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ERECTION DE LA TREVE DE KERLAZ EN PAROISSE

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Erection de la Trève de Kerlaz en Paroisse.

Au Concordat, la trêve de Kerlaz était restée sans Curé et fut desservie par le clergé de Plonévez-Porzay, jusqu'à mars 1865. Depuis plusieurs années déjà, le projet d'érection de la trève en paroisse était à l'étude. Cette nécessité, se faisait sentir de plus en plus. Le clergé de Plonévez-Porzay, malgré sa meilleure volonté, ne pouvait pas, s'occuper de ce quartier isolé et excentrique comme du reste de la paroisse. Kerlaz était négligé au point de vue religieux ; les catéchismes s'y faisaient irrégulièrement, et les malades eux-mêmes ne recevaient la visite du prêtre qu'à de rares intervalles. Cette situation anormale ne pouvait durer et l'autorité ecclésiastique même commençait à s'en émouvoir. Ajoutons à la décharge du clergé de Plonévez-Porzay, qu'il y avait des villages éloignés de huit ou neuf kilomètres et que plusieurs de ces villages étaient inabordables en voiture. Entre temps, les pétitions allaient leur train et devenaient de jour en jour plus pressantes. Les plaintes affluaient à Quimper, et les tendances séparatistes s'accentuaient de plus en plus. Les habitants de la trève réclamaient un prêtre qui fût au milie d'eux, pour visiter leurs malades et catéchiser leurs enfants. Ils ne pouvaient admettre que, paroissiens de Plonévez-Porzay au même titre que les autres, ils fussent traités moins favorablement. Ces démarches commencèrent sous le rectorat de M. Pouchous. Sous son successeur M. Postic, une Commission se forma à Kerlaz, chargée de centraliser les plaintes et d'activer le projet érection. M. Pouchous et M. Postic s'y opposèrent tout d'abord énergiquement ; mais se voyant placés devant la nécessité, ils se bornèrent à combattre les prétentions exagérées de la Commission qui voulait assigner comme limites à la nouvelle paroisse, d'abord le ruisseau de Tréfuntec et ensuite l'Allée verte.

A la tête de la Commission de Kerlaz se trouvait le baron Maurice Halna du Fretay du Vieux-Châtel. Son premier acte officiel fut une lettre adressée à Mgr Sergent, le 29 août 1865. Voici cette lettre :

« Plonévez-Porzay, 29 août 1865. Monseigneur, Nous venons vous faire une demande dont l'accomplissement est depuis longtemps le vœu le plus ardent de tous les habitants de la section de Kerlaz, qui fait partie de la commune de Plonévez-Porzay. Notre désir à tous serait de la voir érigée en paroisse, et nous espérons que Votre Grandeur verra dans la démarche que nous tentons notre ferme volonté de soutenir les intérêts de la religion et de la morale. Le bourg de Kerlaz est situé à six kilomètres de Plonévez-Porzay, et une grande partie des villages de cette section en est éloignée de plus de huit kilomètres. C'est une distance beaucoup trop considérable, surtout en hiver, avec des chemins très mauvais, lorsqu'il s'agit d'aller aux offices, ou d'envoyer les enfants, soit à l'école, soit au catéchisme.

Leur éducation religieuse est négligée, particulièrement dans les familles peu aisées, les parents ne pouvant se passer de leurs enfants des journées entières. Les vieillards et les malades attendent longtemps ou peuvent rester privés des secours de la religion. La plus grande partie des habitants de la section n'entendent presque jamais la messe à la paroisse ; on va à Ploaré ou à Douarnenez ; il y a quatre ou six kilomètres à faire ; mais c'est encore plus près que d'aller à Plonévez. Par suite de cette affluence sur ces deux derniers points, on ne trouve pas de place à l'église, et on entend la messe sur la rue, en causant, ou dans les auberges. Cet état de choses qui est à peu près équivalent à un abandon complet, ne peut que vicier en quelques années les sentiments religieux.

L'érection en paroisse est le seul remède, et nous proposerions une limite naturelle qui est le ruisseau allant du Moulin-blanc de Moëllien à Tréfuntec ; le plan joint à notre demande marque cette délimitation. Comme étendue et comme population cette nouvelle paroisse serait inférieure à ce qui resterait attaché à Plonévez-Porzay, la paroisse de Kerlaz comprendrait ainsi d'après le dernier dénombrement de la population 1159 habitants, et il en resterait 1453 à Plonévez-Porzay. Deux prêtres restant à Plonévez, nous prions votre Grandeur de nous en accorder le même nombre à Kerlaz, car lorsqu'il n'y a qu'un prêtre dans une paroisse, les cultivateurs ont beaucoup de peine à se remplacer pour aller aux offices. Outre la chapelle de Kerlaz, la chapelle de la Clarté se trouverait dans la nouvelle paroisse, et il resterait à Plonévez la chapelle de Sainte-Anne-La-Palue ainsi que l'église paroissiale. Il serait facile à un des prêtres de Kerlaz de dire chaque dimanche une messe à la Clarté. En résumé, nous vous demandons cette limite, Monseigneur, parce qu'elle est naturelle et qu'avec les chemins existants actuellement et ce nouvel état de choses, les habitants de la commune, n'importe sur quel point, pourraient se rendre facilement aux offices. Nos ressources sont du reste suffisantes pour faire face aux dépenses nécessaires, et si quelques villages plus éloignés Kerlaz ou de la Clarté et situés, près de la ligne que nous avons tracée sur le plan, étaient indifférents ou hostiles à ce projet, nous pouvons répondre que les plus intéressés ont réuni entre eux la somme nécesaire pour l'érection du presbytère, compléter les objets nécessaires au culte et autres dépenses, et qu'elle a été remise à cet effet en mains sûres ou prouvée par actes notariés. Un demi-hectare de terrain a été en outre offert pour l'érection de ce presbytère. L'église de Kerlaz n'a pas besoin en ce moment de réparation, elle est assez spacieuse pour le service du culte et elle est entourée d'un cimetière. La Fabrique possède une maison dans le bourg, et nous joignons à notre demande un état des objets qu'elle renferme et qui servent à l'exercice du culte.

Veuillez agréer, Monseigneur, l'assurance de notre profond respect ». Signé : Maurice Halna du Fretay.

Suivent les signatures des membres de la Commission : Germain Guidal ; Corentin Cornic, Alain Billon, C. Billon, Daniel Daniélou, Hervé Lautrou, Mathurin Floch, Guidal, Toussaint Horellou, Yves Horellou, Guéguen, Alain Mao, G. Guillou, Mao, Floch Yves, Floch, Kervoilen, Floch, Alain Marc, A. Billon, Pierre Porz, Yves Tymen, Guillaume Joncour, Le Joncour, Jean Le Berre, Garrec, Nédélec.

A cette lettre était annexé le plan suivant :

Ville de Kerlaz (Bretagne)

Réunion du Conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay.

La lettre que nous venons de lire, et le plan annexé, à cette lettre, montrent que la Commission de Kerlaz n'y allait pas de main morte. Elle se taillait une grosse tranche dans la paroisse de Plonévez-Porzay, sans même se préoccuper de savoir si les habitants des villages qu'elle s'adjugeait, étaient contents d'être annexés à Kerlaz. Des prétentions aussi exorbitantes étaient vouées à un insuccès certain, car elles faisaient de Kerlaz une paroisse presque aussi importante que la paroisse-mère. Mis au courant de ce qui se tramait, M. Postic, recteur de Plonévez-Porzay, se hâta de réunir son conseil de Fabrique, en séance extraordinaire, le 18 septembre 1865, tandis que le conseil municipal protestait à son tour contre le projet de démembrement de la paroisse.

Voici en résumé ce qui se passa dans cette réunion. Le conseil commença par protester contre les accusations portées contre le clergé de Plonévez-Porzay par le baron Maurice Halna du Fretay, au nom de la Commission de Kerlaz. Ce sont de pures calomnies.

Ensuite on combattit énergiquement le projet d'érection de la trève en paroisse. Si plusieurs habitants de la trève désiraient et préconisaient cette solution, en revanche d'autres, en plus grand nombre, n'en voyaient pas l'utilité. Les habitants de Kerlaz étaient des boudeurs qui n'avaient jamais sympathisé avec Plonévez-Porzay ; c'était l'unique raison pour laquelle ils voulaient se détacher de la paroisse-mère.

Puis abordant le côté religieux de la question et les graves accusations formulées dans la lettre de la Commission, le conseil essaie de justifier la conduite du clergé paroissial dans ses rapports avec les habitants de la trève. Le quartier de Kerlaz, dit-il, n'a jamais été moins soigné au point de vue religieux, que le reste de la paroisse. Les catéchismes s'y font régulièrement, les malades y reçoivent la visite du prêtre. Que ce soit le jour, que ce soit la nuit, jamais nos prêtres n'ont refusé de marcher. Quant à la question de la messe, le conseil faisait remarquer qu'on facilitait à la population les moyens d'y assister, puisque tous les quinze jours, un des prêtres de la paroisse allait dire la messe à la chapelle de la Clarté, à proximité de Kerlaz. Bref, tout allait pour le mieux comme dans le meilleur des mondes.

Le plan élaboré par la Commission de Kerlaz est écarté par Mgr Sergent. On propose un autre plan.

Comme il fallait s'y attendre, le premier projet de la Commission de Kerlaz échoua lamentablement. Plusieurs villages, compris dans le tableau, protestèrent et firent entendre au baron Halna du Fretay qu'ils voulaient rester attachés à Plonévez. De ce nombre furent Lesvren, Keradeun, Lestraon, Kergonnez, Kervel, Kergosguen, Tréfuntec.

Le baron du  Fretay, au nom de la Commission, élabora alors un nouveau plan, en laissant en dehors tous les villages opposants. Ce nouveau plan fut soumis aux notables de la Commission qui l'approuvèrent. Puis, revêtu de nombreuses signatures, il fut expédié à l'Evêché, avec la note suivante : « Kerlaz, le 25 avril 1866. Monseigneur, La demande d'érection de Kerlaz en paroisse, que j'avais eu l'honneur de vous adresser au mois de septembre de l'année dernière, a soulevé quelques réclamations de la part des habitants des villages les plus rapprochés de la ligne de démarcation que j'avais tracée sur le plan de la commune de Plonévez ; je viens de tracer une nouvelle ligne à l'encre rouge sur le plan. J'ai laissé en dehors tous les opposants, et vous envoie en même temps, Monseigneur, copie d'un nouveau recensement que je viens de faire faire. La section comprendrait ainsi encore 947 habitants, qui vous supplient, Monseigneur, de réaliser le vœu qu'ils forment depuis si longtemps, en érigeant Kerlaz en paroisse avec deux prêtres. Nous sommes persuadés que plusieurs des opposants d'aujourd'hui demanderont plus tard, à être rattachés à la nouvelle paroisse. Veuillez agréer, Monseigneur, l'expression de ma reconnaissance et l'assurance de mon profond respect ».
Signé : Maurice Halna du Fretay.

Voici le second plan que le baron du Fretay annexa à cette lettre :

Ville de Kerlaz (Bretagne)

Séance extraordinaire du Conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay, 28 Octobre 1866.

La seconde ligne de démarcation proposée par la Commission de Kerlaz, était, comme l'on voit, plus modeste que la première. On tint compte des réclamations des villages opposants que nous avons cites plus haut, et on les laissa en dehors des limites proposées. Des notables de Kerlaz qui ont été mêlés à cette affaire, m’ont affirmé que ce deuxième projet fut sur le point d'être pris, en considération. Il échoua finalement à la suite de quelques intrigues qui ne font pas beaucoup d'honneur à leurs auteurs. Nous en parlerons plus bas.

Pendant ce temps, le conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay se réunissait pour la seconde fois en séance extraordinaire. Voici in-extenso le procès-verbal de cette réunion :

« Le conseil de Fabrique de l'église de Plonévez-Porzay, convoqué extraordinairement en vertu d'une autorisation épiscopale, s'est réuni au lieu ordinaire de ses séances, le dimanche, 28 octobre 1866.

Etaient présents : MM. Le Gac, Cornic, Le Doaré, Guidal, Postic, membres du conseil.

La séance étant ouverte, M. le Président prend la parole pour faire au conseil la communication suivante : Messieurs, le 18 septembre 1865, le conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay se réunissait extraordinairement en séance, en vertu d'une lettre épiscopale, pour répondre à la pièce adressée à Sa Grandeur par M. Maurice Halna du Fretay. Le conseil faisait observer à cette époque :

1°) Qu'il n'était pas exact de dire que tous les habitants de l'ancienne trève de Kerlaz désiraient l'érection de leur chapelle en église paroissiale.

