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LA FONDATION DE LORIENT

LE FAOUÉDIC, TRÉFAVEN ET PLŒMEUR EN 1666

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I.

Le Faouëdic ou Féandick, pour employer l'expression vicieuse de l'ordonnance de 1666, concédé à la compagnie des Indes-Orientales pour l'établissement des « ports, quais, chantiers, magasins et autres édifices nécessaires à la construction de ses vaisseaux et armement de ses flottes » ; ce lieu, jusqu'alors obscur et inconnu dans l'histoire, dont le nom ancien avait été le Fouët ou Faouët, et le nom adopté depuis un siècle Le Faouëdic-Lisivy ; ce lieu formait à l'embouchure de la rivière du Scorff, rive droite, un petit fief noble de la paroisse de Plœmeur, qui relevait de la châtellenie de Tréfaven incorporée à la principauté de Guémené.

A part l'heureuse situation géographique de son territoire formant presqu'île, Le Faoëdic n'avait en 1666 rien que méritât d'attirer l'attention ; et aussi à ne juger que par les apparences, qui donc alors aurait pu prédire à ce coin de terre, pour ainsi dire abandonné, les destinées splendides qu'on lui connaît aujourd'hui ? En effet, ce fief, à cette époque, était peut-être le plus délabré, le plus misérable de tous ceux de la contrée. Un petit bois de haute futaie, un bois taillis, une rabine (plantation alignée), une ancienne motte féodale, un moulin, une fuie (ou colombier) conservaient bien encore à ce domaine un certain air féodal, un certain cachet de terre noble ; mais le moulin était à peu prés inhabitable ; et le colombier, le manoir, le jardin clos étaient hélas ! en ruine depuis longtemps, peut-être depuis la tourmente de la Ligue qui désola si affreusement cette partie de la Bretagne !

Toutefois la petite presqu'île du Faouëdic-Lisivy n'était ni délaissée ni inhabitée. Les terres du manoir et le moulin étaient exploités par des fermiers, et, entre le moulin et les ruines du manoir se trouvait un groupe de chaumières dont les habitants, à la fois marins et cultivateurs, comme tous ceux du littoral avant le regrettable régime des classes, régime qui a pu procurer des équipages aux escadres, mais qui a enchainé, qui a tué l'esprit d'initiative nécessaire aux entreprises maritimes, cet esprit d'aventures si éminemment français, qui ne peut vivre sans la plus entière liberté. Les habitants de ce hameau, nommé Kervérot, ne cultivaient qu'une faible étendue de terre autour de leurs demeures mais toute la partie comprise entre ces terres cultivées et la pointe méridionale du Faouëdic était inculte, elle se nommait la grande lande du Faouëdic, ou du Roshellec, nom d'un monticule sur lequel s'élève aujourd'hui la tour du port. Cette grande étendue de terres incultes, couverte d'ajoncs et de bruyères, contenait environs cent vingt journaux ou soixante hectares.

On ne connaît rien d'intéressant concernant Le Faouëdic-Lisivy. Cependant, un examen attentif et minutieux de cette terre noble, qui contenait, outre son manoir décrépit, les ruines d'un très ancien castel nommé Le Cloistre ; le voisinage de l'antique château féodal de Tréfaven, dont les tours crénelées se miraient, à quelques centaines de mètres en amont, dans tes eaux du Scorff ; les étymologies des noms de lieux relevés sur cet étroit territoire tels que Le Cloistre, Foouët, Kerverot, Roshellec [Note : Le Cloistre vient du latin Claustrum (place forte) ; Faouët est tiré également du latin Fovetum Foveta (fossés, retranchements) ; Kerverot est composé des trois mots bretons Ker (village), mér (gardien, custos), aot (côte, rivage de la mer) ; Roshellec est aussi formé de deux mots bretons Ros (tertre), et hellec (guetteur, chargé de surveiller au loin)]. L'assiette même du Faoëdic-Lisivy resserré dans une presqu'île, posé en quelque sorte comme une sentinelle pour surveiller, sinon pour défendre l'entrée de la rivière ; toutes ces raisons seraient susceptibles de faire jouer à notre modeste fief, dans l'imagination de l'antiquaire, un rôle plus ou moins important dans les siècles passés. Mais ce ne serait là qu'une vaine satisfaction de l'esprit et toutes les probabilités qui pourraient résulter de la plus savante dissertation pour faire admettre entre Tréfaven et le Faouëdic un rôle commun dans l'ancienne organisation militaire ou féodale du pays, demeurerait sans valeur véritable, faute de preuves réelles : ne nous y arrêtons donc pas davantage.

Ce que l'on sait des seigneurs du Faouëdic n'offre pas non plus grand intérêt, sauf une exception ; citons cependant tous ceux de ces seigneurs dont les noms nous sont parvenus : ils doivent trouver place dans les annales lorientaises au même titre que ces antiques portraits qui, malgré les traits effacés, la toile en lambeaux et le cadre vermoulu, figurant cependant dans les galeries de famille où ils ne représentent le plus souvent qu'un souvenir, un nom, une date.

Le plus ancien seigneur connu de notre petit fief se nomme Henri de Lizivy ; il figure parmi les seigneurs du Kemmenet-Heboë qui rendirent hommage au vicomte de Rohan, au château d'Hennebont (vieille-ville), le 20 juillet 1396 [Note : Pour de plus amples détails relatifs au Faouëdic-Lisivy et à ses seigneurs, consulter une notice intitulée Le Faouëdic–Lisivy ; Lorient, Corfmat, éditeur, 1863].

En 1425, unThebaud de Lesvy, nom écrit pour Lisivy vraisemblablement, accompagne. Jean V, duc de Bretagne, dans un voyage à Amiens.

Un siècle après, le 29 juillet 1527, Antoine de Lizivy, maître d'hôtel de Jean de Laval, sire de Châteaubriant, représente ce seigneur à Hennebont dans la curatelle de Louis de Rohan, sire de Guémené.

On suppose, sans en avoir la certitude, que ces deux derniers, Thebaud et Antoine de Lesvy et Lisivy, étaient des seigneurs du Faouët et qu'ils descendaient de Henri de Lizivy de 1396.

En 1555, François de Lisivy habitait le manoir du Faouët.

Vingt ans après, ce fief était possédé par Maurice de Trémillec, et après lui, par Jean de Jégado, seigneur de Kerholain, son gendre. Ce Jégado se distingua pendant les troubles de la Ligue ; d'abord dans les rangs des Ligueurs, puis sous les bannières royales, et particulièrement au fameux siège de Crozon. Sous la minorité de Louis XIII Jégado eut encore occasion de se distinguer, en étouffant à Hennebont un mouvement insurrectionnel des partisans des Princes du sang soulevés contre la Régente, partisans qui avaient à leur tête le fameux baron de Camors (1614).

Pierre de Jégado, fils du précédent, lui succède dans la possession des seigneuries de Kerholain, Le Faouëdic-Lisivy et autres lieux. Il est fondateur de la petite abbaye de Kerlot, prés de Quimper. Il mourut en 1657 sans laisser d'enfant ; échue à des héritiers collatéraux sa succession était encore en liquidation en 1666.

II.

Une exploration du terrain sur lequel la compagnie des Indes-Orientales se propose de prendre pied serait incomplète si on ne l'étendait, en dehors du Faouëdic, jusqu'au château de Tréfaven et à la paroisse entière de Plœmeur ; et si l'on se taisait sur l'histoire de cette partie de l'évêché de Vannes, sur sa constitution féodale ancienne et sa situation en 1666.

