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Jean HABASQUE et Guillaume PÊTON, prêtres guillotinés à Lesneven
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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192. — Jean HABASQUE naquit à Kerlouan, le 25 janvier 1752, du mariage de Jean et de Marie Le Coat. Il fut baptisé le même jour dans l’église de cette paroisse.

Le jeune Habasque termina ses études au collège de Saint-Pol-de-Léon. Il fut tonsuré le 11 mars 1769 par l’évêque de cette ville et pourvu la même année des chapellenies de Marguerite Le Léa et d’Anne Ladan en Kerlouan. Il reçut les mineurs le 27 mars 1773, le sous-diaconat le 19 mars de l’année suivante, le diaconat le 1er avril 1775 et la prêtrise le 23 mars 1776, le tout des mains de son propre évêque Mgr de la Marche.

La même année, il fut doté de la desserte de la chapellenie de sieur Jean de Kerennès, dans sa paroisse natale. En 1777, l’abbé Habasque, de simple prêtre à Kerlouan, devint vicaire de cette localité où sa signature figure des centaines de fois sur les registres. Il y continua ces fonctions jusqu’à la Révolution française.

193. — Celle-ci était déjà commencée depuis trois mois, lorsqu’on relève sur les registres de catholicité de Kerlouan la première signature du prêtre Guillaume Pêton. Celui-ci était né à Plourin-Ploudalmézeau le 16 janvier 1753 de Joseph et de Roberte Le Guen, son épouse. Il reçut le baptême le jour même de sa naissance. Il fut tonsuré et minoré le 24 septembre 1785. C’est une vocation tardive. Après avoir été pourvu le 4 septembre 1786 de la chapellenie de Goulven-Abiven en Kerlouan, il reçut le sous-diaconat, le 24 mars 1787, le diaconat le 20 septembre 1788 et la prêtrise le 28 mars 1789. Il vint alors habiter Kerlouan pour desservir sa chapellenie et résidait près la chapelle de saint Trégarec. On trouve parfois la signature de l’abbé Pêton sur les registres de Kerlouan ; la dernière est du 21 juin 1792.

194. — La lutte pour la Constitution sévissait alors dans toute son acuité dans le Finistère. Tout le clergé du Léon avait refusé de s’assermenter : M. Habasque, le 22 octobre 1790, s’était associé par sa signature à la protestation des prêtres léonards contre la Constitution civile et le nom de l’abbé Pêton figure également sur la liste complémentaire qui parut le 29 novembre suivant.

Faute de sujets, on n'essaya pas d’expédier de curé intrus à Kerlouan y remplacer le clergé fidèle et la signature de M. Habasque jusqu’au 18 juillet 1792 figure encore sur les registres de catholicité. Après le décret du Département qui leur interdisait toute fonction publique, les prêtres de cette paroisse se mirent à célébrer dans les chapelles et dans les granges, mais ils ne s’exilèrent pas lors de la loi du 26 août 1792, non plus qu’après celle du 21-23 avril 1793 qui leur en faisait à tous obligation expresse comme insermentés. Sans se préoccuper des pénalités qu’elle contenait, ils s’arrangèrent de leur mieux pour continuer leur ministère. Quoique dénoncé par un judas de la localité, le 28 mars 1794, M. Habasque était allé voir un confrère au Viniec, caché dans une charretée de paille, puis il revint à la ferme du Tromelin pour y passer la nuit.

Elle devait marquer pour lui la fin de sa liberté. Voici en effet le procès-verbal de son arrestation ainsi que de celle de Guillaume Pêton, son confrère :