2°) Qu'il repoussait l'accusation qui disait que l'instruction religieuse était négligée ; il constatait que les malades de Kerlaz étaient fidèlement visités ; qu'on facilitait à la population les moyens d'entendre la messe dans la chapelle de la Clarté à proximité de Kerlaz, et très commode pour une portion notable de la paroisse.

Nonobstant ces observations du Conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay, la question de l'érection de la trève en paroisse, paraît être résolue en principe, et la Commission formée à Kerlaz persiste à demander des limites exagérées et qui lui donneraient un territoire plus étendu que celui qui resterait à la paroisse-mère. Cet exposé ayant été fait par M. le Président, le Conseil déclare de nouveau :

1°) Que les limites indiquées par la Commission de Kerlaz ne sont pas celles de l'ancienne trève.

2°) Qu'elles ne sont pas les limites naturelles et rationnelles, englobant une portion notable du terrain et un grand nombre de villages ayant toujours fait partie de la paroisse de Plonévez-Porzay. Elles réduisent cette paroisse à des proportions si exiguës qu'elle ne pourrait plus faire face aux charges qui lui incombent en présence d'une dette de 8.000 francs et d'une église en ruines qu'il faut rebâtir.

3°) Que la limite naturelle serait comme l'indique la carte ci-jointe par la Fabrique, un cours d'eau qui, prenant sa source au bois de Névet, coule à l'ouest du Mez, traverse les prateaux de Toularc'hoat (sic) et la route de Locronan à Douarnenez. Jusque là, il s'appelle « Dourig ar Briand ». Poursuivant son cours vers la mer, il laisse à l'Est la chapelle de la Clarté, chapelle de Plonévez, passe par Péfilit, laissant ce village en Plonévez, traverse l'ancienne route de Douarnenez, tombe au moulin de Kerskao, longe le vallon et se jette à la mer entre Kerléol en Kerlaz et Trémalaouen en Plonévez-Porzay. C'est ce ruisseau et ce ruisseau seul qui formerait les limites naturelles de la nouvelle paroisse.

4°) Que l'adoption du ruisseau précité, pour limites de la nouvelle paroisse, aurait l'avantage de renfermer la portion de la population qui se verrait avec plaisir annexée à Kerlaz et peu de mécontents.

5°) Que l'adoption de cette limite donnerait à Kerlaz une population de 750 à 800 ? habitants, et outre le bourg, 48 villages comme le constate le tableau ci-joint.

6°) Que si on abandonnait cette limite pour adopter celle que propose la Commission de Kerlaz, on engloberait un grand nombre de villages qui se verraient avec peine annexés à Kerlaz. Cette affirmation du conseil est tellement certaine que les dits villages ayant su qu'on voulait les attacher à la nouvelle paroisse, se sont empressés d'envoyer à Monseigneur une supplique pour demander rester toujours paroissiens de Plonévez. Ils ont constaté, que leurs parents, de temps immémorial, ont été enterrés dans le cimetière de Plonévez et non dans celui de Kerlaz.

En conséquence de cet exposé du Président et des considérations faites par les membres présents et consignées ci-dessus, le Conseil de Fabrique de Plonévez-Porzay supplie Monseigneur d'appuyer sa demande, à savoir que le cours d'eau de « Dourig ar Briand » ou « Dourig ar Sklerded » soit la limite assignée à la nouvelle paroisse de Kerlaz.

Fait et délibéré en séance à Pronévez-Porzay, le jour et l'an ci-dessus, étant signé au registre : Le Gac, Cornic, Le Doaré, Le Marc'hadour, Postic ».

Seul, Germain Guidal, de Kerroué, en Kerlaz, n'a pas signé le procès-verbal (Registres par. de Plonévez-Porzay).

Supplique des habitants de quelques villages de Plonévez-Porzay à Mgr Sergent.

Malgré les protestations du conseil de Fabrique et du conseil municipal de Plonévez-Porzay, l'érection de la Crève de Kerlaz en paroisse était chose décidée en principe. Une enquête, faite sur les lieux, montra que la lettre du baron Maurice Halna du Fretay n'avait pas exagéré la situation. Mgr Sergent fit entendre à M. Postic qu'il était inutile de résister davantage et que la création de la nouvelle paroisse était chose décidée. M. Postic se résigna et accepta la décision de Monseigneur. On était donc d'accord de part et d'autre sur la question du principe. Là où le désaccord régnait, c'était sur la question des nouvelles limites à assigner à Kerlaz. Nous avons vu que le premier plan proposé par la Commission avait été écarté parce qu'il empiétait trop sur la paroisse-mère. Après l'échec de ce projet, on en présenta un second, sur lequel l'autorité diocésaine ne s'était pas encore prononcée. L'anxiété était grande dans l'entourage de M. Postic, parce qu'on croyait que Monseigneur Sergent l'approuvait, et effectivement peu s'en fallut que ce second plan ne fût pris en considération.

Sur ces entrefaites, des bruits étranges coururent dans les villages qu'il était question d'annexer à la nouvelle paroisse. Des notables de Plonévez furent chargés de visiter les villages intéressés et de répéter des propos comme ceux-ci : « Si vous optez pour Kerlaz, vous aurez beaucoup plus d'impôts et de contributions à payer ; refléchissez bien avant de donner votre signature ». Les bruits malveillants, colportés de ferme en ferme et exagérés encore par la rumeur publique, produisirent un revirement magique et furent le signal d'une pétition générale. Quand la feuille de pétition fut couverte de signatures, on l'envoya à Quimper. Elle y arriva lorsque le sort des villages en question était déjà réglé ; car dans le projet que Mgr Sergent soumit, en dernier lieu, à M. Postic, il n'était plus question de ces villages.

Voici la supplique que les habitants de ce quartier adressèrent à Quimper avec les noms des signataires de la pétition.

« Monseigneur,
Nos villages ne sont pas compris dans les limites désignées par Sa Grandeur à notre Recteur pour la nouvelle paroisse de Kerlaz. On prétend cependant nous y annexer. Nous venons donc supplier Monseigneur de prendre en considération que nous n'avons jamais fait partie de l'ancienne trève ; que nos ancêtres, de temps immémorial ont été enterrés dans le cimetière de Plonévez-Porzay, et que nous désirons pendant notre vie avoir occasion de prier sur leurs tombes en sortant de la messe, et après notre mort, reposer auprès de ceux que nous avons aimés. C'est pour cela, Monseigneur, que les chefs de maison des villages sous dénommés ont signé cette supplique :

1°) Tréfuntec, village et moulin : Le Coz, Guédès, Le Bot, Jaïn Yves, Jaïn Corentin, Jaïn Jean, Chevalier fils, Horellou, Marie-Anne Jaïn. Déniel et Chevalier père, ne sachant signer, ont fait une croix.
2°) Kergoasguen. — Corentin Fertil, M. Brun. Anne Fertil, Marie-Louise Guédal, ne sachant signer, ont fait une croix.
3°) Kervel.. — Marie-Jeanne Cornic, Heussaff, Youinou, Bescond. Caro ne sa chant signer a fait une croix.
4°) Trémalaouën. Pérennès, Celton, Celton, Marie Guidal, Marie-Jeanne Guillou, Piriou et Boussard, ne sachant signer, ont fait une croix.
5°) Kerskao, ferme et moulin. — Paul et Boulic, ne sachant signer, ont fait une croix.
6°) Quillien. — Bradol, Marc'hadour, Marc'hadour.
7°) Péfilit. — Guéguén, Guéguen.
8°) La Clarté. — Youinou Joseph et sa femme. Marie Le Gac, ne sachant signer, a fait une croix.
9°) Kervriel. — Hervé Nédélec et sa femme, Laou Dagorn, Gouérou Mathurin ne sachant signer, Thomas. Blouët s'est porté fort pour eux, Blouët.
10°) Kerrannou. — Bodiou et sa femme. Celle-ci, ne sachant signer, a fait une croix.
11°) Kerdarinet. — ………..
12°) Kervenguy. — Les habitants, ne sachant signer, ont fait une croix.
13°) Kerléon. — Propriétaire absent.
14°) Kerislay. — Pour tout le village, Chapalain.
15°) Croaz-ar-Mez. — Le Roux et la veuve Piriou ne sachant signer, ont fait des croix.
16°) Rosoguen. — Les habitants ne sachant signer, ont fait des croix.
17°) Kerléon-Vihan. — Louboutin René.
18°) Kerorgant. — Le propriétaire ne sachant signer, a fait une croix »
(Archivre de l’Evêché).

On s'étonnera à bon droit de voir figurer sur cette liste, plusieurs villages qui, au commencement des pourparlers, demandaient à cor et à cri leur annexion à Kerlaz, comme Trémalaouën, Péfilit, Kervriel et quelques autres. Cette brusque conversion ne s'explique que par les manœuvres et les intrigues dont nous avons parlé. Les habitants de ces villages avaient tout intérêt à être attachés à. Kerlaz. Deux kilomètres à peine les séparaient de Kerlaz, tandis qu'ils étaient à plus de quatre kilomètres de Plonévez-Porzay. Voilà la raison pour laquelle ils s'étaient montrés, dans le commencement, si enthousiastes dé l'idée de création d'une paroisse à Kerlaz ; mais on exploita leur crédulité et la plupart revinrent sur leurs signatures.

Le projet d'érection est remis à une date ultérieure.

Au moment où l'on croyait que l'affaire allait aboutir, Mgr Sergent écrivait à M. Postic une lettre qui ne laissait aucun espoir prochain. En examinant les pièces du double dossier du Conseil de Fabrique des Plonévez-Porzay et de la Commission de Kerlaz, on s'aperçut à Quimper qu'elles ne concordaient pas. A la Préfecture du Finistère on fit la même remarque. Le Conseil de Fabrique de Plonévez donnait à la trève de Kerlaz, restreinte à ses limites naturelles, une population de 750 habitants, et même quelquefois de 800, comme si la population d'une paroisse pouvait changer du jour au lendemain, tandis que le recensement fait par le baron Halna du Fretay et les notables de la Commission de Kerlaz, n'en comptait que 633. Qui croire ? De plus, plusieurs villages qui avaient demandé leur annexion à Kerlaz, demandaient en même temps à rester attachés à leur ancienne paroisse de Plonévez-Porzay. Ajoutons que la trève de Kerlaz ne pouvait se résigner à rentrer dans ses limites naturelles, tandis que Plonévez-Porzay se montrait irréductible sur ce point. Toutes ces choses, et bien d'autres encore, au lieu de simplifier la question, ne firent que l'embrouiller et la compliquer de plus en plus. C'est alors que Mgr Sergent résolut de remettre l'affaire, à une date ultérieure, pour donner le temps aux deux parties de faire accorder leurs pièces. Voici la lettre que reçut M. Postic à ce sujet :

« Mon cher Recteur,
Je ne sais comment vous témoigner toute ma reconnaissance ainsi qu'à votre maire et à vos excellents paroissiens. J'ai refusé de me mêler, aux affaires de Kerlaz parce que ces braves gens ne s'entendaient pas entre eux et qu'ils avaient des prétentions inadmissibles. Quand ils voudront se contenter de la trève de Kerlaz, je ne mande pas mieux que d'introduire leur mande et de la pousser ; mais je ne peux ni ne veux réduire à rien la paroisse de Plonévez-Porzay qui mérite un autre sort. Dites aux habitants de Kerlaz que quand ils voudront exiger leur trève seulement, je serai à leur disposition »
. Votre tout dévoué et affectionné. « + René, Ev. de Quimper et de Léon ».

Sur la couverture du dossier qui se trouve aux Archives de l'Evêché de Quimper, on lit ces mots : Ecrit à M. Postic. — Retourné le plan. — Les délibérations pour faire concorder toutes les pièces. — Et plus bas, sur la même couverture, on lit encore ces mots : Affaire arrêtée. — Affaire à reprendre le 5 juin 1867.

Ceci se passait le 23 février 1867. Pour des raisons que nous ignorons, l'affaire ne fut pas reprise à la date fixée par l'Evêché. Les choses en restèrent là pendant cinq ans.

Nomination de M. Latreille comme chapelain de Kerlaz.

