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Landerneau : épuration administrative durant la Révolution.

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Le Représentant du Peuple fait mettre aux fers un brave sans-culotte. Kérébel et les juges du Tribunal révolutionnaire de Brest ; son ami Perrin surprend des confessions ; les prêtres jugés les plus terribles adversaires de la république. A Brest les têtes tombent comme des ardoises. La nouvelle de la chute de Robespierre soulève l'enthousiasme à Landerneau (13 août 1794).

Le renouvellement de la municipalité à Landerneau a été fait suivant la loi de 1790. M. Cruzel a été réélu maire, M. Robert est maintenu procureur de la Commune. Mais le 8 janvier le Représentant du Peuple à Brest, Tréhouart, vient à Landerneau procéder à l'épuration des corps administratifs. Lors de son passage, un sergent de la garde nationale s'est trouvé absent de son poste. Le Représentant l'a fait mettre aux fers. Or ce sergent est un des sans-culottes les plus zélés du Comité révolutionnaire. Ce Comité prend aussitôt sa défense et écrit à Tréhouart dès le lendemain :

Républicain,
Un véritable sans-culotte Jean Lestréau tanneur, sergent de la garde nationale, s'est malheureusement trouvé absent de son poste au moment que tu as passé par cette ville. Il a sans doute tort et il ne cherche pas à se disculper, mais son absence, nécessitée par un pressant besoin, ne devait durer qu'un instant et si son subordonné qui était présent eut su se montrer à propos, tu n'aurais certainement pas été dans le cas de te plaindre d'un de nos meilleurs citoyens et surtout de le faire punir. Nous nous intéressons avec d'autant plus de plaisir en faveur de ce brave sans-culotte que nous sommes assurés que son civisme a toujours été prononcé et à l'abri de tout reproche
.

Nous ne savons ce qui advint du tanneur Jean Lestréau, mais le passage du Représentant du peuple eut pour effet de réduire le nombre des municipaux ; Cruzel trouva grâce devant lui et fut maintenu à son poste de maire, mais Robert, Gillart furent mis en arrestation, et déchus de leurs fonctions ; Le Gall fut nommé agent national près de la municipalité. Le Comité de surveillance réclama une indemnité pour ses membres : « Plusieurs sans-culottes du Comité, dit-il, n'ont d'autre fortune que leur ardent amour pour la Patrie. Applique au Comité la loi du 5 novembre (vieux style) qui accorde une indemnité de 3 francs par jour aux membres des Comités de Salut public des départements ». Et pour attester de son patriotisme, car c'est là son critérium désormais, ce Comité dénonce les membres du premier Comité. « L'ancien Comité a reçu de Bréard 23.000 francs, il les a dépensés, mais ne justifie pas en détail cette dépense ». Tréhouart charge alors le Comité de faire une enquête à ce sujet, promet de demander à la Convention l'allocation de trois francs et dit au Comité de surveillance qu'il a toute sa confiance.

Tout heureux de ce brevet de civisme, le Comité de surveillance alors redouble de zèle, et son cahier de correspondances se remplit de dénonciations.

« Dénonciation (20 janvier) contre Pichot sieur Kerguiniou, ex-noble et inspecteur de la forêt nationale du Cranou, invitation à l'agent national de faire arrêter ce dilapideur contre-révolutionnaire et sa famille, de faire apposer les scellés sur ses papiers avec la précaution de nommer un commissaire sans-culotte pour assister le juge de paix de ce canton, soupçonné d'être intime de cet ex-noble ».

Dénonciation contre la veuve Toullec, sans motif exprimé, dénonciation contre les citoyens Keromnès fils et Caroff. Remise à l'accusateur public d'une lettre d'une des filles du fameux aristocrate Conen Saint-Luc, ci-devant religieuse à Quimper. — Dénonciation contre Duval-Duclos et Callégan de l'ancien Comité de surveillance ; ces deux citoyens ont mal géré, etc..., etc... Mais le 6 mars il arriva une bien bonne aventure au Comité de surveillance de Landerneau et cette aventure montre le zèle de nos sans-culottes.

