Retour page d'accueil       Retour Ville de Kergrist-Moëlou   

L'église de Kergrist-Moëlou remonte aux premières années du XVIème siècle. Ainsi l'atteste une inscription dans la pierre, au-dessus de l'autel du transept sud : " Le IV jour de juillet l'an mille VC4 fut comancé leuvre de Notre-Dame ". L'église, en effet, est dédiée à Notre-Dame de Bon-Secours, mais le patron de la paroisse est " an Aotrou Krist ", et le pardon annuel se déroule au jour de l'Ascension.

Les fondateurs en furent les barons, seigneurs et alliés de Rostrenen : on peut lire en effet les lignes suivantes dans un acte de prise de possession de la baronnie, daté du 29 août 1669 : " Du dit Mezle-Pestivien, nous nous sommes pareillement transportés en la présence et ce requérant la dite Dame du Coscro (Florimonde de Keradreux) assistée du dit Bannier au bourg et paroisse de K/grist-Moelou et jusques à l'église, laquelle la dite dame du Coscro nous aurait pareillement dit être dans le fief et haute justice de la dite baronnie de Rostrenen, les seigneurs de laquelle baronnie y sont seigneurs de fief, fondateurs, supérieurs premiers et seuls prééminenciers, et entrée en la dite Eglise nous y aurions trouvé Missire Jan Le Fell [Note : ce prêtre figure dans le cahier de paroisse de 1642 à 1685] prestre lequel nous aurait dit qu'il est natif de la dite paroisse de K/grist-Moelou, qu'il est habitué en la dite Eglise depuis les sept à huit ans et qu'il a toujours vu et entendu faire les prières nominalles pour les barons de Rostrenen comme seigneurs de fief et fondateurs de la dite église et paroisse ".

On ne saurait sans injustice omettre d'apprécier la générosité de ces mécènes qui rivalisèrent de bienfaisance dans cette fondation. Mais il est aussi permis et hautement équitable de mettre l'accent sur l'habileté des artistes à sculpter dans la pierre un édifice comme celui-ci. Rarement on rencontre des églises dont les murs à l'extérieur sont comme ici presque littéralement couverts de moulures et de sculptures. D'aussi pures merveilles de granit sont " des critères incontestables de la richesse matérielle et spirituelle d'un pays ; un pays miséreux ne peut se permettre richesses somptuaires ; un pays sans foi trouve à son argent autre emploi que la gloire de Dieu. Même bâtis tout au long du XVIème siècle, ces monuments étaient l'épanouissement d'une longue richesse d'argent et d'art accumulée pendant les règnes des derniers ducs " (J. Chardronnet).

Ainsi ce monument, un des plus riches joyaux architectoniques de la Cornouaille, représente l'un des derniers vestiges d'une époque florissante et témoigne de la prospérité de la Bretagne à la veille du Traité d'Union (1532).

L'édifice.

" Intéressant édifice du XVIème siècle, restauré de 1867 à 1873 par les entrepreneurs E. Chamaillard, de Rostrenen, et Yvon Bellec, suivant les directives de l'abbé Daniel, recteur de Bulat, et de Gaultier du Mottay, et classé le 16 février 1921 " (R. Couffon).

Façade méridionale.

Au soubassement de la tour, à l'angle sud-ouest de l'église, est adossé un élégant reliquaire, destiné à recueillir les ossements exhumés du cimetière. La nécessité d'aérer l'intérieur d'un tel édicule explique que les murs en sont percés de nombreuses baies. Les arceaux, en ogives trilobées, reposent sur des meneaux aussi légers que gracieux. Sur le tympan couchant, rampent des feuilles frisées.

Entre le portique méridional et la tour, une petite fenêtre, dont la rose affecte la forme d'une fleur de lys, déguisé la nudité du mur et celle du comble. Un peu au-dessous de la clef de voûte de cette fenêtre, un chérubin tient entre les mains l'écusson du donateur de la verrière ou celui du fondateur de l'église.

