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Landerneau sous le Directoire.

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Constitution de l'an III. Misère créée par la vie chère ; l'économie étant rendue impossible, on dépense tout en plaisirs ; la danse ; le Directoire institue une sorte de religion nouvelle : l'église Saint-Thomas transformée en temple décadaire. En avril 1797, les Chambres sont en majorité royalistes. Coup d'Etat de Fructidor ; la Terreur reprend pour les catholiques. Pillet a un nouvel évêque constitutionnel, Audrein, qui meurt assassiné le 19 novembre 1800.

La Convention, après la chute de Robespierre, s'était mise à élaborer une nouvelle Constitution ; le travail de « ces barbouilleurs de lois » se terminait le 20 août 1795 par le vote de la Constitution dite de l'an III.

Le suffrage universel, établi par la Constitution de 1793, était supprimé et remplacé par le mode de suffrage de la Constitution de 1792, c'est-à-dire, l'élection à deux degrés restreint aux citoyens payant une quotité de contributions, et se faisant dans des assemblées primaires et des assemblées départementales.

Le pouvoir législatif, au lieu d'appartenir à une Chambre unique, était réparti entre deux Assemblées : l'une, le Conseil des Cinq-Cents, l'autre, celui des Anciens : la première proposait les lois que la seconde votait ou rejetait.

Le pouvoir exécutif, que la Convention avait exercé par elle même, était concentré entre les mains de 5 personnes, appelées Directeurs.

La modification que cette Constitution apportait à l'administration municipale était plus radicale. Seules avaient une administration municipale les communes dont la population était supérieure à 5.000 habitants. La population de Landerneau lors du dernier recensement avait été évaluée à 4.950 habitants ; cette commune allait-elle avoir une administration spéciale ou aurait-elle une administration cantonale avec un agent municipal et un adjoint pour la commune ? Consulté, le Département, le 4 novembre 1795, avait accordé à Landerneau une administration spéciale ; le 14 novembre, il revenait sur sa décision et Landerneau ne faisait plus partie que de l'administration cantonale du canton de Landerneau, canton comprenant, avec la ville, les communes de Pencran, Plouédern et Saint-Thonan. Mais si cette décision froissait l'amour-propre de Landerneau, elle importait peu, en définitive ; dans toutes les communes en effet, le titre de maire était supprimé ; de plus les attributions des municipalités urbaines ou cantonales, se trouvaient très réduites ; d'omnipotentes qu'elles étaient en quelque sorte depuis le commencement de la Révolution, elles n'avaient plus désormais que la répartition de l'impôt et la gestion des revenus de la ville. Subordonnées à l'administration départementale, composée de cinq membres, qui pouvaient les suspendre ou annuler leurs actes, les municipalités étaient ainsi dépouillées de la plus grande partie des attributions qu'elles avaient possédées même sous la Monarchie et elles ne les recouvreront plus que sous la Restauration. Aussi plus d'histoire politique particulière à Landerneau désormais ; on n'y sentira plus que les échos de la politique générale ; et dans les Cahiers des Délibérations de la Ville nous ne pourrons suivre que l'histoire économique. Enfin signalons encore la perte d'une source précieuse de renseignements par la suppression de l'administration des Districts dans la nouvelle Constitution.

Mais avant d'être appliquée, la Constitution devait être soumise à l'acceptation du peuple, convoqué en assemblées primaires. A Landerneau, cette consultation eut lieu le 13 septembre 1795.

Les citoyens des communes de Landerneau, Pencran, Plouédern et Saint-Thonan, formant le canton de Landerneau, convoqués de se réunir en assemblée primaire par les officiers municipaux de cette commune, d'après l'arrêté du Directoire du District, à l'effet d'exprimer leurs voeux sur l'ensemble de l'acte constitutionnel, proposé au peuple français par la Convention nationale, pour l'admettre ou le rejeter, s'étant assemblés dans l'édifice national de Saint-Julien, le citoyen Le Bourg, procureur de la commune de Landerneau, a donné lecture de la loi du 5 fructidor (22 août) sur les moyens de terminer la Révolution et a ensuite invité l'assemblée à se constituer provisoirement sous la présidence du plus ancien d'âge, le plus jeune devant aussi provisoirement remplir les fonctions de secrétaire.

Le citoyen Thomas, ayant été reconnu le doyen d'âge de l'Assemblée, l'a présidée provisoirement ; le citoyen Toussaint Le Roux, étant le plus jeune, a rempli les fonctions de secrétaire. Le président a invité les citoyens Le Disez, Gillart et 0llivier à prendre place ou bureau pour remplir les fonctions de scrutateurs.

Le secrétaire, après avoir donné lecture de l'article 3 du Titre 2 de la loi du 5 fructidor sur la formation du bureau, a sur le champ procédé à l'appel nominal de tous les citoyens ayant droit de vote et chacun ayant inscrit sur un billet le nom de 5 membres de l'assemblée et déposé dans le vase à ce destiné, il a été reconnu que les citoyens :

Gillart a réuni 46 suffrages.

Le Bihan a réuni 28 suffrages.

Radiguet a réuni 24 suffrages.

René Bazin a réuni 24 suffrages.

Le Bourg a réuni 23 suffrages.

Le citoyen Gillart a en conséquence été proclamé président de l'assemblée, Le Bihan, secrétaire, et les citoyens Radiguet, Bazin et Le Bourg, scrutateurs.

Le bureau étant formé, le secrétaire a aussitôt donné lecture de la déclaration des droits et des devoirs de l'acte constitutionnel, ainsi que de l'adresse de la Convention nationale au Peuple français.

Il a été ensuite procédé à l'appel nominal pour l'acceptation ou le refus de l'acte constitutionnel. Les votants au nombre de 369 ont tous exprimé leurs voeux à haute voix et ont accepté la Constitution à l'unanimité.

Dès que l'appel a été fini, les cris de Vive la République qui ont retenti de toutes parts dans l'enceinte des séances ont été le témoignage flatteur des citoyens du canton de Landerneau pour la Représentation nationale qui, en donnant une bonne Constitution aux Français, va leur procurer la paix et ramener l'abondance et le bonheur.

Fait et rapporté, assemblée tenante, ce jour, le 27 fructidor l'an III de la République française une et indivisible.

Ont signé : Gillart, Radiguet, René Bazin aîné, Le Bourg, Le Bihan.

La Constitution de l'An III avait donc été acceptée à l'unanimité de 369 votants ; mais le nombre total des électeurs du canton était de 1259., nombre qui, d'après Le Bourg, donnait le droit d'élire 6 électeurs du second degré, appelés à choisir les députés aux Assemblées nationales. L'élection de ces 6 citoyens eut lieu le lendemain même dans l'église Saint-Julien ; il n'y avait plus que 120 votants. Les élus furent René Bazin avec 69 voix, Etienne Radiguet, commerçant, avec 66 ; Le Bihan avec 68, Le Bourg avec 60, Le Gall (Lalande) avec 31 et Gabriel Gillart avec 25.

Ces électeurs du 2ème degré se réunirent à Quimper le 17 octobre. La Convention avant de se séparer avait décidé que les deux tiers des membres des nouveaux Conseils seraient pris dans son sein. Ainsi les conventionnels Guermeur, Guesno, Blad et Bohan étant députés de droit, le collège électoral n'eut que 4 nouveaux députés à élire. Les élus furent Bergevin avec 141 voix sur 258 votants, Trouille avec 101, Kersalaun avec 10 et Roujoux avec 10 également. Ce dernier était de Landerneau : il avait représenté le Tiers-Etat aux Etats de Bretagne en 1789, fut député ensuite à la Législative ; réélu à la Convention, il avait refusé d'y siéger ; il était maintenant nommé membre du Conseil des Anciens.

Le 26 octobre, la Convention se séparait : « A cinquante hommes près, dit Barbé-Marbois, l'histoire ne présente point d'Assemblée souveraine qui ait réuni tant de vices, tant d'abjection et tant d'ignorance ! ».