Deux ans àprès, en 1869, M. Latreille était nommé chapelain de Kerlaz. Quelques difficultés surgirent entre M. Postic et lui sur la question du casuel et d'autres choses encore. En mars 1869, M. Postic écrivit à M. Téphany, secrétaire général de l'Evêché, pour lui demander de vouloir bien prier Monseigneur de lui tracer une ligne de conduite qui pût le guider dans ses rapports avec le chapelain de Kerlaz. Voici le mot qu'il adressa à ce sujet au secrétariat de l'Evêché :

« Prière à M. Téphany de demander pour moi quelques notes écrites qui me seront très précieuses pour mes rapports avec le chapelain de Kerlaz :

1°) Déclarer que je demeure, jusqu'à nouvel ordre, recteur de Plonévez-Porzay dans toute son intégrité.

2°) Fixation des limites d'après les indications déjà données par Monseigneur, au ruisseau coulant sous, la chapelle de Clarté et nommé : « Dourig-ar-Briand » ou « Dourig-ar-Friançou ».

3°) Autorisation de faire les baptêmes et les mariages dans la chapelle de Kerlaz.

4°) Examiner s'il y a lieu d'y donner la communion pascale ou s'il faut maintenir ce dernier lien avec Plonévez.

5°) Si le casuel de Kerlaz doit aller tout entier au chapelain ? ».

Quelques jours après, le 10 mars, M. Postic recevait la réponse suivante de Mgr Sergent :

« La sections de Kerlaz aura pour limites, le cours d'eau de la Clarté, appelé : « Dourig-ar-Briand » ou « Dourig-ar-Friançou ».

Le ministère dans la section de Kerlaz s'exercera sous la direction du recteur de Plonévez-Porzay, qui demeure jusqu'à nouvel ordre recteur de toute la paroisse.

Les baptêmes pourront se faire dans la chapelle de Kerlaz, les mariages s'y célébrer. La communion pascale devra se faire jusqu'à nouvel ordre dans l'église paroissiale de Plonévez-Porzay.

La part de casuel noir et blanc attribué par le tarif de Plonévez-Porzay au clergé paroissial sera acquise en totalité au chapelain ». Signé : t René, Ev. de Quimper (Archives de l'Evêché).

Mgr Nouvel de la Flèche reprend le projet d'érection de la trève en paroisse.

Un des premiers actes de Mgr Nouvel de la Flèche, nommé à l'Evêché de Quimper, fut, de reprendre le projet d'érection et de le pousser vigoureusement. Voici la lettre qu'il fit écrire à M. Postic par M. Evrard, vicaire général :

« Quimper, 2 février 1872. Mon cher Monsieur Postic, Monseigneur l'Évêque se décide à reprendre le projet d'érection de Kerlaz en paroisse. Je vous retourne le plan, la liste des villages et les délibérations de la Fabrique et du Conseil municipal. Vous êtes autorisé à réunir extraordinairement le Conseil de Fabrique. Faites en sorte que toutes les pièces concordent ; la conclusion de l'affaire sera plus facile. Tout à vous en N.-S. Evrard, vic. gén. ».

En même temps, Mgr Nouvel expédiait à M. Postic le tableau, des villages que devait comprendre la nouvelle paroisse. Ce tableau était une sorte de transaction dans laquelle, Plonévez et Kerlaz devaient mutuellement sacrifier quelques-unes de leurs revendications. Toute la bande de terrain comprise entre la chapelle de la Clarté et la mer restait définitivement en Plonévez-Porzay. Six villages du côté de Locronan revenaient à Kerlaz. Ces quelques villages qu'on attribuait à la nouvelle paroisse, lui donnaient 119 habitants de plus, sans appauvrir Plonévez-Porzay, car ils étaient presque exclusivement habités par des vanniers et des carriers, population peu aisée ; mais à Plonévez on ne voulait pas démordre des limites naturelles. C'était une sorte de ligne sacrée sur laquelle Kerlaz avait défense d'empiéter. Voici le tableau des villages proposé par Mgr. Nouvel :

Ville de Kerlaz (Bretagne)


Lettre de protestation de M. Postic recteur de Plonévez-Porzay à Mgr l'Evêque (Archives de l'Evêché).

Mgr Nouvel croyait avoir trouvé un terrain d'entente. Grande fut sa surprise lorsqu'il apprit que Plonévez-Porzay ne voulait rien concéder. Dès le lendemain, M. Postic accompagné de son premier vicaire, prit le chemin de Quimper. Il insista de nouveau auprès de Monseigneur sur la nécessité de revenir aux limites naturelles. Monseigneur le pria de vouloir bien exposer ses observations par écrit. C'est ce qui motiva la lettre suivante :

« Monseigneur,
Jeudi dernier, je suis allé exposer à Sa Grandeur quelques difficultés à résoudre dans la paroisse de Plonévez-Porzay. Vous m'avez recommandé, Monseigneur, de vous les exposer par écrit. Je m'empresse de me conformer à vos instructions :

1°) Les habitants de Kerlaz n'ont jamais pu s'entendre avec le reste de la population de Plonévez. Depuis de longues années ils demandaient à être séparés. L'arrivée de M. Latreille chez son beau-frère, maire de Plonévez, me parut une circonstance favorable pour apaiser les esprits surexcités, et donner, dans une certaine mesure, satisfaction à ce peuple véritablement trop éloigné de l'église paroissiale. J'ai sollicité et obtenu de Mgr Sergent la nomination de M. Latreille comme chapelain de Kerlaz. Les limites assignées par Monseigneur à l'ancienne trève rétablie ont été par ses, ordres tracées sur une carte générale de la paroisse déposée au Secrétariat de l'Evêché. Aujourd'hui, Monseigneur, j'ai réussi à acquérir un terrain pour bâtir, d'après un plan que j'ai tracé, un presbytère convenable. Le Conseil de Fabrique reconnaît et constate l'antipathie qui a toujours existé entre la population de Kerlaz et celle de Plonévez.

2°) Puis certains villages sont tellement éloignés de l'église paroissiale, onze kilomètres, qu'il est moralement impossible aux habitants de se rendre à la messe de la paroisse.

Ces deux faits établis, le Conseil fait insérer au cahier des délibérations les observations suivantes :

1°) Nous avons un pèlerinage célèbre qu'il importe de favoriser. Pour cela deux vicaires sont nécessaires à Plonévez. Même avec deux vicaires, les messes de Sainte-Anne ne pourront être desservies en totalité.

2°) Pour conserver nos deux vicaires, une population suffisante est indispensable. Or, Kerlaz avec les limites assignées par Mgr Sergent, réduit à 2.000 âmes la population de Plonévez, comme le constate le Bref et le dernier tableau de recensement, puisque la section de Kerlaz renferme 633 habitants. Réduite à ces proportions, la paroisse de Plonévez n'offre plus à ses vicaires qu'un casuel restreint, une quête exiguë. Cependant grâce aux ressources de Sainte-Anne, les sorts des deux vicaires peuvent être assurés.

3°) Les limites de la paroisse en projet sont désignées, et par la nature, un cours d'eau, et par un fait capital, la souscription pour la reconstruction de l'église. Tous les villages situés sur la rive droite du ruisseau « Dourig-ar-Briand » et « Dourig-ar-Friançou », ont donné des sommes importantes, l'un de 2.000 fr., un autre de 1.500 fr., exécuté des charrois prodigieux, trente journées quelques-uns. La rive gauche, sauf deux ou trois exceptions, n'a rien donné, n'a rien fait. La chapelle de la Clarté bâtie primitivement par un seigneur de Moëllien en ex-voto, a été reconstruite par les recteurs de Plonévez. Que si quelques villages situés du côté du ruisseau opposé à Kerlaz ont fait partie de la trève, c'est que le recteur de Plonévez, recteur unique de toute l'étendue de la commune actuelle, en a chargé pour un temps le vicaire de Kerlaz qui était sous ses ordres, Kerlaz n'ayant jamais été paroisse, mais trève de Plonévez. Ces observations et ces réserves étant faites pour éviter tout malentendu, le Conseil de Fabrique déclare voter l'érection de Kerlaz en paroisse dans les limites désignées par Mgr Sergent: « Dourig-ar-Briand » et « Dourig-ar-Friançou ».

Recevez, Monseigneur, etc. Postic, recteur de Plonévez-Porzay ».

On comprit, à Quimper, qu'il fallait en finir avec cette affaire qui menaçait de s'éterniser. Les arguments mis en avant par M. Postic, auxquels venait s'ajouter le fait nouveau de la souscription pour la construction de l'église paroissiale, amenèrent la radiation des six ou sept fermes que Mgr Nouvel avait cru pouvoir octroyer Kerlaz, par esprit de conciliation. Tout ce que M. Postic dit à propos de cette souscription n'est pas exact. Kerlaz a contribué aux charrois comme le reste de la paroisse. Si la population de la trève n'a pas donné en argent autant que les autres, c'est qu'elle prévoyait que d'autres charges allaient bientôt peser sur elle, du fait de l'érection de Kerlaz en paroisse. M. Postic obtenait donc satisfaction sur toute la ligne. C'est sur cette base que les négociations furent entamées avec le gouvernement français.

Décret du Président de la République.

Les négociations durèrent encore près de deux ans, pendant lesquels il se produisit plusieurs échanges de lettres de part et d'autre ; mais l'affaire avait franchi un pas décisif. La Commission. de Kerlaz, après quelques derniers soubresauts, dut accepter le projet primitif, aux termes duquel la nouvelle paroisse devait avoir pour limites le ruisseau qui prend sa source au prateau du Mez, traversant la route de Locronan à Douarnenez sous le nom de « Dourig-ar-Briand », le chemin vicinal de Plonévez-Porzay à Kerlaz, sous le nom de « Dourig- ar-Sklerded » ou « Dourig-ar-Friançou » passant par Péfilit et le moulin de Kerskao pour se jeter dans la mer entre Trémalaouën et Kerléol.

Le Décret du Président de la République parut le 20 juillet de l'année 1874. Voici les termes de cet acte :

« DECRET :
Le Président de la République fraisçaise,
Vu les articles 61 et 72 de la loi du 18 Germinal, an X,
Vu les propositions de l'Evêque de Quimper et du Préfet du Finistère, décrète :
Article 1er. — Est érigée en succursale l'église dénommée ci-après :
Kerlaz, section de la commune de Plonévez-Porzay, diocèse de Quimper, département du Finistère, canton de Châteaulin, circonscription conforme au plan, annexé au présent Décret.
Article II. — Le ministre de l'Instruction publique et des Cultes est chargé de l'exécution du présent Décret, qui sera inséré au Bulletin des lois.
Fait à Versailles, le 20 juillet 1874 ». Signé : Maréchal de Mac-Mahon.
Par le Président de la République, le Ministre de l'Instruction publique et des Cultes. Signé : A. de Cumont.
Pour amplification :
Le chef de la 2e Division de l'Administration des Cultes. Signé : C. de la Mothe »
(Archives de l'Evêché) .

Rectorat de M. Latreille (1874-1895).

M.. Latreille qui faisait, depuis l'année 1869, le service de Kerlaz à titre de chapelain, fut nommé par Mgr Nouvel recteur de la nouvelle paroisse. Il était originaire d'Argol. A l'âge de quinze ans, il apprenait à lire : puis se sentant attiré à la vocation ecclésiastique, il entra peu de temps après au Petit-Séminaire de Pont-Croix, où il fit des études rapides et sommaires, puisqu'il était prêtre à l'âge de 25 ans. Au sortir du Grand-Séminaire, il fut nommé vicaire-instituteur au Drennec, où il donna les premières leçons de latin à M. le chanoine Corrigou, ancien vicaire général. Du Drennec il passa comme vicaire à Poullan, où il se distingua par son zèle pour la prédication Tombé malade, M. Latreille dut abandonner momentanément le ministère. Quelques années de repos complet le remirent sur pied. C'est alors qu'il vint chez son beau-frère, M. Le Gac, qui était à l'époque maire de Plonévez-Porzay. Comme la trève de Kerlaz réclamait depuis longtemps un prêtre, M. Postic, recteur de Plonévez-Porzay, crut, l'occasion bonne pour lui donner satisfaction. Il profita de la présence de M. Latreille à Lesvren, et le chargea du service de la trêve, dans des conditions assez difficiles, puisqu'il n'y avait pas encore de presbytère à Kerlaz. Quand la trève fut érigée en paroisse, l'Evêché n'eut pas à hésiter pour le choix du recteur : le 20 juillet 1874, M. Latreille recevait sa nomination. Il gouverna la paroisse de 1874 à 1896, c'est-à-dire pendant 22 ans, aimé et estimé de tous. C'était un homme de Dieu, pieux, zélé, ferme sur les principes qu'il interprétait toujours dans leur rigueur inflexible, ne connaissant d'autre diplomatie que la voix de sa conscience. Il eut le mérite de fonder la paroisse, de bâtir le presbytère, de restaurer l'église qui était dans un état de délabrement complet, d'organiser les catéchismes, de donner une nouvelle impulsion à l'instruction religieuse des grandes personnes, et de relever la nouvelle paroisse, bien négligée depuis longtemps à tous les points de vue, au niveau des paroisses environnantes. Aujourd'hui Kerlaz est le modèle des paroisses chrétiennes.

