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Landerneau : organisation du gouvernement révolutionnaire.

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Organisation du gouvernement révolutionnaire ; changement de calendrier ; laïcisation des noms de rue ; fête de la Raison ; l'église Saint-Houardon transformée en Temple de l'Etre suprême. Pillet n'a plus de presbytère ni d'église ; laconisme poignant de ses registres de baptêmes ou de mariages.

Le 10 octobre 1793, la Convention avait proclamé que le gouvernement serait révolutionnaire jusqu'à la paix. Le 5 décembre, la loi dite du 14 frimaire fixait les modalités de ce régime qui allait prendre dans l'Histoire le nom de la Terreur.

De collective l'administration devient centrale et unitaire. Plus de conseils généraux ou particuliers de Départements ; les Commissions départementales sont maintenues, il est vrai, mais elles cessent d'être chargées des affaires politiques ; leurs attributions se limitent à la question des contributions et des travaux publics. Le maître souverain est le Comité de salut public, formé de 12 membres, en théorie renouvelables tous les mois, mais qui de fait, se perpétuent au pouvoir, comme les Robespierre, Couthon, Saint-Just, Barère, etc... Un peu au-dessous de ce Comité, mais non loin de lui, fonctionne un autre Comité : le Comité de sûreté générale. Le Comité de salut public agit en province par les Représentants du Peuple ; ceux-ci nomment les membres des municipalités et ont près d'elles un représentant dit agent national. Le Comité de sûreté générale a de même dans chaque commune un auxiliaire, c'est le Comité de surveillance appelé aussi Comité révolutionnaire. Enfin, autre institution qui va aider puissamment ce gouvernement que Michelet appelle « la monarchie des Comités », c'est le Tribunal révolutionnaire, dont les jugements sont définitifs : nul appel, nul recours en cassation ; et pour monter la garde devant l'échafaud qu'il va édifier en permanence, une Armée révolutionnaire est créée. En résumé, ce gouvernement comprend la Convention qui légifère, le Comité de Salut public qui gouverne, le Comité de sûreté générale qui dénonce et le Tribunal révolutionnaire qui frappe.

« Ce gouvernement, dit Robespierre, doit aux bons citoyens toute la protection nationale ; il ne doit aux ennemis du peuple que la mort ».

Le premier ennemi que le nouveau régime va poursuivre c'est la religion. A l'aide du culte constitutionnel, on a abattu le culte orthodoxe, on va maintenant détruire le culte constitutionnel « Il est plaisant, dit le conventionnel Dupont, de voir en une république préconiser une religion monarchique. Quoi ! les trônes sont renversés, les sceptres brisés, les rois enfuis ; et les autels de Dieu sont encore debout ! ». Le meilleur moyen d'éteindre la foi est d'en déraciner l'habitude. Le calendrier reste encore qui avec ses dimanches et ses fêtes rappelle au peuple la religion de son enfance.

Le 5 octobre 1793, un député-poète Fabre qui se dit d'Eglantine fait abolir l'ère chrétienne pour la remplacer par l'ère républicaine commençant le 22 septembre 1792 ; si bien que l'an II commencé le 1er janvier 1793 reprit de nouveau à partir du 22 septembre 1793, ce qui a causé pas mal de méprises à des historiens. L'année fut divisée en 12 mois, tous de 30 jours ; chaque mois fut partagé en 3 décades. Pour ne pas rompre avec le soleil, au bout de 12 mois on ajoutait 5 ou 6 jours complémentaires. A ces mois le député-poète donna des noms sombres, lourds, gracieux ou éclatants suivant la saison. De ce calendrier, tout nom de saint fut banni : à chaque jour un donnait pour remplacer le nom du saint, un nom umprunté au règne minéral ou végétal, sauf pour les quintidis (5ème jour) dont le nom était emprunté au règne animal et les décadis (10ème jour), dont le nom était celui d'un animal ou d'un instrument de travail.

Comme jadis au baptême on donnait souvent à l'enfant le nom du saint du jour, plusieurs donneront aussi aux enfants le nom de la plante attribué au jour où ils viennent déclarer le nouveau-né à la mairie.

Ainsi dans les cahiers de l'Etat-civil de Landerneau on voit le président de la Commission départementale le citoyen Goëz, donner à son petit garçon le nom de Valériane ; or Valériane est le nom de plante attribué au 22 floréal dans le Calendrier républicain.