Si à Paris, à Nantes et à Lyon la guillotine abattait des têtes depuis juillet 1793, dans le Finistère elle s'était un instant dressée sous la domination de la Gironde pour exécuter les Barbier, Prigent, etc., condamnés pour les révoltes de mars 1793, puis elle avait été remisée. Mais le 5 février 1794, les représentants Jean Bon et Bréard installaient à Brest un tribunal révolutionnaire à l'instar de celui de Paris. L'accusateur public était Hugues. Le 8 février Hugues écrivait à la municipalité :

« Je vous requiers au nom de la loi, d'ordonner au charpentier de la commune de dresser demain à 7 heures du matin la sainte guillotine qui demeurera en permanence jusqu'à nouvel ordre sur la place de la Liberté (Champ de bataille) ... ».

Et le jour dit les « fournées » commençaient par l'exécution de trois jeunes officiers de marine : Claude de Rougemont, âgé de 33 ans, Charles Le Dall de Kéréon, âgé de 19 ans et Henri de Montecler, âgé de 18 ans ; ces trois jeunes gens moururent courageusement : « J'offre d'un grand coeur ma vie à Notre-Seigneur qui a sacrifié la sienne pour nous, écrivait ce jour-là le jeune de Kéréon à son père ». Puis, Hugues fut révoqué et les Représentants prirent un arrêté nommant pour président du tribunal Ragmey, juge au tribunal de Paris, pour accusateur Donzé-Verteuil, substitut de Fouquier Thinville, et pour secrétaire Bonnet, secrétaire du même Fouquier. Le 6 mars 1794, une berline verte est arrêtée par des soldats de la garde nationale au moment où, passant sur le quai de Léon, elle se dispose à continuer sa marche vers Brest. Trois individus, vêtus en sans-culottes et coiffés du bonnet rouge, occupent la voiture ; le soldat les invite à se présenter au Comité de surveillance, ils s'y refusent et demandent que si on veut les connaître on veuille bien descendre pour les interroger. Les membres du Comité se fâchent, donnent l'ordre au soldat d'amener les voyageurs ; ceux-ci refusant, le président Kérébel descend et s'apprête à faire arrêter les insolents personnages, quand ils exhibent un laisser-passer signé de Jean Bon et portant le timbre même de la Convention. Kérébel alors les laisse continuer leur route, mais vexé il écrit le lendemain à Jean Bon.

Citoyen représentant,
C'est en vain que la Convention nationale prend des mesures de sûreté publique ; c'est en vain que des comités de surveillance sont établis pour les faire exécuter si des individus, se prétendant privilégiés à raison des ordres dont ils sont porteurs, peuvent les rendre illusoires.

Le comité de surveillance de Landerneau, pénétré du principe sacré que la loi est la même pour tous, rencontre cependant trop souvent des voyageurs qui méconnaissent cette vérité.

La loi doit-elle encore n'être qu'un vain nom pour un sans-culotte traîné fastueusement par ses boursiers et peser entièrement sur la tête du sans-culotte porté humblemen sur une faible haridelle ?

La conduite scandaleuse et indécente que tinrent hier trois individus à bonnets rouges, trois sans-culottes en berline verte, semblerait nous le faire craindre. Ces citoyens passent auprès de la maison commune. de Landerneau ; la sentinelle les arrête, les invite à monter au comité de surveillance. Refus de leur part et ordre à un garde national présent de leur amener un d'entre nous. Un de nos collègues, déterminé par un motif de prudence, craignant que leur obstination à ne pas quitter leur voiture n'aigrisse la sentinelle et qu'il en arrive quelque accident fâcheux, se détermine à sortir. Il trouve les voyageurs fort irrités, se plaignant de ce que la sentinelle les avait arrêtés. Au même instant, ils présentent l'ordre qu'ils avaient de se rendre à Brest. Notre collègue leur observe avec honnêteté que toute exhibition de commission de passe-ports doit se faire au bureau pour y être visés enregistrés et non pas sur une place publique ; que leur présence au même bureau n'y est pas moins nécessaire à raison de leur signalement. A cette observation leur bile s'échauffe de plus en plus et s'exhale en jurements bien prononcés. Ils finissent enfin par compromettre votre autorité, en menaçant notre collègue de la lui faire éprouver, comme si les hommes justes étaient à craindre !