Voici le procès-verbal de la première réunion du Conseil de Fabrique :
« Vu le décret de M. le Président de la République en date du 20 juillet 1874 et érigeant la chapelle de Kerlaz en église paroissiale ;
Vu le décret de Mgr Nouvel en date du 18 août et portant nomination de trois conseillers de Fabrique, MM. Cornic Corentin, Guidal Germain et Jaïn Jean ;
Vu le décret de M. le Préfet du Finistère en date du 20 août 1874 et portant nomination de deux conseillers de Fabrique, savoir : MM. Le Floch Guillaume et Tymen Jacques ;
Les cinq sus-nommés ont été installés au presbytère de Kerlaz en présence des cinq conseillers ci-dessus désignés, de M. Latreille, recteur nommé de Kerlaz, et de M. le maire de Plonévez-Porzay ».

Le Conseil de Fabrique de l'église de Saint-Germain de Kerlaz, composé des sept membres ci-dessus désignés, tous présents, a procédé à la nomination de son secrétaire et de son président suivant la prescription de l'article 9 du décret du 30 décembre 1809.

Ont été nommés : Président, M. Guillaume Le Floch ; secrétaire, M. Latreille, recteur.

Le président a aussitôt pris la direction des délatérations du Conseil, a invité le Conseil à procéder à la nomination de trois membres qui devront constituer le bureau des marguilliers. Ont été nommés à l’unanimité membres du bureau : MM. Cornic Corentin, Guidal Germain et Jaïn Jean.

Ces Messieurs et M. Latreille, recteur nommé, ont, conformément à l'article 19 du décret du 30 décembre 1809, nommé entre eux un président, un secrétaire et un trésorier.

Ont été nommés : Président du bureau, M. Jaïn Jean ; Secrétaire, M. Guidal Germain ; Trésorier, M. Cornic Corentin.

Ces préliminaires terminés, les marguilliers de l'église de Kerlaz, commune de Plonévez-Porzay, canton et arrondissement de Châteaulin, département du Finistère, ayant reconnu que la nomination de M. Latreille au rectorat de Kerlaz est revêtue de toutes les formalités requises, lui ont délivré deux expéditions dû présent procès-verbal de prise de possession, pour être transmises l'une à Mgr l'Evêque de Quimper, et l'autre à M. le Préfet du Finistère ». Ont signé : Le Floch, Cornic, Guidal, Jaïn., Latreille. (Registres

Œuvres de M. Latreille.

1°) Construction du presbytère. — L'œuvre la plus urgente pour le nouveau recteur, était la construction du presbytère. M. Postic s'était assuré un terrain ; mais les ressources manquaient et rien n'était encore commencé à l'arrivée de M. Latreille. Le nouveau recteur fit appel à la bonne volonté de ses paroissiens, lança une souscription et se mit à l'œuvre. En moins d'un an le presbytère était debout. Les murs de clôture furent construits ensuite, peu à peu, à mesure que les ressources le permirent. M. Latreille contribua, dit-on, largement de ses deniers à la construction du nouveau presbytère ; mais nous ne voulons pas laisser s'accréditer une légende d'après laquelle il aurait tout fait. Il faut rendre justice à la population, qui s'est montrée en toute occasion à la hauteur des circonstances. Je pourrais citer des familles, qui ont donné, comme premier versement, rien que pour la construction du presbytère, des sommes de 400 fr., 600 fr. et même de 1.000. fr. De plus, tous les charrois ont été à la charge de la population.

2°) Restauration de la voûte de l'église. — La voûte de l'église fut une des premières préoccupations du nouveau recteur. Elle réclamait des soins urgents. On remarquait, cà et là des brèches et des planches disjointes et vermoulues, fort menaçantes pour la sécurité des assistants; M. Latreille fit faire les réparations nécessaires et en mena l'exécution avec célérité.

3°) Erection du Chemin de la Croix. — Les réparations du lambris achevées, M. Latreille dota l'église paroissiale des belles stations de Chemin de Croix qu'on y voit. Elles furent érigées par M. Pouliquen, curé-doyen de Douarnenez, le 10 octobre 1875, jour de l'ouverture des exercices du Jubilé dans la paroisse.

4°) Ameublement de l'église. — Le mobilier de l'église était dans un piteux état. La chaire à prêcher, la balustrade, les autels, les confessionnaux étaient vermoulus ; il était temps de les remplacer. M. Latreille s'entendit avec un ébéniste de Landerneau, et bientôt l'église paroissiale eut un beau maître-autel, deux petits autels latéraux, un nouveau confessionnal, et une nouvelle chaire à prêcher cadrant très bien avec le style de l'édifice.

5°) Dallage de l'église. — Le dallage de l'église était en rapport avec le reste. La moitié de l'édifice seulement était pavée, mais très grossièrernent ; M. Latreille passa un marché avec un maître-carrier de Locronan et fit refaire tout le dallage, ainsi que le carrelage du Sanctuaire.

6°) Transformation de l'ancien ossuaire, en chapelle. — Les Fonts baptismaux étaient jusque alors relégués dans un coin où la lumière du jour ne pénétrait jamais. Il fallait, à tout prix modifier cet état de choses. M. Latreille eut l'heureuse inspiration de convertir l'ancien ossuaire en chapelle, et y transporta les Fonts baptismaux. Comme l'ossuaire était isolé de l'église par un mur, il le fit démolir et remplacier par une arcade : ainsi la chapelle communique désormais avec l'église.

7°) Reconstruction des murs du cimetière. — Depuis plusieurs années les murs de clôture du cimetière étaient en ruine. Les animaux pouvaient y pénétrer librement. M. Latreille remédia et fit faire un nouveau mur.

8°) Mission de Kerlaz. — Aprèg avoir orné et embelli la maison de Dieu, M. Latreille convoqua ses paroissiens à une grande mission. Tous répondirent à l'appel à l'exception de deux. Mais il, n'y eut preuve de mauvaise volonté que de la part d'un seul, car le second fut empêché par le premier. La mission dura quinze jours. Les exercices de la première semaine s'ouvrirent le 6 juin 1885, et furent présidés par M. Le Duc, curé-doyen de Douarnenez, ayant comme collaborateurs M. Le Bot, recteur de Tréméven, M. Quéméneur, recteur de Pouldavid, et M. Billant, recteur de Ploaré. La seconde semaine fut encore présidée par M. Le Duc, entouré des mêmes collaborateurs, auxquels vinrent s'adjoindre M. Le Bras, recteur Plogonnec, et M. Le Roux, vicaire de Douarnenez, qui remplaça M. Le Bot dans l'explication des tableaux (Registres paroissiaux de Kerlaz).

M. Troadec nommé auxiliaire de M. Latreille.

M. Latreille était doué d'une constitution robuste ; mais les forces humaines ont des limites. La vieillesse arriva avec son cortège d'infirmités. Le bon pasteur ne pouvant plus faire son service, écrivit à Mgr l'Evêque pour lui demander un auxiliaire. On lui envoya M. Troadec qui était en disponibilité dans le moment. M. Troadec, curé-doyen de Daoulas vers 1920, ne fit que passer par Kerlaz ; mais il y resta assez de temps pour se faire aimer et estimer de tous. Il entreprit plusieurs réformes tout à fait utiles et opportunes, rendant ainsi le plus grand service à son successeur. On sentait en lui l'homme de décision et l'administrateur habile.

Rectorat de M. Salou (1896-1903).

M. Latreille, ne survécut que peu de temps à l'arrivée de M. Troadec. L'état de sa santé ne faisait qu'empirer tous les jours, et à la fin de 1895, il succombait, terrassé par le mal qui le minait. Il fut remplacé par M. Salou, vicaire à Plougastel-Daoulas, et originaire de Ploudaniel. M. Salou reçut sa nomination le 1er janvier 1896. Le procès-verbal de son installation est signé : MM. Iliou, curé de Plougastel-Daoulas, Yves Grall, vicaire, Bohec, recteur de Loperhet, Troadec, prêtre auxiliaire, Le Floch, Le Berre, P. Latreille.

Si la mémoire d'un pasteur tel que M. Latreille pouvait être oubliée, M. Salou aurait été homme à la faire oublier. Il continua dignement M. Latreille et acheva son œuvre. C'était un conférencier émérite qui savait instruire en intéressant. Il, ne resta que sept ans à la tête de la paroisse de Kerlaz, depuis le 1er janvier 1896 jusqu'en novembre 1903 ; mais ces années furent bien fécondes.

Son premier soin fut de reconstruire le clocheton sud de l'église, qui menaçait ruine. Les crevasses produites dans la maçonnerie alarmaient bien des personnes et faisaient redouter l'imminence d'une catastrophe. M. Salou confia le travail, délicat entre tous, à M. Gassis, architecte à Châteaulin.

M. Salou fit bâtir ensuite la nouvelle sacristie. On en avait grand besoin, car la seule dépendance à cet usage était étroite, humide et incommode. Les frais de ces constructions furent couverts par des quêtes faites à domicile.

C'est encore à M. Salou que la paroisse de Kerlaz doit le nouveau Calvaire de Kernelbet, qui sert aujourd'hui de but de procession, et la belle sonnerie dont la population est si justement fière.

Rectorat de M. Roué (1903-1912).

De Kerlaz M. Salou fut nommé recteur de Scrignac. M. Roué, vicaire à Bannalec, originaire de Plouédern, lui succéda. Il prit possession de son nouveau poste le 12 novembre 1903.

Le procès-verbal de son installation est signé : Le Floch, Cornic, Guidal, Le Berre, P. Latreille, L. Fitament, J.-M. Jézégou, Y.-M. Pennec, vicaire à Bannalec, François Mével, J. Roué, recteur nommé.

M. Roué passa neuf ans à Kerlaz. Durant tout ce temps, il ne jouit jamais d'une bonne santé. Démissionnaire pour cette raison, le 4 juin 1912, il demanda à se retirer chez les Dames Augustines de Pont-l'Abbé, où il mourut au bout de quatre jours.

Rectorat de M. Briand (1912-1915).

M. Briand, vicaire de Gouézec et originaire de Saint-Sulla, en Plomodiern, succéda à M. Roué. Voici le procès-verbal de son installation : « Le 28 mai 1912, s'est présenté devant le Conseil paroissial de Kerlaz M. Jean-Joseph Briand, précédemment vicaire à Gouézec, qui lui a présenté sa lettre de nomination au rectorat de Kerlaz, signée par. Mgr Adolphe Duparc, évêque de Quimper et de Léon. Le Conseil l'a installé en la dite qualité et a signé le procès-verbal avec les prêtres présents : Yves Le Coz, chanoine honoraire, curé de Pleyben, Fr. Le Jollec, Sergent, recteur de Lothey, Corentin Briand; Marc J.-B., L. Kernéis, recteur de Locronan, Le Berre, Billon, Latreille, Cornic Corentin, Roué, ancien recteur, Briand, recteur nommé ».

M. Briand avait sur ses prédécesseurs l'avantage d'être du pays et d'en connaître à fond les usages et les habitants. Ces deux faits, joints aux qualités naturelles dont il était doué et à ses manières allantes, lui permirent d'acquérir rapidement une très grande influence à Kerlaz, où il était destiné à faire le plus grand bien. Malheureusement on ne lui en laissa pas le temps. Au bout de trois ans, il reçut sa nomination à l'importante paroisse de Plomeur. Il quitta Kerlaz sincèrement regretté de toute la paroisse.

