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Landerneau sous la monarchie constitutionnelle.

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Nouvelle organisation de la municipalité. — Les prêtres de Landerneau et le serment à la Constitution civile du clergé. — Visite de l'évêque intrus.

Convoqués aux Etats généraux le 4 mai 1789, les députés du Tiers-Etat se constituèrent en Assemblée délibérante dès le 23 juin. C'est en vain que Louis XVI leur intima l'ordre de dissoudre leur Assemblée, les députés du Tiers répondirent par la bouche de Mirabeau « nous sommes ici par la volonté du peuple, nous ne sortirons que par la force des baïonnettes ».
 - « S'ils ne veulent pas s'en aller, répondit le roi, qu'ils restent ! ».

Ils restèrent, virent les députés de la Noblesse et lu Clergé se réunir à eux le 27 juin. Une première révolution politique venait de s'accomplir. La monarchie absolue depuis mille ans, devenait constitutionnelle et parlementaire ; le roi n'avait plus que le pouvoir exécutif ; le pouvoir législatif appartenait à l'assemblée des députés devenue l'Assemblée Constituante. La chute de la Bastille, prison qui symbolisait la monarchie absolue, venait le 14 juillet consacrer aux yeux de tous le changement de régime.

A Landerneau, en exécution du décret de l'Assemblée nationale concernant la nouvelle organisation des municipalités, le maire en exercice, M. Le Gall donne sa démission. Les convocations, ayant été faites et publiées aux prônes des grand'messes, la Communauté et les notables ayant droit de vote (il fallait payer en impôt trois journées de travail), s'assemblent le 11 juillet 1790, en la chapelle des Pères Capucins, vers les 8 heures du matin, et y entendent la messe. Le doyen d'âge, François Cornec, prend la place de président avec Le Bras, Mazurié et Bodros comme assesseurs. On procède à l'élection du Bureau. Par 14 voix, Mazurié est élu président définitif, et Le Bihan, scrutateur. Mazurié fait alors l'appel nominal de tous les citoyens actifs, c'est-à-dire, ayant droit de vote, pour la nomination de trois scrutateurs. Le Bourg, Renault et Taylor sont élus, et viennent prêter le serment de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution du royaume, d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de choisir en leur âme et conscience les plus dignes de la confiance publique et de remplir avec zèle et courage les fonctions civiles et politiques qui pourraient leur être confiées. Puis on procède à l'élection du Maire.

Il y a 108 votants : au troisième tour, M. Renault avec 53 voix est élu. Le président le proclame maire, M. Renault prête le serment et tout le corps électoral assiste au Te Deum chanté par les Pères Capucins, qui donnent ensuite la bénédiction du S. Sacrement.

Trois jours après, le 14 juillet, a lieu la fête de la Fédération. Un autel est dressé sur le quai de Léon ; il est 9 heures du matin. Un coup de canon retentit, aussitôt les cloches de carillonner. Tambours battants, drapeaux déployés, le Conseil quitte la mairie entre deux lignes d'une garde d'honneur commandée par M. Lever. Précédé par la musique des jeunes citoyens, il arrive en face de l'autel, s'incline et prend place sur une tribune. Le Maire, en sa harangue, invite « tous les citoyens militaires et tous les militaires citoyens » à se lier par une fédération générale à tous les amis de la patrie et à se regarder tous comme des frères. M. Onfrey, chef de la milice, prononce aussi un discours. Alors, pendant que le canon tonne, tous les officiers des deux milices, de la milice bourgeoise et de la milice des jeunes citoyens militaires, viennent se ranger tare à l'autel : tirant l'épée, d'une voix forte, ils juerent d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi, de protéger en particulier la propriété individuelle, la libre circulation des habitants, la perception des impôts et de demeurer unis à tous les Français par les liens indissolubles de la fraternité. Sur quoi, chaque capitaine se rend à la tête de sa compagnie et fait répéter le même serment par les bas officiers et soldats de sa compagnie. Puis tous les assistants, étendant la main vers l'autel, jurent d'un cri unanime d'être fidèles à la nation, à la loi et au roi. Pour clore cette cérémonie patriotique, la musique entonne le Te Deum qui est chanté « en actions de grâces de la conquête de la liberté ».

