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La paroisse de Lancieux durant la Révolution.

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Renseignements ecclésiastiques. — Lancieux, cure de l'évêché de Saint-Malo, relevait de l'archidiaconé de Dinan et du doyenné de Poudouvre, au siège de Saint-Enogat.

La présentation de son rectorat appartenait à l'abbé du monastère bénédictin de Saint-Jacut de la Mer. Saint Sieu, disciple de Saint Brieuc, était dès 1163 et est encore aujourd'hui le patron de cette paroisse. Les seigneurs de la Haute-Justice de la Roche jouissaient dans l'église des droits accordés aux seigneurs supérieurs et fondateurs. L'on a découvert en démolissant la vieille église les armes des Glé, supportées par une sirène, qui se trouvaient jadis placées derrière le maître-autel. Nous-même, à la même occasion, avons relevé dans la nef les armes des Péan de Pontfilly, et le trou béant que l'on aperçoit au-dessus du portail de la vieille tour, était autrefois rempli par les armoiries eu alliance des Péan et des Daniel, qui posèrent la première pierre de cet édifice le 26 juin 1739.

Les révérends pères bénédictins de Saint-Jacut ou, plus exactement, depuis le XVIIème siècle, leur abbé commendataire, recueillait les deux tiers des dîmes de Lancieux, évaluées à 15 mines de blé en 1574. (Archives de Loire-Inférieure, B 820). En 1703, ces dîmes se levaient à la 12ème gerbe. Elles étaient louées 700 livres en 1727 et se percevaient sur « bleds blancs et bleds noirs, pois, vesces, fèvres, lins et chanvres ». Quant à la part du recteur, elle s'élevait, tous frais payés, à 977 livres 11 sols en 1790. Dans cette somme, 77 boisseaux de froment rentraient pour 586 l. 19 s. ; 3 boisseaux de déchets pour 9 l. ; 19 boisseau 8 godets d'avoine pour 44 l. ; 42 bx 4 godets de paumelle pour 169 l. ; 28 bx de blé noir pour 84 l. ; 11 bx de pois pour 77 l. ; 62 livres pour valeur des pailles et 16 l. 3 s. pour la valeur des lins et chanvres. (Archives Côtes-d'Armor, série Q).

Depuis le 27 mai 1768, à la suite de la création d'un vicariat à Lancieux par Mgr. des Laurents, l'abbaye de Saint-Jacut, comme décimatrice, dut désormais assurer le traitement du titulaire. Une enquête faite à cette occasion attribua à Lancieux 525 communiants. Le vicaire était spécialement chargé du catéchisme aux enfants et du soin des malades, que délaissait le recteur âgé et infirme.

L'église de Lancieux, laquelle, croyons-nous, remontait dans certaines parties aux XIVème et XVème siècles, n'« était pas mal », suivant l'appréciation du Pouillé de la Bastie. Elle mesurait 73 pieds de long sur 16 de large. « Sa voûte, bâtie à neuf, est trop belle et a coûté trop cher à la fabrique », ajoute ce document. Un procès-verbal de visite pastorale en 1769 nous dépeint cependant cet édifice comme assez peu entretenu et manquant de bon nombre d'ornements. On y voyait deux chapelles latérales : l'une dédiée à Saint Michel et l'autre à Notre-Dame du Rosaire, celle-ci dépendant de la seigneurie de la Touche de Rays.

On remarquait aussi dans l'ancienne église les statues en bois de Saint Sieu, de Saint Laurent et de Saint Mathurin. Elles n'étaient pas sans mérite, surtout celle de notre saint patron. Vendues vers 1908 à un brocanteur dinannais, avec l'assentiment de la municipalité, par un étranger qui administrait la commune à cette époque, elles décorent maintenant la chapelle d'un château de l'Anjou.

Quant au presbytère, le Pouillé de la Bastie le note comme « pas grand chose ». Cette appréciation convient encore assez bien à cet édifice, qui remonte pour le certain au XVIIème siècle, mais auquel on a apporté quelques améliorations au cours du XIXème siècle. Une seule chapelle, celle du château seigneurial de la Roche, existait autrefois à Lancieux, où un document la signale dès 1692. (Archives des Côtes-d'Armor, E 272). Elle présentait alors au-dessus de sa porte d'entrée un grand écusson aux armes de Gabrielle Glé, dame de la Roche, marquise de la Vallière, et belle-soeur de la célèbre duchesse de ce nom. Ce sanctuaire fut reconstruit dans le jardin du manoir de la Roche, sous le rectorat de M. Marrays (1720-1749). Il fut alors fondé de messes et desservi, mais rien n'en subsiste plus aujourd'hui.

Sous l'ancien régime, Lancieux comptait deux confréries l'une du Saint-Rosaire, sans revenu fixe ; la seconde, dite du Saint-Sacrement, possédait le champ dit de la Dîme, situé sur le versant nord-ouest du tertre du Moulin de la Roche. Ce « clos », loué 37 livres, par an, en 1793 ; fut estimé valoir 800 livres de capital en 1796. Nous verrons plus loin ce qu'il en advint. Cette pièce de terre était grevée de la célébration d'un service annuel ainsi que d'un Salut du Saint Sacrement à donner le troisième dimanche de chaque mois. Le reste de ses revenus servait à payer le luminaire utilisé pour le culte eucharistique.

L'église de Lancieux possédait aussi un certain nombre de fondations pieuses, Ainsi, Jacques Besnard avait fondé 9 messes à perpétuité sur le Pré du Bourg ; Jeanne Tréguy, trois messes sur le Pré Vas ; Simonne Hilly, quatre messes sur une pièce derrière la Chambre. Nous avons retrouvé jusqu'à dix-huit de ces obits, dont la Révolution fit table rase sans nul souci des volontés des fondateurs.

Pour la station des prédications, Lancieux était groupé avec Ploubalay, Trégon, Créhen et Le Plessis-Balisson ; ses jours d'adoration avaient été fixés aux 24 et 25 février par Mgr. des Laurents.

La Révolution supprima Lancieux comme paroisse et le réunit à Ploubalay. Pour prendre cette mesure, on s'appuya sur ce que « le bourg n'est qu'à trois quarts de lieue de celui de Ploubalay, toutes les maisons de ses villages étant au midi du bourg, et la Mettrie à un coup de fusil de Ploubalay ». Cette situation dura depuis le mois d'octobre 1792 jusqu'à l'abdication du curé Paytra, mais, en outre, un décret de Le Carpentier réunit Lancieux à Ploubalay pour l'administration communale, à la fin de janvier 1794, et cette union ne prit fin qu'au mois de décembre 1795.