M. le Recteur du Juch chargé par Mgr Duparc du service de Kerlaz pendant la guerre (1915-1919).

Par suite de la guerre et de la mobilisation du jeune clergé, Mgr l'Evêque se vit dans la triste nécessité de priver momentanément plusieurs petites paroisses de leurs recteurs. Kerlaz fut du nombre. Après le départ de M. Briand pour Plomeur, Monseigneur n'ayant aucun prêtre pour le remplacer, chargea M. Le Roux, recteur du Juch, du service de la paroisse, en attendant que des temps meilleurs lui permissent de lui donner un recteur. Cette situation dura depuis le 15 novembre 1915, jusqu'au 19 février 1919. M. Le Roux mena de front le service paroissial du Juch et celui de Kerlaz avec un zèle au-dessus de tout éloge et à la satisfaction de tous.

Rectorat de M. Bothorel (1919-..).

M. Bothorel, originaire de Cast, vicaire à Moëlan, fut nommé recteur de Kerlaz, le 17 février 1919, et prit possession de son poste, le 19 du même mois. Quelques mois avant sa nomination, Mgr l'Evêque écrivant au supérieur du Séminaire français, lui disait qu'il allait sous peu nommer un recteur à Kerlaz et qu'il avait en vue un prêtre modèle. Monseigneur a tenu parole. Il ne pouvait mieux choisir pour Kerlaz. D'une bonté exquise, mais d'une bonté qui n'exclut pas la fermeté, accueillant pour tous, zélé et pieux, M. Bothorel a tout ce qu'il faut pour faire le bonheur de ses paroissiens.

Dès son arrivée à Kerlaz, M. Bothorel s'est vivement préoccupé de la question des réparations de la toiture de l'église paroissiale. Nous, espérons que cette question recevra bientôt une solution et que les Beaux-Arts y apporteront leur concours, puisque l'église de Kerlaz vient d'être classée parmi les monuments historiques.

Nouvelles verrières de l'église de Kerlaz. — Don du T. R. P. Henri Le Floch, supérieur du Séminaire français de Rome.

Grâce au zèle inlassable déployé par M. Latreille et ses dignes successeurs, l'église de Kerlaz était devenue un véritable bijou. Autels, chaire à prêcher, table de communion, chemin de croix, rien, ne laisait à désirer. Son ameublement était de bon goût, presque artistique et vraiment digne de la maison de Dieu. Une chose cependant lui manquait : des vitraux. Le T. R. P. Le Floch, l'éminent Supérieur du Séminaire pontifical français de Rome, qui, au milieu de ses graves et multiples occupations, n'oublie pas sa Bretagne et en particulier sa chère paroisse natale, avait constaté cette lacune et voulut y remédier. L'exécution d'un pareil travail en temps de guerre, quand les matières premières ont non-seulement doublé, mais triplé et quadruplé de prix, devait entraîner des dépenses considérables : le T. R. P. Le Floch n'a pas reculé devant l'effort nécessaire. Il a voulu une œuvre artistique ; il a réussi.

Les verrières de Kerlaz sortent des ateliers de la maison Léglise, Paris-Auteuil, 16 bis, Hameau-Boileau. Fondée à Auch par M. Antonin Léglise en 1865, cette maison est, en 1920, dirigée par son fils, M. Gabriel Léglise. Les cartons des vitraux sont dus au crayon d'un peintre de grand talent, M. Evaldre, lauréat du prix de Rome et collaborateur de M. Léglise, d'après les croquis de Mlle Hersart de la Villemarqué et de Mlle Krebs, de Quimperlé.

Au point de vue technique, la caractéristique de ces vitraux dans leur ensemble, consiste, dans le procédé d'exécution. Ce procédé comporte, en premier lieu, l'enlèvement au burin, à la molette, à l'émeri ou à l'acide fluorhydrique, de la face coloriée du verre et, en second lieu, l'application sur les parties blanches ainsi obtenues de couleurs d'émail vitrifiable qui s'incrustent dans le verre et qui, passées au four à une température de 600 degrés environ, viennent donner ce brillant, cet éclat, cette note d'exaltation que présentent toutes ces verrières dignes de figurer dans une cathédrale.

1° Grand vitrail du chœur.
Ce vitrail reconstitue les principales scènes du grand vitrail qui l'a précédé, quatre épisodes de la Passion : le couronnement d'épines, la rencontre de Jésus et de sa mère, le crucifiement et la descente de la croix. Ces tableaux sont exécutés sur verres antiques, se détachant sur un fond de paysage et encadrés d'une architecture XVème siècle, avec soubassement de même style. Cette magnifique verrière est surmontée de six tympans aux verres gravés et dégradés, travail très délicat et supposant une habileté professionnelle toute spéciale.

Au centre une Bretagne allégorique, tenant dans la main droite une épée et enlaçant la croix de la main gauche. Au bas, les armes et la devise de la Bretagne.

Dans le tympan de droite sur le même plan, les chevaliers bretons à cheval partant pour la Croisade. On sait que plusieurs, seigneurs de la trève ont participé aux Croisades. Parlant de la famille de Quélen du Vieux-Châtel, le Nécrologe des Cordeliers de Quimper, lui consacre cette phrase élogieuse : « Omnes fuerunt milites in Terra-Sancta. Tous combattirent en Terre-Sainte ». En 1248, quatre frères de Quélen, Eon, François, Christophe, et Jean, partirent pour la septième Croisade. Trois d'entre eux furent tués à la bataille de la Massoure. Eon seul, échappa. Vingt ans après, Eon partait de nouveau pour la 8ème Croisade avec ses quatre fils, dont trois moururent de la peste devant Tunis.

Dans le tympan de gauche, même plan, saint Louis portant la couronne d'épines et passant processionnellement dans les rues de Paris, pieds nus. Il est représenté au moment de son passage devant la Sainte-Chapelle.

Dans les tympans supérieurs, à gauche, une Sœur de charité soignant et consolant sur le champ de bataille un blessé de la grande guerre, avec à l'arrière-plan une église en flammes. A droite, un missionnaire évangélisant une peuplade de sauvages.

Dans le tympan du sommet de l'ogive, le Christianisme supplantant le paganisme en Bretagne, figuré par une croix plantée sur un dolmen.

2° Vitrail du Père Julien Maunoir.
Ce vitrail se trouve dans le transept de droite. On y voit le R. P. Maunoir, debout au pied du Calvaire, prêchant la grande mission de 1658. C'est pendant cette mission que le saint religieux tomba dangereusement malade et qu'il fut, guéri par les prières de trois pieuses femmes. Voici comment le P. Séjourné rend compte du fait : « Le P. Maunoir y avait à peine ouvert les exercices de la mission, qu'il tomba malade et dut être transporté à Douarnenez. Mais, sa maladie ne fut pas de longue durée. Il désirait ardemment guérir et rejoindre au plus tôt ses missionnaires. Aussi avait-il prié Marguerite Poullaouec, la sainte veuve, qui le logeait, de demander à Dieu sa guérison. Celle-ci en fit part à Catherine Daniélou et à Thomase Rolland, deux autres veuves également dévouées au P. Maunoir. Toutes les trois s'unirent dans une même prière et demandèrent à Dieu de faire retomber sur elles, à parts égales, la maladie dont le Vénérable était menacé. Soudain la fièvre les saisit, et le soir même du premier accès (elles en eurent plusieurs), le P. Maunoir était si parfaitement guéri, que dès le lendemain, il retournait à Kerlaz et se remettait au travail. Ainsi l'assure-t-il lui-même dans le journal de ses missions » (P. SÉJOURNE, Vie du P. Maunoir, tome I, p..376).

Cette belle verrière offre une magnifique variété de costumes bretons. Parmi les personnages on reconnaît plusieurs membres de la famille du généreux donateur : son grand'père, son père et sa mère. Tout à côté du P. Maunoir on remarfee un châtelain et une châtelaine. C'est le pieux marquis René de Névet` dont nous parlerons longuement, et la marquise René de Névet, née-Anne Guyon de Matignon. L'exécution sur verre de ces costumes, et en, particulier des costumes bretons, dont le détail est si compliqué, a dû présenter pour les artistes une difficulté très grande. La gravure sur verre et les émaux ont joué un rôle capital. La vérité dans le costume, et la légèreté qu'il fallait donner aux divers motifs d'ornement, n'auraient pas pu être obtenus par d'autres procédés.

Au-dessus de cette scène se trouvent trois médaillons dont voici les sujets. Au sommet on voit la Foi « Credo », sous la forme d'un ange. Immédiatement au–dessous, à gauche, le roi Grallon et saint Guennolé, à cheval, allant voir saint Corentin dans sa solitude de Plomodiern. A droite, sur le même plan, le marquis de Névet passant une revue dans la plaine de Kerlaz.

3° Vitrail de saint Even.

Ce beau vitrail se trouve dans le transept gauche, côté nord. Il comprend six médaillons, sur fond de mosaïque rouge, style XVème siècle, avec six tableaux de la vie de saint Even d'après la légende locale. Dans le premier médaillon, à gauche, on voit saint Even quittant Quimper, chassé de la maison paternelle par ses parents dénaturés. Dans le second médaillon, au-dessous du premier, saint Even traversant la forêt de Névet et allant demander l'hospitalité au manoir de Lezarscoët où il est reçu par le seigneur. Dans le troisième, au-dessous du second, saint Even devenu pâtre du seigneur, garde les moutons dans le parc de Lezarscoët. Dans le premier médaillon, à droite, saint Even, fiancé à l'héritière de Lezarscoët se rend à l'église pour la cérémonie nuptiale. On représente les époux sous l'arc de triomphe au moment où ils franchissent le seuil du cimetière. Dans le cinquième, au-dessous du précédent, on voit saint Even précipité dans la mer, du haut des falaises de Lanévry, par l'oncle de sa femme qui était devenu jaloux de lui. Enfin dans le sixième, saint Corentin, apparaissant à saint Even dans le monastère de l'Ile Tristan, où il avait été recueilli par les moines, lui annonce que son persécuteur est mort et qu'il peut retourner à Lezarscoët (1).

Ces six médaillons sont surmontés, de trois tympans. Celui du sommet représente la chapelle de Saint-Even-des-Bois, la procession du pardon et la fontaine miraculeuse dont nous parlons à l'article Lezarscoët.

Cette verrière rappelle et consacre une tradition locale très ancienne et très respectable, que le P. Maunoir attribue au seigneur de Pratmaria (2).

Au point de vue artistique, il y a lieu de considérer dans cette verrière le travail de mosaïque XVème siècle, qui forme le fond des médaillons. Aucune des parties de cette mosaïque n'est semblable aux autres : ce détail a permis, tout en respectant l'harmonie qui convient, de donner à l'ensemble la variété que nécessite une œuvre d'art.

Vitraux secondaires.

1°) Petit vitrail du chœur, côté nord. — Education de la Sainte Vierge. Dans le tympan du sommet, chapelle de Sainte-Anne La Palue et un groupe de pèlerins.

2°) Vitrail de Névet, côté nord. — Le marquis René de Névet, lieutenant du roi et colonel de l'arrière-ban en Basse-Bretagne, à la place du Marquis de la Coste, meurt plein de mérites et de vertus en son château de Névet ou Lezargant, le 13 avril 1676, entouré de ses parents et de ses vassaux en larmes.

Ce vitrail est encadré de quatre écussons. Le premier, à droite, porte les armoiries de Nevet, « Le léopard d'or morné de gueules, » avec la devise familiale : « Perak ? », Pourquoi ?

Le second, à droite, porte les armoiries des Quélen du Vieux-Châtel « burelé d'or de dix pièces d'argent », avec leur devise : « Kelen ato » ou « e pep amzer kelen » instruire toujours.

Le premier médaillon, à gauche, porte les armoiries des Koz-Kastel ou Vieux-Châtel : « d'azur au château d'or, sommé de trois tourillons de même », avec la devise de Claude de Lannion qui épousa, en 1590, la dernière héritière des Quélen du Vieux-Châtel : « Trementem pungo », je tue celui qui tremble, je tue le lâche. Quelques armoriaux portent « prementem pungo » ; je tue l'oppresseur. D'après Ulson de la Colombière (La Science héroïque. ch. 31, p. 347), Claude de Lannion du Vieux-Châtel était grand amateur d'antiquités et généalogiste émérite. Nous en reparlerons, plus loin. Le quatrième écusson, à gauche, porte les armes de M. Garrec « d'azur au cerf d'or », avec la devise : « Difennour ar feiz ». Ces armes sont de la composition du R. P. Le Floch. Le sujet est très heureusement choisi. Le cerf est le symbole de la rapidité, ce qui caractérise très bien le zèle apostolique de M. Garrec.