Beau début, union superbe ! Hélas ! la Constituante qui venait de soulever tant d'enthousiasme allait pourtant allumer la guerre civile en voulant régenter les consciences. Presque au lendemain du jour de la Fédération elle votait la Constitution civile du clergé. Rédigée par des catholiques gallicans, cette Constitution était le fruit logique de leurs théories gallicanes. Mais non ! il y a l'Eglise de Rome, il n'y a pas et il ne peut y avoir l'Eglise de France. La Providence ruinera ce rêve orgueilleux et coupable qui depuis plusieurs siècles hantait chez nous certains cerveaux, en modifiant les délimitations de ces diocéses antiques, objet d'orgueil pour plusieurs légistes et prélats.

Cette fois, en effet, le schisme apparaît trop clair et la voix des évêques fait entendre une juste protestation. La Constituante, tenace dans son oeuvre, va répondre en exigeant des prêtres en fonction le serment de fidélité à la Constitution civile du clergé (17 novembre). C'est la division ; division dans toute la France entre prêtres jureurs et prêtres non assermentés ; division aussi dans le peuple des fidèles.

A Landerneau, nous avons vu recteurs et vicaires, admirablement unis, accepter l'oeuvre de la Constituante, tant que celle-ci n'avait touché qu'aux choses politiques, mais quand la Constitution civile du clergé fut connue, l'accord cessa et la paix déserta la cité pour de longues années. Les recteurs de Saint-Houardon, de Saint-Thomas et de Beuzit, protestèrent du haut de la chaire.

Seul Pillet, le desservant de Saint-Julien, applaudit aux mesures nouvelles. Il vit se ranger sous sa bannière, Corre, aumônier de l'hôpital et deux prêtres habitués de Saint-Houardon, Thomas et Léyer. « Sur les dix-sept prêtres desservants, vicaires, prêtres habitués qui forment le clergé séculier de Landerneau, dit un membre de la municipalité, nous n'avons que quatre prêtres patriotes ». Ces quatre patriotes allaient bientôt devenir quatre assermentés.

D'abord, la municipalité nouvelle ayant à pourvoir à la nomination d'officiers municipaux élisait précisément ces quatre prêtres « patriotes », Pillet, Corre, Thomas et Léyer. « Vous voyez dans ce Conseil, dit le procureur, des ministres de la Religion ; l'un de leurs plus saints devoirs est d'être utiles à leurs frères et de leur donner l'exemple des vertus civiques ». M. Renault félicita les nouveaux élus, leur demanda le serment de fidélité à la nation, à la loi et au roi ; au nom de ses confrères, Léyer remercia et prononça un discours.

Mais voici que les choses vont être brusquées. La mort de l'évêque de Quimper, Mgr Conen de Saint-Luc, le 30 septembre, amène pour le pays une première application de la Constitution civile du clergé. Le jour des morts, le 2 novembre, à Quimper, le recteur de Saint-Martin de Morlaix, Expilly, est élu évêque du Finistère. Les électeurs de Landerneau pour la nomination de l'évêque constitutionnel furent : MM. Duthoya, Quéré, Martin, Le Bihan, Bidanel et Taylor ; ils touchèrent pour cela 50 sols. Pillet fait chanter alors un Te Deum dans son église Saint-Julien. A Saint-Houardon, M. de la Rue, vient à la balustrade lire une protestation signée de lui, de son vicaire M. Jocquet, du recteur et du vicaire de Beuzit, de M. Guillou, aumônier des Ursulines, et de MM. Cessou, Tréguier, Bodros et Gourmelon, prêtres habillés. M. Bodénez proteste à son tour du haut de la chaire de Saint-Thomas.