Le porche méridional ou des Apôtres se distingue de la plupart des porches de même style par l'absence des clochetons qui flanquent d'ordinaire les deux jambages de la porte. Cette réforme accuse pour cette église l'époque de la dernière transition architecturale dans notre pays. Les contreforts sont ornés de niches trilobées et couronnés de légers clochetons. Le tympan est percé d'une fenêtre en équerre, flanquée de deux écus frustes, ayant pour tenants des chérubins et jadis sans doute blasonnés des armes de Rostrenen. A l'intérieur du porche, les douze apôtres sont placés à droite et à gauche sur d'élégants piédestaux ; des dais gothiques couverts de légères sculptures leur servent de couronnement.

Un peu à droite du portique des Apôtres, on remarque une petite fenêtre flamboyante, parallèle à celle d'écrite plus haut.

Arrive maintenant le transept méridional, où la profusion des ornements va toujours croissant. La première chapelle percée d'une magnifique fenêtre géminée. La légèreté, la finesse des meneaux et des roses accusent une sorte de témérité ; les feuilles de choux qui rampent en guise de guirlandes sur l'arceau en accolade de cette verrière sont du plus gracieux effet. Le tympan est lui-même couvert de crochets, d'écussons frustes, de tenants et de supports et d'une infinité d'autres sculptures qui, toutes rivalisent de délicatesse et d'élégance avec la fenêtre elle-même. La deuxième chapelle est un peu moins riche d'ornements. La sculpture y a toutefois déployé plus d'un de ses caprices, entre autres celui d'une gargouille qui représente un loup rongeant un os.

Façade orientale.

Surplombant une rue étroite, cette façade est malheureusement trop rapprochée des maisons, ce qui empêche le recul nécessaire pour admirer la richesse des détails et de l'ensemble. C'est pourtant la plus somptueusement ornée, celle où le luxe et le faste des sculptures le disputent aux formes et aux manières capricieuses. Cette préférence d'estime et cet intérêt particulier, que l'artiste a ici accordés à cette partie de l'église, dénotent de la part de celui-ci une foi qui discernait, parmi tous les autres, le lieu le plus saint de l'édifice.

Cette façade est percée d'une belle verrière géminée : ses meneaux et ses roses ont l'élégance et la coquetterie de ceux de la verrière méridionale. Parmi toutes les sculptures qui ornent le tympan, nous remarquons un chien, un singe, un aigle, un sphinx et des lions. Toutes ces sculptures se détachent de la pierre avec une hardiesse et un relief qu'on rencontre rarement, même dans les ornements de bois. Certes, le dessinateur qui, avec son crayon et ce verset de l'Ecriture : " Benedicite, omnes bestiae et pecora Domino " [Note : Vous tous, bestiaux et petit bétail, bénissez le Seigneur (Ps. 148)], orna ainsi les murs de Kergrist Moelou, avait du génie, mais le sculpteur, dont le ciseau a fouillé si délicatement une pierre, de sa nature si rebelle, avait aussi bien du mérite.

" Nous regrettons, ajoute l'abbé Daniel, restaurateur de l'église, auquel nous devons la plupart des détails de cette description, que le riche chevet de l'église soit masqué par une classique et sombre sacristie qui contraste singulièrement avec les formes si harmonieuses, de toutes les autres parties de ce monument. Il semblerait qu'elle ait servi à l'origine de banc ou chapelle des seigneurs fondateurs de l'église ".

Façade septentrionale.

Souvent d'une grande pauvreté dans la plupart de nos églises, cette façade a reçu ici quelques décorations. Les verrières sont élégantes et en parfaite analogie de style avec les autres fenêtres, sauf deux petites fenêtres dont les cintres accusent le style de la Renaissance.

Toujours de ce côté nord de l'église, nous remarquons une corniche en pierre, sculptée en ceps de vigne, d'une délicatesse admirable. Les feuilles se détachent en plein relief et ne tiennent à la pierre que par les extrémités des tiges, qui serpentent gracieusement sous les grappes. A l'angle, un Bacchus tenant entre ses mains les attributs de la gourmandise, y fait aussi l'office de gargouille. Il ressemble à s'y méprendre à quelqu'un qui se grise.

Tour et façade occidentale.

La tour a environ 40 mètres de haut et permet de découvrir un vaste panorama. Point de mire de toute la région, le clocher, au temps de la Ligue, attira le rassemblement des patriotes bretons de Haute Cornouaille, pour aller lutter aux frontières de la Bretagne contre les ennemis de la patrie. Le " Barzaz Breiz " dans le chant de départ des Ligueurs cornouaillais pour le siège de Craon (1592), en a conservé le souvenir.