Aussitôt les nouveaux Conseils se réunirent à Paris et élurent les Directeurs. Composés en majorité d'anciens Conventionnels, on sait comment, ils choisirent les 5 directeurs parmi les « Princes du sang » de Louis XVI ; ce furent les régicides Sieyès, Barras, La Réveillère-Lepeaux, Rebwell et Letourneur. Sieyès refusa ; à sa place, on nomma un autre régicide, Carnot. Pour remonter leur prestige, ces Directeurs prirent un costume d'apparat, tunique bordée d'hermine, chapeau à plumes et surtout culotte courte. Le règne des sans-culottes est fini, il est vrai, mais les moeurs vont être si dépravées, qu'on a pu appeler ce temps du Directoire, l'époque des « sans chemises ». De ces « cinq sires » le plus vil et aussi celui qui maintiendra surtout la persécution religieuse ce sera, dit Madelin, le bossu à la tête simiesque, aux longs cheveux frisés, aux jambes grêles et longues qui le font ressembler à « un bouchon sur des épingles », ce sera le sinistre La Réveillère-Lepeaux, régicide, fondateur d'une religion dite la Théophilanthropie, religion des « filoux en troupe » dira le peuple.

Le 22 novembre, à Landerneau, les électeurs se réunirent encore à l'église Saint-Julien pour la constitution de la nouvelle administration municipale ; il n'y avait cette fois que les électeurs de la commune ; ils, étaient 72 ; l'ancien maire René Bazin fut élu agent municipal de Landerneau par 51 suffrages et Radiguet adjoint par 45 suffrages. Le Cahier des Délibérations porte désormais le nom de Cahier des Délibérations de l'administration cantonale de Landerneau. Le président de cette Administration est un nommé Le Gall ; il est installé par l'ancien maire René Bazin.

Tous les ans désormais, au mois de mars, cette administration est renouvelée. Le 10 germinal an V (1797), les élections ont lieu à Saint-Julien ; élections communales d'abord qui sur 119 votants nomment Paul Poisson comme agent communal et Thomas, ex-prêtre, comme adjoint. Le lendemain, en assemblée primaire cantonale, Le Bihan est nommé président. En mars 1798 (1er germinal an VI), les électeurs communaux, réunis à Saint-Julien, au nombre de 93 votants, élisent Thomas fils comme agent municipal et Rousseau jeune comme adjoint ; le lendemain l'assemblée cantonale élit comme président Le Bihan avec 75 voix. Cette année-là, les élections furent mouvementées, car le Message des Directeurs, en date du 13 floréal an VI, sur l'Influence du royalisme et de l'anarchie dans les élections de l'an VI, porte ce passage : « A Landerneau, la force armée s'introduit dans les assemblées primaires, disperse les votants et le commissaire du pouvoir exécutif est blessé à la main d'un coup de sabre ».

En mars 1799, les élections se font dans le Temple décadaire (église Saint-Thomas) : il n'y a plus que 65 votants. Joseph Bazin est nommé agent municipal et Robert, médecin, adjoint.

Près de chaque municipalité il y avait un commissaire nommé par le Directoire exécutif, révocable par lui à volonté, et chargé comme les précédents procureurs-syndics et agents nationaux, de requérir et de surveiller l'exécution des lois. Nous trouvons ainsi dans les papiers de l'administration la nomination du citoyen Poisson.

« Ce 28 pluviose an VI (16 février 1798) le citoyen François Poisson est nommé commissaire du pouvoir exécutif près l'administration municipale du canton de Landerneau par un arrêté du 15 pluviose an VI. Signé Barras ».

En prenant possession de son poste, le citoyen Poisson fit le discours suivant :

Citoyens, Si la Liberté réserve à ses défenseurs quelque gloire, quelque bonheur digne d'elle, digne de leur dévouement, j'ai reçu ma récompense, puisque ma Patrie m'honore du titre glorieux d'interprète de ses lois dans ces lieux où je reçus avec la.vie, l'amour de la vertu, de l'indépendance et la haine de la tyrannie qui caractérisèrent toujours les citoyens qui l'habitent. Mes frères, mes amis, je puis donner ces doux noms à tous les citoyens de ce canton, vous ne doutez pas de cette vérité, vous ne doutez pas non plus de la sincérité du serment que je prête, non pour vous convaincre de mon dévouement à la République, mais pour avertir nos ennemis, si quelques-uns pensaient mettre le pied sur notre territoire, que je les poursuivrai avec cette constance, cette même ardeur que j'ai combattu sur les frontières les satellites des rois.

A peine installée, la municipalité nouvelle de Landerneau se trouve aux prises avec la crise financière, qui présente dans ce pays comme dans toute la France une acuité terrible.

Grâce à l'inflation, le papier-monnaie va se dépréciant avec une rapidité vertigineuse. Si le louis d'or valait 800 francs en assignats en juillet 1795, il vaut 4.600 francs au cours de la Bourse en janvier 1796 ; une paire de souliers, coûtant 200 livres en novembre 1795, coûte à Landerneau en janvier 1796 la somme de 800 livres en assignats ; c'est la misère noire pour les fonctionnaires payés en assignats. A cette époque, la municipalité augmente le salaire de ses employés : 5.000 francs, le traitement du secrétaire en chef, 3.000, celui du premier commis, 2.400, celui du second commis et 2.000 francs, celui de chacun des 3 sergents de police. Mais avec des milliers de francs en assignats, on ne peut vivre ; aussi, ces employés se mettent-ils en grève et ne reprennent leurs fonctions qu'en février 1796, le jour où la municipalité décide de les payer en numéraire ; on supprime un commis et un agent de police et on fixe alors en numéraire le traitement du secrétaire à 800 livres ; celui du commis à 600 livres et celui de chacun des 2 sergents de police à 400 livres.

D'ailleurs, pour ses réquisitions, le gouvernement lui-même était obligé de payer en numéraire, car les paysans refusaient l'assignat : « Nous l'accepterions si nos chevaux voulaient en manger, disaient-ils » et puisque ce papier n'avait même pas cette mince valeur, le paysan cachait son blé et en défendait la cachette les armes à la main. Le 19 février 1796, le gouvernement brisait la planche aux assignats. Mais alors il fallut rembourser les assignats. Pour cela, du numéraire était nécessaire. Le Directoire envoie Bonaparte piller l'Italie, et, s'il faut déplorer la guerre, à quelque chose malheur est bon, car ce sont les victoires du héros du Pont d'Arcole qui ont empêché le pays de sombrer dans la famine ; de là sa popularité. Mais ce numéraire ne viendra qu'à la fin de 1796. En attendant, le gouvernement réclame le versement des impôts en nature ou en numéraire, et puisqu'on n'a pas d'or, le franc-or sera le franc-blé. On voit, en effet, dans le Cahier des Délibérations de la municipalité cantonale, le secrétaire toucher son traitement en blé ; il reçoit 4 boisseaux de blé. Celui qui confectionne les matrices des rôles des contributions directes demande et obtient en septembre 1796 une livre de froment par article et il y a 83 articles ; l'unité de valeur est donc la livre ou le boisseau de blé.

Le 25 juillet 1796, on commence à rembourser les assignats au-dessous de 100 francs ; la foule se presse aux bureaux de la Mairie et cependant l'agent donne seulement 3 fr. 30 en numéraire pour 100 francs-papier, à raison de 30 capitaux pour un, dit le Cahier des Délibérations.

L'Etat pour ses impôts exige à son tour d'être payé en nature ou en numéraire ; et c'est alors que les difficultés commencent. Tout d'abord, comme on ne sait si on pourra vivre, on refuse les impôts et l'on trouve dans les Cahiers des Délibérations le compte rendu suivant d'une séance :

17 germinal an V (6 avril 1797).

Le Bihan, président de l'administration cantonale de Landerneau.

Paul Poisson, agent municipal.

Jérôme Le Faon, adjoint.

Yves-Marie Le Bras, adjoint.

Présent le citoyen Dutoya, commissaire du pouvoir exécutif.

Vu la lettre du citoyen Duval-Legris, receveur de l'arrondissement de ce jour et joint copie certifiée de celle du citoyen Daniélou, receveur général du Département. Portant ordre de contraindre sans délai les percepteurs en retard de versement de la recette du premier cinquième des contributions directes de l'an V.

Considérant que l'arrêté de l'administnation municipale n'a point l'effet que l'on en attendait.