La municipalité a transmis aux paroisses une proclamation du Département datée du 14 décembre pour être lue en chaire. Les dimanches ont passé, la proclamation n'a été lue qu'à Saint-Julien. On dénonce le fait à l'administration du Département et l'on décide que, le dimanche suivant, le greffier lira lui-même la proclamation à Saint-Houardon à l'issue de la grand'messe et que la municipalité enverra une députation assister à cette lecture. Ce dimanche, en effet, la grand'messe vient de finir et le clergé rentre à la sacristie, quand le sieur Décourt, greffier, se présente à la balustrade du choeur et prie les fidèles de rester un instant à l'église pour écouter la lecture qu'il est chargé de leur faire. Aussitôt M. de la Rue, appuyé sur son domestique, s'avance dans l'église et défend au greffier de faire aucune lecture, il lui ordonne de mollir. Le greffier poursuivant sa lecture, le recteur l'interrompt ; le vicaire et M. Gourmelon interviennent pour appuyer le recteur ; M. Cessou, lui-même malgré ses 80 ans, va jusqu'à la balustrade, prend par le bras le greffier auquel il renouvelle de la part du recteur l'ordre de quitter l'église. Ce dernier essaie bien de résister, d'autant plus que la délégation municipale s'approche pour le sommer d'obéir à la loi. C'est alors que M. Gourmelon s'approche de M. Décourt, s'appuie contre lui en tournant le dos, « en faisant des démonstrations, dit le procès-verbal, avec un air de pitié et de réprobation ». « Montez en chaire », disent les Municipaux. Décourt s'y rend, en effet ; peine perdue : prêtres et fidèles font tant de bruit, que toute lecture est rendue impossible ; le pauvre greffier ne peut que s'avouer vaincu.

Quelques jours après, le Père gardien des Capucins, prêchant à Saint-Houardon pour la Circoncision, proteste une fois de plus, au nom du Recteur, contre la Constitution civile du clergé. Furieux, le Conseil décide de défendre à ce religieux de prêcher désormais dans aucune des églises qui sont sur le territoire de la Municipalité, prescrit une enquête sur ce sermon, et décrète que désormais nul prêtre ne pourra prêcher à Landerneau sans l'agrément de la Municipalité. Une pétition de patriotes vient aussi dire son mot : « Quoi ! le maire a réprimandé le greffier, en lui disant : Ce n'est pas dans l'église, mais hors de l'église que vous auriez dû lire la proclamation ! » — La messe était finie, on ne peut donc dire que le service divin ait été troublé. En conséquence, on prie le maire d'être plus patriote et de prouver à la ville par son civisme que l'on ne doit pas regretter de l'avoir nommé à cette fonction. On loue le greffier de son courage, et on blâme le maire, ainsi que le procureur qui n'ont pas usé de la force. Le 4 janvier, le Père gardien des Capucins, mandé à la barre du Conseil, arrive ; on le prie de déposer sur le bureau le texte de sermon. « Je ne l'ai pas écrit, dit-il, j'ai prêché d'abondance ; cependant je puis vous en donner quelques passages », et il se met à débiter son sermon quand au bout de quelques minutes on l'interrompt lui disant que c'est assez et on lui fait connaître l'interdiction de prêcher portée contre lui et qu'on étend à tous les religieux de sa maison. Mais l'heure approche de faire le serment et d'adhérer à la Constitution civile du clergé. Chaque prêtre est averti.

Sans hésitation, le 23 janvier, Pillet et Corre prétent le serment à Saint-Julien. Ce jour, l'assemblée municipale, dit le procès-verbal, a entendu la messe ; à l'issue de cette messe, M. Pillet est venu sur les marches de l'autel, a fait un discours puis, la main levée, en présence du Conseil général et des fidèles, a juré de remplir avec exactitude les fonctions qui lui ont été confiées, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi. M. Corre a répété le même serment. Huit jours après, à Saint-Houardon, même cérémonie après la messe, pour MM. Thomas et Léyer, prêtres habitués. M. Thomas a fait le discours, et tous deux, s'avançant dans le sanctuaire, ont prêté serment.