Les actes de Bretagne les plus anciens, documents authentiques ou légendes, apprennent qu'au moyen-âge, et même à une époque antérieure, le territoire compris entre les rivières l’Ellé et le Blavet, traversé par le Scorff et s'étendant jusqu'à la mer, formait un grand canton nommé Kemmenet-Heboë ou Quémenet-Heboi. Il était limité au nord par un autre canton nommé Kemmenet-Guingamp ou Guémené-Guégant et à l'est par la vicomté de Rohan jusqu'à la rive droite du Blavet. Le Kemmenet-Heboë ou heboi avait pour limites territoriales, de l'Ellé au Blavet, les paroisses de Priziac, Saint-Caradec-Trégomel Lignol Persquen, Locmalo, Guern et Melrand.

« Le Quemmenet-Heboi, écrit M. de la Borderie, était une grande seigneurie, largement taillée dans l'ouest du comté de Vannes, qu'elle séparait de la Cornouaille ; .... Hennebont était le chef-lieu de cette seigneurie, non la ville actuelle d'Hennebont, sise sur la rive gauche du Blavet (où le Quémenet-Hehoi ne passa jamais), mais la vieille ville d'Hennebont qui dresse encore aujourd'hui ses ruines en face de la nouvelle et de l'autre côté du fleuve..... » (Revue de Bretagne et Vendée, t. X , p. 373.)

Ce grand canton, richement doté par la nature, fut de tout temps, précisément à cause de son heureuse situation, l'un des plus agités, des plus tourmentés de la Bretagne, pendant les guerres si nombreuses et de toute nature qui désolèrent, qui déchirèrent cette province. De là, vers l'époque du moyen-âge, où les barons bretons vivaient à peu près indépendants et guerroyaient les uns contre les autres quand ils ne prenaient pas les armes contre le duc leur suzerain, de là cette multiplicité de castels que l'on signale sur le Kemmenet-Heboi antérieurement au XIIIème siècle. Sur la Laita et l'Ellé, c'étaient les châteaux de Carnoët et de Quimperlé ; sur le Scorff : Tréfaven, Kersalo, nommé aussi Châteaubrient, La Rochemoisan et Pontcallec ; sur le Blavet : Kemmenet-Heboi ou Hennebont, et Lochrist car l'île Lochrist eut aussi son château, nommé on ne sait comment, le nom en est peut-être perdu à jamais, mais les titres et les noms terriers, donnent encore à des parcelles de terre de cet îlot, les désignations de Parc-er-hastel et de Verger-du-vieux-Château (1650-1867). A cette liste, il conviendrait peut-être d'ajouter Kermadehoy, Le Verger, La Saudraye, Tihenry, d'autres noms de lieux encore, où, vraisemblablement s'élevèrent, dans les mêmes temps, des édifices féodaux plus ou moins considérables, défendus par des tours, des murailles et des douves.

Cependant, cette organisation défensive, formidable pour une époque où la poudre et le canon étaient encore inconnus, ne put tenir contre les efforts persévérants des ducs de Bretagne, particulièrement ceux de Pierre Mauclerc et de Jean Le Roux, tendant à dompter les barons et à les réduire sous leur obéissancé. Entre les nombreux conflits que éclatèrent à cette occasion, l'un deux, celui de 1247 doit être particulièrement signalé ; car il eût, sur le sort du Kemmenet-Heboi, les conséquences les plus décisives.

A propos de contestations relatives à certains droits de navigation nommés droits de brefs, prétendus par les seigneurs de Léon, et revendiqués par le duc de Bretagne, Hervé, sire de Léon, Guihomar, vicomte de Léon, les barons de Lanvaux et de Craon s'étant ligués, prirent les armes contre le duc Jean, dit Le Roux. Mais ils furent vaincus. Les barons de Craon et de Lanvaux tombèrent entre les mains du duc. Ce prince confisqua les domaines de Lanvaux, et il ravagea le Kemmenet-Heboi, pays voisin dont une partie appartenait à Hervé de Léon et une autre au baron de Lanvaux. Dans cette guerre furent brûlés et démantelés les châteaux des rebelles ; C'est à cette époque qu'il faut fair remonter le démantellement ou la disparition de la plupart des Castels et des châteaux du Kemmenet-Heboi : Quimperlé, Hennebont, Lochrist, Tréfaven, Kersalo et Spinefort, pour ne citer que les habitations féodales dont l'existence en tant que forteresses est certaine ou très présumable.

Là ne s'arrêta pas l'œuvre de Jean Le Roux. Pour se garantir à l'avenir contre de nouveaux soulèvements, ce duc multiplia les précautions. De la portion du Kemmenet-Heboi, confisquée sur le baron de Lanvaux, unie à certaines possessions du même canton, appartenant à une dame de Tyhenri femme de Eudon Picaut, ce prince formala châtellenie de Pontcallec. Il augmenta les fortifications du château de ce nom qui devint une demeure ducale, et il construisit, sur la paroisse de Cléguer, relevant de la nouvelle châtellenie, le castel de Tronchâteau, dans le voisinage de Pontscorff. Sur la Laita, Jean Le Roux agrandit le château de Carnoët, autre résidence ducale, dont le parc entouré de fortes murailles s'étendait sur la paroisse de Guidel, rive gauche de la rivière. Puis, par un traité passé en 1264 entre Hervé de Léon et Pierre de Bretagne, fils du duc investi de la châtellenie de Pontcallec, le sire de Léon prit l'engagement de ne jamais relever les fortifications du château d'Hennebont, indivis par moitié entre eux, et de n'élever à l'avenir aucune forteresse sur les paroisses de Saint-Caradec et de Caudan. Il est permis de penser que par d'autres traités intervenus dans l'intervalle de 1247 à 1264 directement entre le duc et Hervé de Léon, défense fut faite à ce dernier de relever aucun des châteaux détruits pendant la dernière révolte ; car, à partir de cette époque, et pendant plus de deux siècles, il n'exista sur le Kemmenet-Heboi, La Rochemoisan excepté d'autres forteresses que Pontcallec et Tronchâteau. Le sire de Léon et ses successeurs n'eurent pendant tout ce temps, d'autre habitation dans cette contrée que le manoir de Tréfaven privé de travaux de défense.

Ces faits importants se passèrent, remarquons-le, vers la fin du règne de Louis IX, saint roi qui à son lit de mort dicta ses sages conseils au prince appelé à lui succéder.

« Regarde diligemment comme tes sujets vivent en paix et droiture sous toi, surtout dans les bonnes villes et cités, et maintiens leurs franchises et libertés, les tenant en laveur et amour. Car, par la richesse et puissance de tes bonnes villes, tes ennemis et adversaires, spécialement tes pareils et tes barons redouteront de t'assaillir et de méfaire envers toi..... ».

Peu-être, inspiré de la même politique Jean Le Roux, pour détruire à jamais la puissance féodale sur le Kemmenet-Heboi, cette porte du duché, créa-t-il à cette époque les communautés bourgeoises et les villes closes de Quimperlé et d'Hennebont ; ce qu'il y a de certain, c'est que, moins de soixante ans après lui, en 1343, au commencement de la sanglante et longue guerre de succession à la couronne ducale de Bretagne, le roi d'Angleterre, du parti de Montfort, sollicitait le concours des bourgeois d'Hennebont et de Quimperlé, et que ces deux petites villes se trouvaient alors solidement fortifiées. [Note : D. Morice cite deux lettres adressées par le roi d'Angleterre aux notables et à la communauté des villes de Quimperlé et d'Hennebont (probis hominibus et communitati). Il est très regrettable que cette historien n'ait pas reproduit le texte de ces précieux documents. (Preuves, t. 1er col. 1440)].