3°) Vitrail de la ville d'Is, même côté. — Saint Guennolé, abbé de Landévennec, sauvant le roi Grallon lors de la submersion de la ville d'Is. Très beau dessin, d'une très curieuse originalité. Grallon porte sa fille en croupe. « Gallon, lui crie Guennolé, tu portes le démon ». A ces mots, Grallon lâche sa fille qui est engloutie dans les flots. Aussitôt la mer s'arrête. Grallon et saint Guennolé peuvent se sauver.

4°) Vitrail de saint Hervé, côté sud. — Ce vitrail représente saint Hervé et son compagnon Guic'haran, et entre les deux, le loup traditionnel. C'est la reproduction sur verre, aussi exacte que possible, du groupe en granit qui a disparu de l'église, il y a une vingtaine d'années.

5°) Vitraux des Fonts, baptismaux. — Dans le premier vitrail, M. Garrec, curé de Kerlaz pendant la Révolution, célèbre une dernière messe dans une grange au Caouët, son village natal, en 1793.

Dans le second, M. Garrec réfugié au Caouët, le P. Maximin L'Helgoualc'h, capucin, réfugié à Kerdiouzet, M. Le Gac de Lesvren, réfugié à Kervel, M. Alain Floch, prêtre de Plonévez-Porzay, réfugié à Trévigodou, ayant refusé le serment à la Constitution civile du clergé, suspects d'incivisme, sont mis en état d'arrestation, en 1793.

Dans le troisième, le Tribunal révolutionnaire de Quimper condamne ces confesseurs de la foi à la détention, suivie de l'exil et de la déportation.

Bénédiction solennelle des nouvelles verrières par Sa Grandeur Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon.

Le 13 août 1918,. Mgr Duparc, évêque de Quimper et de Léon, répondant à l'aimable invitation du R. P. Le Floch, qui était en ce moment de passage au Caouët, a voulu lui-même se transporter jusqu'à Kerlaz, accompagné de M. le chanoine Abgrall, doyen du Chapitre, et de M. le chanoine Pilven, secrétaire général de l'Evêché, pour bénir solennellement les belles verrières dont nous venons de donner la description. Le R. P. Le Floch, entouré de quelques amis et de plusieurs recteurs reçut Mgr l'Evêque à la porte principale de l'église. Deux enfants présentèrent à Monseigneur deux magnifiques gerbes de fleurs.

Ce fut une journée inoubliable et digne de figurer dans les fastes de la petite paroisse de Kerlaz. C'était la première fois, croyons nous, qu'elle recevait la visite de Mgr l'Evêque. Dès que les cloches annoncèrent la prochaine arrivée de Monseigneur, la population quitta ses gerbes, javelles et meules de blé et se pressa dans sa vieille église gothique. Une foule sympathique de personnes pieuses et de jaunes parisiens en villégiature à Trémalaouen, se joignit à elle pour saluer et acclamer le premier Pasteur du diocèse.

Après s'être entretenu un instant avec le R. P. Le Floch, Monseigneur traversa la grande nef en bénissant les assistants qui courbaient respectueusement la tête sur son passage. Arrivé au sanctuaire, le R. P. Le Floch, revêtu de la chape, monta à l'autel, au coin de l'Epître, et tourné vers Sa Grandeur, lui souhaita la bienvenue en ces termes :

« Monseigneur,
Avant que de commencer le saint sacrifice de la messe, permettez au consulteur des SS. Congrégations romaines et du Suprême Dicastère du Saint-Office, au Supérieur du Séminaire pontifical français, à votre chanoine d'honneur, de vous souhaiter la bienvenue, au milieu de cette chrétienne population de Kerlaz. Malgré les tristesses des temps, cette vieille église est aujourd'hui en liesse, à la vue du premier Pasteur de ce diocèse. Ces murs et ces piliers antiques, baignés aujourd'hui dans une lumière nouvelle, secouent la poussière des siècles et frémissent de joie : lapides clamabunt. Tout est à l'allégresse : les saints patrons sur leur base de pierre, les anges agenouillés au pied de cet autel, les morts qui dorment dans la terre voisine, tous clament l'action de grâces et unissent leur prière à la prière des vivants.

C'est dans cette ambiance bénie, c'est dans cette atmosphère sanctifiée, que je suis heureux, mes Frères, de rendre hommage à l'Evêque très aimé de Benoît XV, comme il était de Pie X, à l'Evêque que, pour ma part, je vénère et j'aime, non-seulement pour la gracieuse amitié dont il m'honore, mais pour les éminentes qualités épiscopales, très connues, je le sais, à Rome et en France, qualités auxquelles s'ajoute le don si rare d'une merveilleuse éloquence, qualités qui, toutes réunies, font de l'évêque de Quimper et de Léon, de votre Evêque, l'honneur de la Bretagne, l'honneur de l'épiscopat français.

Je remets donc, Monseigneur, entre vos mains l'œuvre harmonieuse de ces verrières, déployées comme un grand livre ouvert au regard des fidèles., Elles ont pour objet l'histoire religieuse locale, elles ont pour but le rappel à la foi des ancêtres. Je me flatte de penser que cet objet et ce but ne sont pas pour déplaire à l'Evêque qui, mieux que personne, sait ce qu'il y a de fécond et d'opportun dans le réveil du régionalisme breton.

Que votre bénédiction, tombant sur ces visions de beauté artistique, en fasse une exhortation permanente à la fidélité, à la foi, à la piété, à la vertu, à la sainteté ».

Il est 11 heures. Le R. P. Le Floch se rend à l'autel et dit la messe. Puis Monseigneur monte en chaire et prend la parole. Il félicite chaleureusement la population d'être accourue si nombreuse malgré les travaux qui la réclamaient impérieusement ; remercie en termes délicats dont il a le secret, le. R. P. Le Floch du « don princier » qu'il fait au sanctuaire de Kerlaz ; s'applique à développer les leçons fécondes et opportunes des scènes représentées, surtout celles qui se rattachent au réveil du régionalisme breton : « Aimez votre terre ; elle est riche et saine, n'émigrez pas à la ville. Conservez votre costume, celui de vos ancêtres. Soyez fidèles, comme vos aïeux, à la prière en commun et à la lecture de la Vie des Saints ». Telles sont les principales idées développées par Monseigneur.

Puis, Sa Grandeur bénit solennellement les verrières en passant de l'une à l'autre.

De l'église, Monseigneur se rend avec sa suite au Caouët où fut servi le déjeuner. Au nombre des invités se trouvait le sympathique M. Daniélou, maire de Locronan, député du Finistère, vers 1920. Monseigneur quitta Kerlaz dans la soirée, au son des cloches, salué au passage par des groupes de paroissiens qui accouraient de leurs champs pour recevoir une dernière fois sa bénédiction. Les habitants de Kerlaz n'oublieront pas de sitôt cette magnifique fête de famille, et au nom de l'insigne bienfaiteur à la générosité duquel ils doivent les belles verrières qui font leur fierté et leur orgueil, ils sauront associer dans leur hymne de reconnaissance, celui de l'Evêque bien-aimé qui a daigné se déranger et venir de si loin pour les bénir.

Le Révérend Père Henri Le Floch. Epinal, Beauvais, Chevilly.

Le Rév. Père Henri Le Floch est né au Caouët, en Kerlaz, le 6 juin 1862, d'une famille qui a fourni à l'Eglise, de temps immémorial, des prêtres et des religieux, notamment plusieurs confesseurs de la foi pendant la Grande Révolution. Il eut pour parrain son grand'père maternel, Henri Le Joncour, dont nous parlerons dans le chapitre qui sera consacré au manoir du Caouët. Son père, Mathurin Le Floch, fut un chrétien de vieille roche et mourut comme un patriarche en 1916, âgé de 85 ans. Il eut la douleur de perdre sa mère, Marie Le Joncour, à l'âge de 9 ans. Dans le discours prononcé en l'église de, Kerlaz, au mariage de son neveu, le P. Le Floch disait d'elle : « Je dois à la mémoire de ma mère très aimée de dire ici qu'elle était une sainte, et par ailleurs, de l'avis des meilleurs juges, d'une distinction suprême. Elle mourut à 33 ans, après avoir donné naissauce à huit enfants.

Tout le monde la pleura, et je vis moi-même des larmes abondantes couler des paupières des mendiants qui alors passaient de porte en porte, récitant des Pater, chantant des Gwerz et quêtant du pain, de l'étoupe et du chanvre. ».

Après de brillantes études, couronnées par le baccalauréat en Sorbonne (mention, très bien), Henri Le Floch, désireux de se dévouer à la prédication de l'Evangile, se rendit pour faire ses études philosophiques et théologiques à Chevilly, près de Paris, et entra dans la Congrégation du Saint-Esprit. Ses supérieurs lui imposèrent le sacrifice des missions et l'appliquèrent à l'enseignement, en raison de ses toutes spéciales dispositions. C'est pourquoi, après avoir achevé le cours de ses études ecclésiastiques et reçu les saints Ordres, il fut nommé professeur de philosophie à Épinal, dans un collège alors dirigé par la Congrégation du Saint-Esprit, où d'heureux candidats au baccalauréat purent, en grand nombre, pendant cinq ans, apprécier sa science et tout le succès de sa méthode pédagogique. Ce, labeur ne l'empêcha pas de se livrer à ses études personnelles, que l'unanime suffrage de l'Université de Louvain couronna du diplôme de docteur en philosophie. Le P. Le Floch est aussi docteur en théologie. A l'Institution de Saint-Joseph, comme au dehors, il montra dès cette époque un remarquable talent oratoire.

Nous laissons maintenant la parole aux « Echos de Santa Chiara » (Novembre-Décembre 1904).

« Lorsque le jeune professeur dut quitter Epinal, ses anciens élèves furent unanimes à déclarer que « c'était la première peine que leur causait leur maître bien-aimé ». C'était en 1894. Le collège de Beauvais, dont la situation était particulièrement difficile, avait besoin d'un supérieur actif et intelligent : on pensa au professeur de philosophie d'Epinal. Il est placé, à l'âge de 30 ans, à la tête de cette importante maison. Cinq années vont se passer pour lui dans un labeur incessant et fécond : éducateur, sa fermeté invinciblement douce s'attache à saisir l'âme toute entière de ses enfants et à l'orienter fortement vers le bien ; administrateur, il groupe autour de lui, dans une action commune, les efforts de tous, il mène à bien la construction de la chapelle, l'organisation intérieure en vue de la formation morale et intellectuelle, la fondation d'une Association amicale des Anciens Elèves, et fait ainsi de l'Institution du Saint-Esprit un établissement du meilleur renom ; supérieur, son dévouement se prodigue aux diverses œuvres de zèle, tandis que sa distinction et son accueil sympathique captivent l'élite de la Société Beauvaisienne. On s'empressait de venir entendre ses discours de fin d'année, dans lesquels il savait traiter en érudit, en savant, en maître consommé toutes les questions de l'éducation.

Bien des fois Mgr Fuzet, alors évêque de Beauvais, appela le P. Le Floch à prendre la parole dans sa cathédrale, en des circonstances solennelles. Ce célèbre prélat manifestait la plus haute estime pour le Supérieur de l'Institution du Saint-Esprit, et augurait qu'il rendrait de grands services à l'Eglise ».

La Providence poursuit son oeuvre.

« Par une lettre circulaire datée du 16 septembre 1900, le R. P. Le Floch apprenait aux parents des élèves qu’il allait quitter l'Institution du Saint-Esprit. La confiance de ses supérieurs le chargeait de la délicate mission de former les élèves de sa Congrégation aux études théologiques et aux vertus sacerdotales. Qu'il nous soit permis de rendre hommage aux qualités éminentes du digne Supérieur. Jeune encore, il a montré, dans le cours d'une administration de cinq ans, une intelligence, un tact et une fermeté hautement appréciés ; il a su organiser fortement la discipline intérieure de la maison, faire fleurir les bonnes études et la bonne éducation. Les familles, les élèves, tous ceux qui l'ont connu et estimé garderont un souvenir reconnaisant du R. P. Le Floch. Il peut être assuré des vœux sympathiques de tous, comme il l'a été de leurs regrets sincères et unanimes (Journal de l'Oise, 14 nov. 1900) ». De ces regrets sincères, le R. Père eut une éclatante marque, à l'annonce de la séparation, quand une députation de la ville de Beauvais alla supplier Mgr Le Roy, supérieure général, de revenir sur une décision que des intérêts supérieurs l'obligèrent à maintenir.