« Ce jour 22 floréal an 2 de la République une et indivisible s'est présenté le citoyen Jean-Toussaint Goëz, secrétaire général de la Commission administrative du Département du Finistère, demeurant sur la commune de Landerneau, rue de Traverse, lequel a déclaré que la citoyenne Françoise-Antoinette Bulot son épouse accoucha hier à 2 heures du matin et en sa demeure susdite d'un enfant mâle qu'il m'a présenté et a fait donner les prénoms d'Armand-Valériane, en présence du citoyen Ildut Moyot, administrateur du Département, demeurant en cette commune, âgé de 45 ans, et de la citoyenne Louise-Françoise Cossoul, épouse du citoyen René Goubin, demeurant à la maison rurale de Kerarchoat, commune de Loperhet. Ont signé : Cossoul, Goubin, Moyot, Goëz ». Lebourg, officier public.

Néanmoins les prénoms empruntés aux végétaux sont rares ; on n'en trouve aucun emprunté au régime animal ou minéral ; un père répugne naturellement à donner à son enfant le nom de fumier (6 nivose), d'ardoise (18 nivôse) ou de ver à soie (15 floréal) ; plus fréquents sont les prénoms empruntés à l'histoire romaine, comme dans l'acte suivant :

« Ce 27 fructidor an 2 de la République française une et indivisible s'est présenté le citoyen Pierre Soret, officier de santé à l'Hospice maritime en cette commune, accompagné du citoyen Quintin, officier de santé, et du citoyen Dupuy, également officier de santé, lequel nous a déclaré que la citoyenne Bonne Golion son épouse a accouché hier d'un enfant mâle qu'il m'a présenté et auquel il a fait donner les prénoms de Muscius-Virginius. Ont signé : Quintin, Dupuy, Soret ». Lebourg, officier public.

C'est le 16 novembre 1793, le 27 brumaire, que le cahier des Délibérations du Conseil de Landerneau date ses séances avec le nouveau calendrier. Ce calendrier est aussitôt accepté par les vicaires de Pillet, Torret et Rannou. Le curé intrus lui-même n'usera jamais de ce calendrier ; et dans l'unique cahier qui sert à enregister les baptêmes et les mariages il est curieux de constater entre deux actes datés de floréal et signés par les vicaires, un acte daté de mai et signé du curé.

Après avoir laïcisé le calendrier, on n'a pas enlevé tout ce qui est marqué à l'estampille religieuse, car tout ou presque tout portait cette empreinte. On changea les noms des communes, on changea aussi ceux des rues.

Le 21 février 1794, le Conseil municipal de Landerneau :

« Décide de changer les noms des sections de la ville et les noms des rues qui ne cadrent pas avec les principes constitutionnels et de donner les nouvelles dénominations :

I. La section des Droits de l'Homme (section ci-devant de Saint-Houardon).

Rue Marat — rue du Pont.

Rue des Halles — inchangée.

Rue de l'Union — rue Penanvern (actuellement des Boucheries).

Rue de la République — rue Fontaine-Blanche.

Rue du Département — rue de Plouédern.

Rue de la Convention — rue du Couër.

Rue J.-J. Rousseau — rue Duthoya (rue Traverse de l'Eglise).

Place nationale — place aux vaches (actuellement place Saint-Julien).

Rue de l'Egalité — rue de l'Evêque (actuellement rue de Brest).

Rue Michel Lepelletier — rue Saint-Houardon.

Rue Guillaume Tell — rue de la Rive.

Quai de la Liberté — quai de Saint-Houardon.

Place révolutionnaire — place aux Peaux (place de la Mairie).

Les Champs Elysées — La promenade du Quai.

II. Section de la Fraternité (ci-devant de Saint-Julien).

Rue de la Pompe — inchangée.

Rue Neuve — inchangée.

Rue Voltaire — rue de Ploudiry.

III. Section de l'Indivisibilité (ci-devant de Saint-Thomas).

Rue de la Raison — rue Saint-Thomas.

Rue de Plougastel — inchangée.

Rue de l'Unité — rue de Daoulas.

Place civique — place de Saint-Thomas.

Quai de la Montagne — quai de Saint-Thomas.

Les maisons seront numérotées et les frais en seront payés par les locataires sauf recours contre les propriétaires. Le citoyen Vergoz, peintre, est chargé d'inscrire les noms des rues et les numéros des maisons ».