Considérant que l'article 3 de la loi du 17 brumaire dernier dispose, que des garnisaires seront établis chez les contribuables qui n'auront pas acquitté le montant de leur taxe en contributions directes dams les 10 jours qui suivront l'échéance du délai fixé par la loi. Considérant que le percepteur de ce canton a plusieurs fois sollicité la nomination des garnisaires.

L'administration arrête de nommer et nomme pour garnisaires les gendarmes de cet arrondissement, qui seront payés à raison de 1 franc par jour outre le logement et les subsistances que chaque contribuable sera tenu de lui fournir conformément à la loi.

Charge les percepteurs de fournir au citoyen Guise, maréchal des logis de la brigade de Landerneau, la liste nominative des contribuables en retard.

La même administration nomme cette année-là comme répartiteurs d'impôts Pillet, Lacaze, Taylor, Radiguet cf Crespy.

Pour pourvoir à la subsistance des habitants de la commune, la ville a obtenu de faire des réquisitions, dans les communes rurales ; mais ces réquisitions restent lettre morte, elle demande et obtient le concours de la force armée.

13 brumaire an V (2 novembre 1796).

L'administration arrête de requérir le Commandant de la force armée de mettre à la disposition du citoyen Paul Poisson, commissaire au lieu et place du citoyen Radiguet, une force composée d'un sergent, d'un caporal et 15 fusiliers pour se transporter demain 14 de ce mois chez l'agent municipal de la commune de Loperhet et y rester jusqu'à ce que le contingent en bois de chauffage de cette commune soit rendu à Landerneau, au moins 40 cordes.

Il sera payé pour chaque fusilier 15 sols par jour en numéraire, 20 sols au caporal et 30 sols au sergent. Ces, frais et ceux de nourriture, tant du commissaire que du détachement, seront payés par l'agent municipal, sauf à les répartir sur les citoyens de la commune qu'il justifierait avoir requis.

Et on peut lire des délibérations analogues au sujet d'expéditions du même genre dans les communes d'Irvillac, de Plouvorn, de Dirinon, Guipavas, pour le blé, la viande, etc...

Aussi dans les communes rurales, on ne peut plus trouver d'homme qui veuille accepter son élection à une charge municipale quelconque. En vain le Département menace-t-il les élus qui refusent : « Les Droits de l'homme, répondent-ils, disent que nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n'ordonne pas » et on met partout en avant l'exemple de Sieyès qui, élu au Directoire, a refusé ce poste et a vu son refus accepté sans explication.

Enfin, terminons ce tableau résumé de la misère économique de Landerneau sous le Directoire, en disant que l'on n'obéit plus aux lois de la conscription militaire ; il ne passe pas moins de 200 déserteurs par décade par les prisons de la ville ; cependant ce sont des passages continuels de troupes dans la petite ville, « en ces deux mois, dit le Cahier en septembre 1797, il est passé 137.000 hommes sans compter les marins ».

Une des conséquences les plus inattendues et cependant les plus logiques de l'instabilité de la monnaie, c'est le goût du plaisir. On l'a vu en Allemagne, après la guerre récente ; le mark perdait de sa valeur : en mettant de côté un jour la valeur d'une paire de souliers, cette somme la semaine suivante ne valait plus qu'une paire de lacets. Au lieu de laisser l'argent perdre son prix de lui-même, on le dépense donc de suite et le plaisir bat son train. De même en France sous le Directoire, le plaisir est à l'ordre du jour et le peuple, des quelques sous qu'il a, fait aussitôt ripaille. Le grand plaisir à la mode, c'est la danse. « Paris est un grand bal, écrit Mallet en 1797, on danse partout... on compte 640 bals publics à Paris. ». On compte 6 salles de bal à Landerneau ; dans le Cahier des Délibérations on peut lire les autorisations accordées à ce sujet. Voici ce qu'on lit dans le Cahier de Correspondance à la date du 20 pluviose an IV (9 février 1796) :

« Au commandant de la Place à Landerneau,

Des propriétaires de salles de danse sont venus nous demander la permission d'y faire danser. L'une des salles appartient à Joseph Thomas ; là le plaisir est public, on n'y doit danser que jusqu'à 6 heures, tout individu, en payant le prix convenu, a droit d'y entrer. L'autre appartient à René Caroff et est affectée à un plaisir particulier et nul ne peut ni ne doit y entrer qu'il ne soit agréé de la société qui y est établie. Donc veuillez faire des patrouilles fréquentes dans tous les quartiers et particulièrement dans la rue Penanvern [Note : Rue appelée, en 1929, rue des Boucheries] ; il serait bon de mettre une sentinelle à la porte de chaque salle où l'on danse... ».

On ne danse pas que dans la rue Penanvern, car une autre salle de danse est ouverte à l'entrée sud du Pont chez le citoyen Kérébel qui tient, disent les cahiers, salle de danse et bains publics.

La danse en vogue est une danse si neuve qu'elle scandalise jusqu'à des citoyens qui hier encore étaient des sans-culotte, c'est la walse (valse), ce corps à corps qui, près des anciennes danses, paraît d'une sensualité brutale et, dit un témoin, fait des femmes des « sabots tournants ». Jadis c'était la gavotte dans le peuple, et, dans les salons de Brézal, les menuets délicats et réglés dansés au son du clavecin ; la Révolution s'est introduite jusqu'en chorégraphie, et cela, malgré les foudres de Pillet, qui dans la chaire de Saint-Julien défend les droits de la morale avec plus de justesse qu'il n'y a défendu les droits de l'Eglise.

L'instabilité de la monnaie n'est pas la seule cause qui pousse au plaisir, le Directoire organise lui-même fêtes sur fêtes, toutes se terminant par des bals publics. La Constitution de l'an III établit 6 fêtes obligatoires : la fête de la Jeunesse, le 10 germinal (30 Mars), la fête des Epoux, le 10 floréal (29 avril), la fête de la Reconnaissance, le 10 prairial (29 Mai), la fête de l'Agriculture, le 10 messidor (28 juin), la fête de la Liberté, le 9 Messidor (27 juillet), la fête des Vieillards, le 10 fructidor (27 août). Toutes ces fêtes comportent des chants, des danses et des jeux dits republicains qui sont des sports, des matches, dirait-on aujourd'hui. L'ingénieur Taylor, vainqueur à un de ces sports est loué au Conseil pour avoir cédé son prix aux pauvres de l'hospice ; c'est la vogue toute nouvelle des sports, c'est le culte du muscle. Le Directoire ajoute de temps à autre d'autres fêtes, une, par exemple, le 21 janvier pour célébrer la mort du dernier roi des Français, une autre pour célébrer l'anniversaire de la mort de Robespierre, le 27 juillet. Voici,. entre autres, une délibération du Conseil approuvant le plan d'une fête de la Souveraineté du Peuple :

13 ventôse an VI (2 mars 1798).

Vu la loi du 13 pluviôse dernier qui ordonne la célébration annuelle d'une fête de la Souveraineté du Peuple,

Vu le plan déposé sur le bureau par le président et dressé par le citoyen Pierre Le Roux, ingénieur, pour la formation d'un autel de la patrie qui sera établi à demeure,

L'administration, en votant à l'unanimité des remercîments au citoyen Le Roux, arrête de l'adopter en entier et prend les dispositions suivantes :

1°) L'agent municipal de Landerneau est chargé de publier demain à son de caisse la loi qui ordonne cette fête et d'inviter les citoyens à concourir à la confection de l'autel, en se présentant sur la place qui lui est destinée avec des outils propres soit à aplanir le terrain ou à transporter les terres et gazons nécessaires.

2°) Les citoyens Toussaint Leroux et Tugdual Bodros sont chargés de la confection du dit autel sous l'inspection du citoyen Pierre Le Roux, auteur du plan, et, à cet effet, de prendre des maçons qui seront visés par le citoyen Le Roux et payés par l'administration.

3°) Les agents municipaux des communes rurales donneront à la prochaine séance les noms des 12 vieillards pris dans leurs arrondissements respectifs pour assister à la fête et ils les préviendront par une invitation.

4°) Les mêmes requerront dans leurs communes respectives 20 gardes nationaux pour se rendre le 30 de ce mois sur le quai de Saint-Houardon à 9 heures du matin et les noms des citoyens requis seront déposés au secrétariat de l'Administration.

5°) Le citoyen Léyer a bien voulu se charger de la plantation des arbres autour de l'autel.