Ce souvenir reconnaissant, le Révérend Père en eut souvent des preuves touchantes ; lorsque, par exemple, en sa nouvelle résidence, il recevait la visite de ses chers enfants toujours désireux de trouver en lui « un conseiller précieux, un ami dévoué » (Bulletin de l'Association des Anciens).

A Beauvais, le Père avait voulu faire des « chrétiens fermes dans leur foi éclairée et agissante » (Alloc. 15 juin 1902) ; à Chevilly, il veut former des « âmes pleinement sacerdotales » (Eloge funèbre du P. Schneider) ; sa préoccupation constante est d'aider les jeunes gens qui lui sont confiés à « perfectionner, dans les vues les plus surnaturelles, leur esprit, leur cœur, toute leur âme ; à acquérir avec plénitude et précision ce sens théologique qui est la lumière fécondante de l'apostolat » (Eloge funèbre de M. Gendron).

Organisation générale, règlement, plan d'études méthode de travail, conférences spirituelles, direction, tout converge vers ce but supérieur. Les résultats furent merveilleux. « J'ai pu constater, en arrivant à Chevilly, écrit le R. P. Fraisse, l'ordre parfait, la régularité, le bon esprit d'une communauté fervente et heureuse.

Entre temps, le P. Le Floch- avait été élu conseiller général de la Congrégation du Saint-Esprits, et appelé, à ce titre, à prendre part à l'administration de l'Institut, tout en continuant, auprès des scolastiques, ses absorbantes fonctions de directeur ».

Tout cela n'était que la préparation providentielle du P. Le Floch à l'œuvre fondamentale de sa vie. Dieu l'avait destiné à prendre en mains la direction du Séminaire.

Français de Home et à rendre très prospère cette maison illustre, comme il avait rendu prospères l'Institution du Saint-Esprit à Beauvais et le grand Scolasticat des PP. du Saint-Esprit à Chevilly (Notes du R. P. Herbinière).

Le Supérieur du Séminaire Pontifical Français de Rome.

Le séminaire français a été institué à Rome en 1853 par la Congrégation du Saint-Esprit, avec la bénédiction du Pape Pie IX, pour permettre à une élite du clergé de France de se former à la science et à la piété, à l'ombre de la Chaire de Saint-Pierre. Cette œuvre, vraiment providentielle, a bien mérité de l'Eglise de France à laquelle elle a donné des prêtres éminents, pénétrés de la cure doctrine traditionnelle, et inébranlablement attachés au centre de l'unité catholique. Le fondateur et le premier supérieur du Séminaire français fut un breton, le R. P. Louis-Marie Barazer de Lannurien, originaire de Morlaix et mort à Rome en odeur de sainteté le 6 septembre 1854, à l'âge de 32 ans.

Le R. P. Le Floch arriva à Rome en septembre 1904, Dès ce moment, sa vie appartient toute entière au Séminaire français ; il y consacra toutes ses forces et l'on peut dire qu'il s'est vraiment identifié avec l'œuvre qui lui était confiée. Sous sa direction ferme et paternelle, le séminaire progressa rapidement en peu d'années et, à la veille de la guerre, il était arrivé à une magnifique prospérité. Le nombre de ses élèves, qui était à peine de 80 en 1905, n'a cessé de croître chaque année ; en 1914, il dépassait 140. La guerre vint interrompre cet essor ; elle ne put le briser. Désormais l'impulsion était donnée, et la rentrée scolaire d'octobre 1919 a dépassé toutes les espérances ; la maison a dû se dilater pour donner asile à 170 séminaristes.

Plus encore que l'accroissement du nombre, le R. P. Le Floch recherchait la formation parfaite des esprits et des cœurs. Et cette formation trouvait sa formule « dans la maxime fondamentale de la fusion nécessaire des principes vivants de la doctrine avec les aspirations du zèle et de la piété dans l'âme du prêtre ». Un cours supérieur d'Ecriture-Sainte, préparatoire aux examens de Licence biblique, fut inauguré en 1906 ; c'était le premier cours de ce genre établi à Rome avant la fondation de l'Institut Biblique. En même temps les études théologiques et philosophiques recevaient une organisation plus, complète. Un nouvel élan était imprimé à la vie spirituelle par l'éducation des volontés, par l'application aux dévotions fondamentales du sacerdoce et par l'exécution parfaite de la liturgie et du chant grégorien.

Les lignes suivantes écrites pour la préface de la biographie d'un jeune séminariste, mort à 21 ans en prédestiné, l'abbé Emmanuel Pourtal, fixent très exactement la physionomie du séminaire avant la guerre : « Ce peuple de jeunes clercs, dont le nombre toujours grandissant augmentait la joie de les posséder, recevait de la main de Dieu l'abondance des grâces sous les formes les plus variées. La piété enflammait les âmes, l'amour des études sacrées exaltait les intelligences, la charité enlaçait les cœurs dans les doux liens de la devise du Séminaire : « Cor unum et anima una ». Une fidélité pleine de déférence et de respect à la règle commune et à une direction qui ne veut être que paternelle, rendait tout le monde heureux et content : obedientia felicitatis mater ».

Le R. P. Le Floch s'est attaché à maintenir et à développer l'esprit de famille, fait de simplicité et d'étroite confraternité, qui a toujours été la marque distinctive du Séminaire français. C'est grâce aux traditions ainsi fortement établies que l'œuvre a pu traverser, sans en être ébranlée, la grande épreuve de la guerre ; ou plutôt, elle y a trouvé le principe d'une nouvelle prospérité. Pendant que les élèves mobilisés rendaient un magnifique témoignage à la formation reçue, par la sérénité, la noblesse, le sentiment du devoir avec lesquels ils surent se mettre en face du sacrifice suprême, le petit troupeau resté à Rome gardait jalousement l'âme du séminaire ; à leur retour les absents, l'ont retrouvée telle qu'ils l'avaient laissée.

Les Séminaristes savent bien ce que Santa-Chiara, doit au R. P. Le Floch. Ils sont fiers de leur supérieur et ils l'entourent d'une reconnaissante et affectueuse vénération. Le 25ème anniversaire de son ordination sacerdotale, 29 janvier 1912, leur fournit l'occasion d'organiser des fêtes grandioses dont le souvenir est conservé dans une élégante brochure intitulée Jubilemus, pleine de discours, de poésie, de musique et de chants. Chaque année, à l'époque des souhaits de nouvel an, par la bouche de leur doyen, ils expriment à leur Père les sentiments qui remplissent leurs âmes. Les allocutions que le R. P. Le Floch a prononcées en ces circonstances et au cours des nombreuses solennités qui se sont déroulées à Santa-Chiara, sont de vrais chefs-d'œuvre par l'élégance de la forme, la finesse et la sobriété du trait, l'art délicat de l'à-propos, les horizons d'idées qu'elles ouvrent. Toutes mériteraient d'être publiées et réunies en volume. Sous la direction du R. P. Le Floch, le Séminaire français s'est fait apprécier de plus en plus par les évêques de France et par le Souverain Pontife. Les témoignages en sont multiples et particulièrement significatifs. Pie X a dit, en plusieurs circonstances mémorables, sa joie et ses félicitations : « Le Séminaire de Santa-Chiara, affirmait-il à un évêque en 1910, par sa foi, sa piété, sa discipline, est le salut de la France ». Quelques semaines plus tard, recevant les élèves en audience, il s'appropriait la parole du cardinal Pie : « Le salut de la France viendra du Séminaire français ». Dans l'audience du 20 décembre 1909, il disait déjà : « Le Séminaire français, en donnant à ses élèves un enseignement orthodoxe, est à l'origine de cette unité de doctrine et de cette sainteté de vie qui font la gloire du clergé de France ».

Le Pape Benoît XV a exprimé dans des termes aussi explicites sa haute satisfaction. Dans la lettre qu'il faisait écrire au R. P. Le Floch par le cardinal Gasparri le 27 janvier 1915, à l'occasion de la deuxième édition de son ouvrage sur Claude Poullart des Places, il disait :

« Le regard paternel du Souverain Pontife se porte avec affection vers la grande institution pontificale et française, depuis dix ans confiée à votre sollicitude, et dont la prospérité croissante est aussi l’œuvre de votre sagesse et de votre zèle. Le Saint-Père se plaît à, vous rendre le témoignage d'y avoir appliqué, avec un succès reconnu de tous, au bénéfice de la piété, des études et de toute la formation romaine, les méthodes et les principes transmis en patrimoine par le Serviteur de Dieu, Claude-François Poullart des Places, qui mettait si profondément au cœur de ses disciples, avec l'amour de la science et de la perfection sacerdotale, le dévouement à l'Eglise et à la Chaire de Pierre ».

Le Consulteur des Congrégations romaines et l'Écrivain.

Bien que le R. P. Le Floch ait eu l'unique ambition de consacrer toutes ses forces à l'œuvre du Séminaire français, son activité n'a pas tardé à déborder au dehors. Il est des personnalités, dont les talents s'imposent naturellement. En même temps que des évêques de France le chargeaient des démarches les plus délicates, les Souverains Pontifes l'appelaient à participer aux travaux des Congrégations romaines, marquant ainsi en quelle estime ils le tenient, lui et ses travaux.

Deux ans après son arrivée à Rome, il devenait Consulteur de la S. C. de la Propagande. L'année suivante, 16 novembre 1908, un billet de la Secrétairerie d'Etat de Sa Sainteté le nommait Consulteur de la S. C. Consistoriale, l'un des principaux dicastères romains : c'est à elle qu'il appartient d'établir les nouveaux diocèses, d'élire les évêques, de trancher les questions qui touchent à l'administration ecclésiastique.

Consulteur d'une Commission cardinalice en mai 1912, puis de la Commission pontificale pour la revision des Conciles Provinciaux, membre du Conseil supérieur pour les Séminaires, il fut nommé, le 29 janvier 1913, Consulteur de la S. Congrégation des Séminaires et des Universités des Etudes. Enfin tout récemment, le 27 juin 1918, Sa Sainteté Benoît XV daignait le placer au nombre des Consulteurs du S. Office, le suprême dicastère ecclésiastique dont le pape lui-même est le préfet. Si le secret n'était pas de rigueur, il faudrait parler, pour être complet, des nombreux travaux que la Secrétairerie d'Etat, demande directement au R. P. Le Floch, ainsi que des missions importantes que le Souverain Pontife lui a confiées à plusieurs reprises. Benoît XV témoigne au P. Le Floch la même confiance que Pie X.

Au milieu de tous ces travaux, le R. P. Le Floch a trouvé le temps d'écrire des ouvrages qui lui ont valu un renom d’excellent écrivain. En 1904, paraissait sa « Vie de Claude-François Poullart des Places », fondateur de la Congrégation du Saint-Esprit ; les juges les plus compétents l'ont classée au premier rang des travaux d'histoire ecclésiastique de notre époque. Les « Etudes » des Pères Jésuites en louent le style « ferme, précis, limpide » et déclarent, que le sujet est traité avec les meilleures vues d'un éducateur, d'un philosophe et d'un théologien. L'Académie française a confirmé ce jugement élogieux en couronnant l'ouvrage. Une nouvelle édition a été publiée en 1915 et l'auteur en ayant fait hommage au Pape Benoît XV, a reçu la lettre suivante par l'intermédiaire du Cardinal Gasparri, secrétaire d'Etat : SEGRETARIA DI STATO  DI SUA SANTITA - Dal vaticano, 25 Janvier 1915. - No 3301 Mon Très Révérend Père, Notre Saint-Père, le Pape Benoît XV, a agréé avec une bienveillance toute particulière l'hommage filial que vous Lui avez fait de votre ouvrage intitulé : « Une Vocation et une fondation au siècle de Louis XIV - Claude-François Poullart des Places ». A l'aide de l'histoire, de la psychologie et de la théologie, vous avez fait revivre la noble figure et connaître la grande âme de celui que la Providence avait choisi pour être le fondateur d'une œuvre salutaire et féconde pour le bien, telle que l'a été, dès les origines, le Séminaire du Saint-Esprit, cette pépinière de prêtres destinés à la sublime mission de former les clercs et d'évangéliser les peuples.

Aussi bien le Séminaire et la Congrégation du Saint-Esprit, qui furent souvent l'objet des encouragements du Siège Apostoliqu.e, auxquels vinrent s'ajouter les témoignages les plus flatteurs des pouvoirs publics animés de l'esprit du Christianisme, ont déjà rendu, pendant deux siècles écoulés, les services les plus signalés à la cause sacrée de la Religion.