En plus du Clos de la Dîme précité, la fabrique de Lancieux possédait sous l'ancien régime quelques autres pièces de terre [Note : L'abbaye de Saint-Jacut possédait aussi à Lancieux les fermes de la Briantais et de Buglais. Elles furent vendues comme biens nationaux, la première 40.000 livres, le 9 avril 1791, à Louis-Marie Damar, du Bois-Gilbert, en Taden ; la seconde pour 36.000 livres, le 21 mars même année (mais, à cause de la dépréciation des assignats, cette dernière ne coûta en réalité que 26.226 livres), à J.-B. Michel Marion, de Saint-Malo, qui se distingua dans l'acquisition des biens nationaux. Elle était alors louée 1.224 livres à Pierre Olivier. Le moulin de Buglais, aussi propriété des moines de Saint-Jacut, fut acheté 1.500 livres le 4 mars 1791 par François Lhôtelier, de Lancieux]. C'étaient le champ Saint-Sieu, loué 10 l. 5 sols, et estimé 220 l. en 1796 ; la pièce de la Clôture, louée 25 frs. et estimée 400 livres à la même date ; la pièce de Sur le Port, louée 5 livres et estimée valoir 100 livres de capital. Le tout fut adjugé pour 625 francs, y compris le Clos de la Dime, le 5 février 1799, à Jean-Marie Vesuty, natif de Lyon, alors négociant à Saint-Brieuc et ancien régisseur de M. Picot, de Plédran, qui spéculait un peu partout sur les biens nationaux.

A l'honneur des Lancieutains, le presbytère ne trouva pas de locataire, mais il fut cependant occupé à titre provisoire, et nous y relevons la naissance, le 21 avril 1794, d'un enfant à Jean Le Coureur, le bien nommé, car c'était un- étranger à la commune.

L'église dévastée servit durant la Révolution de logement aux détachements de soldats cantonnés à Lancieux. On la signale en très mauvais état à la fin de 1796. On avait pris soin de la dépouiller auparavant de son mobilier cultuel. Le 7 mai 1793, la municipalité avait dû livrer à Dinan, pour l'envoyer à la Monnaie, une belle croix d'argent pesant 7 marcs, 5 onces, et 2 gros. D'après un document en notre possession, on avait, de plus, déposé à Ploubalay et inventorié, le 27 mai 1794, comme provenant de l'église de Lancieux : trois cloches (dont deux de la chapelle de la Roche), 16 chandeliers et une croix de fer, la grille de la tour, deux lampes, deux encensoirs, trois tasses, cinq livres de choeur, six chasubles, huit nappes et devants d'autels, deux rochets, etc., etc... Leur vente produisit 134 livres 12 sols le 13 août suivant. Enfin, le 24 août de la même année, on expertisait à Dinan : deux ostensoirs, deux pieds de calice, deux pieds de ciboire et d'autres menus objets pesant 11 marcs, 4 onces, 2 gros d'argent blanc ; deux calices, deux coupes de calice et deux coupes de ciboire, quatre patènes et divers petits objets pesant 8 marcs, 5 onces, 2 gros d'argent doré ; plus 3 marcs, 2 onces de galon d'argent, et 7 marcs, 5 onces, 4 gros de galon doré, le tout provenant des églises de Ploubalay et Lancieux réunies.

La tradition rapporte aussi que les soldats cantonnés, dans l'église voulurent descendre, afin de la détruire, la statue de Saint Sieu qui dominait autrefois le maître-autel, mais cette opération ne procura à ceux qui s'y livrèrent qu'une chute fort douloureuse, et l'image de Saint Sieu, avec un doigt en moins, demeura en place, attendant qu'un iconoclaste vint, cent ans après, la vendre à un brocanteur dinannais.

 

CLERGÉ.JEAN POSNIC, recteur, fils de Pierre et de Mathurine Rouxel, naquit à la métairie du Gué d'Abas, en Gommené, le 30 novembre 1734, d'une famille qui avait déjà fourni plusieurs ministres à l'Eglise, entre autres un recteur d'Illifaut. Il étudia à Rennes, puis entra au Séminaire, où on le jugea « apte à faire un bon sujet, ayant de la voix et sachant solfier, passant ses examens de façon satisfaisante ». Ordonné prêtre le 19 septembre 1762, M. Posnic demeura quelque temps à Gommené, puis, sur résignation en cour de Rome de M. Guillaume Bêttaux, qui préféra, le 9 octobre 1779, conserver sa paroisse de Concoret, où il ne jouissait cependant que d'une portion congrue, l'abbé Posnic fut pourvu du rectorat de l'agréable paroisse de Lancieux.

Le nouveau pasteur se dépensa au cours de l'épidémie de dysenterie qui désola Lancieux du 13 octobre au 15 décembre 1783, et gagna par là les sympathies de ses ouailles. Aussi, bien qu'il eût refusé de s'assermenter, de même que son vicaire, dans les premiers mois de 1791, ses paroissiens, dans la crainte de le perdre, voulurent adresser en octobre de cette année une pétition à l'Assemblée Nationale pour obtenir l'autorisation de conserver leur recteur et son curé, quoique n'étant ni l'un ni l'autre en règle avec la loi. Mais l'abbé Posnic avait dans quelques « patriotes » de Lancieux des ennemis acharnés à sa perte. Sous l'inspiration de l'un d'eux, les électeurs du District, réunis à Dinan, réclamèrent, dès le 4 octobre 1791, pour que M. Posnic fût déclaré déchu de ses fonctions pastorales. Des élections municipales ayant eu lieu à Lancieux le 6 novembre suivant, trois individus de cette paroisse dénoncèrent aussitôt leurs résultats comme faussés par l'ingérence du recteur et du vicaire qui, disaient-ils, avaient pris part à l'assemblée électorale, l'un comme président, l'autre comme secrétaire, et n'avaient pas fait prêter au préalable aux électeurs le serment à la Constitution prescrit par la loi. En conséquence, les élections furent annulées le 27 mars suivant.