A partir de ces grandes commotions, c'est-à-dire à partir du règne de Jean Le Roux, le Kemmenet-Heboi demeure partagé en quatre châtellenies ou grandes seigneuries nommées Pontcallec, la Rochemoisan, les fiefs de Léon et Tréfaven, et chacune d'elles fut composée de telle sorte, leurs domaines se trouvèrent tellement enchevêtrés les uns dans les autres, que toute tentative sérieuse de révolte de l’un ou l'autre des seigneurs de ces grands fiefs devenait impossible.

Ainsi la châtellenie de Pontcallec s'étendait sur la paroisse de Berné, sur une partie de Saint-Caradec-Trégomel, sur Inguiniel, Bubry, Quistinic, partie de Lanvaudan et ses trêves, Calan et Lomellec, partie de Plouay, Cléguer, partie de Caudan et de Saint-Caradec-lès-Hennebont, y compris une moitié du vieux château de Kemmenet-Heboi (vieille-ville).

La seigneurie des fiefs de Léon, dont le siége était à Plouay, nommé quelquefois le bourg de Léon (quartier de Bécherel), partageait avec Pontcallec le château d'Hennebont et les paroisses de Plouay, Saint-Caradec-Hennebont Caudan, Lanvaudan et ses trêves ; toute la paroisse d'Inzinzac et Penquesten sa trève en dépendait. Puis, traversant le Scorff, les fiefs de Léon partageaient avec la châtellenie de la Rochemoisan les paroisses d'Arzanno, Lesbin et Gestel sa trève, et Quéven. L'île de Groix relevait également des fiefs de Léon et de la Rochemoisan.

La châtellenie de la Rochemoisan du nom d'un très ancien castel situé en la paroisse d'Arzanno, outre l’île de Groix et les paroisses d'Arzanno, Lesbin et Quéven qu'elle partageait avec les fiefs de Léon, possédait tout Guilligomarch, trêve d'Arzanno, Meslan, Rédené et Saint-David sa trêve, Guidel (juveignerie de la Saudraie). Enfin La Rochemoisan partageait encore la paroisse de Plœmeur avec la seigneurie de Tréfaven.

Cette dernière seigneurie, la plus petite des sections de l'ancien Kemmenet-Heboi, était presque entièrement enclavée dans la paroisse de Plœmeur, car le pièces détachées qu’elle possédait peut-être dans Quéven, et même dans Lesbin et Arzanno, étaient peu importantes. Le territoire principal de la seigneurie de Tréfaven était fort peu étendu, il est à peu prés certain qu'il ne se composa que de la partie de la paroisse de Plœmeur, ayant pour limite une ligne partant de l'étang du Faouëdic vers Merville, continuée jusqu'au Gayec ; et de l’autre côté les limites de la paroisse de Quéven ; c'était à peu près les deux frairies de Saint-Phélan et du Damani, de la paroisse de Plœmeur. Le manoir de Tréfaven était situé sur la frairie du Damani, nom dérivé peut être du latin Dominium, domaine.

A chacune de ces grandes seigneuries appartenaient des droits de passage (pas, trépas), de pèche et de navigation sur le Scorff et le Blavet, du moins c'est ce qui résulterait d'anciens titres du XVème et du XVIème siècles.

Cependant, d'après un très vieux compte de receveur de Tréfaven, de 1474, on pourrait supposer que la plupart, sinon tous ces droits de navigation, de pêche et de passage sur le Blavet et le Scorff, à l'exception de ce qui avait été réservé à Pontcallec avec la moitié d'Hennebont dépendirent primitivement de Tréfaven, dont l'origine serait dû précisément à la nécessité de surveiller et de commander sur les deux rivières, origine susceptible d'expliquer l'étymologie du nom même de Tréfaven : Treff, lieu fortifié, (oppidum), aven, rivière. Château de rivière. (D. Pelletier et Davies).

En effet, dans ce vieux document (Archives du Morbihan. — Fonds de La Rochemoisan) qui consiste en un « compte de Jehan Le Tehouer, recepveur de Treizfaven, rendu au seigneur de Guémené-Guingamp pour l'année 1474, et présenté au château de Guémené le quatorziesme jour de febvrier 1474 (à cette époque l'année commençait à Pâques) », on parvient à déchiffrer les passages suivants :

« Item se charge d'autre part Jehan de la Barre… Le Mezec, Yvon Stanguen et aultres recepveurs des droits deux sur les ports et hâvres de Henbont et Scorff pour les coustumes de vins de monseigneur (de Guémené) tant..... que Nantoys.....

Item supplie et..... luy estre mis en souffrance et depport VIII livres III soubz IV deniers pour les coustumes des vins de monseigneur deschargés à Treizfaven et à Pontscorff ès mois de novembre et décembre l'an MCCCCLXXIIII.

Et pour les coustumes de Rohan et aultres..... ès port et hâvres de Henbont XIIII l. XV s VII d… ».

Quoi qu'il en soit, Tréfaven, atteint par la décadence féodale qui frappa le Kemenet-Heboi au treizième siècle, vécut obscurément à l'état de simple manoir, n'exerçant sur les vassaux d'autre autorité que celle des gens de justice et des collecteurs d'impôts et de revenus ; dans le ressort de la juridiction ducale d'Auray d'abord et d'Hennebont ensuite. Ce qui se passa dans son petit rayon seigneurial est inconnu ; ou du moins le peu que l'on en sait est absolument dénué d'intérêt historique ; le voici cependant, du plus loin que l'on puisse remonter.

A la fin du douzième siècle, ou dans les premières années du siècle suivant, un seigneur du nom de Hervé de Léon, sire de Châteauneuf, épousa la fille de Henri de Kemmenet-Heboi, fils de Soliman. Celle-ci partagea avec son frère l'héritage paternel, malgré l'assise du comte Geoffroi, et elle apporta à son mari la moitié du château d'Hennebont, les domaines qui furent ensuite, dit-on, désignés sous le nom de fiefs de Léon du nom de son mari (Voir la note A à la fin du mémoire) et la seigneurie de Tréfaven.

Hervé de Léon habita Tréfaven. Au moment de partir pour la Terre-Sainte, en 1218, il date de ce château une donation qu'il faisait à l'abbaye de Daoulas : Datum apud Trisfaven in motu peregrinationis nostrœ ad Hierosolymam anno gratiœ 1218 (D.M.). Ce seigneur ne revit pas la Bretagne ; il périt dans un naufrage en effectuant son retour dans ses foyers.

Demeurée en la possession des descendants de ce premier seigneur de Léon, la seigneurie de Tréfaven passa dans la maison de Rohan en 1320, par le mariage d'Olivier, vicomte de Rohan, et de Jeanne de Léon.

Après avoir appartenu temporairement à Geffroi de Rohan, évêque de Vannes, et à Josselin de Rohan, évêque de Saint-Malo, enfants d'Olivier de Rohan, Tréfaven forma l'apanage d'Édouard, frère cadet d'Alain VIII, vicomte de Rohan ; puis cette terre fut constituée en dot à Louise de Rohan, fille d'Édouard, qui épousa en premières noces Patry de Châteaugiron, et Jean de Rostrenen en secondes noces (Voir la note B à la fin du mémoire).

On croit que Edouard de Rohan mourut à Tréfaven vers 1445.

Jean de Rostrenen, deuxième mari de Louise de Rohan, dame de Tréfaven, habita ce manoir ; c'est ce qu'il déclare personnellement dans une enquête édifiée à l'occasion du fameux procès de préséance intervenu en 1479 entre le vicomte de Rohan et le comte de Laval. (D. M. hist. 2ème vol. Preuves supplémentaires.) (Voir la note C à la fin da mémoire).