Ces citoyens sont des hommes qui vont exercer l'honorable fonction de juges au tribunal révolutionnaire de Brest et ils méconnaissent la loi et ils ne savent pas s'y soumettre !

Citoyen, cette réflexion nous afflige ; une autre nous console, c'est l'assurance où nous sommes que vous approuverez notre fermeté républicaine et que vous nous rendrez justice !

Nous sommes les sentinelles du peuple, nous lui avons juré vigilance, exactitude, impartialité ; nous serons aussi fidèles à cette promesse que dévoués à ses représentants montagnard.

Salut et fraternité. KÉRÉBEL, président ; LE BRIS, secrétaire.

Naïf Kérébel ! qui en est encore à se figurer qu'un sans-culotte porté sur une faible haridelle a les mêmes droits que le sans-culotte en berline verte ! Mais de sa part c'est pure hypocrisie car il se comporte lui-même à Landerneau comme Ragmey, Donzé-Verteuil et Bonnet se sont conduits à son égard ; Kérébel est le potentat de Landerneau, et la Terreur sera passée que Kérébel restera surnommé le Robespierre de Landerneau — et ce que Saint-Just est à Robespierre, Perrin, l'ancien lecteur du mandement d'Expilly à l'église Saint-Thomas, est l'âme damnée de Kérébel. — Perrin fait partie du Comité de surveillance, et comme ce dernier renouvelle son bureau tous les mois, deux fois au moins Perrin présida ce Comité ; et Perrin en veut spécialement aux prêtres réfractaires. A tout instant il rôde autour du couvent des Capucins où ils sont enfermés et une délibération du Comité de surveillance du 19 avril 1794, nous montre la perfidie qu'il met dans sa surveillance ; la voici :

Vu la déclaration de Perrin qui constate qu'environ 2 h. 1/2 de l'après-midi du 29 germinal (18 avril), passant près de la porte des Capucins, il s'y est arrêté et y ayant frappé, un prêtre réfractaire détenu lui avait demandé qui était là : que sur sa réponse de vouloir se confesser, le même individu lui avait observé qu'il passait trop de monde mais qu'il pouvait entrer dans l'enclos et, sur les difficultés de cette démarche alléguées par Perrin, on lui répondit qu'il le pouvait d'autant plus facilement que plusieurs personnes y étaient déjà entrées pour le même objet et qu'on l'attendrait en conséquence à 6 heures.

Considérant combien il est important pour le repos public de faire exécuter avec la plus stricte rigueur les lois relatives aux personnes suspectes et notamment à ces conspirateurs fanatiques qui osent encore, du fond de leur prison, ourdir des machinations contre la sûreté de la République en fanatisant continuellement des âmes faibles, en leur prêchant, sous le masque de la religion, la désobéissance aux lois.

Arrête que séance tenante, les citoyens Thomas, Taylor et Roulloin se transporteront aux Capucins pour prendre des renseignements sur les faits consignés dans la dénonciation de Perrin et pour s'informer quels sont les individus qui fréquentent cette maison et le sujet de leurs visites.

L'enquête eut lieu, des confessions furent surprises, les pénitents repérés et si ceux-ci reçurent du Comité une pénitence plus grande que celle donnée par le confesseur, les prêtres virent leur captivité se resserrer, car toute sortie dans les bois et jardins de l'établissement leur fut interdite pendant longtemps.

Pauvres prêtres ! leur sort devint terrible, car une loi du 22 ventôse vient déclarer « acquis à la nation les biens appartenant aux ci-devant ecclésiastiques déportés, vieillards et infirmes » et les scellés sont apposés sur les meubles du recteur de Saint-Houardon et sur ceux du recteur de Saint-Thomas.