Les contreforts de la tour, décorés de petites niches, sa pyramide garnie de crochets et déguisant sa base derrière un groupe de pinacles hardis et de légers clochetons, ses parapets découpés en larmes … placent ce monument parmi les plus riches de la région.

Sur une banderole qui enlace la façade occidentale, on peut lire l'inscription suivante : PA G ET P JEZEQUEL OUVRIERS. D L C BORGN ET H CALVEZ CUR. LE XV JOUR D'APRIL. L'AN MILLVCIII FUT COMMENCEE CESTE TOUR RICHARD PAUL C LOSTEC ET F BORGN FABRICES LORS.

Sur les moulures et autres ornements des jambages ou pieds droits de la porte, on remarque deux bas-reliefs dont l'un représente une scène très connue de l'histoire de Bretagne : saint Yves juge, entre le riche et le pauvre. Quant à l'autre sculpture, elle est dans un état de mutilation tel qu'on ne peut lui donner aucune signification.

Intérieur de l'église.

En entrant par le porche méridional, on pousse une porte du XVIème siècle avec panneau représentant saint Pierre. La partie inférieure vient d'être restaurée en 1971.

A droite de la nef, une autre porte, ouvrant sur les fonts baptismaux (ancienne sacristie), est également du XVIème. Les panneaux représentent saint Pierre, saint André, saint Jean et saint Paul.

Face à la porte, au bas de la nef, on remarque une cheminée, chose assez rare dans une église.

La voûte.

Le regard du visiteur est attiré par les peintures du lambris. Ces peintures, nous dit un ancien recteur, M. Pommeray (1875), ne font mauvais effet qu'à l'endroit des figures des évêques français du concile du Vatican. Les figures mal reproduites par le peintre prêtent à critique. Par ailleurs le lambris fait bon effet, les arabesques surtout sont loin d'offenser l'œil.

Ce sont donc les Pères du Concile Vatican I (1870). L'évêque de Saint-Brieuc, lors d'une visite pastorale (Mgr. David), note son opinion : " Les habitants de Kergrist peuvent en toute vérité être fiers de leur église. Dégradée par le temps, elle a été restaurée intelligemment et peut compter aujourd'hui parmi les plus beaux monuments de notre diocèse. Le lambris ogival a été biens exécuté et est conforme au style de l'église. Les peintures décoratives ont droit à nos éloges et les médaillons, quoique de plus difficile exécution, ne sont pas dépourvus de tout mérite … ".

Apprécions en passant la diplomatie du pontife. Ce lambris est de M. Guel, de Gouarec (1869) et les peintures, de M. Gilbert, de Rostrenen (1871). Charpente et couverture ont été complètement refaites de 1969 à 1972.

Le dallage.

Ce dallage porte la date de 1870 et a été réalisé par F. Clou, de Lannion, ouvrier à Rostrenen, qui n'a pu terminer son allée centrale. Les pierres en furent fournies par F. Conan, professeur au petit séminaire de Plouguernével, par sa sœur, propriétaire de Krec'h-Moelou, et par le comte de Janzé, propriétaire du bois de Kergrist, lieu d'extraction de la pierre. " Les charrois, nous dit le chroniqueur, furent faits à l'envi par les habitants de la paroisse ".

Le maître-autel.

Cet autel, en pierre de Kersanton, œuvre de M. Larhantec, de Morlaix, en 1878, fut consacré par Mgr. David le 25 juillet 1880. Il ne fait pas grand effet, bien qu'il soit très beau, car il se trouve dans un faux-jour. La reproduction de la Cène, en particulier, a dû demander à son auteur pas mal de temps et beaucoup d'adresse.

Les verrières.