6°) Le citoyen René Poisson est invité de présider la musique et de s'entendre avec les citoyens de cette commune amateurs de cet art et à faire venir de Brest deux musiciens qui seront payés par l'Administration.

7°) Le citoyen Guiastrennec est chargé de faire sortir et monter la pièce de canon pour être tirée le jour de la fête.

8°) Le citoyen François Poisson, commissaire du Directoire, est autorisé à faire faire les quatre bannières désignées par la loi et aussi invité à écrire aux instituteurs afin de les engager à se trouver à la fête avec leurs élèves.

9°) Le président de l'Administration est invité à former un ordre de marche pour la cérémonie, conforme à la localité.

10°) Le citoyen Cornec est nommé commissaire pour l'exécution de cette marche.

Après le Coup d'Etat du 18 fructidor, les fêtes prennent une sorte de caractère religieux. Tous les décadis, on doit en célébrer une, si bien qu'on a pu appeler ces fêtes du nom de culte décadaire ; la loi d'ailleurs donnait à la salle où elles devaient se tenir le nom de temple décadaire, et l'on choisit pour cela une église, à peu près dans toutes les communes des chefs-lieux du canton.

Voici le texte de la délibération qui institue à Landerneau le culte décadaire ; elle est du 1er octobre 1798 :

Séance du 9 vendémaire an sept de l'ère républicaine tenue par les citoyens Noël Crespy, agent faisant les fonctions de président en l'absence du citoyen Le Bihan, Jean Quéré, Alain Rohel, Bernard Ropars, Yves Rolland, administrateurs ; présent le citoyen Louis-Marie Thomas, commissaire du Directoire exécutif.

Vu la loi du 13 fructidor dernier, relative à la célébration des fêtes décadaires, considérant qu'il est urgent de prendre des mesures pour donner à ces fêtes toute la solennité qu'elles exigent, vu le projet de règlement proposé par un membre, le Commissaire du Directoire exécutif entendu, l'administration arrête d'adopter le règlement ainsi qu'il suit :

Art. 1er. — Les séances se tiendront dans l'édifice dit de Saint-Thomas et auront lieu à dix heures précises du matin et au besoin la séance sera continuée l'après-midi.

Art. 2. — Pour le maintien de l'ordre dans l'assemblée il sera requis pour chaque décadi un peloton de la force armée et de la garde nationale, chargé concurremment avec la gendarmerie nationale, de faire observer le silence, d'empêcher les mouvements tumultuaires et indécents, d'obliger les citoyens à se tenir découverts et dans le respect, conformément aux dispositions des articles 555 et 559 du titre 16 du Code des délits et des peines dont il sera donné lecture à l'ouverture de la séance.

Art. 3. — Il sera établi des bancs pour placer les instituteurs, institutrices et leurs élèves, des sièges pour les citoyens et citoyennes et particulièrement pour ceux qui font partie du cortège des noces, et le citoyen Leroux, ingénieur, est invité de faire exécuter ce travail conformément à l'avis qu'il a donné.

Art. 4. — L'agent municipal de la commune du chef-lieu est autorisé à s'entendre avec le citoyen Bourguignon, musicien, pour qu'il ait à se trouver à chaque décadi au lieu de la cérémonie pour y jouer pendant la séance et il lui sera accordé deux francs pour chacune d'elles.

Art. 5. — L'agent municipal est encore chargé d'inviter au nom de l'Administration les citoyens de cette commune doués du talent de la musique à l'effet de se joindre au citoyen Bourguignon.

Art. 6. — Le citoyen Leroux, ingénieur, est invité de se transporter à Brest à l'effet de solliciter du citoyen Sanné quelques draperies tricolores pour orner l'emplacement des autorités constituées.

Art. 7. — Il ne pourra être rien lu, ni prononcé qu'à la tribune, afin de mettre à même tous les citoyens d'entendre la lecture du Bulletin décadaire et des lois.

Art. 8. — Il sera fait une invitation publique aux citoyens de prononcer des discours propres à guider et ranimer l'esprit public.

Art. 9. — Les citoyens Cornec et Léyer sont nommés commissaires à l'effet de faire exécuter les dispositions du présent ; ils seront décorés d'un ruban tricolore afin de faire connaître leur caractère et autorisés en conséquence à placer la force armée suivant que les circonstances l'exigeront pour le maintien du bon ordre.

Ci-joint le plan de l'église Saint-Thomas transformé en temple décadaire, plan dressé par Le Roux et exécuté sous sa direction.

Landerneau (Bretagne) : plan de l'église Saint-Thomas transformée en temple décadaire.

On décide aussi la nomination d'un appariteur aux fonctions analogues à celles du ci-devant suisse, dit le Cahier. Après bien des discussions, le choix se porte sur le citoyen Joseph Navet. Celui-ci est agent de police de Landerneau depuis le début de la Révolution.

C'est un grand et bel homme, mais il a le défaut de s'adonner à la boisson. Sous la terreur qnand le vin et l'eau-de-vie faisaient défaut, Joseph Navet trouvait deux fois le moyen d'être ivre. Nombre de fois, il a été question de le casser aux gages à cause de son défaut. Mais n'est-ce pas dans le vin que Joseph Navet puise son zèle ? Hier ardent sans-culotte, il est aujourd'hui un bon fructidorien. On passe condamnation sur ce défaut qui alimente peut-être la flamme de son civisme et Joseph Navet est nommé appariteur. On lui vote même un uniforme magnifique, à savoir, d'après le texte même du cahier : « un habit, une veste et une culotte de drap bleu avec parements rouges et collet rouge, une paire de bas blancs, une paire de souliers bas et un chapeau à plumes ». Sa femme, la citoyenne Navet, est chargée de balayer le temple et d'épousseter avec soin la statue de la Liberté ; les deux époux auront vingt francs par mois pour tout cela.

C'est le 10 octobre 1798, que Joseph Navet parut en ce pimpant uniforme, car c'est ce jour-là qu'eut lieu la première cérémonie au Temple décadaire. La curiosité avait attiré la foule à Saint-Thomas, et aussi, il faut le dire, les six mariages civils qu'on devait y célébrer ; d'après la loi, en effet, désormais les mariages civils non seulement des gens de Landerneau, mais aussi de ceux des autres communes du canton, ne pouvaient être célébrés qu'au temple décadaire en pleine séance. Dès dix heures moins le quart, la cloche sonnait, comme le dernier son qui jadis annonçait la grand'messe. Joseph Navet ayant à la main une canne au pommeau d'argent, comme un ci-devant suisse, présidait à l'emplacement des fidèles d'un nouveau genre.

Pillet, qui a remplacé le pantalon par la culotte de nouveau à la mode, entrait bientôt avec ses élèves. Malgré lui, ses yeux devaient encore chercher le vieux retable de 1711, qui jadis ornait le sanctuaire. Ce rétable, remis en place depuis, montrait alors comme maintenant les deux statues de saint Thomas de Cantorbery et de saint Blaise avec les bas-reliefs représentant leurs martyres ; mais il avait été remisé dans l'enfoncement près de la sacristie, l'autel avait disparu sous les tentures tricolores, et son tabernacle était transformé en un piédestal à section triangulaire portant la statue de la Liberté. Sur les marches de l'autel s'élevait l'hémicycle réservé aux autorités. Au centre de l'hémicycle était « une table couverte de son tapis de serge verte, garni de franges rouge et blanc » réservée au secrétaire-greffier ; et devant la table était l'espace réservé aux gens des noces et encadré par la place des tambours et celle des musiciens de Bourguignon. Conduit par Navet, Pillet pénètre dans l'ancien sanctuaire et range ses élèves (nous verrons plus loin qu'il est devenu chef d'établissement d'instruction) ; il les range sur les bancs établis du côté gauche par rapport à celui qui entre, nous dirions si l'autel était là, du côté de l'Evangile, l'autre côté étant réservé aux petites citoyennes.

Au bureau de l'Etat-Civil de la mairie de Landerneau on conserve un cahier qui porte tous les procès-verbaux des séances décadaires du 20 vendémiaire an VII au 20 frimaire an VIII, c'est-à-dire, du 10 octobre 1798 au 10 décembre 1799, et chose curieuse, ce cahier a pour couverture des feuilles où sont imprimées des billets de confiance de 2, 3 ou 7 sous. Grâce à ce cahier nous pouvons nous rendre compte de la cérémonie.