« Vive la République ! Vive la Montagne ! Le 28 mars 1794 (8 Germinal), en vertu des réquisitions à nous faites, maréchal des logis des dragons nationaux de Lesneven, et brigadier de gendarmerie nationale, de partir avec le Maire et les officiers municipaux de la commune de Kerlouan pour une expédition secrète dans la dite commune, pour y faire capturer des prêtres réfractaires à la loi, avons parti le 8 Germinal, à 6 heures du soir, et nous sommes transportés dans le lieu et en la demeure du citoyen François Gac, du manoir de Troublin, environ les onze heures du soir, où ayant frappé et fait entourer la maison, La porte a été ouverte à la réquisition du maire ; nous avons entré et fait recherche où nous avons trouvé dans le bas, le nommé Jean Habasque, cy-devant curé de Kerlouan ; nous l’avons interpellé par le signalement que nous avions, de nous dire si c’était, vraiment son nom. Il a répondu que oui. Alors nous lui ayons dit de sortir de son lit pour venir avec nous, conformément à la loi qui est contre lui, et n’a pas différé à notre réquisition. Avons poursuivi la réquisition, nous avons trouvé un sac de toile grise, où était renfermé un calice et autres ornements servant à son service, en sommes saisis pour nous servir de pièces à conviction.

Puis, par suite de commission, nous nous sommes, de concert avec le maire et officiers municipaux transportés à la métairie de Guillaume Abautret, de Saint-Trégarec, pour faire les mêmes perquisitions ; après avoir frappé et fait ouvrir la porte, nous avons entré et fait recherche des personnes à nous indiquées ; avons trouvé le nommé Guillaume Péton, ci-devant prêtre, couché dans un lit-clos, où nous avons parfaitement reconnu qu’il était un de ceux que nous cherchions, nous lui avons donné lecture de nos pouvoirs, il nous a répondu que nous étions bien instruits ; lui avons dit de venir avec nous; il nous a répondu sans difficulté que oui, et nous nous en sommes saisi ; d’après quoi nous avons fait la recherche ordinaire, nous avons trouvé un sac renfermant un calice et autres ornements à son usage, et avons requis le juge de paix pour y aller mettre les séquestres ».

195. — Aussitôt leur arrestation, les deux proscrits furent conduits au bourg de Kerlouan et de là à Lesneven où les attendaient deux délégués des représentants du peuple, qui avaient organisé cette chasse aux prêtres. Avec les prisonniers, leurs capteurs rapportaient plusieurs ornements et divers autres objets indispensables pour la célébration des saints mystères et l’administration des sacrements.

De Lesneven, on dirigea sur Brest MM. Habasque et Pêton et, le 29 mars 1794, on les interna au château de cette ville. C’est le 1er avril que M. Habasque subit son interrogatoire. Il y déclara très nettement sa qualité de prêtre réfractaire, reconnut avoir fait du ministère, et n’avoua par ailleurs que ce qui ne pouvait compromettre personne. Les réponses de l’abbé Pêton furent à peu près identiques et n’apprirent rien à son interrogateur qu’il ne sut déjà. M. Pêton avoua célébrer parfois la messe et habiter chez Abautret, ce que personne n’ignorait plus à cette heure. Les receleurs des proscrits, arrêtés avec eux, se montrèrent aussi discrets dans leurs réponses. Du reste le texte intégral de leurs interrogatoires a été livré intégralement à la publicité.

L’audience pour juger ou plutôt pour condamner MM. Habasque et Pêton fut fixée au 13 avril 1794. Trois jours auparavant, l’ex-jésuite Donzé-Verteuil rédigea son acte d’accusation dont le texte a aussi vu le jour. Il y explique sur un ton grandiloquent que le fanatisme étend ses ravages sur l’ensemble du district de Lesneven, que des ci-devant prêtres rebelles à la loi du serment comme à celle de la déportation, y exercent les fonctions du sacerdoce et y répandent le venin de la doctrine la plus criminelle. Habasque et Pêton sont de ceux-là, ce sont des réfractaires au serment ainsi qu'à la loi de déportation, ils ont avoué avoir fait du ministère caché, ils méritent donc l’application de la loi, c'est-à-dire la mort.

Elle fut portée par les juges du tribunal révolutionnaire de Brest le 24 germinal an II (13 avril 1794). Cette fois encore les articles 10, 14 et 15 de la loi féroce du 30 vendémiaire an II jouèrent ici leur rôle sanguinaire. La sentence devait être exécutée à Lesneven, le lendemain lundi, jour de marché dans cette petite ville ad terrorem populi. On en a publié intégralement le texte ailleurs.