Au mois de mars 1456, Jean de Rostrenen, le dernier habitant de Tréfaven, ou du moins le dernier seigneur qui ait fait sa principale résidence à ce manoir, échangea le fief entier de Tréfaven contre la seigneurie du Couédor, au baillage de Ploërmel, appartenant au sire de Guémené-Guégant, de la famille de Rohan. A partir de ce moment et pendant près de trente ans, notre antique manoir demeure silencieux ; il n'a d'autre habitant, après le départ de Jean de Rostrenen, que le receveur ou procureur fiscal, Jean Le Tehouer peut-être ; et d'autres visiteurs, que les sires de Guémené-Guégant parcourant leurs immenses domaines qui s'étendaient presque sans solution de continuité sur les deux rives du Scorff, depuis sa source jusqu'à la mer.

Cette existence obscure, silencieuse, menaçait de se prolonger indéfiniment, par suite d'une réunion de fiefs dont le château de Guémené, séjour habituel du maître, absorbait tout l’éclat, lorsque, tout-à-coup, Tréfaven étant devenu, de la part de ses nouveaux seigneurs, l'objet d'une prédilection particulière, recouvra entre leurs mains une importance qui lui avait été ravie depuis plusieurs siècles, c'est-à-dire depuis le règne fameux du duc Jean, dit le Roux. A ce sujet, quelques détails sont nécessaires.

On a vu la seigneurie de Tréfaven passer dans la maison de Rohan en 1320, par le mariage d'une héritière de la famille de Léon, avec le vicomte Olivier de Rohan. En 1363, les fiefs de Léon eurent le même sort ; Jeanne de Léon, femme de Jean, vicomte de Rohan, recueillit ces domaines dans la succession de son frère, Hervé de Léon, mort sans enfants. L'accroissement de puissance de la maison de Rohan dans le comté de Vannes n'avait point encore atteint son apogée.

En 1377, Jean de Rohan acheta de Jeanne de Beaumer, dame de Longueval, les châtellenies de Guémené-Guégant et de la Rochepiriou, et la seigneurie de Penvern, juveignerie de Guémené-Guégant, moyennant trois mille quatre cents francs d'or. Trois années après, en 1380, le duc de Bretagne, Jean IV, fit donation de la châtellenie de La Rochemoisan, confisquée sur Bouchard de Vendôme, à ce même vicomte de Rohan, veuf de Jeanne de Léon, à l'occasion du second mariage contracté avec Jeanne de Navarre et de la naissance de Charles de Rohan issu de cette union, enfant, destiné à former la tige de l'illustre maison de Guémené. Mais il paraît que ces dépouilles prélevées sûr Bouchard de Vendôme donnèrent lieu à des difficultés, car, peu d'années après, le 2 février 1382, par un traité passé à Chartres, ce seigneur ratifia la libéralité de Jean IV, mais ce fut à la condition d'une indemnité de douze mille trois cents florins d'or nommés francs, que Jean de Rohan s'engagea à lui payer ; il est vrai qu'à la châtellenie de La Rochemoisan fut annexé le petit fief de Querrien qui en était voisin.

Toutes ces châtellenies et seigneuries de Tréfaven, fiefs de Léon, La Rochemoisan, Querrien, La Rochepiriou, Guémené-Guégant et Penvern, représentaient la plus grande partie des deux vastes cantons de Kemmenet-Heboi et Kemmenet-Guingamp des siècles passés. La châtellenie de Pontcallec, aux mains du duc de Bretagne, se trouvait placée au centre de cette vaste réunion de fiefs, avec deux châteaux forts, Pontcallec et Tronchâteau, alorsque tous ces immenses domaines de l'opulente maison de Rohan étaient sans le moindre castel, sauf ceux de La Rochemeisan et de La Rochepiriou qui ne ponvaient constituer une force sérieuse, à supposer qu'ils fussent demeurés debout après les commotions de la longue guerre civile d'où la Bretagne n'était sortie que depuis vingt ans.

Réunies sur la tête de Charles de Rohan, fils du second mariage de Jean, vicomte de Rohan, et de Jeanne de Navarre, et demeurées en la possession de ses descendants, ce groupe de châtellenies fut érigé en principauté de Guémené en 1570, sous le régne de Charles IX ; mais un siècle auparavant, sous le dernier duc de Bretagne, François II, leur régime avait été l'objet d'un remaniement important. Chacun des grands fiefs déjà cités avait eu à l’origine sa juridiction particulière, haute, basse et moyenne ; ses officiers de justice, sénéchaux, procureurs fiscaux, notaires, procureurs et sergents. Mais une fois réunis dans la même main, cette multiplicité d'officiers, de fonctionnaires, si on peut s'exprimer ainsi, était au moins inutile, si elle n'était pas onéreuse et abusive. On a vu qu'en 1474 Tréfaven avait pour receveur Jean Le Tehouer : il cumulait cette fonction avec celle de procureur fiscal, et pour ces deux emplois il recevait par an sept livres dix sous de gages ; c'est lui-même qui l'indique dans le compte dont nous avons eu occasion de nous servir précédemment. Le sénéchal, nommé Eon Boscher, recevait des gages plus modiques, cent sous par an ; il est vrai que ce premier magistrat de la juridiction n'exerçait pas de cumul. Le bourreau, car Tréfaven avait droit de haute justice, et ses poteaux patibulaires avec ceps et carcans étaient plantés dans le village de Kerentrech, l'exécuteur des hautes œuvres recevait trente sous de gages ; mais comme cet emploi devait procurer à son titulaire des loisirs bien rarement interrompus, on s'était abonné pour Tréfaven avec le bourreau d'Hennebont.

Une fois en possession de Tréfaven, en 1446, avons-nous dit, le sire de Guémené-Guégant projeta la réunion des fiefs de La Rochemoisan, Querrien et Tréfaven, tous trois situés sur la rive gauche du Scorff, en une seule châtellenie administrée par les mêmes magistrats, les mêmes officiers. Cette réunion fut enfin autorisée par le duc de Bretagne ; cela résulte d'un document très précieux pour Tréfaven, publié par les soins de M. A. de La Borderie dans la Revue de Bretagne et Vendée (t. X, p. 386), et dont voici la reproduction textuelle :

« François, par la grâce de Dieu, duc de Bretagne, comte de Montfort, de Richemont, d'Estampes et de Vertus, à tous ceux qui ces présentes lettres verront et orront, salut. Comme à nous, de nos droits royaux et ducaux, souveraineté et noblesse, appartient et non à autre en nostre pais, créer, instituer, ordonner et ériger châteaux, places et chastellainies en nostredit pais, et en icelles places et chasteaux ordonner guet et garde pour la seureté et deffense d'icelles, et principalement nous soit loisible le faire à ceux et ès lieux et endrois éminens et qui apparoissent estre édifiez pour le recueil, refuge et seureté de nous, de nos sujets et de leurs biens par temps de guerre et hostilité ; et soit ainsi que nostre très cher et bien-amé cousin et féal Louis de Rohan, seigneur de Guémené-Guingamp, de Montauban et de La Rochemoisan, ait jà piéçà fait encommencer une place et chastel nommé et vulgairement appelé Treizfaven, laquelle place il fait actuellement construire et édifier, et entend iceluy ouvrage conduire et faire parachever, tellement que en bref temps elle sera forte et deffensable pour résister à puissance d'ennemis que la voudroient invader et assaillir, et est bien requis qu'elle soit de bonne et grande fortification, pour ce qu'elle est située sur la coste et rivage de la mer, en dangereux avènement d'ennemis, et pour plus grant seureté et deffense d’icelle place, desire nostredit cousin y avoir guet et garde, et aussi y adjoindre le guet et garde qui, de long temps et ancien, est et a accoutumé estre en la place et chastel dudit lieu de La Rochemoisan paravant la ruine et démolition qui est à distance dudit lieu de Treizfaven de trois lieues seulement ou environ, laquelle est jà piéça cheue en ruine et décadence, nous suppliant humblement qu'il nous plaise sur ce luy subvenir et pourvoir de remède convenable ;