Il est toujours « exactement quatre heures seize minutes, soixante-sept secondes (c'est-à-dire, 10 heures 0008 du matin), quand l'administration municipale, les autorités constituées, les chefs militaires de la garnison et les salariés de la République, réunis à la maison commune, se transportent, accompagnés d'un détachement composé de citoyens de la garde nationale et de chasseurs de la garnison, au lieu destiné à la célébration des fêtes décadaires ». C'est toujours aussi, « au milieu d'un grand concours de peuple qui y était déjà réuni et au son d'une musique éclatante sonnée par le zèle de nos concitoyens » que nos magistrats font leur entrée à l'église Saint-Thomas. Le président de l'administration monte alors à la tribune (la chaire) ; il y annonce l'ouverture de la séance. La première fois, il lit « l'extrait 16 de la loi du 3 brumaire formant le code des délits et des peines concernant la décence à observer... : les citoyens se tiennent découverts, dans le silence et le respect. L'article 156 défend d'interrompre le silence, de donner des signes d'approbation ou d'improbation ; il est cependant permis d'applaudir aux discours qui seront prononcés ... ».

Cette lecture faite, Navet conduit le président à son siège, puis précède le greffier qui monte alors à la tribune. Il y lit le Bulletin décadaire, dont plusieurs numéros sont aux archives de Landerneau. Dans cette revue, il y a un article politique, des comptes-rendus des fêtes célébrées à Paris, l'analyse des messages du Directoire, un exposé des opérations militaires, des récits de traits d'héroïsme et elle se termine par des articles d'économie rurale ou domestique (articles sur le fourrage d'hiver, sur la destruction des loups, sur la culture de la carotte, etc...). Puis le même greffier, le citoyen Adam, donne lecture des naissances et des décès dans tout le canton. Quand on lit la liste des décès de chaque décadi, on ne peut pas ne pas être frappé par la mortalité qui sévit sur l'enfance pendant toute cette époque à Landerneau.

Voici 2 listes prises au hasard :

Pour le 10 frimaire de l'an VII :

Anne Léost, 85 ans.

Marie Brouillard, 3 ans.

Marie Prigent, 9 ans.

Olivier Richou, 3 ans.

Yves Saudour, 3 jours.

Marie-Anne André, 3 ans.

Anne Corbé, 3 jours.

Pierre Deschez, 15 jours.

Marie Gouriou, 7 mois.

Marie Bodénan, 8 mois.

Pour le 30 frimaire :

Anonyme Broudin, en naissant.

Jean Le Disez, 72 ans.

Marie Simon, 7 mois.

Jean Poupinel, mousse.

Michelle Kerriou, 1 mois.

Joseph Dubois, 6 ans.

Anonyme Gourvennec, en naissant.

Anonyme Monfort, en naissant.

Jacques Kerouanton, 2 ans.

Marie Le Bris, 4 ans.

Roland Thomas, 5 ans.

D'ailleurs, il suffit de parcourir les registres des décès de Landerneau pendant l'époque révolutionnaire pour constater que cette époque fut singulièrement mortelle pour les enfants.

La lecture de ces listes terminée, le greffier descend de la tribune. Le président de l'Administration se lève et vient devant la table du greffier. Les commissaires Cornec et Léger se rendent parmi « les gens de noces » et chacun des couples désireux de s'unir se lève et vient tour à tour se présenter devant le magistrat. Là le jeune homme tenant la jeune fille par la main, dit à haute voix : « Je prends pour épouse une telle ». — « La jeune fille alors dit également à haute voix : Je prends pour époux un tel ». — « Au nom de la loi, vous êtes mariés, conclut le Président ». Et la musique éclate « gaie et vive » après chaque déclaration du Président. D'ailleurs les « différentes lectures ont été elles-mêmes entrecoupées d'hymnes et d'airs patriotiques » disent les procès-verbaux.

La séance alors est terminée et « le cortège a retourné à la maison commune dans le même ordre ».

Ces contrats civils formés au temple décadaire, sont-ils suivis du mariage, qui pour des baptisés ne peut-être que le Sacrement ? La plupart oui, mais rarement le sacrement est demandé à Pillet, qui, on le sait maintenant après une expérience de sept années d'église constitutionnelle, n'a pas de juridiction, et on veut de part et d'autre que le mariage soit vrai. Le sacrement est reçu à Trémaouézan, devant le recteur, M. Uguen. Celui-ci, en temps ordinaire, ne peut avoir de juridiction que sur ses ouailles de Trémaouézan ; mais le vicaire général, M. Henry, y a pourvu au nom de son évêque.

Néanmoins si telle est la liturgie ordinaire des cérémonies au temple décadaire, il y a de temps à autre quelques variantes.

D'abord, à certains décadis on célèbre une fête particulière. Ainsi le 10 prairial (29 mai) on célèbre la fête de la Reconnaissance ; aux rites ordinaires on ajoute ce jour-là, lit-on au procès-verbal, « une collecte en faveur des pauvres de l'hospice civil de cette commune. Monsieur (sic) Olea, vice-consul de la nation espagnole a accompagné la citoyenne Guillou qui recevait les offrandes. ».

Le 21 janvier, on célèbre l'anniversaire de la juste punition du dernier roi des Français.

Le 27 juillet, on fête l'anniversaire de la chute de Robespierre (9 thermidor).

Il y a surtout des concours d'enfants pour réciter par coeur soit les Droits de l'homme, soit les chapitres de la Constitution de l'an III, soit le tableau des poids et des mesures.

Dans le registre des Correspondances, on peut lire la copie de la lettre suivante adressée. « Aux citoyens Pillet, Castel, Rannou, Bodros et Floch, instituteurs. L'Administration vous prévient que le décadi prochain elle distribuera un prix aux élèves qui réciteront par coeur les Droits de l'homme et les Devoirs du citoyen. Nous vous engageons en conséquence à nous seconder de votre zèle, dans l'intention que nous avons d'imprimer de bonne heure dans l'âme de ces jeunes élèves les principes qui doivent les rendre vertueux et utiles à la patrie ».

Le décadi suivant, en effet, 10 brumaire an VII, on lit au procès-verbal que 25 élèves se présentèrent au concours, leurs noms sont donnés (il n'y a que des garçons).

Tous les citoyens ci-dessus dénommés ont parfaitement récité les Droits de l'homme et du citoyen, à l'exception de quelques-uns qui ont commis quelques fautes. N'ayant que 3 prix à distribuer, on a formé trois classes de mérite où le jury a placé les élèves. Dans chacune de ces classes on a tiré au sort... Le sort tiré, ceux qui ont obtenu les prix sont les citoyens ci-après :

1er prix, Thomas ;

2ème prix, Kernéis ;

3ème prix, Le Gall.

Lesquels prix leur ayant été délivrés par le citoyen Larouvière, chef d'escadron au 2ème régiment de chasseurs à cheval, en garnison en cette place, ils ont reçu de lui et de l'administration municipale l'accolade fraternelle.

Une autre fois, par lettre, l'Administration demande aux instituteurs d'apprendre à leurs élèves le texte de la Constitution de l'un III, « dont la base est la réunion de toutes les vertus sociales ». Le décadi suivant a lieu un concours sur la récitation des 5 premiers titres de l'Acte constitutionnel ; les prix sont obtenus le premier par le citoyen Kernéis, le 2ème par le citoyen Le Bris.

Au décadi du 20 frimaire an VII, le concours a lieu pour la récitation du tableau des poids et des mesures ; le jury, cette fois, est formé par deux ingénieurs, les citoyens Le Roux et Taylor.

De temps à autre, un orateur bénévole fait un discours ; que n'avons-nous le texte du discours fait par le citoyen instituteur Pillet ; le texte ne désigne pas le nom de Pillet, mais indique seulement la qualité d'instituteur de l'orateur ; mais Pillet, même d'après le texte du Cahier des Correspondances, est le premier instituteur, et nous savons qu'il parle facilement en français et en breton, plus facilement que sacerdotalement !

Enfin aux prônes décadaires comme aux prônes des grand'messes de jadis, on donne le nom de ceux qui font des offrandes.