Du reste, dans toutes les Révolutions, la dénonciation à jet continu joue d'ordinaire un très grand rôle. Or, il se trouvait alors à Lancieux, un individu que nous nous bornerons à désigner sous le nom de Henri de la Ville-Fouré. Ambitieux, beau parleur, vaniteux et passionné, ennemi juré de l'ancien régime et fougueux partisan de la Révolution, il devint agent national de Ploubalay sous la Terreur. Cet homme, furieux de l'heureuse influence qu'exerçaient sur leurs ouailles les membres du clergé de sa paroisse, les poursuivait sans trêve de ses dénonciations et activait par tous les moyens leur départ. « On nous dit, écrivait le 12 février 1792 le Directoire de Dinan à l'intrigant Hamart, curé de Pleurtuit, on nous dit que Lancieux est le foyer de l'aristocratie, et que le curé et le vicaire de cette paroisse sont bien plus dangereux que leurs voisins. Aussi, tandis que les premiers occuperont cette place, nous ne pourrons nous flatter de voir régner la paix. Mais nous manquons de sujets pour remplacer tous ces prêtres, et nous vous saurions bon gré, monsieur, si vous pouviez nous en donner qui vous ressembleraient ». Le vertueux Hamart, si recommandable, devait, en effet, prendre femme deux ans plus tard, ainsi que nous le voyons à l'article Tréméreuc.

Les faits et gestes de M. Posnic et de son vicaire étaient donc étroitement surveillés, et il suffisait de bien peu pour causer leur perte. Or, sur les entrefaites, le recteur invita à prêcher la station du Carême un prêtre habitué de Saint-Briac, l'abbé Gallais. A cette époque, en effet, on prêchait régulièrement dans les églises durant ce saint temps, aussi bien aux vêpres qu'à la grand'messe, et ces prédications, préparées avec soin, étaient toujours très suivies. Aussitôt, le « patriote » en question s'empressa de dénoncer le prédicateur au district de Dinan. « Cet ecclésiastique, écrivit-il, n'avait prêté aucun serment, n'était muni d'aucun pouvoir de l'évêque constitutionnel et se permettait néanmoins de déclamer contre la nouvelle Constitution et d'annoncer aux fidèles une foule de calamités que ne pouvait, selon lui, manquer d'amener cette détestable invention ». Quant au recteur Posnic, il l'accusait de faire sienne la doctrine du prêtre Gallais et de troubler la conscience de ses ouailles en leur conseillant de ne pas assister aux offices des constitutionnels et de ne point recevoir d'eux les sacrements, car « la plupart de ceux-ci, faute de la juridiction nécessaire chez les constitutionnels, se trouvaient frappés d'invalidité ». Sur le ouï de ces griefs, le procureur syndic du district de Dinan chargea l'avocat Joseph Delourmel, juge de paix à Ploubalay, d'ouvrir une enquête sur les délits dont on incriminait les prêtres de Lancieux.

En conséquence, celui-ci fit comparaître le 24 mars en son prétoire, le principal dénonciateur, qui se trouvait être le sieur de la Ville-Fouré, alors âgé de 51 ans, ainsi que douze autres témoins, dont deux femmes qui, prudemment, gardèrent le silence, quatre marins, un calfat, deux cultivateurs, Jacques Reminiac, meunier à la Touche de Rays, le lieutenant des douanes de Ploubalay et un commerçant de cette localité nommé Dubois, fougueux partisan des idées nouvelles. Leurs dépositions, dont nous possédons une copie, ne nous apprennent aucun fait saillant, sinon que l'abbé Posnic ayant refusé catégoriquement, un dimanche, de donner lecture d'un mandement de Jacob, l'évêque intrus des Côtes-du-Nord (aujourd'hui côtes-d'Armor), le sieur de la Ville-Fouré ne trouva rien de mieux que de monter en chaire et de s'en improviser le lecteur, « ce que voyant, la majeure partie des assistants, scandalisés par tant d'audace, quittèrent immédiatement l'église, sur l'invitation de leur recteur », avoue lui-même le héros de cette aventure.

En somme, le seul crime de M. Posnic et de son vicaire était de vouloir demeurer avant tout dans l'orthodoxie catholique et de s'efforcer de mettre en garde leurs fidèles contre les conséquences néfastes qu'ils prévoyaient devoir découler pour eux de la schismatique Constitution Civile. Or, à cette époque, c'était là une faute irrémissible, et le clergé de Lancieux, chargé d'une telle accusation, devait tout redouter.

Le 4 avril 1792, à la suite du pillage, dans la grève du Rieul, d'une barque chargée de grains par une bande composée d'individus de Saint-Briac, auxquels s'étaient mêlés quelques personnes de Lancieux, le Directoire de Dinan avait envoyé, pour rétablir l'ordre, Auguste Denoual, son procureur syndic, escorté de 150 volontaires nationaux. Il lui avait en même temps confié la mission d'enquêter sur les prêtres de Lancieux. Cependant, on n'attendit pas le résultat de ses recherches pour expédier dès le 5 avril au Directoire du Département l'information faite le 24 mars par le juge de paix de Ploubalay, en demandant un châtiment sévère pour les « réfractaires » qui en étaient l'objet. (Archives des Côtes-d'Armor, reg. L 282).

Néanmoins, les autorités du chef-lieu tardèrent à faire connaître leur décision, tant et si bien que les prêtres de Lancieux demeuraient à leur poste, au grand déplaisir des quelques « patriotes » de cette localité. Aussi, le juge de paix, de Ploubalay prit-il l'initiative, approuvée du reste en haut lieu, de signer leur ordre d'arrestation le 6 mai 1792. Sur son réquisitoire, un brigadier et trois gendarmes à cheval arrivèrent à Lancieux le 8 mai, à la nuit tombante, pénétrèrent un peu avant minuit au presbytère et s'emparèrent de l'abbé Posnic et de son vicaire, qu'ils conduisirent aussitôt au bourg de Ploubalay, chez le sieur Menot, aubergiste, où ils passèrent le reste de la nuit.

« Mais, raconte le brigadier de gendarmerie, dans son rapport, le sieur Posnic ayant demandé le lendemain matin à aller aux commodités (sic), qui sont dans le jardin du sieur Menot, le gendarme Manfroi l'y a conduit et, par décence, s'est écarté à deux pas ; aussitôt, ledit sieur Posnic, profitant du moment où son gardien avait les yeux détournés, a sauté par-dessus un petit mur qui borde les dites commodités » ; au bruit, le pudique Manfroi se retourne et, ne voyant plus l'abbé Posnic, franchit à son tour le mur pour rattraper le fugitif, mais celui-ci avait déjà disparu, et malgré ses plus diligentes recherches, le digne pandore dut venir tout penaud raconter sa mésaventure à son chef. Le vicaire de Lancieux demeurait seul entre les mains de la force armée, qui l'emmena prisonnier à Dinan.