Scavoir faisons que nous, lesdites choses considérées, et les bons, grants, louables et honnorables plaisirs et faveurs que de longtemps a fait à nous et à nos prédécesseurs, que Dieu pardoint, nostredit cousin et ses prédécesseurs, dont il est digne de louyer et rémunération, désirans l'honneur et augmentation du bien de luy et de sa postérité, ainsi que nous sommes informez du bel et somptueux édifice que fait faire et construire nostredit cousin audit lieu de Treizfaven, et la fortification et grande deffense qui est et sera en icelle, selon l'avis et conduite dudit édifice qui pourra grandement servir au bien, seureté et deffense de notre pais, recueil et refuge de nos sujets à icelle place par le temps de hostilité ;

Pour lesdites causes et autres à ce nous mouvans, avons aujourd'hui, de nostre autorité, grâce espéciale et pleine puissance, institué, ordonné et érigé, instituons, ordonnons et érigeons par ces presentes ledit lieu, place et seigneurie de Treizfaven en châtel et châtellainie à toujours, aux droits, prérogatives, libertés, privilèges, prééminence, deues et accoutumez à châtel et châtellainie.....

Voulant et voulons que ledit lieu et place de Treizfaven il puisse clore et fortifier de douves, fossez, tours, murailles, belouvartz, portaux, ponts-leveis et autres édifices de deffense, tout ainsy que bon luy semblera, et aussi qu'il puisse contraindre à icelle place les hommes et sujets de ladite seigneurie de Treizfaven et aussi les hommes et sujets de ladite châtellainie de La Rochemoisan, qui est près et joignant ladite seigneurie de Treizfaven, à faire le guet et garde de ladite place de Treizfaven. Lequel droit et devoir de châtellainie et forteresse et aussi le guet, de ladite place et châtel de La Rochemoisan, pour lesdites causes, mesme pour ce qu'elle est ruineuse et cheue en décadence, nous avons transféré, adjoint et uni, et par ces présentes transférons, adjoignons et unissons à ladite place et châtellainie de Treizfaven.....

Si donnons en mandement.....

Donné en nostre ville de Nantes, le X juin l'an MCCCCLXXXII, (signé) FRANCOIS. — Et sur le repli : Par le duc, de son commandement (signé) RICHARD. » (Titres de Guémené, Mss. Bibl. Impér. Suppl. François, n° 2338).

Le château de Guémené venait d'être construit ou devait être en construction au moment même où le duc délivrait au sire de Guémené-Guégant l'autorisation de fortifier Tréfaven et érigeait cette place en châtellenie ; un article de dépense du compte de Jean Le Tehouer en contient la preuve :

« Item se descharge d'authorité da commandement de monseigneur (de Guémené) en une corde d'angen (sic) pour l’édiffice (la construction) du chastel de Guémené-Guingamp, trente-cinq soubz. » — Ce compte, on ne l'a pas oublié, porte la date du mois de février 1474.

En 1485, le vicomte de Rohan, de son côté, obtenait l'autorisation de bâtir le château de Pontivy. Le faible François II s'écartait donc complètement de la politique de ses prédécesseurs qui, depuis deux siècles et demi, s'étaient assurés du Scorff et du Blavet, en ne tolérant, le long de leur cours, l'érection d'aucun château qui pût, entre les mains des barons, porter ombrage à la puissance ducale. Bien plus, dans le temps où ces faveurs imprudentes s'accumulaient sur deux branches de la puissante famille de Rohan, Pontcallec et Tronchâteau, deux petites forteresses alors susceptibles de tenir le pays en respect, n'appartenaient plus aux ducs de Bretagne depuis quelques années ; la maison de Malestroit s'en trouvait investie. C'était peut-être un excès de confiance dans la fidélité des Rohan et des Malestroit ; un péril pouvait en naître quelque jour, malgré le voisinage de la ville close d'Hennebont et de sa milice bourgeoise plutôt intéressée à garder sa fidélité au prince qu'à favoriser une rébellion de barons. Mais l'aveuglement de François II ne fut pas de longue durée, et lorsqu'il décida, en 1486, de faire construire, à l'entrée de la rade du Blavet, une tour pour y tenir du canon, nul doute qu'il n'ait voulu réparer ses fautes, en se précautionnant tout à la fois contre les ennemis du dedans et du dehors.

François II mourut, deux années après ; les destinées de la Bretagne changèrent bientôt, et les ordres concernant l'érection de la tour de Blavet furent oubliés. Cependant, ce que l'on pouvait craindre d'une trop grande puissance, d'une trop grande liberté accordée aux grands vassaux du voisinage de la mer, ne se réalisa jamais ; ni Tréfaven, ni Guémené, ni Pontivy n'exercèrent d'influence sérieuse sur la contrée baignée par le Blavet et le Scorff ; Tronchâteau et Pontcallec n'en eurent pas davantage ; tandis qu'au contraire la ville close d'Hennebont, après comme avant, fut le point de mire des partis qui agitèrent la province jusqu'au moment où Blavet, devenu la clef du pays, annihila sans retour cette vieille prépondérance de la cité bourgeoise (1616).

Ainsi, de Tréfaven notamment, c'est à peine si l'on découvre quelque fait historique certain qui fixe l'attention de l'annaliste dans l'intervalle qui s'est écoulé entre le moment de son érection en châtellenie et les premiers travaux de la Compagnie des Indes orientales dans son voisinage. Rien ne constaterait, même aujourd'hui, l'achèvement du bel et somptueux édifice en construction en 1482, sans la description qu'en contient l'Aveu rendu au roi, en 1683, par la duchesse de Rohan, princesse de Guémené, en ces termes :

« Le chasteau de la terre et seigneurie de Treifaven, lequel consiste dans un grand corps de logix, flanqué de deux grosses tours, qui regarde au midy les rivières de Blavet et de Scorff se joignant ensemble un peu au-dessous : lequel grand corps de logix a de long, entre les deux tours, cent seize pieds, et de haut cinquante et un pieds, sans compter les fondements ; et chacune desdites tours a cinquante et un pieds de diamètre et soixante et un pieds de hauteur sans que les fondements, y soient compris, à machecoulis de pierre de taille ;

Un autre corps de logix, joignant la rivière de Scorff du costé du soleil levant, aboutissant à l'une desdites tours, lequel contient soixante-quinze pieds de long et quarante pieds de haut, et non compris les fondements ; la court du chasteau dans laquelle sont les escuries ; le jardin du chasteau.

Et sont ladite court et ledit jardin enclos et fermés par lesdits corps de logix et par des murailles ; le tout contenant par fond deux journaux et trente-deux cordes ».

Tel devait être, dans un état plus ou moins délabré, comme tout édifice depuis longtemps inhabité par ses maîtres, le château de Tréfaven en 1666. Comme toute maison noble de quelque importance, Tréfaven eut très anciennement sa chapelle privée ; elle était dédiée à saint Judicaël, nom défiguré en celui de saint Uhel. Mais, si de nos jours le nom du saint patron est encore conservé sur les lieux mêmes, par une propriété voisine, habitation de deux anciens maires de Lorient (MM. Esnoul des Châtelets et Audren de Kerdrel), et par une rue du faubourg de Kerentrech, la chapelle a disparu depuis des siècles et son dernier chapelain fut peut-être le compagnon de Jean de Rostrenen, dom Alanou, chapelain et bouteiller.