Cependant les plus jeunes prêtres détenus aux Capucins ne devaient pas y rester : une lettre du Ministre de l'Intérieur du 24 Pluviôse (14 février) ordonnait que les ecclésiastiques valides seraient déportés. Le Comité de surveillance pria les officiers de santé Lagrange, Foullioy de faire passer une visite aux prêtres et voici le procès-verbal rédigé par eux à cet effet :

En vertu du réquisitoire du Comité révolutionnaire de la commune de Landerneau les officiers de santé soussignés se sont transportés en la maison d'arrêt accompagnés du citoyen Cloarec, membre du Comité, où apres avoir soigneusement visité les prêtres y détenus, ils déclarent ce qui suit :

Louis-Laurent Lanurien, ex-jésuite, âgé de 74 ans, de la commune de Morlaix, auquel nous avons aperçu une hernie inguinale double d'un volume considérable ; il est très faible et très caduc.

Pierre-Joseph Bodénez, ex-curé de Saint-Thomas de Landerneau, âgé de 69 ans, affecté d'un asthme invétéré, accompagné d'une dysurie et d'une hernie inguinale double.

François Lanlai, ex-curé de Ploujean, âes, de 72 ans, est affecté d'une sciatique très douloureuse compliquée de coliques néphrétiques, d'un asthme ancien et d'un flux hémorroïdal excessif.

Guillaume Cole, ex-curé Botsorhel, âgé de 62 ans, affecté de coliques néphrétiques, causées par des concrétions calculeuses, compliquées d'un rhumatisme ambulant très douloureux ainsi que d'une hernie inguinale du côté gauche.

Pierre Claude Tual, ex-récolet, âgé de 73 ans est faible, épuisé et extrêmement caduc.

Mathieu-Hyacinthe Auteuil, ex-curé de Guiclan, âgé de 63 ans, affecté d'une ophtalmie très rebelle accompagnée d'érosion aux paupières ; la vue est presque abolie ; il éprouve souvent une oppression convulsive, d'où s'ensuit perte de connaissance.

Bernard Le Sénéchal Penanguer, ex-curé de Gouesnou„ âgé de 61 ans est affecté d'une hernie inguinale du côté droit d'un gros volume, qui lui rend la marche difficile et pénible ; il éprouve depuis quelques années une ophtalmie rebelle qui a fortement altéré sa vue.

Jacques Roux, ex-vicaire de Ploudiry, âge de 65 ans, affecté depuis 10 ans d'une paralysie qui ne lui permet que de marcher difficilement et même de ne pouvoir parler.

Jacques La Rue, ex-curé de Saint-Sauveur de Brest, âgé de 73 ans, a perdu l'oeil gauche, voit à peine de l'oeil droit et touche au moment de la cécité parfaite.

Etienne-Sébastien Latour, ex-jésuite, âgé de 70 ans, affecté de douleurs rhumatismales, a la vue faible, les yeux étant altérés par l'influx d'une humeur âcre qui les baigne et corrode les paupières.

Mathieu Le Court-Kergrist, de Plougasnou, âgé de 61 ans, est paralysé des extrémités inférieures ainsi que du bras gauche, se traîne à peine au moyen de béquilles.

Jean Pédel, ex-curé de Plouarzel, âgé de 76 ans, faible et extrêmement caduc, ne peut se mouvoir qu'avec peine.

Salomon Kermarec, ex-curé de Saint-Vougay, âgé de 81 ans, est épuisé, caduc et dans un état d'inertie et de faiblesse qui lui laisse à peine la faculté de marcher.

François Picard, ex-curé de Plouider, âgé de 66 ans, a un ulcère grave accompagné d'un gonflement considérable de la jambe droite, a des rétentions d'urine, lui causant les douleurs les plus cuisantes.