Rendu à la liberté grâce à son audace, M. Posnic n'essaya pas de demeurer plus longtemps dans sa paroisse, où la situation lui parut intenable, et se résolut à passer immédiatement à l'étranger. Une personne de ressource et d'énergie, Julienne Hervy, épouse d'André Mabille, s'employa à lui procurer une barque, et, sans désemparer, le recteur de Lancieux, heureux de mettre la mer entre lui et ses persécuteurs, s'embarqua à la grève de l'Islet, en compagnie de Marie Chaignon, de Saint-Briac, sa servante, une sainte fille à laquelle le chanoine Souchet a consacré une petite notice à la page 61 de son Essai sur la piété bretonne. Julienne Hervy, qui s'était compromise et craignait désormais pour sa sécurité, crut plus prudent pour elle de les accompagner. Revenue peu après avec Marie Chaignon, elle devait dans la suite servir, avec intelligence et dévoûment, d'intermédiaire dans la Correspondance des Royalistes [Note : Lors de la capture de Noël Prigent, à Saint-Briac, dans la nuit du 31 décembre 1794, le district de Saint-Malo décida, le 3 janvier suivant, sur les révélations de cet agent de Puisaye, de faire arrêter Marie Chaignon, alors résidante à Saint-Briac, et Julienne Hervy, ainsi que Jean Lhotelier, de Lancieux, considérés tous les trois comme complices des émigrés].

Les trois fugitifs n'étaient pas encore débarqués à Jersey que déjà le Directoire de Dinan avait fait apposer les scellés sur la sacristie et fermer l'église de Lancieux, « dont les habitants, dit un rapport de cette administration, privés désormais de tout secours spirituel, durent aller à la messe dans les paroises voisines ». Si bien que, le 12 mai 1792, Rose Dagorne, fille de Pierre et de Rose Mabille, était baptisée à la porte de l'église de Lancieux par Philippe Besrest, procureur syndic de la commune, requis à cet effet par le père de l'enfant, « attendu qu'il n'a pu trouver aucun ecclésiastique pour lui administrer le sacrement selon les formes canoniques ». Le 7 octobre 1793, les mêmes parents faisaient encore baptiser dans les mêmes conditions un fils nouveau-né [Note : Ces courageux chrétiens étaient les ancêtres de Pierre Dagorne, du bourg, décédé il y a quelques années, après avoir été longtemps maire de Lancieux. Philippe Besrest, qui eut l'honneur d'être emprisonné sous la Terreur, fut maire de Lancieux de 1808 à 1827, et mourut le 23 mai 1828]. Vraiment, le sieur de la Ville-Fouré pouvait se féliciter de son oeuvre.

Le départ de M. Posnic ne suffit pas à désarmer ses ennemis. En même temps qu'ils faisaient condamner son vicaire, ils ouvrirent par contumace, le 3 août 1792, une instruction au criminel contre le recteur, sans s'arrêter à l'opposition de J.-B. Gesbert, directeur du Juré d'accusation de Dinan, qui avait déclaré la veille « que les opinions, même religieuses, étaient décrétées libres, à condition qu'elles ne troublassent pas l'ordre public, et qu'il ne lui semblait pas que de la manifestation de celles du curé de Lancieux, il eut résulté quelque trouble dans sa paroisse ». Cependant, les manifestations d'hostilié envers l'abbé Posnic ne se bornèrent pas là : ses récoltes, mises à l'encan le 3 septembre 1792, produisirent 135 livres au profit de la nation, puis son nom, défiguré sous celui de Jean Poine, fut inscrit sur la liste générale des émigrés dressée en exécution de la loi du 28 mars 1793. Enfin, « après trois bannies à son de caisse, faites à Lancieux, Saint-Jacut et Ploubalay », le modeste mobilier du recteur de Lancieux fut adjugé aux enchères pour 447 livres le 27 avril de cette même année.

Nous retrouvons l'abbé Posnic séjournant à Jersey et recevant des secours dans cette île durant les mois de juillet et d'août 1797 (Rég. Cheylus). Etant revenu à Lancieux peu après cette date, ce prêtre y fut dénoncé par son vieil ennemi le sieur de la Ville-Fouré et s'y vit arrêter le 25 août 1798, à 10 heures du soir, par les soins du chef de bataillon Mattat, commandant la place de Dinan, et grand ennemi des prêtres réfractaires, interné presque aussitôt à Saint-Brieuc par décision des Administrateurs des C.-du-N. (aujourd'hui côtrs-d'Armor), en date du 1er septembre suivant, M. Posnic fut transféré, à Guingamp le 10 août 1799. (Archives des Côtes-d'Armor, L 166, f° 74). Seule sa qualité de sexagénaire évita au Confesseur de la Foi d'être déporté à l'île de Ré, mais il ne recouvra sa liberté qu'au printemps de l'année 1800.

M. Posnic était muni d'une carte de sûreté le 28 juillet de cette année et revalidait alors des baptêmes à Lancieux. L'enquête du préfet Boullé, inspirée par le sieur de la Ville-Fauré, encore tout-puissant à Lancieux et rallié à Bonaparte, est nettement hostile à ce prêtre, qu'elle qualifie de « tête exaltée et fanatique ». Mais ces notes ne convainquirent point Mgr. Cafarelli, qui fit de l'abbé Posnic, le 8 avril 1803, le premier curé concordataire de l'importante paroisse de Merdrignac. Il y vécut dix ans et mourut en fonctions, près de son pays natal, le 17 mars 1813, âgé de 79 ans.

CHARLES-NICOLAS THÉ, vicaire, né à Miniac-sous-Bécherel, le 6 septembre 1757, de Gilles et de Thérèse André, étudia à Dinan. On le note au Séminaire comme ayant « un peu de voix et de chant, avec de l'esprit, mais faible sur le latin ». Ordonné prêtre par dimissoire à Saint-Brieuc, le 22 décembre 1781, il vint à Lancieux comme vicaire vers le milieu de l'année 1786, en remplacement de Monsieur Prioul [Note : Jean-Olivier Prioul, venu comme vicaire à Lancieux en mai 1784, et que nous retrouverons à l'article Langrolay, avait succédé à Charles-Laurent Briot, né à Tinténiac en 1736 et parent des Briot de la Mallerie, lequel, après avoir été 16 ans durant vicaire de Lancieux, devint curé de la trêve de Trimer, y confessa sa Foi, dut s'exiler en Angleterre, en revint et mourut recteur de la paroisse précitée en 1803], puis il quitta cette paroisse au mois de décembre 1790 pour s'en aller remplir les mêmes fonctions à la Chapelle-Chaussée. M. Thé, qui avait déjà refusé de s'assermenter à Lancieux, persista dans son attitude dans son nouveau poste, si bien que les municipaux de la Chapelle-Chaussée se plaignaient amèrement de ses agissements, le 10 février 1792, au procureur général syndic d'Ille-et-Vilaine, et prétendaient que « ce forcené, bien que retiré à Miniac-sous-Bécherel, passait ses journées dans leur paroisse pour soulever le peuple contre les nationaux et le curé constitutionnel » (A. Roussel : Un évêque assermenté, Le Coz, in-8, Paris, s...d., p. 81, et Guil. De Corson : Les Confesseurs de la Foi, op. cit., p. 370).