On l'a vu, par l'attitude du maire M. Renault, et le blâme donné au procureur, la municipalité nouvelle répugne à la persécution religieuse. Mais le club Amis de la Constitution qui vient de se former, va pousser à cette persécution. Il a obtenu la suppression de la quête que les trésoriers de fabrique faisaient jusqu'ici le jour du premier de l'an pour les étrennes du recteur, « procédé scandaleux, dit-il, contraire à la loi qui prévoit le traitement des recteurs ». Il réussit à provoquer l'évacuation du Couvent des Capucins dont la chapelle servira à la Phalange citoyenne, créée pour veiller à la sécurité publique et avec faculté d'annoncer les séances au son de la cloche.

Jusqu'ici la Communauté invitait elle-même les prédicateurs de la Station du Carême à Saint-Houardon, sur la présentation du recteur, et leur payait leurs honoraires; c'est ainsi que sur les cahiers de l'ancienne Communauté on trouve un reçu écrit de la main du P. Maunoir, pour honoraires (200 livres) de la Station qu'il prêcha dans cette église en 1651. Mais. aujourd'hui il faut, dit le procureur, des prédicateurs patriotes et, sous l'inspiration de Pillet, le Conseil arrête d'inviter M. Gomaire pour prêcher la Station française, et M. Kéruzoré pour prêcher la Station bretonne.

M. Kéruzoré, vicaire à Kersaint-Plabennec, répond qu'il aurait volontiers accepté la Station bretonne, mais puisqu'on exige de lui le serment à la Constitution civile du clergé, il refuse. M. Gomaire, originaire du diocèse de Vannes, et frappé d'interdit dans ce diocèse, sert en qualité de chapelain, à Kérivon [Note : Chez les Parscau du Plessis : Hervé du Plessis et Châteaubriand épousèrent les deux soeurs Mlles Céleste et Anne Buisson de la Vigne], en Plounéventer, dans une famille noble ; l'occasion de se refaire une carrrière est trop belle pour qu'il la laisse passer. Aussi accepte-t-il la Station avec un enthousiasme délirant :

« Messieurs, écrit-il aux membres du Conseil, j'accepte l'honneur que vous me faites, je vous prêcherai le Carême. Mon âme est à Dieu, ma vie est à la Patrie. En faisant le serment civique aux pieds des autels de la Religion, je lui rendrai un hommage public et je distinguerai les droits de Dieu et ceux de César. Je n'ai pas voulu faire ma soumission pour ce serment que mon coeur a fait mille fois, parce que la loi ne m'y appelait point, parce que je voulais fermer la bouche au fanatisme qui n'eut pas manqué de crier que l'ambition ou le désir d'une place capable de la flatter, déterminaient cette démarche. Gardez-vous aussi de croire que le respect humain m'en imposait ; quoique lié avec les ci-devants nobles, qui sont et que je désire toujours être mes amis, j'ai publié mes sentiments avec courage, j'ai montré avec hardiesse mon civisme et je me fusse cru avili, flétri à mes propres yeux si j'avais eu la bassesse de cacher les uns et de dissimuler les autres. Amicus Plato amicus Aritoteles, sed magis amica veritas. La loi parle aujourd'hui, elle exige de moi le serment, c'est un devoir, Messieurs ; je le remplirai avec joie dans toute son étendue pour me rendre plus digne en tout cas de fournir la carrière dans laquelle je dois entrer. Je suis avec respect et un entier dévouement à la chose publique, Messieurs, votre humble et très obéissant serviteur. GOMAIRE, prêtre. — Kerivon, le 13 février 1791 ».

Le 6 mars, pendant que M. Cessou chantait la messe, Gomaire vint à la fin du prône sur le seuil du Sanctuaire à Saint-Houardon ; aussitôt les prêtres fidèles se retirèrent à la Sacristie. Gomaire prit la parole, fit un violent discours où il attaqua les prêtres réfractaires, qui ont « tant de foi, dit-il, que chez eux il n'y a plus de place pour la charité » et solennellement prêta le serment. Ce discours fit tant de plaisir aux Amis de la Constitution, que ce club le vendredi 11 mars tint une séance spéciale en l'honneur de Gomaire dans la chapelle des Capucins, et lui décerna la couronne civique.