Mathieu Mével, ex-aumônier des Calvairiennes de Morlaix, âgé de 52 ans, est sujet à des affections spasmodiques qui se répètent fréquemment et mettent ses jours dans le plus grand danger.

Jean Leroux, ex-capucin de Morlaix, âgé de 70 ans, affecté de la goutte depuis 23 ans, les nodus qui occupent les articulations lui permettent à peine de marcher.

Jean Michel, prêtre de Guimec, âgé de 72 ans, est très caduc, a la vue fort altérée.

Jean Le Breton, ex-curé de Sibiril, n'a aucune infirmité mais a 65 ans.

Pierre Quéméneur, ex-curé de Saint-Marc, âgé de 67 ans est affecté d'un tremblement de tous ses membres, occasionné par sa débilité et la faiblesse du système nerveux, qui ne lui permet pas de s'alimenter et le fait marcher avec la plus grande difficulté.

Jacques-François Levenez, ex-curé de Rosnoën, âgé de 66 ans, est affecté de rhumatisme à l'épaule droite, est faible et dans un état de caducité.

Joseph-Marie La Rue, ex-curé de Saint-Houardon de Landerneau, âgé de 63 ans, est affecté depuis 18 ans d'une paralysie du côté gauche du corps, ce qui le rend incapable de marcher sans aide, d'exercer aucune fonction ni de se rendre aucun des services nécessaires à la vie.

Yves-Jacques Pencoat, ex-carme de Brest, âgé de 70 ans perclus de tous ses membres, faible, épuisé, hors d'état d'exercer le plus léger mouvement.

Louis Bermetz, ex-curé de Querrien, âgé de 89 ans, est au dernier degré d'épuisement et menacé d'une mort prochaine.

Charles Pen, ex-curé de Ploudaniel, âgé de 78 ans, est caduc, épuisé, dans le dernier état de faiblesse, ne jouissant d'aucune faculté intellectuelle depuis 2 ans.

Joseph Lescalier, ex-chanoine de Kersaint, âgé de 66 ans, ne peut s'alimenter seul, ne jouit plus de ses facultés morales depuis 9 ans, ayant perdu l'usage de la parole.

Voilà le tableau et l'exposé fidèle de l'état de santé des prêtres détenus qui se sont présentés à notre examen. Nous avons rempli la mission que vous nous avez confiée avec la plus scrupuleuse exactitude, il nous reste à dire qu'il nous paraîtrait dangereux de faire supporter un déplacement aussi considérable (la déportation) à des citoyens dont la seule détention a augmenté les infirmités et visiblement détérioré la santé. Votre justice et votre humanité nous sont trop connues pour que nous vous proposions aucun parti. Nous avons rempli notre tâche, c'est à votre sagesse à dicter la délibération que vous croirez devoir prendre. Signé : LA GRANCE, FOULLIOY, CLOAREC.

Voilà les « terribles adversaires de la République » ! et en une année sept d'entre eux moururent, savoir : Le Borgne, recteur de Goulven, Pen, Bermets, Guédon, Bothuau, Roussel et Lescalier. Quant aux autres prêtres, ayant moins de 60 ans, ils seront déportés et un premier convoi de 33 ecclésiastiques quitte Landerneau le 9 juillet 1794, pour Rochefort, ce convoi sera suivi d'autres et 18 de ces déportés mourront d'épuisement sur les « fameux pontons » ; parce que la guerre avec l'Angleterre empêchera les vaisseaux de partir où plus de 800 prêtres ont été entassés.

C'est le 6 mars 1794, on se le rappelle, que la berline verte véhiculant les membres du tribunal révolutionnaire de Brest passait à Landerneau; dès le lendemain le District de Brest recevait la réquisition suivante :

Le substitut de l'accusateur public près le Tribunal révolutionnaire à Brest,

Requiert le citoyen agent national du District de Brest de faire placer la guillotine qui se trouve actuellement place de la Liberté sur celle dite place du Château...