M. Thé ne figure pas sur les listes d'exil que nous connaissons. L'enquête du préfet Borie, publiée par Sévestre, donne ce prêtre comme n'ayant pas encore prêté en 1801 la promesse de soumission exigée par Bonaparte, bien que rentré à cette époque à la Chapelle-Chaussée en qualité de vicaire.

Appelé en 1803 au rectorat de Québriac, ce prêtre y mourut le 13 avril 1834, âgé de 77 ans.

FRANÇOIS-MATHURIN LEBRET, vicaire, naquit à Pleurtuit le 24 janvier 1764, de Pierre-Jean-Marie et de Marie Cousin, lesquels habitaient le village de Trégondé, en cette paroisse, lorsqu'ils assurèrent le titre clérical à leur fils le 30 octobre 1787. Noté au Séminaire comme « d'une bonne conduite et d'un caractère grave et sérieux », l'abbé Lebret reçut la prêtrise à Saint-Malo le 19 décembre 1789 et fut nommé vicaire de Lancieux, le 5 janvier 1791, au départ de M. Thé. Nous venons de voir, à l'occasion de la biographie de M. Posnic, la conduite que M. Lebret tint dans cette paroisse jusqu'au 8 mai 1792, date de son arrestation. Nous savons, par les interrogatoires qu'il subit alors, qu'on lui reprochait d'avoir refusé de lire la lettre de l'évêque Jacob, conseillé de ne pas se rendre à la messe du curé intrus de Pleurtuit et traité d'hérétique un catéchisme composé par ce dernier.

Amené d'abord à Dinan, puis transféré ensuite à Saint-Brieuc, ce prêtre comparut enfin devant le tribunal criminel des C.-du-N. (aujourd'hui Côtes-d'Armor), qui, le 22 juillet 1792, sur le vu des griefs énoncés plus haut, le condamna à un an de détention, ainsi qu'à 300 livres d'amende « pour infraction à l'article 2, titre III , de la loi du 22 juillet 1791. ».

L'arrestation de M. Lebret n'avait pas été sans émouvoir grandement la population de Lancieux, foncièrement chrétienne, et très pratiquante à cette époque. Dès le lendemain de son enlèvement, les officiers municipaux, Charles Berrest, procureur syndic, et 36 citoyens actifs de cette commune protestaient de l'innocence de leur vicaire et réclamaient l'élargissement de « cet homme pacifique, qui n'avait jamais troublé l'ordre public établi par la loi ». Le 14 mai suivant, les Lancieutains revenaient à charge, et demandaient « qu'on rendit à leurs voeux un ministre vertueux auquel ils tiennent par les liens de la reconnaissance et de la justice, et qui n'a pour délateurs que quelques hommes faibles, séduits par une cabale perverse ».

Parmi les signataires de ces suppliques, nous citerons les noms de tous ceux dont les descendants se sont perpétués jusqu'à nos jours : Mathurin Bêttaux, six membres de la famille Juhel, trois de la famille Dagorne, Charles Lemasson, Toussaint Hesry, Pierre et Jean Ouanson, Pierre et Mathurin Grossetête, Pierre Grumellon, Julien Graffard, Louis Collet, Jean Le Tonturier, Jean Bourdet, Jean Hervé.

Ce sont pour les arrière-petits-fils de ces fiers chrétiens des titres d'honneur et des exemples de courage qui ne sont pas à dédaigner.

Mais nous avons vu combien peu les protestations des Lancieutains trouvèrent de crédit en haut lieu. L'abbé Lebret était encore en pri son à Saint-Brieuc lorsque fut appliquée la loi de déportation du 26 août 1792. Préférant l'exil à la terre de France devenue trop cruelle pour ses fils, ce prêtre adressa, le 15 septembre de cette année, une demande que transmit au Comité de Législation le Directoire des Côtes-du-Nord (Côtes-d'Armor), en vue d'être autorisé à « se déporter » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 30). En conséquence, un décret du Ministre de la Justice, en date du 14 décembre suivant, enregistré neuf jours après par l'administration Centrale des Côtes-du-Nord (Côtes-d'Armor), lui permit de quitter sa prison pour prendre le chemin de l'étranger, après toutefois qu'il aurait acquitté les 300 livres d'amende auxquelles il avait été condamné. (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 36 et 68).

Sur le passeport qui lui fut délivré le 3 janvier 1793, afin de s'expatrier, nous relevons le signalement suivant : « Taille cinq pieds deux pouces, barbe, cheveux et sourcils châtains, yeux bleus, front haut et visage rond ». (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 32). M. Guillotin de Corson assure, dans ses Confesseurs de la Foi de l'Archidiocèse de Rennes, p. 310, que M. Lebret revint d'exil en 1795 dans son pays natal, mais que la persécution s'étant rallumée au bout de quelque temps, ce prêtre fut contraint de prendre un passeport pour se déporter en Suisse, en fructidor an IV (septembre 1796).

Quoiqu'il en soit, les registres de Mgr. de Cheylus mentionnent l'abbé François Lebret comme ayant touché des secours à Jersey pour les mois de juillet et d'août 1797. Le 7 mai 1800, ce prêtre était de retour à Lancieux et revalidait un baptême. Le 10 août 1801, il se présenta devant le sons-préfet de Saint-Malo, et fit la promesse de fidélité à la Constitution de l'an VIII. Il signa dans la circonstance « curé d'office de Saint-Briac ». Lors de la réorganisation du culte, M. Lebret opta pour le diocèse de Rennes et devint en 1803 recteur de Saint-Briac. Il conserva ces fonctions jusqu'en 1834, époque à laquelle il mourut dans cette paroisse, le premier du mois d'octobre, âgé de 70 ans.