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en 1666 Tréfaven n'avait plus de chapelle, et que les deux oratoires qui relevaient directement de cette châtellenie, Saint-Armel et Saint-Christophe, étaient à cette époque desservis de loin en loin, aux principales fêtes de l'année et les jours de Pardons, par un vicaire de la paroisse de Plœmeur qui recevait, à ce titre, des princes de Guémené, le mince traitement de douze livres par an.

Si Dom Alanou fut le dernier chapelain titulaire de Saint-Uhel, c'est-à-dire du château de Tréfaven, Eon Boscher, sénéchal, et Jean Le Tehouer, procureur-fiscal et receveur, n'eurent vraisemblablement pas non plus de successeurs. En effet, une fois les fiefs de La Rochemaison (Rochemoisan), Querrien et Tréfaven réunis, leurs juridictions particulières durent être administrées par les mêmes officiers de justice, ayant un auditoire unique fixé à Pontscorff, où La Rochemaison (Rochemoisan) avait déjà peut-être le chef-lieu de sa justice seigneuriale, depuis que le château, siège féodal ancien était « cheu en décadence ».

En résumé, Tréfaven, Guémené et Pontivy élevèrent leurs tours menaçantes au déclin de l'indépendance de la Bretagne. Si ces deux derniers châteaux jetèrent de loin en loin quelque éclat retentissant, il faut l'attribuer presque uniquement à l'opulence de leurs puissants seigneurs et non au choc meurtrier des combattants arrêtés aux pieds de leurs hautes murailles : les grandes luttes du XIIIème et du XIVème siècles étaient passées. Quant à Tréfaven, sans échos de fêtes princières et peut-être sans tumultes guerriers pour troubler le silence de ses cours et de ses vastes galeries, et de jour en jour plus inutile depuis la création de la forteresse de Port-Louis, cet ancien castel voyait depuis deux siècles couler le Scorff qui devait lui révéler une décadence prochaine en lui montrant, dans son miroir liquide, d'épais rideaux de mousses et de lierres, parasites assidus des édifices en ruine.

En 1666, le prince de Guémené, La Rochemaison (Rochemoisan), Querrien et Tréfaven, était « haut et puissant messire Louis de Rohan, septième du nom, duc de Montbazon, pair et grand veneur de France ; » Anne de Rohan, princesse de Guémené, sa cousine, lui apporta cette principauté en mariage.

III.

Complétons cette digression archéologique par quelques mots relativement à la paroisse de Plœmeur.

Féodalement, cette immense paroisse relevait entièrement de la principauté de Guémené, comme dépendance des anciens grands fiefs de Tréfaven et de La Rochemoisan ou de La Saudraie, juveigneurie de La Rochemoisan.

D'après une déclaration du 14 août 1508, rendue au roi et à la reine de France, duc et duchesse de Bretagne, par Jean de Rohan, sieur de Landal, tuteur testamentaire de Louis de Rohan, sire de Guémené, La Rochemoisan était divisée en quatre grands bailliages :

Le bailliage de Guisquet qui s'étendait sur les paroisses de Meslan et de Guilligomarch ;
Le bailliage d'Estobar, formé des paroisses d'Arzanno et de Rédené ;
Le bailliage de Lesbin, pour la paroisse de ce nom et Gestel sa trève ;
Enfin le bailliage de Pohier ou Poher « auquel estoit prevost feu maistre Yves Le Floch, sieur de Kermatehoy (Kermadoué) ; » il s'étendait sur Plœmeur, Quéven, Guidel et partie de l'île de Groix.

Chacun de ces bailliages, aussi nommés prévôtés ou sergenties, se subdivisait en un grand nombre de petits fiefs ou terres nobles, dont quelques-unes étaient cependant assez considérables pour avoir manoir, chapelle, colombier et moulin. Dans Plœmeur, le fief principal était naturellement celui de Kermatehoy (aujourd'hui Kermadoué), siège de bailliage, prévôté ou sergentie féodée, autrefois aux Le Floch, ensuite aux Jégado, et enfin, en 1666, aux du Bahuno, principale famille noble du pays, dont le chef de nom et armes, messire Guillaume du Bahuno, chevalier de l'ordre du roi, seigneur de la Demie-Ville, Kermatehoy, etc., fit en 1667 l'acquisition de la terre de Kerholain en Lanvaudan, partie de la succession bénéficiaire de Pierre de Jégado, et y fixa sa résidence ; de là les du Bahuno de Kerholain.

Les autres manoirs ou maisons nobles de Plœmeur, en 1666, étaient Le Ter, appartenant à écuyer Jean-Baptiste Leziart, sieux du Boisdaniel et du Ter ;

Kerdroual, à écuyer Louis du Plessis, sieur de Penprat ;

Brenzent-Goudallou, à noble homme François Guillemot, sieur de Kerroch : la chapelle Saint-Quintin en dépendait ; les seigneurs de Brenzent et de La Couldraye y avaient leurs armoiries peintes et sculptées tant à l'intérieur qu'à l'extérieur ; celles de Brenzent étaient de sable à la croix endenchée (sic) d'or, au chef aussi d'or, chargé de cinq crosilles de sable ; et les armes de La Couldraye, d'argent à sept macles de sable ;

Kergazer, manoir dont la chapelle n'existait plus, appartenait à noble homme Jacques de Benerven, sieur de Kerguenel ;

Le manoir de Kerguenel était l'habitation de ce même Jacques de Benerven ;

Kerrest était la demeure d'écuyer Louis de Benerven, frère aîné du précédent ;

Keroman, à noble homme Guillaume Eudo, sieur de Keroman : il y habitait avec sa femme, demoiselle Jeanne Huo ;

Kermélo, aux enfans de Jean Riou sieur de Kermélo, et de demoiselle Françoise du Quermeur, dame de Kergario ;

Le Hanvot, où demeurait écuyer Jérôme de La Couldraye, sieur du Hanvot ;

Kerivilly, demeure d'écuyer Louis Jubin, seigneur de Kerivilly, Keryvaut, Kerourant et Kervihan ;

Kerloret, à noble homme maître Julien Amont, sieur du Lintéo, conseiller du roi, alloué de la juridiction royale d'Hennebont, mari de demoiselle Julienne Le Puillon qui lui apporta cette terre en dot.

Telles étaient les principales maisons nobles ou gentilhommières de Ploemeur. Cette paroisse contenait encore une grande quantité de propriétés dites terres nobles, franches d'impôts, mais leur importance était minime.

Sous le rapport religieux, Plœmeur était encore plus largement partagé. Cette grande paroisse, dont la population pouvait bien monter à cinq mille âmes, en 1666, était divisée en quinze frairies, non compris le bourg. Sur chacune de ces frairies ou sections de paroisse, il y avait une ou plusieurs chapelles, sans compter un certain nombre de ces édifices dont il n'existait plus que des ruines, triste souvenir des mauvais jours de la fin du dernier siècle. Plœmeur contenait en outre le siège de deux prieurés, le prieuré de Lannenec dont l'origine, au dire de la tradition et des légendes, remontait au Vème siècle, et le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes, création du XIème siècle. Lannenec avait pour prieur commendataire, en 1666, missire Louis Caset de Vautorte, alors évêque de Lectoure et qui devint plus tard évêque de Vannes (1671) ; le prieuré de Saint-Michel-des-Montagnes appartenait aux prêtres de l'Oratoire du collège de Nantes.