Il est indispensable d'avoir un panier en ozier (sic) dont l'intérieur sera garni de toile peinte en rouge et à l'huile pour pouvoir y déposer les cadavres ; il faudra le faire tel qu'il puisse en contenir au moins trois ou quatre.

Le citoyen agent national est invité à donner les ordres nécessaires pour la construction d'une charrette propre à conduire les condamnés au supplice et capable de contenir huit personnes assises.

Il est nécessaire que toutes ces dispositions soient faites sans aucun retardement et en sorte que les exécutions des jugements criminels puissent se faire le 22 de ce mois (12 mars) au plus tard.

Au jour dit, guillotine, panier, charrette, tout étant prêt, Donzé-Verteuil commençait sa sinistre besogne.

Le 13 mars, on exécutait M. Broustail ; le 14 mars, un prêtre, M. Le Coz, recteur de Poullaouen ; le 15, un marin, Le Gouy, le 16 un autre marin... Puis après un mois d'exécutions solitaires, sans jour de chômage, les fournées commençaient le 13 avril, par l'exécution à Lesneven de 2 prêtres, les abbés Habasque et Péton. Puis, à part un autre déplacement de la sinistre machine à Morlaix le 16 mai, jusqu'au 4 août ce seront des fournées quotidiennes de 5, 8, 13 et même 26 exécutions. La fournée des 26 fut celle des administrateurs du Département arrêtés pour fédéralisme et parmi lesquel se trouvaient deux administrateurs originaires de Landerneau, Daniel et Brichet, et l'évêque intrus Expilly... « Scélérats ! que notre sang retombe sur vos têtes ! » s'était écrié un des condamnés à la lecture de la sentence. Vain anathème ! Ces Girondins qui vont mourir n'avaient-ils pas tiré de leurs taudis les misérables terroristes pour les lancer contre l'ordre traditionnel ? N'étaient-ils pas plus coupables que ces tueurs vulgaires ? La « Justice immanente » dédaigne les comparses, et les membres de ce tribunal carnifère, suivant l'expression de Rovère, mourront dans leur lit !

Cependant le spectacle de ces têtes qui tombent comme des ardoises soulève l'indignation. Le 21 juillet, la lugubre charrette amène au pied de l'échafaud cinq condamnés, un prêtre et quatre femmes ; le prêtre est le P. Mével, capucin de Roscoff ; des quatre femmes l'une est la belle et pieuse Emilie de Forsanz ; elle va mourir pour avoir refusé de se prostituer ; une foule extraordinaire entoure l'échafaud et les tricoteuses se taisent. Le prêtre est appelé le premier : « Ego vos absolvo a peccatis vestris in nomine Pat ris et Filii et Spiritus sancti » s'écrie-t-il en se tournant vers ses compagnes de supplice, dont le front s'incline sous la parole sacramentelle, il gravit l'échafaud et sa tête tombe ; la blanchisseuse Marie Jugo, agée de 42 ans, qui a donné asile au prêtre, le suit sur l'échafaud ; puis c'est le tour de Mme Veuve Lesaulx, âgée de 66 ans ; puis de Mme Le Coant, âgée de 64 ans ; la fournée se termine par Modeste-Emilie de Forsanz. La tête de cette jeune fille de 27 ans vient à peine de tomber, que tricoteuses et soldats sont bousculés et des jeunes gens escaladent l'échafaud. Un jeune homme de Landerneau, un frère de l'abbé Le Gris-Duval, conduit la bande ; il prend son mouchoir, le trempe dans le sang vermeil qui ruisselle sur les planches et sur ce linge empourpré comme sur un drapeau vingt bras se tendent et jurent vengeance, et avant que les soldats se soient remis de la bousculade qui les a dispersés, les jeunes gens se sont enfuis. Que sont-ils devenus ? On retrouvera leurs traces par les cadavres des soldats républicains qui vont jalonner leur route ; ils sont partis sous la conduite de Le Gris-Duval rejoindre les Chouans, massés dans les Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Amor). La riposte républicaine ne tarda pas, la mère, la Veuve Le Gris-Duval est arrêtée. Le Comité révolutionnaire de Landerneau prépare son dossier pour Donzé-Verteuil ; à ce dossier est joint ceux de la Veuve Mazurié, âgée de 70 ans et des deux frères Gillart ; la répression va être terrible, quand tout à coup éclate le 3 août à Landerneau, comme dans tout le pays, la nouvelle du 9 thermidor, de la chute de Robespierre. Ce jour-là à 6 heures du soir la poste apportait le texte d'une proclamation de la Convention nationale « sur la conspiration de Robespierre, Couthon, Saint-Just, Le Bas et Hanriot... contre la République ». Les sans-culottes sont atterrés, mais le peuple, le bon peuple, est ivre d'allégresse. Le Conseil général de Landerneau arrête de faire lecture publique de la proclamation au pied de la Montagne. Le matin du 4 août, le tambour de ville parcourt les rues et à tous les carrefours s'arrêtant, invite tous les citoyens à se réunir à 2 heures de relevée autour de la mairie. A l'heure dite, la foule remplit le quai de Léon, les autorités pénètrent dans la maison commune, les troupes forment la haie, la cloche sonne, les soldats tirent des salves de coups de fusil, la musique joue l'air de Amour sacré de la Patrie, puis un cortège, en tête duquel marche le maire Cruzel, se dirige vers la Montagne.