On se mit donc en marche le 14 avril 1794 pour gagner Lesneven ; un peloton de gendarmerie escortait la charrette transportant les pauvres prêtres. Vers les dix heures du matin, les préparatifs de l’exécution étant prêts, on vint annoncer aux deux servitêurs de Dieu que leurs derniers instants avaient sonné.

M. Habasque, qui n’avait cessé d’encourager et de réconforter son compagnon, le fit monter le premier sur la fatale machine. Lui-même, au pied de la guillotine, récita à haute voix le Stabat en breton. Il y monta courageusement à son tour, et bientôt son sacrifice fut consommé. Un habitant de Lesneven, M. de Kerdanet, dans la Vie de son père, dit que « la tête de M. Habasque demeura pendante durant quelques minutes au fatal instrument. Pour l’en détacher on remonta le couteau à deux reprises ; mais ce fut en vain ; il fallut avoir recours au sabre du bourreau ; ce que celui-ci, le trop célèbre Hans, exécuta vivement ». Le même jour, leurs actes de décès furent enregistrés à la mairie de Lesneven.

C’est dans le cimetière actuel de cette localité, bénit solennellement en 1790, que furent enterrés les deux suppliciés, et rapporte un auteur contemporain : « dès le jour de leur exécution on ne cessa de se rendre pour prier sur la tombe des deux victimes regardées comme des martyrs ». « On y plaça plus tard une croix qui, renouvelée de temps à autre, s’était perpétuée jusqu’en 1830, époque à laquelle, la croix ayant été brisée, on a perdu la trace de ces cendres précieuses qui se trouvent aujourd’hui mélangées dans l’ossuaire creusé sous la croix de Penmarc’h, au coin nord-ouest du cimetière de Lesneven.

196. — Ainsi donc, l’histoire comme la tradition nous montrent deux bons prêtres qui accomplissent humblement leur tâche là où la Providence les a placés et qui se trouvent prêts pour le sacrifice suprême au jour de la tourmente.

Ils auraient pu échapper à la mort. Rien de plus facile pour eux que de se jeter dans une barque de Kerlouan ou de Pontusval et de passer en Angleterre. Par amour pour l’Eglise et pour les âmes, ils sont restés au poste du dévouement et du danger et tous deux ont donné leur vie.

L’auteur d’Ar c'henta Miz Mari nous a laissé le portrait de M. Habasque : « C’était, dit-il, un homme plutôt petit, aux membres souples, à la mise toujours soignée. Sa piété se reflétait sur son visage et il était toujours prêt à courir là où il y avait quelque bien à faire. C’était un vrai modèle de sainteté dont on parle toujours avec respect et admiration ».

Le souvenir de MM. Habasque et Pêton demeure encore très vivant à Kerlouan et la croyance en leur martyre unanime. Très nombreux sont encore les membres de la famille de M. Habasque, dont trois prêtres, qui à Kerlouan, Guisseny et Plounéour-Trez se glorifient de leur parenté avec le serviteur de Dieu. — M. Pêton possède aussi à Plourin-Ploudalmézeau un certain nombre de personnes qui se rattachent à sa famille et le souvenir de son exécution à Lesneven n’est pas oublié dans cette localité.

BIBLIOGRAPHIE. — Guillon, Les Martyrs de la Foi, etc. (1821), op. cit., II, p. 41-43. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire, etc. (1845), op. cit., II, p. 3. — Levot, Histoire de la ville et du port de Brest, etc. (1869), op. cit., 285-287. — Tephany, Histoire de la Persécution religieuse dans les diocèses de Quimper, etc. (1879), p. 537. — Peyron, Les prêtres morts pour la Foi, etc. (1919), p. 44-45. — Chanoine Perennès, Les prêtres du diocèse de Quimper mis à mort pour la Foi ou déportés pendant la Révolution, in-8°, 1928, t. 1er.

(Archives Nationales, dossier W 544, fond du tribunal révolutionnaire de Brest).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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