« Le président, lit-on dans un des procès-verbaux, a annoncé à l'assemblée l'offrande faite par le citoyen Pouget, employé aux Douanes nationales, d'un tableau de division des principales villes de la République avec les airs de vents où elles se trouvent et un autre tableau contenant des stances artistement encadrées ».

Au début du Directoire, les Chambres sont en majorité formées de Jacobins, puisque la Convention leur avait imposé les deux tiers de leurs membres. Aussi, confiants en cette majorité sectaire, les Directeurs renouvellent la persécution religieuse. Par leur circulaire du 23 nivôse an IV (23 janvier 1796), ils s'élèvent contre les apôtres de la fausse tolérance et déclarent que « les seules lois qui doivent être invoquées contre les prêtres sujets à la déportation ou à la réclusion sont celles de 1792 à 1793 ».

Dans le Finistère, sous prétexte de l'affaire de Quiberon, les administrations ont prévenu le sectarisme du Directoire. Nous avons vu arrêter M. Bodénez. Le 14 novembre 1795 :

« Le Département arrête de faire conduire au Château de Brest les prêtres réfractaires sujets à la déportation et à la maison d'arrêt à Quimper ceux soumis à la réclusion, tels que sexagénaires et infirmes ».

Aussi, lorsque le Ministre de la police Merlin de Douai, écrit en février 1796, pour demander à la Municipalité de Landerneau d'arrêter les prêtres réfractaires, celle-ci leur répond le 17 avril :

A notre connaissance il ne réside ni n'existe aucun prêtre réfractaire dans l'arrondissement de notre canton si ce n'est les citoyens La Rue et Grignoux qui, par arrêté du Département et vu leurs infirmités notoires, sont en arrestation le premier chez lui et le second à l'hospice.

Les prêtres sujets à la réclusion, c'est-à-dire, les prêtres sexagénaires et infirmes, ont été enfermés dans les bâtiments du Collège de Quimper. Ils sont au nombre de 40. La détention n'était pas dure, le vent étant à la clémence, et on laisse les prisonniers sortir en ville. Mais le 31 mars, un prêtre du Morbihan, Louis-Marie Le Meur, s'évade. Des mesures sévères de répression sont prises ; neuf prêtres, soupçonnés d'avoir favorisé l'évasion, sont conduits au Château de Brest. Pour le reste des prisonniers, on ordonne une véritable réclusion et un régime de privations tel que le 10 avril, les prisonniers écrivent aux citoyens administrateurs du Département.

CITOYENS ADMINISTRATEURS,

Nous soussignés prêtres détenus certifions que nous sommes dans le cas du besoin et de l'indulgence, n'ayant plus les mêmes ressources que nous avions précédemment étant en liberté.

Fait à la maison d'arrestation le 10 avril 1796, quatrième année de la République Française une et indivible.

Lannurien, ex-jésuite.

Cornu, capucin.

Latour, ex-jésuite.

Guilgars, chartreux.

Le Guillou, ex-jésuite.

Landivinec, capucin.

Frère Constance Tual, récollet.

Magloire Carré, récollet.

G. Cole, Seznec, Le Bihan, Déniélou, Le Moan, Poho, Guillard, Piclet, Goardon, Bodénez, Droniou, Forget, Boëzédan, Kérisit, Billiec, Le Hars...

Le Département répond à cette supplique par l'arrêté suivant :

Le Département arrête : 1° Qu'il sera donné à chaque prêtre reclus une livre de pain et une demi-livre de viande ; 2° Toutes communications avec le dehors sont interdites.

De plus le départ pour Brest de neuf prêtres fait craindre aux autres que le Département ne les transfère eux aussi au Château de Brest. Or Brest leur fait peur, ils écrivent encore au Département :

Aux citoyens administrateurs, les prêtres sexagénaires et infirmes détenus en la maison de réclusion du chef-lieu du Département.

CITOYENS, Soumis par principe à l'autorité, nous osons vous rappeler que le décret du 30 vendémiaire an 2 porte expressément que les prêtres sexagénaires et infirmes seront mis en réclusion au chef-lieu du Département et celui du 3 brumaire an 4, ayant rappelé l'exécution de celui du 30 vendémiaire, répète encore les mêmes dispositions puisqu'il ne porte rien contraire.

C'est donc avec la loi que nous demandons à n'être transférés nulle part que dans la commune que vous habitez et où vous serez à portée de veiller plus particulièrement sur notre conduite et de punir les délinquants s'il s'en trouve parmi nous d'assez hardis pour enfreindre les lois de la République.

Que cette liberté, citoyens, que nous prenons de vous rappeler ces lois ne tourne pas contre nous. Elles doivent nous protéger nous détenus quand nous en demandons l'exécution en notre faveur.

Nous taisons, citoyens administrateurs, tout ce que l'humanité pourrait y ajouter ; réduits à la plus triste existence, la plus grande partie de nous pourrait trouver dans leur translation la fin de leurs misères et de leurs maux.

Salut et fraternité.

(Suivent les signatures, les mêmes que plus haut, sauf celle de Dulaurent en plus).

Mais Merlin de Douai, bien que devenu ministre de la Justice, a beau se démener, les préoccupations ne vont pas aux prêtres. Le Communisme menace les propriétés et le Gouvernement lui-même. Le complot de Babeuf est découvert et la crainte, à défaut de la justice, suggère non la tolérance, mais une conduite un peu moins vexatoire. Le 4 décembre 1796, le Conseil des Anciens votait la suppression de l'article 10 du décret du 3 brumaire, article qui confirmait contre les prêtres toutes les lois de 1792 et 1793. Les prisons s'ouvrent de nouveau et les prêtres reclus sont mis en liberté. De plus au renouvellement, en avril 1797, du tiers des Conseils, sur 216 conventionnels, 11 seulement sont réélus ; la majorité des deux Tiers est donc changée en faveur des ennemis du jacobinisme. Cette majorité se donna, comme présidents, des royalistes, Pichegru aux Cinq-Cents et Barbé-Marbois aux Anciens. Barthélémy, un modéré, remplaçait au Directoire Letourneur, éliminé par le sort.

La France, par les élections, venait de dire clairement qu'elle ne voulait plus du régime jacobin. Les Conseils renouvelés abrogèrent la loi du 3 brumaire. La liberté religieuse allait donc briller de nouveau. C'est à ce moment que le vieux recteur de Saint-Houardon mourait à Landerneau, après avoir tant souffert pour sa foi.

Aujourd'hui 22 floréal an V de la République (11 mai 1797) est décédé à 2 h. 30 du soir Joseph-Marie La Rue, âgé de 65 ans : les témoins sont Jean-René Omnès, homme de confiance et Jean-Sauveur Le Long, maître de la poste aux chevaux.

Les prêtres fidèles qui s'étaient exilés rentrent dans le pays. C'est ainsi que M. Marc, le vicaire de Saint-Thomas, quitte l'île de Jersey et revient demeurer dans la rue de Daoulas à Landerneau. Il y retrouve son vieux recteur, le bon M. Bodénès qui sort de prison. Bien vite, on va profiter de la liberté pour restaurer le culte à Saint-Thomas. Dès le mois de juin 1797, la Municipalité reçoit une lettre signée par un certain nombre de paroissiens et qui demande l'église Saint-Thomas pour les cérémonies religieuses. Hélas ! l'égise n'est pas libre ; alors on loue la chapelle de Notre-Dame des Anges et c'est là que tous ceux, qui à Landerneau sont restés attachés au catholicisme, viennent assiter aux offices.

Pillet a beau donner plus d'éclat à ses cérémonies, reprendre dans ses Registres les vieilles formules d'actes de baptême et de mariage ; son église se vide. D'instinct, même ceux-là qui, ne comprenant rien au schisme, ont continué de suivre les offices de Pillet parce qu'ils ressemblaient aux offices d'autrefois, ceux-là même viennent essayer de prendre place dans l'étroite chapelle du haut de la rue de Daoulas.

Mais Pillet a espoir dans le Concile national qui va se réunir bientôt à Paris pour réorganiser l'Eglise constitutionnelle. Sérandour, un des vicaires épiscopaux qui administraient le diocèse du Finistère depuis la mort d'Expilly, était député à ce Concile qui se réunit, en effet, à Paris le 15 août 1797. Il compait 31 évêques, onze procureurs d'évêques et 59 prêtres. Lecoz, évêque d'Ile et Vilaine en fut élu président.