Le 26 janvier 1794, le Conseil avait décidé de démolir les croix et statues de saints qui se trouvent sur les passages ou sur les maisons. Et sur la place du Saint-Esprit, les militaires allumèrent le soir même un brasier où l'on brûla tableaux et statues de saints ; des chefs-d'oeuvre furent ainsi anéantis, entre autres le tableau de la Sainte-Famille de Restout, ce qui arrache à Cambry dans son Catalogue ce cri d'indignation :

« Au milieu de la belle boiserie qui renfermait le tableau de Restout, dit-il, gravez sur une table de marbre : Ici fut un chef-d'oeuvre de peinture détruit par des hommes égarés. Amis des art et de l'humanité, souvenez-vous des jours de Robespierre ».

On ne se contenta pas de laïciser, on alla hélas ! jusqu'au blasphème. A l'imitation de la mascarade qui sous le nom de Fête de la déesse Raison souilla Notre-Dame de Paris, la reine de nos cathédrales, « l'auguste temple rêvé par Charlemagne, dit P. de La Gorce, et élevé par le glorieux génie du Moyen-Age », on profana la vieille église de Saint-Thomas, le jour même de la fête de son titulaire, le 29 décembre. Sur le vieux maître-autel de 1711 qui subsiste encore, surmonté d'une statue de la Vierge mère, et décoré des statues de saint Thomas de Cantorbéry et de saint Blaise et de bas-reliefs représentant leurs martyres, une femme monta, drapée en une longue robe blanche, un manteau bleu sur les épaules et coiffée d'un bonnet rouge ; devant elle, on brûla de l'encens réquisitionné à la sacristie de Pillet ; les sans-culottes chantèrent l'Hymne de la Liberté, publiée par l'Almanach des Muses, et, à la fin de la cérémonie, au son de la Carmagnole on sortit danser sur la place Saint-Thomas. Sur le porche de la vieillie église une planche fut fixée, sur laquelle le peintre Vergos écrivit en lettres d'or : « Temple de la Raison ».

Le catholicisme se retirait donc, mais il se retirait comme s'en va la mer, en laissant sur le rivage des flaques d'eau. Car voici que trois jours après cette honteuse mascarade, le 1er janvier 1794, jour qui n'était cependant pas un décadi, le peuple chôma, et la cloche de Pillet rassembla à Saint-Houardon pas mal de monde. Aussi savourons la fureur du Comité de Surveillance qui expédie à la Municipalité la lettre suivante :

« Citoyens, l'ère républicaine date du 22 septembre (vieux style) et cependant nous voyons avec scandale que le 12 nivôse (1er janvier) de l'an 2 de cette ère a été chômé dans cette ville. Que penseront de nous les Représentants du Peuple qui doivent sous peu de jours venir ici pour l'épuration des corps administratifs, quand on leur apprendra que nous sommes encore enfouis dans la superstition de l'ancien régime, quand ils sauront que les mères de Landerneau ont fait à leurs filles chômer une fête dont elles ne voudraient pas sans rougir et sans exposer leur pudeur leur en expliquer les motifs, une fête enfin qui tient à la religion luxurieuse des Juifs et non à celle qu'elles professent et font professer à leurs enfants ?

Réparons autant qu'il est en nous, Magistrats du Peuple, le tort que nous avons eu, en n'ayant point fait défense de chômer ce jour. Pour empêcher de tout notre pouvoir que le septidi de la présente décade, connu autrefois sous la dénomination de jour des Rois, ne soit pas chômé, nous croyons qu'il serait prudent d'enjoindre au curé de faire fermer ce jour-là son temple.

D'après votre réponse nous prendrons des mesures ultérieures ».

Le lendemain la Municipalité prenait l'arrêté suivant :

« Article 1. — Il sera défendu à tous les boulangers de la Commune et autres qui viendraient y vendre, de faire des gâteaux avec ou sans fève, ainsi qu'il était d'usage tous les ans à la fête dite vulgairement des rois qui se trouve le 6 janvier vieux style et 17 nivôse présent mois ;

Art. 2. — Défense sera faite aux citoyens de tenir leurs boutiques fermées le dit jour et injonction sera faite au citoyen Pillet, curé de cette paroisse, de ne pas annoncer le même jour la cérémonie de son culte par aucun signe extérieur ; qu'en conséquence il ne pourra le faire par le son de la cloche ;

Art. 3. — Les citoyens de la Commune seront en outre invités de tenir leurs boutiques ouvertes tous les jours sans distinction et qu'ils seront libres de les tenir ouvertes ou fermées les jours de décadi ; leur rappelant que la loi qui maintient la liberté des cultes ne veut point que les signes extérieurs puissent troubler l'ordre public ».