Le décret du 23 novembre 1790 ne réclamait pas que le serment des ecclésiastiques, il demandait qu'il fut pourvu aux Cures par l'élection. L'élection de l'Evêque avait eu lieu, le Département songeait maintenant à commencer les opérations électorales pour le choix des curés et il n'envisageait pas cette besogne sans appréhension. D'abord le nombre des sujets éligibles était fort restreint, puisque c'était l'infime minorité du clergé qui avait prêté serment ; de plus, la partie saine de la population se détournait partout des prêtres assermentés ; à coup sûr, des troubles, des émeutes même étaient à craindre pour ces élections. Le Département choisit Landerneau, où le Club des Amis de la Constitution était si ardent, pour procéder aux premières élections. C'était un ballon d'essai, dit le chanoine Peyron ; il ne s'agissait que de pourvoir aux cures de Loperhet et de Sizun, l'élection aux autres cures étant remises après l'arrivée d'Expilly. Le district de Landerneau pria le recteur de Saint-Houardon d'aller dire ses messes dans la chapelle des Agonisants (Chapelle du cimetière de la paroisse). Le Département demanda au « Commandant de terre » à Brest d'envoyer 200 hommes de ligne prendre garnison à Landerneau. C'est ainsi qu'à l'écart des prêtres fidèles et à l'abri des baïonnettes, le 27 février, Leroux, vicaire à Lambézellec, fut élu curé de Sizun et le P. Rannou, ex-Récollet, curé de Loperhet ! « Le premier, dit Le Gall, procureur du District de Landerneau, avait dû être autrefois chassé de Sizun, le second est un religieux, naguère mendiant. Bénissons la Providence de notre Constitution ! ».

Enfin, Expilly l'élu du 2 novembre, était sacré à Paris le 25 février, par Talleyrand ; un ecclésiastique de Landerneau, l'abbé Le Gris-Duval, avait été chargé par M. Emery, supérieur de Saint-Sulpice, d'assister à la cérémonie, qu'il suivit le pontifical en mains. Il put attester que la consécration, si elle n'était pas licite, était valide. Le 12 Mars, Expilly prenait possession de la cathédrale de Quimper.

Aussitôt les élections aux cures furent organisées dans tous les Districts. Les 13, 14, 15 et 16 mars les électeurs de Brest élisaient Pillet à la cure de Lannilis, Corre à la cure de Plougonvelin, et Thomas à la cure de Landunvez. Le 25 mars, malgré la loi qui exigeait que les élections commençassent un dimanche, les électeurs du District de Landerneau élisaient eux aussi Pillet comme curé de Landerneau et Corro comme curé de Plouvorn ; les élections eurent lieu à Saint-Houardon, le recteur ayant été forcé encore d'aller dire ses messes ailleurs, chez les Ursulines cette fois. Corre, l'ami de Pillet, accepte d'abord Plouvorn, mais, après une visite en ces lieux réfractaires, dit-il, il revient sur son choix et demande Plougonvelin, où Brest l'a élu. Quant à Pillet, ayant à choisir entre Lannilis et Landerneau, il opte avec empressement pour Landerneau, et si le Conseil remet après la visite d'Expilly la prise de possession de la cure, Pillet à partir de ce jour, signe sur les registres de Saint-Julien, curé de Landerneau.

Le soir même, Gomaire, prêchant à Saint-Houardon, célèbre avec enthousiasme l'élection du grand patriote Pillet.