Comme les prédications faites à Lancieux au cours du carême de 1792 par l'abbé FRANCOIS–MATHURIN LE GALLAIS furent le prétexte dont on se servit pour provoquer l'arrestation des prêtres de Lancieux, nous croyons devoir donner quelques détails biographiques sur cet ecclésiastique, né au bourg de Saint-Briac, le 9 novembre 1739, de Julien, navigant, et de Pétronille Lefebvre. M. Le Gallais fit ses études en grande partie chez lui et fut admis au Séminaire sur le bon témoignage de son recteur. Il entra comme boursier à la Concorde, à Saint-Servan, où nous le voyons noté comme « susceptible de bien faire, possédant un peu de voix et un peu de solfège, passable sur le latin ». Promu au sacerdoce le 1er juin 1764, M. Le Gallais, après avoir été vicaire à Ploubalay de 1769 à 1771, demeura prêtre habitué à Saint-Briac. Nous le trouvons même venant parfois faire du ministère à Lancieux, où il avait de nombreux membres de sa famille. Obligé de se réfugier à Jersey à la suite du Carême qu'il avait donné dans cette paroisse, en 1792, et qui motiva les poursuites contre les prêtres de Lancieux, cet ecclésiastique mourut dans cette île, âgé seulement de 53 ans, le 8 février 1793. (L'Estourbeillon, op. cit., p. 348). Le 24 juin suivant, une de ses parentes de Lancieux, Rose Le Gallais, inculpée de calotinocrassie (sic), mais jugée « imbécile » par les membres du Directoire de Dinan, fut renvoyée par ceux-ci dans sa commune, sous la surveillance de la municipalité. Elle décéda au village de la Mettrie de la Roche, âgée de 71 ans, le 28 septembre 1804.

Les propriétés du prêtre Le Gallais, mises en vente en 1794 par ordre du gouvernement, comme appartenant à un prêtre réfractaire, rapportèrent 6.875 livres à la République. En 1826, ses héritiers, en compensation de cette spoliation, obtinrent une indemnité de 1.557 frs. 87.

Fit du ministère caché à Lancieux. Au cours de la Révolution : FRANÇOIS-JOSEPH ARTUR, né à Cancale le 10 septembre 1750, du mariage de Jean-Baptiste et de Simonne-Perrine-Laurence Gourdel. Il reçut la tonsure le 21 septembre 1782 et mérita d'être noté durant son Séminaire comme « excellent sujet pour tout ».

L'abbé Artur arriva comme vicaire à Saint-Briac en 1790. Après avoir consenti à prêter serment le 30 janvier 1791, il rétracta son erreur le 19 mai suivant et demeura ensuite toute la Révolution caché dans cette paroisse, livrée depuis le mois de juin 1791 au mois de mars 1794, à l'intrus Charles-Louis Hermon, de Cancale, ex-aumônier du vaisseau Entreprenant, lequel n'avait jamais dépassé la note « très faible » à ses examens théologiques, ce qui ne l'empêcha pas, tout au contraire, de fonder à Saint-Briac [Note : Le recteur de Saint-Briac était alors J.-B. Le Breton, sieur de la Millière, fils d'Alexis et de Françoise Le Moyne. Après avoir été vicaire à Saint-Servan de 1768 à. 1784, il prit possession de la cure de Saint-Briac le 7 décembre de cette année. Il y prêta un serment conditionnel et très restrictif le 30 janvier 1701. Obligé de quitter St-Briac à l'arrivée du curé constitutionnel, M. Le Breton vivait à Saint-Malo aux débuts de janvier 1792. Mais, dans sa séance du 5 au 6 du susdit mois, l'assemblée municipale de cette ville lui ordonna de déguerpir au plus vite. (Archives communales de St-Malo, LL 23 (D. 3), f° 88-89). Ce que voyant, le recteur de Saint-Briac chercha alors un refuge à Paramé. C'est là que, devant les mesures de plus en plus rigoureuses prises par le Conseil général d'Ille-et-Vilaine contre les prêtres insermentés, il s'exila à Jersey par St-Malo le 24 avril 1792. M. Le Breton mourut dans cette île le 24 septembre 1794, âgé de 69 ans], le 5 mars 1793, une Société populaire, et d'être arrêté dans cette commune le 12 mars 1794 sous l'inculpation de « fanatisme » [Note : Voici le signalement de cet assermenté : « taille cinq pieds cinq pouces, cheveux et sourcils brun foncé, yeux gris, nez moyen, bouche moyenne, menton court, front haut, visage rond »].

S'il est incontestable que M. Artur s'opposa héroïquement aux ravages de ce faux pasteur, il est non moins certain que ce prêtre, de même que M. Le Borgne, de Ploubalay, tout en rendant aux âmes privées de bons prêtres, tous les services possibles, favorisa de son mieux la chouannerie. Dufour raconte dans ses Mémoires, publiés en 1906 par la Revue du Pays d'Aleth, que ce prêtre se trouvait présent à l'échauffourée où fut blessé le chevalier de Busnel, au bourg de Saint-Briac, à l'occasion d'un débarquement d'armes et de munitions en 1796.

En février 1798, écrit Guillotin de Corson à la page 331 de ses Confesseurs de la Foi, déjà cités, le vicaire de Saint-Briac était recherché par les républicains, qui le traitaient de « fanatique » et de « contre-révolutionnaire ». « On raconte, dit cet auteur, que durant les plus mauvais jours, M. Artur se cacha dans la paroisse de Lancieux et qu'une nuit, revenant de communier un mourant à Saint-Briac, il se vit poursuivi et perdit la custode contenant les saintes Espèces dans la course effrénée qu'il dut faire pour échapper à ses ennemis. Quelque temps après, deux pieuses femmes aperçurent sur la lande une lueur extraordinaire. Elles s'approchèrent, reconnurent le vase sacré et parvinrent à la cachette du prêtre, qui revint recueillir le Saint Sacrement heureusement préservé ». En 1799, nous trouvons aussi ce prêtre faisant du ministère à Saint-Lunaire.

Lors de la réorganisation qui suivit le Concordat, M. Artur remplit, de 1803 à 1804, les fonctions de recteur d'Andouillé. Transféré ensuite à Marcillé-Raoul, il y resta jusqu'à 1808, date de sa nomination à Lillemer, où il mourut en fonctions le 14 mars 1818, âgé de 68 ans.

La paroisse de Lancieux, qui n'a fourni depuis quatre-vingts ans passés qu'un seul prêtre à l'Eglise, en comptait trois au moment de la Révolution :

L'un d'eux, M. PIERRE-RENE BÊTTAUX, né à Lancieux le 13 janvier 1730, fut ordonné prêtre le 18 septembre 1756 et décéda recteur de Saint-Jacut le 13 avril 1789, victime de son dévouement au cours de la terrible épidémie qui ravageait alors cette paroisse, dans laquelle, depuis trente ans, il accomplissait le ministère pastoral [Note : MM. Bêttaux étaient les oncles propres de l'abbé Charles Béttaux, dont on lira la biographie à l'article Saint-Jacut. Deux religieuses de ce nom et de la même famille, l'une petite soeur des Pauvres, l'autre fille de la Sagesse, sont nées à Lancieux au milieu du XIXème siècle].