Quinze jours plus tard, le 3 septembre, avait lieu le Coup d'Etat de Fructidor, fait par les trois jacobins forcenés du Directoire avec le concours des troupes d'Augereau. 53 députés, deux Directeurs, Carnot et Barthélémy étaient arrêtés. Délibérant sous les épées nues, les Conseils, déjà épurés par le sabre, durent s'épurer eux-mêmes, proscrire un tiers de leurs membres et se réduire à l'état de « parlement croupion ». Les trois ambitieux éhontés se firent adjoindre deux collègues de leur couleur, Merlin de Douai et François de Neufchâteau et, s'emparant de la dictature, arrachèrent « au croupion » les mesures les plus révolutionnaires : rétablissement de la loi du 3 brumaire contre les prêtres insermentés, mais remplacement de la guillotine par la déportation ; on ne tuerait plus, on ferait simplement mourir !

Par la persécution, c'est la Terreur qui reprend, pour les catholiques. Un nouveau serment est exigé de tout prêtre qui veut exercer une cérémonie de son culte. Dès le 8 septembre, les membres du Concile constitutionnel prêtaient ce serment. Le 17 septembre, les constitutionnels de Landerneau se hâtaient à leur tour de le prêter, comme on peut le lire dans le Cahier des Délibérations :

1er jour complémentaire de l'an V. Les citoyens E. Pillet, L. Hir, Thomas, Hervé Rannou, Nicolas Raby, Jacques Pouplard, cinq des ecclésiastiques résidant dans le canton et autorisés à demeurer sur le territoire de la République ont voulu prêter le serment prescrit par l'article 23 de la loi du 19 de ce mois, à savoir: « je jure haine à la royauté et à l'anarchie, attachement et fidélité à la République et à la Constitution de l'an 3. ».

Ont signé : Pillet curé, Rannou vicaire, Raby, Pouplard, Thomas prêtre et agent municipal.

Que vont faire les prêtres fidèles ? Ce serment, comme les autres, répugne à leur conscience, car il ne contient pas que des clauses politiques, ne comporte-t-il pas adhésion à la constitution de l'an 3 ? Ils vont simplement cesser d'accomplir toute cérémonie publique de leur culte. Et, en effet, trois jours avant les constitutionnels, ils vont à la mairie faire leur déclaration de renoncer à l'exercice de leur culte. M. Bodénez, malade, écrit aux municipaux la lettre suivante :

Le 28 fructidor an 5. Citoyens,

J'ai cessé depuis la publication du 19 de ce mois d'exercer le ministère du culte que je professe. Suivant le décret du 9 vendémiaire, on n'exige pas autre chose de moi. Je n'en vivrai pas moins en citoyen soumis, tranquille et paisible. Soyez assuré ainsi que de la juste reconnaissance de l'avis que vous m'en avez donné. Salut et fraternité. BODÉNEZ, prêtre.

Avec cette promesse, la Municipalité laisse tous ces prêtres en liberté. Mais ce n'est pas ce que les persécuteurs ont voulu, et bientôt l'agent municipal de Landerneau recevait la lettre suivante :

Quimper, le 11 vendémiaire de l'an 6.

L'accusateur public près le tribunal criminel du Finistère à l'agent municipal, commissaire de police, à Landerneau.

CITOYEN, Je suis instruit que plusieurs administrations municipales admettent les ministres de cultes à déclarer qu'ils s'abstiendront désormais de l'exercice de leurs fonctions. Il résulte de l'admission de cette déclaration, qu'en éludant la loi, ces ministres se croient autorisés à demeurer sur le territoire de la république sans donner aucune garantie de leur conduite. Je vous observe que c'est bien mal saisir le sens et l'esprit de la loi. Qu'entend-elle par les prêtres autorisés à demeurer sur le territoire de la République ? Ceux qui ont fait la déclaration prescrite par l'article 6 de la loi du 7 vendémiaire. La loi du 19 fructidor substituant une déclaration nouvelle à la première, ceux-là seuls sont autorisés qui remplissent cette dernière obligation. Je sais que l'on objecte que la déclaration du 7 vendémiaire n'est applicable qu'à la faculté d'exercer le ministère d'un culte. Mais cesser cet exercice pour ne point se soumettre à la déclaration nouvelle, n'est-ce pas rétracter la 1ère ? Or l'article 8 de la loi de vendémiaire condamne au bannissement tout ministre du culte qui, ayant fait su déclaration, la rétracterait, la modifierait ou ferait des protestations ou restrictions contraires.

Enfin les ministres qui ont fait la déclaration de vendémiaire ont promis soumission et obéissance aux lois de la république. Est-ce remplir leur engagement que d'éluder de se soumettre et d'obéir à la loi du 19 fructidor ? N'est-ce pas au contraire rétracter formellement cette promesse ? n'est-ce pas avouer qu'ils ne haïssent ni la royauté ni l'anarchie, et peut-on croire que ce soient là les individus autorisés à l'ester sur le territoire de la république ? Rappelez-vous, citoyen, les articles 5 et 7 de la déclaration des Devoirs. « Nul n'est homme de bien s'il n'est franchement et religieusement observateur des lois ».

« Celui qui, sans enfreindre ouvertement les lois, les élude par ruse ou par adresse, blesse les intérêts de tous ».

C'est en dire assez sans doute à un fonctionnaire républicain pour être assuré que les dispositions de la loi du 19 fructidor seront religieusement exécutées.

Salut et fraternité. ROUJOUX.

Huit jours plus tard le gendarme Ganteaume signait le billet suivant que nous avons trouvé dans les papiers de la Mairie de Landerneau.

19 vendémiaire an 6.

Arrêté Marc, curé de Saint-Thomas, Colle, prêtre de la commune, mis à la maison d'arrêt de la ville et Bodénés se trouvant infirme et ordétat (sic) d'être transféré de son lit. GANTEAUME.

Pendant ce temps, le Concile constitutionnel se terminait à Paris.

Mais, si Pillet n'a plus à craindre la concurrence des prêtres catholiques, voilà qu'il se trouve en face d'un nouveau culte qui seul a toutes les faveurs du pouvoir, le culte décadaire. Nous l'avons décrit.

Il a bien une pension de 900 francs, il a bien gagné à son métier accessoire d'agent d'affaires au temps des assignats, mais le culte constitutionnel rapporte peu. Sans doute, une des prescriptions du Concile est que « la religion impose aux fidèles l'obligation de fournir aux besoins de leurs pasteurs », mais des jureurs ayant été déportés pour avoir prêché cela. Pillet se tait et fait la classe. Il chante la messes les jours de décadi, mais il observe les dimanches en ajoutant à la messe basse ce jour-là le chant du Salvam fac Rempublicam.

C'est qu'en effet, on poursuit activement toute violation du calendrier républicain et Pillet ne peut même acheter de poisson le vendredi. Qu'on juge de la situation par la délibération suivante de l'Administration cantonale, du 28 août 1798 :

9 floréal an VI. Vu l'arrêté du Directoire exécutif du 4 germinal sur la stricte exécution du calendrier républicain, la Commission provisoire, l'Administration arrête :

1°) Les marchés qui se tenaient ordinairement dans la commune de Landerneau les mardi et samedi de l'ancien calendrier demeuront fixés aux quartidi et nonidi de chaque décade.

2°) Les marchés aux poissons auront lieu tous les jours de chaque décade indistinctement, à l'exception de ceux désignés par l'ancien calendrier comme jours .d'abstinence, à moins qu'ils ne se trouvent un jour de marché.

3°) Les danses, bals et autres divertissements publics sont défendus les dimanches et fêtes de l'ancien calendrier, lorsque ces jours ne se rencontrent point soit un jour de fête nationale soit un décadi :

4°) Des pénalités sévères seront infligées aux délinquants.

Pourtant Pillet qui n'avait plus d'évêque depuis la mort d'Expilly va en avoir un grâce au Concile. Le 22 avril 1798, des élections ont été ordonnées par Sérandour dans toutes les églises constitutionnelles M. Laligne, curé intrus de Saint-Louis, mécontent de ne pas être proposé comme candidat, se désintéresse complètement de la chose et refuse d'ouvrir un scrutin dans son église pour l'élection de l'évêque. D'ailleurs le pauvre Laligne va créer un schisme dans le schisme, il ira jusqu'à refuser de recevoir un jour le nouvel évêque.

