, ils veulent que tout fonctionnaire soit tenu de prêter le serment. Or, les prêtres de St Thomas ont refusé le serment et s'en glorifient hautement. L'église de Saint-Thomas est une église nationale. Saint-Thotnas est entretenu aux frais de la nation. Les fonctionnaires de St Thomas sont salariés par la nation. Cependant MM. les prêtres de St Thomas ont refusé de lire le mandement de l'Evêque constitutionnel, ils ont privé leurs paroissiens d'une lecture qu'ils avaient intérêt et qu'ils désiraient entendre. Quand la municipalité a voulu faire donner cette lecture en l'endroit du prône, les prêtres de St Thomas sont sortis de l'église ; ils ont, au grand scandale d'un peuple nombreux, déserté le choeur et l'autel. Cette improbation ecclésiastique était une véritable provocation de l'improbation laïque. On pétitionne pour rouvrir les portes de l'église. Jusqu'à la définition de la circonscription nouvelle, soit, mais que les prêtres constitutionnels seuls y pénètrent ».

Et il en est ainsi décidé : le vrai maître à Landerneau étant le fameux club. (L. Saluden).

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