GUILLAUME-JULIEN BÊTTAUX, frère du précédent et fils de Guillaume, fermier à la Briantais, et de Marie Ohier, fut baptisé le 27 octobre 1717. Après avoir fait sa philosophie au Séminaire de Saint-Servan, mais en prenant sa pension en ville, le jeune Bêttaux reçut la tonsure en septembre 1739, et la prêtrise à Tréguier, par dimissoire, en septembre 1742. Fort bien doué comme intelligence en même temps que travailleur, il fit d'excellentes études théologiques et devint, après sa prêtrise, professeur de philosophie au Collège de Dinan. Il occupa ce poste assez longtemps et ne le quitta que pour le rectorat de l'excellente paroisse de Concoret, dans le canton actuel de Mauron, où il fut nommé en 1756.

Pourvu du rectorat de Lancieux le 14 avril 1779, à la mort de M. Josselin-Etienne Renoul, natif de La Gouesnière, trépassé en chaire le 21 mars précédent, en prêchant sur l'amour de Dieu, l'abbé Bêttaux, ainsi que nous l'avons vu à l'article Posnic, ne put se résoudre à abandonner Concoret.

Voici en quels termes élogieux parle de ce prêtre le journal intitulé Registre de Concooet, édité à St-Brieuc en 1853 par S. Ropartz : « Homme plein de mérite et de zèle, M. Bêttaux dut quitter le presbytère de Concoret le mardi 25 septembre 1792, à cause de son refus de prêter serment à la Constitution Civile du Clergé. Le chagrin qu'il éprouva en quittant ses paroissiens fut tel que ses facultés en furent altérées ». M. Bêttaux s'exila à Jersey. Il figure sur les registres de Mgr. de Cheylus, évêque de Bayeux, comme ayant touché des secours dans cette île de septembre à décembre 1796 et de janvier à novembre 1797. Il mourut dans ce dernier mois, et fut enterré le 22 novembre. Son acte de décès l'indique comme le doyen des prêtres déportés à Jersey. (L'Estourbeillon, op. cit., p. 613).

JEAN-FRANÇOIS OLLIVIER, naquit à Lancieux, le 13 juillet 1756, du mariage de René et de Marie Mabille, et après avoir étudié au Collège de Dinan, il obtint une demi-bourse au Séminaire sur son attestation de pauvreté. Ses examens préparatoires au sous-diaconat à la Trinité de 1780, et au diaconat en septembre 1781, lui méritèrent des notes très élogieuses. Ordonné prêtre le 6 septembre 1782, M. 0llivier faisait partie, lors de la Révolution, du clergé de la ville de Saint-Malo.

Ayant refusé de s'assermenter, cet ecclésiastique s'exila à Jersey par Saint-Malo à bord du navire Henry et Mary, le 21 avril 1792, à la suite d'un arrêté du Directoire d'Ille-et-Vilaine obligeant tous les prêtres réfractaires de ce département à se réunir à Rennes. Les autorités arguèrent de sa déportation pour mettre en vente, le 25 mai 1793, les quelques champs qu'il possédait à Lancieux, lesquels représentaient environ 100 livres de rentes. Moins d'un an après, le 14 avril 1794, M. Ollivier décédait à Jersey dans « la communion de l'Eglise romaine », et son corps fut inhumé le 18 dans le cimetière de Saint-Hélier. (L’Estourbeillon : Les Familles françaises à Jersey, op. cit.).

Ainsi donc, parmi les membres du clergé de Lancieux en 1790, deux d'entre eux endurèrent de longs et cruels emprisonnements et souffrirent l'exil, peut-être plus pénible encore, pour affirmer leur inébranlable fidélité à la Foi catholique. Deux autres décédèrent sur la terre étrangère, et leurs ossements n'ont pu reposer sur cette terre bretonne qui leur était si chère. Il est regrettable qu'aucun monument dans l'église paroissiale ne rappelle leurs noms et leurs héroïques exemples aux générations présentes. C'est en honorant la mémoire des Confesseurs de la Foi que l'on prépare des héros et des martyrs pour quand sonnera l'heure, bien prochaine peut-être, de la persécution sanglante.

Fut nommé recteur de Lancieux le 16 janvier 1804, ALEXIS-PIERRE RICHARD, né à Plédran le 13 septembre 1757, du mariage de Charles et d'Anne-Marie Nevet. Le jeune Richard fit son cours au collège de Saint-Brieuc, où nous le trouvons élève en 1773. Il reçut le sacerdoce le 22 décembre 1781. D'abord simple prêtre à Plédran, puis vicaire à Hénon en 1785, cet ecclésiastique y refusa comme tel de s'assermenter et signa l'Exposition des Principes sur la Constitution Civile du Clergé. La loi du 26 août 1792 l'obligea à prendre à Hénon, le 14 du mois suivant, un passeport pour s'exiler, dont le signalement se résumait dans les renseignements ci-dessous : « cinq pieds, figure pleine, beau, gros et gras » (Archives des Côtes-d'Armor, Lm 5, 32). De Jersey, où nous le voyons recevoir des secours pour les mois d'août à octobre 1796 (Rég. Cheylus), M. Richard passa ensuite à Londres. Il était revenu en Bretagne depuis un mois en mars 1801 et résidait à la Ville-Josse, en Hénanbiben. Il refusait alors de faire la déclaration exigée par le gouvernement consulaire, mais s'engageait à travailler à maintenir la paix, l'union et la tranquillité. (Archives des Côtes-d'Armor, série V).

Boullé, dans son enquête, le note comme fanatique, bon pour faire un vicaire. Cependant, après avoir été désigné un instant comme recteur de Dolo, M. Richard fut envoyé en qualité de curé d'office à Lancieux en juillet 1803 [Note : Avant M. Richard, l'abbé Trottel, prêtre de Plancoët, que nous voyons à l'article de cette localité, fut six semaines durant désigné comme futur desservant de Lancieux, écrit M. Armel sur son registre de paroisse], puis il en devint le recteur en titre le 16 janvier 1804. Transféré sur sa demande à Pluduno, à la mort de M. Clolus, il y mourut en fonctions, le 25 avril 1822.