C'est Audrein, vicaire épiscopal du Morbihan, qui fut élu. Le Coz, évêque métropolitain. d'Ile et Vilaine, sacra le régicide à la cathédrale de Quimper le dimanche 22 juillet et naturellement parmi les jureurs qui assistaient au sacre, au premier rang après les vicaires épiscopaux venait Pillet, curé de Landerneau. Aussitôt l'évêque intrus se donne tout à la tâche de réorganisation du culte constitutionnel et y déploie une activité digne d'une meilleure cause. Il partage son diocèse, en 8 archiprêtrés, dont le 1er est celui de Landerneau, et Pillet signe dès lors curé-archiprêtre de Landerneau. Il s'attache à organiser le recrutement de son clergé. Il écrit aux curés un mandement dans lequel il les prie de discerner parmi les enfants de la paroisse ceux qui se distingueraient par leur sagesse et l'amour de la religion et de les réunir au presbytère pour les instruire.

Chaque année, dit-il, dans chaque archiprêtre se fera par l'évêque l'initiation à l'état ecclésiastique des élèves formés par les pasteurs des divers arrondissements. Cette cérémonie sera précédée d'un examen public sur les langues française et latine et sur l'explication de quelques passages de l'évangile. Ce jour-là, dans l'église archiprêtrale, on célébrera la fête de la Perpétuité de la foi ; il y aura exposition du T. S. Sacrement, sermon, salut et bénédiction avec la prière indiquée par le concile pour la prospérité de la République. L'évêque officiera pontificalement toute la journée.

Dans la suite et à certaines époques qui seront ultérieurempnt désignées, l'évêque appellera auprès de lui les jeunes élèves. Les paroisses qui voudront se les attacher s'adresseront à l'évêque qui ne les ordonnera qu'en conséquence et après qu'ils auront été jugés avoir science et vertu sérieuses.

Audrein installe encore pour les prêtres des paroisses des conférences ecclésiastiques, dont il donne le programme. Lui-même paie de sa personne et essaie surtout de secouer la peur, grand défaut des constitutionnels. Il vient à Landerneau le 15 août 1798, il officie pontificalement à Saint-Julien et confirme quelques enfants. Pillet, sur l'injonction de son évêque, a fait sonner à toute volée la cloche de son église ; mal lui en prit, il fut dénoncé et il fallut toute l'influence d'Audrein pour qu'il échappât à la prison du Château de Brest.

L'année suivante Audrein prêche à Landerneau pendant toute une semaine de Carême et se montre dans la rue vêtu de sa soutane violette. D'ailleurs sa façon de faire était non qu'on demandât mais qu'on prit la liberté. Il avait ordonné des processions, et, quand pour avoir obéi à ses ordres, les prêtres constitutionnels étaient poursuivis devant les tribunaux, l'évêque intrus venait en personne les défendre, comme à Pleyben et à Châteaulin. Poursuivi lui-même pour ce délit, à Quimper, il se défend habilement, rejetant l'odieux de ces poursuites sur... les royalistes ! Il peut se dire républicain, en effet, lui qui a voté la mort du roi !

« Nos royalistes, dit-il, se flattent de lasser notre zèle à force de tracasseries et d'humiliations. Eh bien ! nous, nous avons juré à la Religion de travailler nuit et jour à démasquer le fanatisme et juré à la République de ramener les bons villageois au gouvernement de leur pays, destiné à faire leur bonheur... ».

Il veille avec soin à pourvoir les paroisses de curés et voici un procès-verbal d'élection de curé que nous avons trouvé dans les archives de la paroisse Saint-Sauveur de Recouvrante :

Ce jour, 17 septembre 1800 être chrétienne, 30 fructidor an 8 de la République, après l'annonce faite au prône de la grand'messe le dimanche 14 septembre que le mercredi suivant, pour la plus grande commodité des ouvriers du port dont les travaux ne peuvent être interrompus que les jours de décadi, il serait procédé à 8 heures du matin à l'élection d'un curé pour la paroisse de Saint-Sauveur de Brest, et après lecture faite de l'arrêté de l'Evêque en presbytère suivant les décrets du Concile national, arrêté par lequel on propose pour candidats les citoyens Louis Le Monze, professeur en Mathématiques à l'Ecole centrale du Finistère, Lharidon, curé de Scaër et Rannou, vicaire de Landerneau.

Après avoir prévenu les autorités constituées de la réunion qui devait avoir lieu dans l'église paroissiale pour cette élection et s'être assuré de la protection de la loi civile, il a été chanté à l'heure annoncée une messe solennelle du Saint-Esprit, à l'issue de laquelle le citoyen Sérandour, délégué par le révérendissime évêque, a annoncé aux fidèles qu'on allait procéder à l'élection.

Il a invité les trois plus anciens de l'assistance à prendre place au bureau, comme scrutateurs. Roudaut père, maître entretenu du port, Le Breton, chirurgien major, Millet, commis de marine, et en qualité de secrétaires les deux plus jeunes Pellé et Dufour. Ces citoyens ont été à l'élection confirmés dans leurs pouvoirs.

Avant d'ouvrir le scrutin pour l'élection du curé, les noms des trois candidats ont été affichés dans les lieux les plus apparents de l'église.

Les votes reçus, le nombre des votants s'étant trouvé égal à celui des billets trouvés dans l'urne, sur 152 voix, le citoyen Le Monze a réuni 125 suffrages et a été à l'instant proclamé élu pour curé de Recouvrance.

Ont signé, les membres du bureau et Sérandour, vicaire de la cathédrale, membre du Presbytère et délégué par le révérendissime évêque.

Le 15 juillet 1800, Andrein tint un synode à Quimper : 49 prêtres y délibérèrent pendant trois jours et dans la liste des membres qui fut publiée, immédiatement après les vicaires épiscopaux, on lit Pillet, curé-archiprêtre de Landerneau.

Le 19 novembre de cette année, Andrein prenait le soir à Quimper la diligence pour se rendre à Morlaix ; depuis trois heures on avait quitté le chef-lieu, on était au sommet de la butte Saint-Hervé, il faisait nuit, quand tout à coup la voiture est arrêtée et cernée par vingt individus armés. Sont-ce des voleurs ? non, ils rassurent les voyageurs et prient seulement Audrein de descendre. « Revêts-toi de tes ornements d'évêque, lui dit un des hommes ». Quand l'intrus s'est habillé, on l'adosse à un arbre. « Audrein, lui dit le même homme, tu as fait mourir un innocent, nous allons punir un coupable ». Aussitôt une fusillade éclate, le deuxième évêque constitutionnel du Finistère finissait, comme le premier, de mort violente. Et maintenant ,

« Son cercueil est fermé, Dieu l'a jugé, silence ! ».

Pendant que le culte constitutionnel ne reprenait vie que pour s'écrouler si tragiquement, le recteur de Saint-Thomas, M. Bodénez, épuisé par l'âge et les privations de la prison, s'éteignait doucement à Landerneau le 21 octobre 1800, comme on lit dans le cahier de l'état-civil :

Ce jour 29 vendémiaire an IX de la République, Pierre-Joseph Bodénez, né à Irvillac, âgé de 74 ans, est mort rue de Daoulas.

Ses confrères, catholiques comme lui, remplissaient les prisons de Brest et de Quimper ; beaucoup furent dirigés sur Rochefort et l'île de Ré ; quarante six d'entre eux, dont deux vicaires généraux de Quimper MM. du Laurents et Larchantel, étaient condamnés à être déportés. Mais le plus illustre de tous ces déportés, ce fut le Pape Pie VI. Il ne fut pas arraché à la France pour être jeté en pays étranger, dit M. P. de La Gorce, mais il fut arraché à son pays pour venir expirer en terre de France le 20 août 1799.

Cependant le 9 novembre de cette année, c'était le 18 brumaire. Bonaparte faisait envahir par ses grenadiers la salle où délibéraient les Cinq-Cents, le Directoire avait vécu ; la royauté en cinq tomes allait être réunie bientôt en un seul volume par celui qui est maintenant le premier consul. (L. Saluden).

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