Votre bel ouvrage; Mon Très Révérend Père, montre la fondation de Claude-François Poullart des Places victorieuse au XVIIIème siècle des menées jansénistes et gallicanes, et, au siècle suivant, toujours fidèle à une parfaite orthodoxie, devenant de plus en plus, par l'accession du Vénérable Libermann et de ses compagnons, l'ardent foyer d'apostolat auquel le Saint-Siège n'a jamais fait appel en vain.

Le Saint-Père a particulièrement goûté les saines et puissantes méthodes de formation théologique et ascétique, précieux héritage de votre illustre et saint fondateur. En effet, plus les messagers de l’Evangile sont ornés des connaissances de l'ordre surnaturel, plus ils possèdent la flamme de la vie intérieure, plus aussi ils sont assurés de leur sanctification personelle et préparés pour la sanctification d'autrui. C'est pourquoi Sa Sainteté est heureuse de vous féliciter d'avoir, en ces pages de haute inspiration, élevé un monument de piété autant que de science à la mémoire de votre fondateur.

En même temps, de ce livre, fruit de vos méditations, déposé en hommage à ses pieds, le regard paternel du Souverain Pontife se porte avec affection vers la grande institution, pontificale et française, depuis dix ans confiée à votre sollicitude, et dont la prospérité croissante est aussi l'œuvre de votre sagesse et de votre zèle. Le Saint-Père se plaît à vous rendre le témoignage d'y avoir appliqué, avec un succès reconnu de tous, au bénéfice de la piété, des études et de toute la formation romaine, les méthodes et les principes transmis en patrimoine par le Serviteur de Dieu, Claude François Poullart des Places, qui mettait, si profondément au cœur de ses disciples, avec l'amour de la science et de la perfection sacerdotale, le dévouement à l'Eglise et à la Chaire de Pierre.

Souhaitant que votre ouvrage serve à édifier beaucoup d'âmes en perpétuant une glorieuse et sainte mémoire, le Saint-Père vous envoie, comme gage des faveurs célestes, la Bénédiction Apostolique, qu'il daigne étendre avec bonté, en ces douloureuses circonstances, à tous vos collaborateurs et à tous vos élèves, présents et absents.

Je vous exprime ma reconnaissance personnelle pour l'exemplaire du même ouvrage que vous avez eu la gracieuse pensé de m'offrir, et je vous prie d'agréer, mon Très Révérend Père, l'expression de mes sentiments cordialement dévoués en Notre Seigneur. Pierre, Cardinal Gasparri.

En. 1916, le R. P. Le Floch fit paraître une brochure destinée à un grand retentissement et qui a raffermi beaucoup de votations : « Les Elites sociales et le Sacerdoce ». Un bon juge, S. Em. le Cardinal Billot, écrivit à l'auteur de « ces belles et fortes pages si rigoureusement exactes quant à la doctrine ; si parfaitement mesurées quant à l'appréciation des faits, et surtout si opportunes au point de vue des graves nécessités de l'heure présente ».

Benoît XV adressa à l'auteur, en cette circonstance, une lettre autographe des plus élogieuses que nous sommes heureux de donner ici :

« A NOTRE CHER FILS HENRI LE FLOCH, DE LA CONGRÉGATION DU SAINT-ESPRIT, SUPÉRIEUR DU SÉMINAIRE PONTIFICAL FRANÇAIS DE ROME.
Cher Fils,
Nous avons, pris connaissance, Nous même, avec un intérêt tout particulier, de votre belle et forte étude, Les Elites sociales et le Sacerdoce, pages très importantes par les pensées vivantes qu'elles renferment et par l'exposé très lucide que vous en avez fait, relativement à une question essentielle, et capitale pour l'Eglise et pour la société à toutes les époques, et qui revêt dans les temps présents un caractère encore plus grave. Car ce n'est pas seulement en France que le nombre des ouvriers évangéliques ne suffit plus à la moisson des âmes. En plusieurs autres pays catholiques, la disette des ministres sacrés se fait aussi tristement sentir, et vous avez fait oeuvre très utile et salutaire, en rappelant, avec une grande élévation de jugement, que, toutes les classes de la société ont le devoir de répondre à la grâce de l'appel au sacerdoce.

Vous avez obéi à une inspiration très opportune en publiant votre étude au milieu des événements tragiques de la guerre, dans des circonstances qui sont favorables, à l'ascension des esprits vers les choses supérieures et bien propices à la méditation de tous les devoirs.

Le sacerdoce est la lumière du monde et le sel de la terre ; il est, comme vous le dites fort bien, l'honneur des familles et le rempart des sociétés. Son rôle ne peut être que de premier ordre dans les restaurations futures.

Nous souhaitons donc, en conséquence, que tous les cœurs chrétiens associent leurs efforts et leurs prières en une sainte croisade. Que les pères et les, mères de famille ne craignent point de diriger le regard de leurs enfants vers les radieuses clartés du sanctuaire ; que les prêtres à charge d'âmes mettent tout leur zèle à découvrir et à cultiver les prédispositions au sacerdoce ; que les maîtres chrétiens aient cette constante préoccupation dans l'œuvre de l'enseignement et que les évêques donnent l'impulsion et la coordination à tous ces efforts.

Comme gage des faveurs célestes et en témoignage de Notre paternelle bienveillance, Nous vous accordons de tout cœur à vous, aux directeurs et aux élèves, présents et absents, du Séminaire Pontifical Français, le bienfait de la Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 9 Août 1916. Benedictus PP. XV ».

Cet éloquent appel aux classes, élevées de la société en faveur du recrutement sacerdotal n'est pas restée sans effet. Quatre éditions françaises se sont succédé rapidement. Une traduction italienne est parue à Tortona en 1917, précédée d'une belle lettre de S. Em. le Cardinal Ferrari, archevêque de Milan.

Le défenseur du Pape.

La conduite du Papi Benoît XV pendant la guerre a été l'objet des critiques les plus injustes et les plus odieuses, contre lesquelles les catholiques eux-mêmes n'ont pas été assez en garde. Une perfide Campagne de presse a été organisée pour dénigrer le Chef de l'Eglise. La Revue de Paris avait publié dans ses numéros du 15 octobre et du 1er novembre 1918 un venimeux pamphlet contre le Souverain Pontife, sous le titre « La Politique de Benoît XV ». Les apparences de documentation minutieuse du publiciste anonyme, un ton affecté de modération, la qualité de catholique qu'il revendiquait, étaient nature à jeter le trouble dans les esprits. Il importait de faire voler en éclats cette façade et de montrer que cette œuvre d'injustice et de mauvaise foi était inévitablement vouée à la ruine. C'est ce que le R. P. Le Floch a fait d'une façon magistrale dans une réplique victorieuse, parue d'abord en article de tête dans le « Correspondant » du 10 mars 1919 ; puis tirée en brochure à la librairie Téqui (Paris).

L'apparition de cette réponse a été un soulagement pour les catholiques, auxquels elle apportait des arguments péremptoires. Le publiciste anonyme s'est, tenu coi ; et à la suite de l'intervention du B. P. Le Floch, la campagne de calomnies s'est ralentie considérablement.

Le Pape Benoît XV a manifesté à l'auteur, dans les termes de la bienveillance la plus significative, son entière satisfaction. Il a daigné offrir lui-même des exemplaires de ce travail à d'éminents personnages admis à l'audience. Le Cardinal Secrétaire d'Etat a agi de même. De tous côtés les approbations les plus, flatteuses, les remerciements les plus spontanés sont venus au R. P. Le Floch, témoignage certain de la nécessité et de l'efficacité de son œuvre.

Qu'il suffise de transcrire au hasard quelques appréciations. Le Bulletin de l'institut Catholique de Paris « Après la lecture de ce lumineux travail qui, malgré le nombre des documents cités, n'engendre nulle fatigue, mais satisfait pleinement l'esprit par sa rigoureuse logique, son style incisif, agrémenté çà et là, d'humour et de traits piquants à l'adresse de l'anonyme pris en flagrant délit... d'inexactitude, on remercie intérieurement l'auteur d'avoir dissipé les nuages de l'erreur et d'avoir vengé la grande figure de Benoît XV, en projetant sur elle les clairs rayons de la vérité historique ». Au témoignage de la Croix du 13 mars 1919, la réplique du R. P. Le Floch est « magistrale et absolument péremptoire ». Le Courrier de Genève conclut, dans son numéro du 14 avril, qu'elle « restera comme l'un des plus remarquables travaux de critique dont la littérarature chrétienne contemporaine se soit enrichie » (Notes du R P. Le Rohellec, du Séminaire français).

L'éminent Supérieur du Séminaire français s'est toujours opposé à ce qu'on parlât de lui dans cette « Monographie » ; mais j'ai à compter avec les Kerlaziens que ne me pardonneraient jamais de taire le nom de leur bienfaiteur et du compatriote qui leur fait tant d'honneur.

Pardon de Kerlaz.

La fête patronale de la paroisse de Kerlaz se célèbre le dimanche de la Pentecôte. Elle attire une affluence considérable de pèlerins, et de curieux de Douarnenez et des paroisses environnantes. Dans l'ancien temps, la procession du pardon suivait la route pittoresque et accidentée qui descend vers la fontaine de Saint-Germain, distante d'un petit kilomètre du bourg, pour retourner par le chemin creux qui passe par le Calvaire de Kergarrec. Sur le parcours de la procession, à droite quand on descend vers la fontaine, se trouve, en bordure du chemin, un gros bloc de, quartz, qui rappelle vaguement une chaise renversée. On l'appelle la chaise de saint Germain, « Kador sant Jermen ». Elle possède, dit-on, une grande vertu curative. Aussi voyait-on autrefois, en pleine procession, les rhumatisants se détacher du cortège pour aller s'asseoir sur cette pierre. Depuis que la procession ne passe plus par là, cette coutume a presque disparu. Aujourd'hui la procession suit la route de Douarnenez jusqu'au nouveau Calvaire de Kernelbet. Cet itinéraire offre des avantages : le chemin est large et uni et la procession peut s'y déployer beaucoup plus librement. Kerlaz a eu ses romanciers et ses poètes. André Theuriet (GODEFROY, Littérature française), de l'Académie française, a chanté ses « Œillets ».

Voici la gracieuse petite poésie qu'il a consacrée à son pardon :

A travers les ormeaux un ciel de couleur grise - Illuminait gaîment la pelouse et l'église - Où l'office avec calme et ferviur s'achevait. - Les femmes au portail, les hommes au chevet, - Sur l'herbe agenouillés égrenaient leurs rosaires, - Tandis que dans la nef des chantres aux voix claires - Psalmodiaient en chœur. Le parvis était plein ; - Les gens de Plonévez et ceux de Châteaulin - Etaient venus parés de l'habit de dimanches. - Les femmes avaient mis leurs neuves coiffes blanches - Et les enfants dormaient aux jupes accrochés, - Les mendiants aussi sur leurs bâtons penchés - Arrivaient à la file, et d'un ton lamentable - Présentaient aux passants leurs sébiles d'érable ; - Et sous l'épais abri des vieux chênes rêveurs - Le cidre et le vin frais attendaient les buveurs. - Soudain dans le clocher tout revêtu de mousse - La cloche lentement élève sa voix douce, - Et chacun fut debout. Les bannières flottaient ; - En avant, chapeaux bas, les hommes les suivaient. - Puis venaient deux tambours, vieilles têtes ridées, - Leurs longs cheveux tombant sur leurs vestes brodées - Ils allaient et le front et le pas mesuré, - Et tous deux, ils battaient avec l'air inspiré - Une marche à la fois héroïque et pieuse. - Derrière eux s'avançait dans sa robe soyeuse - La Vierge au lis doré que portaient en tremblant - Deux filles aux yeux purs, au front voilé de blanc, - Ainsi coupant le ciel de sa ligne sévère - L'humble procession montait vers le Calvaire. - Et la cloche tintait au loin, et les tambours - Aux cantiques mêlaient leurs roulements plus sourds - C'était religieux, agreste, simple et grand, - Beau de cette beauté naïve qui vous prend, - Vous serre et d'un coup d'aile, à l'idéal vous porte. - Comme en un rêve doux, je sentis la foi morte - Se lever dans mon coeur, et vers mes yeux soudain - Portant les doigts, je vis des larmes sur ma main.

(Abbé Horellou).

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