Quelques jours après, en revanche, on donnait à la nouvelle religion de la Raison toutes les manifestations extérieures refusées à la religion constitutionnelle. On décidait le 11 janvier que « tous les décadis le curé ne pourra pas sonner sa cloche et ne devra pas chanter de grand'messe, mais que la cloche de Saint-Thomas sonnera pour annoncer les séances au Temple de la Raison ; un municipal ira chaque décadi en écharpe dans la chaire lire les lois ; tous les citoyens sont invités à se rendre à la cérémonie qui sera célébrée à 10 heures du matin ; ceux qui ont le talent de la musique seront invités à y jouer des airs révolutionnaires ; ceux qui voudront prendre la parole le pourront après avoir soumis leurs discours à la Société populaire régénérée ».

Outre ces cérémonies décadaires, la Société populaire organise des fêtes populaires. C'est ainsi que le 16 avril 1794, le Conseil général de la Commune approuve un projet de fête proposé par cette Société pour la plantation des pommes de terre. Il nomme commissaires à cet effet Pillet et Kérébel ; ceux-ci « sont autorisés à requérir des charrues et à se procurer le fumier nécessaire à la culture qu'ils se proposeront de faire et qu'ils croiront le moins dispendieux ».

Mais les pontifes de la religion nouvelle ne sont pas tellement absorbés par leur nouveau culte, qu'ils oublient la lutte contre les prêtres dits réfractaires. On peut compter facilement les pauvres prêtres, restés fidèles à leur devoir et qui circulent dans le pays. La déportation, la prison ou l'exil ont fait qu'ils sont devenus bien rares, rari nantes... Il y en a cependant encore qui ont échappé à toutes les recherches, tel le vicaire général Henry qui se cache dans le puits de Kernizan, en Guipavas, et de là, au nom de son évêque, gouverne le diocèse de Léon ; tel le brave M. Mouden, l'ancien vicaire de Beuzit, signalé souvent ici et là, jamais saisi. Depuis la Terreur, la capture, c'est la mort et le bourreau de Brest, Ance, réserve à ces réfractaires un raffinement de supplice ; il revêt le couteau de la guillotine « de bandes aux couleurs tricolores » (Mémoires de Raffin).

Aussi quel triomphe chez nos sans-culottes quand un de ces pauvres prêtres est découvert et arrêté ! Ainsi, le 8 janvier, on a pu saisir le recteur de Lanhouarneau, M. Grall ; voici ce qu'écrit à ce sujet le Comité de surveillance aux Représentants du Peuple à Brest :

« Citoyens, nos dragons viennent de faire une capture vraiment intéressante ; ils nous ont amené un fier scélérat, un prêtre insermenté, un vieux fripon nommé Grall, ci-devant curé de Lanhouarneau, district de Lesneven. Cet agioteur (sic), déguisé sous l'accoutrement le plus grotesque, ressemble fort aux monstres de la Vendée. Comme ceux-ci, il avait sur lui des osties (sic), des huiles, un registre de baptêmes et de mariages ; ce qui constate qu'il n'avait pas encore renoncé à son ancien charlatanisme et qu'il en faisait son profit. La prise de ce fourbe s'est aussi étendue au malheureux paysan qu'il avait séduit. Ils sont l'un et l'autre dans nos prisons. Dans ce moment nous célébrons avec la plus vive satisfaction cette capture ; la République aura un grand ennemi de moins. Salut et fraternité ».

Les sans-culottes vexés qu'on ne vienne pas plus vite prendre livraison de leur proie et la mener à l'échafaud, écrivent de nouveau aux Représentants onze jours plus tard :

« Représentants, nous vous adressâmes le 18 courant une copie du procès-verbal de capture d'un monstre fanatique dont nos braves dragons ont arrêté la ferveur en s'en saisissant ainsi que de son récéleur. Depuis cette époque notre air est infecté de ce sicofante (sic), nos prisons ne sont pas sûres et sont pleines ; il fanatise les prisonniers. En un mot, nous pensons que la sûreté générale est compromise par le séjour ici de ce cruel ennemi de la République. En conséquence, nous vous l'envoyons avec son récéleur pour en faire prompte justice. Salut et fraternité ».

Le pauvre prêtre fut tôt après interné au Château de Brest ; il y mourut la veille du jour où il devait comparaître au tribunal révolutionnaire et de là monter à l'échafaud.