Tous ces manoirs, habités pour la plupart par leurs propriétaires ; tous ces prieurés, toutes ces chapelles, en un mot, tous ces détails doivent-ils faire conclure qu'au temps dont nous parlons la paroisse de Plœmeur était opulente ? Hélas ! non, il s'en faut bien. Sauf quelques exceptions, les gentilhommières tombaient de vétusté, leurs maîtres étaient pauvres presque tous, et ne devaient pas tarder à quitter, pour la ville, les camps, les armées navales ou les vaisseaux de la Compagnie des Indes, le foyer et les champs de leurs ancêtres, en quête d'emplois, d'honneurs et de fortune, laissant pour toujours leurs manoirs à de simples métayers (Voir la note D à la fin du mémoire). Et la plupart des chapelles, abandonnées aux soins et aux libéralités de pauvres paysans, allaient bientôt subir le sort des manoirs. L'église paroissiale elle-même menaçait ruine ; du moins son clocher eut besoin d'être réédifié quelques années après. Enfin, la pauvreté des habitants de Plœmeur était si grande, que leurs recteurs, depuis soixante-quinze ans, logeaient dans des maisons particulières du bourg, faute de presbytère.

Une preuve de la misère à laquelle était réduite la paroisse de Plœmeur, en 1666, c'est que des douze mille journaux ou environ (6.000 hectares) dont se composait sa superficie, le quart seulement était en culture.

Après cette rapide excursion dans les pays environnants, revenons à l'embouchure du Scorff pour assister sur le rivage à la prise de possession du terrain concédé à la Compagnie des Indes-Orientales par l'ordonnance royale du mois de juin 1666.

NOTES.

Note A.

Nous ne partageons pas cette opinion. A notre avis, le nom de Léon donné à cette partie du comté de Vannes ou Broërech aurait une origine identique à celui de la partie de l'Armorique nommé le Léon, aujourd'hui dans le Finistère. Il y eut deux pays de Léon et deux Létavies. M. de Penhouët, dans un petit écrit de vingt pages publié à l'occasion d'une découverte d'inscriptions à Saint-Gondran et à Bieuzy, et des statues de Locminé, fait remarquer, en s'appuyant sur des extraits de Pancirol, commentateur de la notice des empires d'Arcadius et d'Honorius, et de Procope, auteur latin du VIIème siècle, que dans le pays des Venètes, une légion romaine était fixée près d'un fleuve nommé œnum, que M. de Penhouët croit être le Blavet (œnum- pons œn-pons, hen-pont ?) et que cette légion romaine demeura dans le pays où elle se fusionna avec les habitants après la domination romaine.

Que cette opinion soit fondée ou non ; que les extraits de Procope et de Pancirol soient applicables aux bords du Blavet ou non, toujours est-il que dans le pays de Guémené et de Pontivy (M. de Penhouët semble l'avoir ignoré), les anciens du pays désignent encore de nos jours sous le nom de Léonard l'habitant de Plouay, de Lanvaudan et de Languidic ; désignation qui tendrait à faire accorder aux habitants de cette partie des deux rives du Blavet une origine commune, et qui combattrait l'opinion des auteurs qui affirment que le Kemmenet-Heboi s'arrêta sur la rive droite du Blavet. Il y a encore d'autres rapprochements entre Languidic et le Kemmenet-Heboi ou pays de Léon : des noms de lieux tels que Saint-Léon, Keroman, Faouët ; un pardon des fleurs à Languidic comme à Plouay et à Gestel, au mois de mai ; saint Aubin est né au château de Spinefort, sur les bords du Blavet, en Languidic, et c'est sur les bords du Scorff, à Lesbin, qu'il est mort, etc., etc.

Note B.

Patry de Châteaugiron, seigneur de Tréfaven, fut tué au siége de Pontorson en 1427, laissant une fille naturelle, Jeanne de Châleaugiron qui laissa une illustre lignée. D'après Augustin Dupaz, Jeanne de Châteaugiron épousa Pierre Le Baud, seigneur de Saint-Onen, dont elle eut un fils et une fille. Le fils, c'est l'historien Pierre Le Baud, chanoine de la Madeleine de Vitré, mort en 1505. Perrine Le Baud, sœur de ce dernier, épousa Jean d'Argentré, seigneur du Val. De ce mariage naquit Pierre d'Argentré, sénéchal de Rennes, père de Bertrand d'Argentré, également sénéchal de Rennes, historien et jurisconsulte célèbre.

Note C.

Citons ce passage de la déposition de Jean de Rostrenen dans l'enquête de 1474, passage qui intéresse plus particulièrement notre sujet :

« .... recorde que par avant vingt-cinq ans il fut demeurant en sa maison de Triffaven qui alors lui apartenoit, et en celuy avoit un chapelain demeurant avec luy, nommé Dom Jean Alanou, qui le servoit de chapelain et bouteiller ; et dit qu'au brevière d'iéeluy chapelain, qui estoit de fort vieille et ancienne escripture, il vit la légende de saint Mériadec, et la fist lire devant luy par ledit Alanou, et dit qu'en icelle légende estoit entre autres choses contenu que le vicomte de Rohan estoit issu de la lignée masculine d'un roi de Bretagne … ».

Note D.

Voici, au sujet des terres nobles et de l'étendue des terres roturières de la paroisse de Plœmeur à la fin du XVIIème siècle, la reproduction d'un document du plus grand intérêt ; il est extrait des archives de la paroisse. On doit regretter l'absence complète, dans ce titre authentique, de toute indication de même nature concernant les terres ecclésiastiques ; autrement, nous eussions possédé un état exact des terres cultivées en Plœmeur à cette époque ; ce qui est extrêmement rare pour le temps. « Rôle des terres nobles de la paroisse de Plœmeur, pour iceux faire contribuer avecq les terres roturières de la même paroisse à la levée des deniers que les paroissiens dudit Plœmeur ont cy-devant consenty estre levés sur eux, le fort aydant au foible, pour subvenir aux frais tant faict qu'à faire touchant le procès qu'ils ont vers les hérittiers de défunt Missire Richart Esvan, vivant recteur de ladite paroisse, suivant leur acte de dellibération du douziesme janvier dernier, et de l'arrest de la Cour qui s'en est ensuivy le dix-huitiesme dudit mois, pour prendre lettres à la Chancellerie de ce pays, à cette fin, comme fut octroyé le mesme jour à Henry Keruzen et à Jacques Lomenech, fabriques et marguilliers de ladite paroisse de Plœmeur, et pour cest effect suivant la remonstrance faict au corps politique par vénérable et discret missire François Pittu, sieur recteur de ladicte paroisse de Plœmeur, ce dimanche vingt et troisième feubvrier mil six cent quatre vingt sept, lors du prosne, lesdicts paroissiens avaient nommés ou choisys pour esgailleurs les personnes de Pierre Sceau, Jean le Discot, Noël le Goff, Louis Gouallo, Jan le Romancer, Nicolas Guillerme, Jean le Montagner de Kervernic, Yves le Coroller, Ambroise Guillerme, Yves le Halper, Yyes le Hunsec du Petit-Hanvot, Simon le Pipe de Locmaria-er-Hoët, Yves le Doussal, Guillaume Kerneau, Claude le Venedy et Jan le Guerrouer, tous frairiens [Note : C'est-à-dire, délégués par les sections de paroisse ou frairies. Le Corps politique ou Général de la paroisse se composait de l'ensemble des roturiers, propriétaires ou fermiers compris au rôle des impôts de la paroisse ; il ne s'assemblait que dans les occasions importantes ; habituellement l'administration des intérêts de la paroisse se faisait par le conseil de fabrique, composé de délégués de chacunes des frairies, nommés à l'élection ; ces délégués nommaient les fabriques en charges et marguilliers, pris parmi eux] de la dicte paroisse de Plœmeur, lesquels à cette fin ont personnellement comparus devant nous nottaires de la cour royale de Hennebond et de La Sauldraye, concourant à mesme fin avecq submission à ladicte cour royalle y jurée ..... Auquel rôle a esté vacqué ce jour vingt et cinquiesme feubvrier mil six cent quatre-vingt-sept, suivant leur déclaration qu'il y a en ladicte paroisse le nombre de deux cent quatre-vingt-unze journeaux de terres nobles, lesquels avecq les deux mil cinq cens soixante et dix, sept journeaux qui se trouve de terres routurières au mesurage général faict par ledict sieur Recteur, sans comprendrent les terres qui appartiennent auxdicts héritiers (Esvan) comme n'estant tenues à la contribution, font ensemble le nombre de deux mil huict cens soixante et unze journeaux.