A M. Richard, parti à cause des difficultés que lui suscitait le maire de l'époque, succéda un ancien Confesseur de la Foi, l'abbé FRANÇOIS-JEAN-BAPTISTE-MICHEL PICOUAYS, originaire de Saint-Juvat, et que nous étudions à l'article Broons, où il lutta pour la cause religieuse. Nommé recteur de Lancieux le 1er mai 1806, il démissionna le 28 octobre 1812 et fut remplacé le 1er novembre suivant par

M. FRANÇOIS-JOSEPH-MATHURIN ARMEL, né à Trigavou le 22 février 1779, de François, tisserand à façon, et de Marie Lefeuvre.

A 21 ans, le jeune Armel commença l'étude du latin avec M. Fouace, de Tréméreuc, puis il fit sa philosophie avec M. 0llivier, de Trégon, et reçut la prêtrise le 11 juin 1808, après avoir subi de bons examens théologiques. Il y avait quatre ans qu'il était vicaire à Bourseul lorsqu'il fut appelé à gouverner la paroisse de Lancieux, plus peuplée que maintenant, à cette époque. Il avait alors 33 ans.

A la fin du XIXème siècle, nombreuses étaient encore les vieilles gens de cette localité qui aimaient à rappeler avec vénération le souvenir du « saint Monsieur Armel ». Ce prêtre fut en effet, durant son long ministère à Lancieux, le modèle parfait du pasteur accompli. Désintéressé s'il en fut, jusqu'à donner gratuitement la pension de son vicaire lorsqu'en 1848 les infirmités de la vieillesse l’obligèrent de prendre un auxiliaire, il pratiqua assidûment la pauvreté et la mortification la plus stricte, vivant presque uniquement de légumes et de coquillages jusque vers ses dernières années.

Fidèle au grand devoir de la résidence, il ne s'absentait de sa paroisse, même pour quelques heures, que dans des cas urgents et exceptionnels. Pour rien au monde il n'eût voulu, sous de futiles prétextes, s'abstenir du catéchisme aux enfants et de la prédication dominicale. Ses exhortations simples et touchantes, soigneusement préparées et apprises de même, allaient au coeur de ses auditeurs, et se gravaient dans leur mémoire. J'ai encore entendu dans mon enfance plusieurs anciens en répéter des passages.

Dominé qu'il était par le zèle de la maison de Dieu, M. Armel s'astreignit presque dès son arrivée à Lancieux, à donner gratuitement des leçons de latin aux enfants tant des pauvres que des riches, chez qui il lui semblait discerner des dispositions pour le sacerdoce, et, de la sorte, il orienta vers le grand Séminaire les quatre seuls prêtres que Lancieux ait fournis à l'Eglise au XIXème siècle : MM. Jean-François Héry, mort recteur de La Landec ; Jean-Marie Gaillard ; Jean-Joseph Plessis, et Pierre-François Chapel, ces deux derniers décédés recteurs de Saint-Jacut [Note : Le sous-diacre François Josselin, sous-lieutenant au 410ème d'infanterie, chevalier de la Légion d'Honneur, mort pour la France le 29 septembre 1915 à l'attaque de Champagne, était lui aussi originaire de Lancieux. Il repose dans le cimetière de Ste-Menehould].

M. Armel acceptait du reste dans les mêmes conditions les enfants qui se présentaient des localités voisines et trouvait moyen de faire héberger ses « écoliers » chez les meilleures familles de ses ouailles. Il groupa ainsi à la fois une trentaine d'élèves qu'il instruisait gratis en vue du sacerdoce ; et ce Collège, unique au monde, puisqu'un seul prêtre s'en occupait, dura jusqu'à 1829, époque à laquelle il fut fermé en vertu des règlements universitaires édités par le ministère de Martignac.

M. Armel, après avoir administré Lancieux durant 40 ans, y mourut en odeur de sainteté le 24 janvier 1852. Une pierre tombale, avec une épitaphe a longtemps marqué sa place dans le vieux cimetière de Lancieux, mais, en 1913, l'administration communale d'alors, dirigée par un étranger ignorant l'histoire du pays, trouva bon, à propos d'alignement, de renverser la modeste tombe du vieux pasteur et de disperser ses restes dans la fosse commune [Note : Extrait de Le Modèle des Curés, ou Esquisse sur la Vie et les Vertus de M. Armel, par M. Olivier, un de ses élèves, in-8 de 30 pages, Rennes, 1852].

 

SUPPLÉMENT A L'ARTICLE LANCIEUX.

Une note que nous venons de trouver aux Archives des Côtes-d'Armor, registre L 283, folio 53, s jette un jour nouveau sur le peu de sympathie de la masse des populations pour la persécution religieuse révolutionnaire, dont le résultat le plus clair, en chassant des prêtres qu'elles estimaient, fut de les priver des cérémonies du culte extérieur, auxquelles elles étaient fort attachées. Les prêtres de Lancieux une fois partis, leurs ouailles continuèrent longtemps encore de se réunir le dimanche à l'église pour prier en commun et sanctifier le jour du Seigneur, ainsi, qu'en fait foi la correspondance ci-dessous que les autorités du département des Côtes-du-Nord (aujord'hui Côtes-d'Armor) adressaient au district de Dinan le 7 mai 1793 :

« On nous dénonce qu'il se fait des rassemblements dans l'église de Lancieux. Ils peuvent n'avoir d'autre but que de chanter des hymnes à la divinité ; mais aussi des mal intentionnés, des agitateurs peuvent profiter de l'exaltation produite par de pareilles réunions pour répandre le fanatisme et l'esprit de révolte. Nous vous prions en conséquence de prendre et de nous communiquer les renseignements les plus exacts que vous pourrez nous procurer sur le nombre des individus qui forment ces rassemblements, sur leur caractère et leurs intentions, et sur les objets qui paraissent les occuper ».

Lancieux, avant la Révolution, avait vu naître une future religieuse cloîtrée dans la personne d'Anne-Marie-Mathurine Cunat, née à la Mettrie, en Lancieux, le 11 mai 1751, de Jean-François, sieur des Blondiaux, employé dans les fermes de tabac du Roi, et de Charlotte Le Bois. Anne-Marie prit l'habit chez les Ursulines de Saint-Malo le 7 mars 1771, sous le nom de, soeur Sainte Scholastique. Elle fit profession le 1er mai 1773. Nous ignorons si elle vivait encore lors de la Révolution.

Au XIXème siècle, Lancieux a fourni deux autres religieuses ursulines : Mlles Amédée Rozé et Marie Radou, et deux religieuses de la Divine Providence de Créhen : Mlles Jeanne Boinard et N. Colas. (A. Lemasson).

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