Leur intérêt actuel est d'avoir gardé les écussons des seigneurs fondateurs ou alliés. Derrière l'autel, à droite celui des Rostrenen en alliance avec les Pont-l'Abbé ; à gauche : Foix et Rostrenen. Dans la fenêtre orientale : les Rostrenen, Keranrais et Pestivien ; la croix d'argent indique la Savoie. Les mêmes familles se retrouvent dans la rose de la fenêtre septentrionale, premier et deuxième transepts. Dans le vitrail du transept méridional, on remarque les armes du Béarn, de Rosmadec, de Pont-l'Abbé et de Rostrenen. Pourquoi le Béarn et la Savoie ? C'étaient les alliances de la Maison de Foix. Or, vers 1500, Pierre de Foix, baron de Langon, épousa Louise du Pont-l'Abbé, baronne de Rostrenen. Les armes des Pestivien, Keranrais et Rostrenen se croisent à chaque instant. Ces familles ont eu en effet plusieurs alliances : vers 1280, une Constance de Rostrenen est mariée à Jean de Pestivien, et de leur mariage naquirent Jean et Tiphaine de Pestivien. Celle-ci épousa Alain de Keranrais. Jean et Tiphaine furent entendus au procès de canonisation de saint Yves.

Les statues.

Statues anciennes de sainte Anne, saint François d'Assise, saint Louis, sainte Catherine et moderne de saint Yves.

La chaire.

Le clocher.

Le clocher abrite quatre cloches qui portent les inscriptions suivantes :

1° La plus légère.

Joseph Marie Joachim.

Parrain : M. J. Bercot.

Marraine : Dame Marie F. Rot, née Conan.

MM Le Gloannec Recteur, Conan Maire.

Laudate Dominum in cymbalis [Note : Louez le Seigneur sur les cymbales (Ps. 150)].

Briens à Morlaix 1846.

2° Sa sœur jumelle.

Marie Reine Jeanne de Kerghrist Mouellou.

Parrain : J.F. Marie Le Huerou Kerisel ad.

Marraine : Marie F. Loyer, née Borciot.

MM. Le Gloannec Recteur, Conan Maire.

Fondue par les Briens Père et Fils à Morlaix 1846.

Vespere et Meridie et Mane narrabo et annuntiabo [Note : Soir et Midi et Matin je raconterai et annoncerai].

3° La plus ancienne.

(anonyme).

Messire François Le Carrec, Recteur de K. Crist Moellon et parrain.

Marie Josephe Lucas, épouse de Louis Donniou, adjoint et marraine.

Pierre Le Minter, Maire.

Faite par la Veuve Guillaume Louvière de Morlaix, L an 1826.

4° La plus lourde et la plus jeune.

Je m'appelle Christ Claude Jean François Marie.

Mon parrain est Claude Le Gloannec, Recteur.

Ma marraine est Mme P. L. Connan, née Dselle Jeanne Françoise Le Moine.

Vic. Mr. F.L. Le Clech.

Conseillers de Fabrique : Mrs René Le Huerou, F M Rot, P L Connan, P M Connan, Jph Le Bon, Le Bernard.

Verum laudo Deum Plebem voco congregato Clerum.

Ploro Defunctos. Hostem Fugo. Festa Decoro [Note : Je loue le vrai Dieu, j'appelle le people, je réunis le clergé, je pleure les défunts, je repousse l'ennemi, je décore les fêtes].

A la gloire de Marie. Fondue pour KCHRIST à Ploermel par les Frères 1856.

La charpente des cloches a été totalement refaite en 1972 par les soins de André Connan, charpentier à Saint-Lubin. Les travaux ont été financés pour la plus grande partie par la municipalité, M. L. Le Nagard étant maire. L'électrification des cloches a été assurée par l'entreprise Bodet, de Trémentines. Il n'a pas fallu moins de 53 pièces (chevilles non comprises), en cœur de chêne, pesant plus de deux tonnes, pour monter le nouveau beffroi.

Le calvaire.

Le calvaire de Kergrist-Moelou, directement inspiré pour le plan et pour bien des détails de celui de Plougonven (Finistère), date de 1578 (inscription sur face ouest : EN L AN 1578 G. JEZEQUEL). Il a été restauré au XIXème siècle. Sur une autre face, se voit un écu fruste, sans doute celui du baron de Rostrenen, ou celui du donateur du monument. Son érection fut décidée à la suite d'un vœu du baron de Pont-l'Abbé, dont la fille mourante obtint sa guérison après un pèlerinage de son père à Kergrist. Une gwerz raconte l'histoire. L'auteur, Erwan ar Gall, né et mort à Saint-Servais, fut recteur de Lescouet au début de ce siècle.

Divers.

Nota : les photos réalisées par Gilbert Frey sont la propriété du site infobretagne.com.