Et veu que lesdicts deniers qu'il convient lever sur lesdicts paroissiens se montent à la somme de quatre cent quatre vingt unze livres unze sols conformément auxdictes lettres de la Chancellerie, en outre les frais de l'obtention d'icelle, des deux rôles qu'il convient faire pour en faire la cueillette, que des consultations données depuis qui vont à vingt et huict livres, laquelle avecq celle cy-dessus faict la somme de cinq cens dix-neuf livres unze sols tournois. Pour laquelle somme lever sur lesdicts deux mille huict cens soixante et unze journeaux cy-dessus, il se trouve qu'il défalquerait trois sols huict deniers pour l'afférant de chaque journal. Et pour faire la cueillette, à raison de trois sols huict deniers par journal, ont esté lesdictes terres nobles déclarées et mips par articles comme ensuilt : Et premier,

La frairie de Sainct Laurans. La méthairie du Terre, quinze journeaux ; La métairie de Kerdroual unze journeaux; Kerbrient, douze journeaux.

Frairie de Kervagam. — Jan Le Discot, pour ladicte frairie, a déclaré n'y cognoistre aucune terre noble.

Frairie de Larmor. — Kerbihan, trois journeaux et demy.

Frairie de Kerguélen. — Kerhélio-Kergallan, six journeaux.

Frairie du bourg. — Escuyer Jacques de Benerven, sieur de Kerguenel, cincq journeaux.

Frairie de Kermeur. — Nicolas Guillerme, pour ladicte frairie, a déclaré n'y cognoistre aucune terre noble.

Frairie de Kerveneneus. — Kerlozret, les héritiers du feu sieur du Linteau, unze journeaux.

Frairie de Kereven. — Le lieu des portes de Kerantonnel, neuf journeaux ; audict Kerantonnel la veuffue de deffunct Jan Le Hunssec, deux journeaux ; Lopuhuer, la tenue de Claude du Liscoët, deux journaux.

Frairie de Travalaën. — Kerouran et Kergohel, quatorze journeaux ; Kermarzeven, douze journeaux.

Frairie de Lannenec. — Hierosme Le Montagner, six journeaux ; plus audit Lannenec, Louis Bretin, deux journeaux ; Keriliau, François Le Marres, six journeaux ; le lieu noble du Poullou et Kerberel, douze journeaux ; la corderie du Poullou-Riantec, trois journeaux.

Frairie de Brensent. — Kerduellic, les héritiers d'Augustin Le Tiec, sept journeaux ; Pierre Maurice, cinq journeaux ; Yves Le Grase, trois journeaux ; Le Hanvot, dix-huict journeaux ; Kerivilly, unze journeaux ; Kernevelan, quatre journeaux ; au Restau, la méthairie que profite Louis Le Peschennec, quinze journeaux ; la méthairie que profite Maurice Le Limantour, unze journeaux ; la méthairie de la porte de Kermadehoye, profitée par Jan Randar, dix journeaux ; Bot-er-Sant, dix journeaux ; Brensent des Portes, saize journeaux.

La méthairie du Merdy, escuzée à cause des pierres qu'on y prend pour la tour [Note : La tour de l'église paroissiale de Plœmeur était alors en construction].

Frairie de Ponnonen. — Akerlien-Bastard, vingt et six journeaux ; pour le respect d'0llivier Le Limantour, six desdits journeaux ; Kervehennic, treize journeaux ; Keruher, unze journeaux.

Frairie du Damany. — Au Rouczau François Bretin, quinze journeaux et demy ; le sieur Jean Bihel, cinq journeaux et demy ; la méthairie du chasteau de Treizfaven, Pierre Kerner le jeune, douze journeaux ; Kerulhué, Jacques Jacob, deux journeaux et demy ; Guillaume Le Doussal et ses consorts au mesme village, cinq journeaux et demy ; Le Bourgneuf, Pierre Le Limantour, sept journeaux.

Frairie de Locunollay. — Kerivault, douze journeaux ; Keroman, la méthairie de la porte, cinq journeaux ; Kerbernez, Pierre Randar et consorts, huict journeaux.

Frairie de Saint-Phelan. — A La Villeneufve, méthairie Le Pogam, six journeaux et demy ; Kerentraich, le sieur Desmont, un journal ; Yves Hervé, un journal ; les héritiers de feu Yves Mellac, demy-journal ; Henriette Le Parc veuffue et consorts, trois journeaux ; François Lomenech, un journal ; Guillaume Hervé, pour toute terre noble, un journal et demy. La méthairie du Faouédic, sept journeaux.

Le présent rôle contenant quatre rôles de papier, le premier et dernier y estant comprins, a esté du consentement desdicts paroissiens dellivré aux mains du sieur Yves Blanchart et Nicolas Le Moign, aussi paroissiens, pour iceux faire la cueillette et recepte des deniers y mentionnez et à la susdite raison de trois sols huict deniers par journal avecq le sol par livres pour leur droict de recepte, ainsi que les susdicts paroissiens sont au tout demeurez d'accord prosnallement, ce jour de dimanche vingtiesme avril 1687, parce que iceux Blanchart Le Moign seront tenus de faire leur delligence dans le vingt cinquiesme jour may prochain pour deslay. Et ce faisant de payer lors ladite somme de cinq cens dix-neuf livres tournois auxdicts Kermazen et Lomenech, fabriques et marguilliers de ladicte paroisse. Auquel payement dans ledict terme les susdicts Blanchart et Le Moign se sont obligés par leurs serments et sur le gage et, hypothèque de tous et chacuns leurs biens meubles et immeubles ; en deffault consentent y estre contraincts… Faict et gréé au bourg de Plœmeur, au rapport de Calmar, notaire royal, soubs le signe dudict sieur Blanchard pour son respect, celuy de Jean Poirieràt requeste dudict Le Moign ; et pour lesdicts paroissiens et esgailleurs (répartiteurs) cy-devant nommés, ont signé iceluy dict sieur recteur de Plœmeur, et missire. Gourdy, prestre de la communaulté de ladicte paroisse, et les nostres lesdicts jour et an ».
N. B. — Le total des terres nobles (sous culture) était de 389 et non 291 journeaux, en additionnant les quantités données par frairies ; si on y ajoute la terre du Merdy, dont la superficie n'est pas indiquée, on obtient environ 400 journeaux de terres nobles en Plœmeur. Ce nombre, ajouté aux terres roturières cultivées, porterait à environ 3.000 journaux la superficie des terres de Plœmeur en 1687, et à 3.200, en évaluant les terres ecclésiastiques à la moitié de la superficie des terres nobles.
(M. Jégou).

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