Le même jour, le Conseil général de la commune reçoit une lettre d'Expilly lui annonçant sa visite pour le 30 Mars. Il décide aussitôt que ce jour-là un Te Deum sera chanté à l'église Saint-Julien ; qu'une garde d'honneur de 50 hommes ira au-devant de l'évêque jusqu'au Faou, où il doit coucher ; que, aussitôt son approche signalée, les cloches de toutes les églises carillonneront ; qu'une collation sera servie dans la salle de la mairie ; et que si l'évêque couche à Landerneau, il sera ordonné aux habitants d'illuminer. Le 30 Mars, en effet, dès 8 heures du matin, le quai de Cornouaille est garni des troupes de la milice ; pour éviter au prélat intrus la vue de l'église réfractaire de Saint-Thomas, il a été décidé qu'au lieu de descendre par la rue de Daoulas, on gagnerait le quai de Cornouaille par la route longeant Penanrue. A dix heures, la voiture d'Expilly est signalée ; aussitôt les cloches sonnent, l'Administration du District, le Conseil général de la commune, et Pillet, accompagné de Corre, Thomas, Léyer et Gomaire, se rendent au haut de la rue de Daoulas ; bien avant eux, le Club des Amis de la Constitution est là accompagné de sa Phalange de jeunes citoyens.. Quand le prélat descend de sa voiture, le procureur du District, le maire, le secrétaire du Club, Pillet enfin, y vont de leur harangue ; Expilly leur répond, et le cortège se met en marche vers Saint-Julien. Revêtu de ses habits pontificaux, Expilly passe, distribuant ses bénédictions, sous lesquelles les « patriotes » seuls ploient le genou et il arrive au seuil de l'église. Là, Pillet, qui a revêtu la chape, présente au prélat l'encens et l'eau bénite puis le conduit au chœur.

Après une prière, Expilly monte en chaire et fait un sermon « respirant le plus pur patriotisme et l'émotion la plus évangélique ». « Je ne suis venu, dit-il, que pour faire tomber les dissentions et les malentendus ». De fait, quand, l'après-midi, le maire et le curé intrus lui demandent la conduite à suivre vis-à-vis des clergés réfractaires de Saint-Houardon et de Saint-Thomas, il prie de laisser ces prêtres exercer le ministère jusqu'à la définition des circonscriptions paroissiales ; il veut même aller en personne rendre visite à M. de La Rue et à M. Bodénez, mais le maire l'en détourne, sachant bien que ces prêtres fidèles ne le recevraient pas. D'ailleurs il va avec Pillet faire visite aux Ursulines ; ces religieuses ont refusé d'élire une supérieure et une économe suivant la nouvelle Constitution ; leur aumônier, M. Guillou, a refusé le serment. Au parloir, Expilly est reçu, poliment mais froidement, par la Supérieure, Soeur Sainte-Pélagie, qui lui déclare ne pas reconnaître d'autre évêque que Mgr de La Marche, et qui refuse de réunir ses soeurs soit au parloir, soit à la chapelle. « C'est le seul chagrin qu'il ait éprouvé dans notre ville », dit le procureur du Conseil. Le soir, un dîner splendide donné à la mairie, un feu de joie allumé sur le quai de Léon et illuminant même les fenêtres des réfractaires, consolèrent Expilly. Au dessert, un poète du terroir, Le Laë, juge au Tribunal de Landerneau, auteur du fameux poème breton Michel Morin, lut une longue pièce de vers à l'adresse d'Expilly ; cette poésie en français, citée pourtant avec admiration par Cambry dans son « Voyage dans le Finistère », laisse penser que Le Laë aurait eu plus d'esprit en breton.

Le lendemain matin, Expilly partait pour Brest, escorté de 800 hommes que le District de cette ville avait envoyés au-devant de lui. Quelques jours après, repassant par Landerneau, il entrait à l'église Saint-Julien et y baptisait l'enfant de Collomby, le gardien du Couvent des Capucins, puis partait pour Morlaix. « Ce prélat, disait le Club, sera bientôt chéri de tous, l'affabilité la plus douce rapproche de lui tout le monde ». En partant pour Morlaix, Expilly nommait Gomaire, le prédicateur de Saint-Houardon, un de ses vicaires épiscopaux. (L. Saluden).

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