Les prêtres constitutionnels eux-mêmes sont suspects aux yeux des sans-culottes. Pillet a donné son nom à la Mairie pour tenir une école, le Comité de surveillance le refuse comme instituteur public. Dans les environs de Landerneau, deux prêtres constitutionnels font les fonctions d'officiers publics et tiennent les registres de l'état-civil. Le Comité de surveillance l'apprend et écrit aussitôt à l'agent national Le Gall :

« Républicain, une des lois les plus intéressantes est celle du 21 septembre 1792, dont l'objet est de constater l'état-civil, et cependant nous avons appris avec étonnement que l'officier public dans certaines localités est un prêtre. Ainsi Plougastel et Irvillac où 2 druides (sic) couverts d'un masque hypocrite semblent se faire un jeu cruel et barbare de sacrifier la somme de l'intérêt public et général au système combiné qui ne tend à rien moins qu'à détruire le nouvel état de choses pour conserver tous les abus de l'ancien dont ils ont su tirer un si bon parti. Fais donc cesser, Républicain, sans délai, ce monstrueux abus d'un emploi qui ne devrait être confié qu'à des personnes pures, incapables d'en abuser et surtout d'en faire un trafic scandaleux ».

Mais tout cela n'est rien à côté de ce qui se produisit le 6 prairial, le 26 mai 1794 ; laissons parler le Cahier des Délibérations du Conseil de la Commune. de Landerneau :

« Ouïe une lettre d'envoi de l'agent national du District, en date du 4 de ce mois qui publie l'arrêté du Comité du salut public du 23 floréal dernier et un exemplaire du rapport fait à la Convention nationale par Maximilien Robespierre le 13 du même mois, à la suite duquel est le décret du même jour qui consacre la profession religieuse et morale du Peuple français. Le Conseil arrête que l'église Saint-Houardon sera désormais le temple dédié à l'Etre suprême et que l'inscription portée en l'arrêté du Comité de salut public ci-dessus relatée sera apposée en son frontispice, à savoir " Le peuple français reconnaît l'Etre suprême et l'immortalité de l'âme ". Le 20 de ce mois (le 9 juin) on y célébrera la fête de l'Etre suprême ; pour aider aux préparatifs de la fête le Conseil nomme pour commissaires les citoyens Pierre Leroux et Laurent Leroux, ingénieurs, et leur adjoint le citoyen Cornec, notable de cette commune ».

Le 30 mai, Leroux présente au Conseil le rapport sur la fête et chaque article n'est voté qu'après une longue discussion :

« Sur l'article 1, dit le procès-verbal, on décide que les orgues seront démolies et tous les objets inutiles à la célébration de la fête seront déposés dans la sacristie.

Sur l'article 2, le citoyen Leroux se bornera à faire enlever les barrières de la promenade qui seront replacées après chaque cérémonie.

Sur l'article 3, on autorise le citoyen Leroux à faire faire à Brest, les vases, les globes et les faisceaux.

Sur l'article 5, on se bornera à la décharge des boëtes que l'on pourra se procurer.

Sur l'article 6, le citoyen Leroux fera requérir les planches qui lui sont nécessaires ; il se dispensera pour le moment de la confection des gradins.

Sur l'article 7, relatif aux ouvriers, le citoyen Leroux s'entendra avec l'agent maritime chargé de l'hospice militaire afin d'en obtenir. Il sera en outre fait une proclamation afin d'inviter les citoyens et les citoyennes à prêter la main à la confection des guirlandes et de la montagne suivant les dispositions qui seront tracées.

Les corps constitués seront invités à se réunir à la Maison commune avec le Conseil général pour de là se transporter au lieu des séances du Département pour y prendre la bannière.

On écrira à Ficher, colonel du 77ème régiment en garnison à Quélern à l'effet d'obtenir 6 musiciens pour la fête de l'Etre suprême ».

Ce jour-là même le maire reçoit une lettre du citoyen Pillet, il en donne lecture au Conseil ; sans le prévenir, on lui enlève, dit le curé, l'église de Saint-Houardon ; on aurait pu affecter l'église Saint-Thomas comme temple de l'Etre suprême, or on vient de la céder à l'Intendance ; l'église Saint-Julien sert de grenier à foin ; je suis curé, il me faut une église.

Le Conseil répond : « Qu'on passe à l'ordre du jour ; les autorités constituées ne peuvent s'occuper d'autre culte que de celui décrété par la loi ; les autres, cultes sont libres, mais on ne doit point leur accorder de local pour leurs exercices ».

De plus, le Conseil invite le citoyen Pillet à évacuer son presbytère, la maison qu'il occupe appartenant à la Nation, et ordonne que l'inventaire soit fait de tous les meubles et ornements de l'église constitutionnelle, tout devant être vendu au profit de la Nation.