La foule l'accompagne en criant vive la Convention, et quand les autorités ont pris place sur l'édifice, un religieux silence se fait et le greffier Adam donne lecture de la proclamation de la Convention. Lorsque sa voix se tait, un immense cri de : Vive la Convention ! retentit, cependant que, bousculant soldats et municipaux, la foule se précipite sur la Montagne qu'elle démolit et dont elle jette les débris à la rivière.

La chute de Robespierre n'était pourtant qu'une vulgaire révolution de palais, due, dit-on, à l'influence de Mme Tallien Thérézia Cabarrus, « Notre Dame de Thermidor », et cependant, à l'étonnement de ceux-là mêmes qui firent le 9 thermidor, le 9 thermidor allait ouvrir une ère de réaction. Ce soir même du 4 août, le Conseil général de la Commune de Landerneau adoptait l'adresse suivante à la Convention :

« Grâce soit encore une fois rendue à la Convention, elle a déjoué la plus infernale des conspirations, elle a sauvé la République, d'un seul trait elle a confondu les tyrans du dedans et du dehors !

La commune de Landerneau, saisie d'effroi au seul bruit du péril qu'ont couru les représentants fidèles du peuple, ne peut que voir avec satisfaction qu'il ait tourné à leur gloire et à celle de la nation.

Fasse le Ciel que ce soit ici la dernière crise et que le juste châtiment infligé à ceux qui en ont été les auteurs, détourne à jamais de les imiter ceux qui en auraient conçu ou voudraient en concevoir le fatal projet.

La Convention peut être assurée de la sincérité des voeux de la commune de Landerneau et que son éloignement du théâtre de ses brillantes opérations ne ralentira pas son ardeur pour coopérer à la défense commune de la Liberté et lui faire un rempart contre tous ses ennemis ».

Elle est plus lyrique encore l'adresse que le lendemain le Comité révolutionnaire de Landerneau expédiait à la Convention ; ses sans-culottes semblent demander « l'aman ».

Nous te félicitons, Convention nationale, d'avoir terrassé de nouveau l'hydre renaissante du despotisme !

Nous te félicitons d'avoir prévenu par ta sagesse et par ta vengeance formidable tous les maux que ce monstre préparait à la France !

Nous te félicitons enfin de t'être montrée digne de la confiance d'un peuple souverain !

Achève d'assurer ses destinées, il t'en a rendue dépositaire.

Achève tes glorieux travaux, tu le peux, grâce à ton énergie.

Le sol de la Liberté n'est plus souillé par la présence des Couthon, des Robespierre, ces monstres à face humaine !

Ta gloire t'y invite et le salut de la République te le commande ! . (L. Saluden).

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