Et à partir du 29 mai 1794, voici le pauvre Pillet sans presbytère, sans église, sans ornements sacrés, et si nous feuilletons son registre des baptêmes et mariages, on ne peut s'empêcher d'avoir le coeur navré en lisant tels que nous les citons les actes consignés par lui du 29 mai au mois d'août 1794, datés quant au mois seulement.

Mai : baptisé chez François Yven un enfant à lui.

Juillet : baptisé chez le Bras près des Halles un enfant à lui.

Baptisé Rue Neuve chez un particulier un enfant.

Baptisé un enfant de Le Bihan chez lui.

Ont épousé en face d'Eglise Christophe Leroux et Corentine Le Meur.

Août: ont épousé en face d'église François Le Met et Marie-Joseph Forèze.

Baptisé un enfant au citoyen David chez lui.

Donné bénédiction nuptiale au citoyen Haebec et à, Marie-Jeanne Bernard. etc...

Le 27 juillet 1794, il est vrai, avec Robespierre tombe le culte de l'Etre suprême, mais l'Eglise Saint-Houardon n'est pas rendue à Pillet, et le curé intrus restera sans église jusqu'en avril 1795. Le 6 juillet 1794, on met en vente le mobilier de l'église :

Ornements : 50 chasubles, 21 ornements noirs complets, 29 chapes de couleurs diverses, 6 étoles pastorales, 2 chapes en velours garnies en or, 16 chapes en noir, 30 parements d'autels et de pupitres de différentes couleurs, 2 dais, 7 voiles de soie et en or et argent, 8 robes en serge rouge pour enfants de choeur.

Linge. 54 nappes d'autel, 31 nappes de communion, 39 amicts, 145 purificatoires, 71 corporaux, 44 cordons, 7 tours de collet en blanc.

Cuivre. 64 chandeliers, 1 bénitier et aspersoir, 2 encensoirs, 4 croix pesant 563 livres ; 1 fontaine pesant 14 livres ; 6 grands chandeliers argentés et 1 croix pesant 117 livres ; 6 flambeaux pesant 16 livres.

Boiserie. 1 grand Christ, 4 pupitres.

En plus : 14 grands livres et 1 petit verre rond concave servant au soleil.

En même temps que les dépouilles de l'église Saint-Houardon, on met à l'encan ce qui reste du mobilier des autres églises et chapelles de Landerneau, à savoir, d'après le procès-verbal suivant de l'inventaire :

Eglise Saint-Thomas : 5 autels avec balustrade, 1 chaire en chêne, 4 confessionnaux en sapin travaillé, 1 christ, 125 chaises, 6 chandeliers en bois doré, et dans le cimetière : 3 arbres de croix en 8 morceaux et 3 piédestaux de croix.

L'église Saint-Julien : 4 grands autels et 1 grille en fer, le tout masqué par du foin ; 18 cierges postiches en bois, 200 chaises, 1 chandelier pascal, 8 petits chandeliers et des lampes, objets en cuivre, pesant 72 livres ; il y a peutetre autre chose sous le foin.

Chapelle Fontaine-Blanche : 10 ornements, 14 manipules, 15 étoles, 30 devants d'autel, 6 cordons ; 2 chandeliers en cuivre et 1 bénitier pesant 39 livres ; 1 chaire en bois, 1 confessionnal, 1 vieux catafalque, 1 grand autel, 2 mètres en bois, 1 balustrade en bois et des bancs.

Chapelles des Anges, Saint-Roch et Saint-Sébastien, pas possible d'y entrer.

Signé : DUMAIGE, 22 Thermidor, an 2.

Il fut impossible aux personnes pieuses de racheter les ornements, car on détacha tous les galons d'or et d'argent ; mais elles sauvèrent les unes des statues de saints, d'autres des autels. Le maître-autel actuel de l'église de Saint-Houardon est, nous dit une tradition sérieuse, le maître-autel de l'ancienne église Saint-Julien ; le grand Christ qui actuellement y fait face à la chaire est l'ancien Christ de Saint-Houardon, et les vieilles statues en bois ornant actuellement le porche de l'église de Saint-Thomas sont des statues sauvées par le zèle d'Elie Mazé, le sacristain de cette paroisse à l'époque.

Au point de vue religieux la Révolution amenait donc le bouleversement complet ; mais il faut croire que tout devait avoir le même sort. (L. Saluden).

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