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FAOUEDIC-LISIVY

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LES SEIGNEURS DU FAOUËDIC.

I

Le plus ancien seigneur de la terre du Faouët en Ploemeur que nous ayons trouvé cité, est Henri de Lizivy, seigneur du Faouët, que l'on remarque au nombre des seigneurs de Léon en Guémené Theboy, rendant hommage au vicomte de Rohan, à Hennebont, le 20 juillet 1396 (Dom Morice, T. 2, col. 675).

En 1425, un Thebaud de Lesvy accompagne le duc de Bretagne dans son voyage à Amiens (col. 1173) et un siècle après, le 29 Juillet 1527 un Antoine de Lisivy, maître d'hôtel de Jean de Laval, sire de Châteaubriant, représente son maître à Hennebont dans la curatelle de Louis de Rohan, sire de Guémené (T. 3. col. 972).

Nous connaissons déjà François de Lisivy qui habita son manoir du Faouët en 1555 ; c'est le dernier seigneur de ce nom. En lui s'est éteinte une vieille famille noble qui possédait le fief du Faouët depuis le XIVème siècle au moins, comme le prouve la qualité de seigneur du Faouët donnée à Henry de Lizivy.

Guy Le Borgne, et après lui M. de Courcy, donnent pour armes à une famille Lezivy, d'argent à trois chevrons de sable. De son côté, M. de Laubrière trouve une famille de Lysivy ayant pour armes, de sable à dix billettes d'argent, comme les de Robien. Nous ne savons donc rien de positif cencernant les armes de ces anciens seigneurs du Faouët. Remarquons en passant, avec M. Aymar de Blois, qu'il est fait mention par M. de Courcy d'une famille Lisivy qui avait la seigneurie du Faouët, en la paroisse du Faouët, et qu'il dit fondue au XIIIème siècle dans les Bouteville. On se doute immédiatement d'une erreur commise par M. de Courcy, erreur qui provient de ce qu'il ne connaissait probablement pas notre seigneurie du Faouët en Ploemeur.

La famille des Lizivy, seigneurs du Faouët, se fondit dans celle des Tremillec et non dans celle des Bouteville, au XVIème siècle et non dans le XIIIème siècle.

II.

Maurice de Trémillec qui succède à François de Lisivy dans son fief du Faouët en Ploemeur, hérite également des autres seigneuries de ce dernier. Dans la Baillée du 15 Avril 1579 que nous avons eu occasion de citer, nous le voyons désigné avec les qualités de sieur de Trémillec, de Lisivy, de Kerlault, La Boëxière, Le Faouëdic en Ploemeur ; et on n'a pas oublié que dans les baillées de 1544 et 1555, François de Lisivy portait la qualité de seigneur de Lisivy, Kerlault, Le Faouët etc. Il faut donc admettre que Maurice de Trémillec succéda à Lisivy comme héritier, ce qui arriva vers 1572, car le 11 décembre de la même année il rendait aveu au prince de Guémené d'une tenue au village de Lomiquel en Ploemeur, sous la juridiction de la Rochemoysan. — Nous ne connaissons aucun fait particulier concernant Maurice de Trémillec, qui, à sa mort, laissa une fille pour seule et unique héritière.

Le manoir de Trémillec se trouvait en Cornouailles, dans la paroisse de Plomeur, et une famille noble de ce nom y est reconnue dans les plus anciennes réformations. Guy Le Borgne lui donne pour armes, de gueules à trois croissants d'argent 2 et 1 ... Cette famille était probablement éteinte à la réformation de 1666, on n'en retrouve plus le nom.

III.

Maurice de Trémillec eut pour successeur dans la seigneurie du Faouëdic-Lisivy, Jean de Jégado, seigneur de Kerhollain, qui épousa sa fille et son unique héritière. Jean de Jégado était fils d'un autre Jean et de Suzanne Le Prestre, soeur de Louis Le Prestre de Lezonnet, gouverneur de Concarneau pendant la ligue.

Jégado était fort jeune encore lorsqu'éclatèrent en Bretagne les premiers troubles de la Ligue ; ses goûts le portant vers la carrière des armes, il s'empressa de profiter des fréquentes occasions d'y satisfaire qui s'offrirent bientôt : ce qu'il fit avec distinction à l'école de son oncle de Lezonnet, l'un des meilleurs capitaines du temps. « C'était, dit l'historien Moreau en parlant de Kerhollain, un brave et vaillant cavalier autant qu'autre de son temps … Depuis l'an 1590, quand la garnison de Concarneau allait à la guerre, s'il y avait rencontre de l'ennemi, il se trouvait toujours des premiers aux coups, et en rapportait avantage et honneur ».

On ne peut suivre Jégado dans tout le cours des guerres de cette époque ; l'histoire se tait sur les actions de ce brave et vaillant cavalier, qui lui rapportèrent avantage et honneur. C'est à l'occasion d'une mission diplomatique, si on peut s'exprimer ainsi, que son nom est cité pour la première fois. Voici à quel sujet : Louis de Lezonnet, ainsi que la majeure partie de la noblesse bretonne et particulièrement celle de Cornouailles, s'était rangé sous les bannières de l'Union ; et Jégado, son neveu et son élève, embrassa naturellement la même cause, qui était, en apparence au moins, celle de catholiques contre huguenots. Mais la conversion d'Henri IV à la religion catholique était un événement important ; les ligueurs de bonne foi n'avaient plus de motifs de se refuser à reconnaître l'autorité de l'héritier de la couronne royale ; aussi, ceux qui étaient sincèrement animés de l'amour du pays, ceux qui avaient pris parti par conviction pour le salut de la foi, virent-ils un devoir, une nécessité même, de se détacher de la Ligue. Lézonnet, l'un des premiers Bretons de ce parti, partagea cette opinion et s'en ouvrit loyalement au duc de Mercoeur.

Ne trouvant pas chez ce funeste ambitieux une entière franchise ; soupçonnant peut-être ses véritables intentions ; mécontent d'ailleurs, comme tant d'autres, de l'appui dangereux qu'il recevait des Espagnols qui formaient en Bretagne divers établissements, dont l'un très inquiétant, celui de Blavet, Lézonnet se décide à abandonner Mercoeur ; et, pour négocier près du Roi son changement de drapeau, c'est son neveu qu'il choisit : il l'expédia secrètement au maréchal d'Aumont, lieutenant-général de la province. Ce dernier écoute Kerhollain, trouve les propositions de Lézonnet avantageuses, car il s'agissait non seulement de détacher de l'Union un personnage influent, mais encore d'obtenir la remise de la place et du port de Concarneau, à cette époque fort importants ; aussi, dans un temps où les affaires de Bretagne causaient bien du souci à Henri IV, le maréchal d'Aumont voulut lui faire sa cour en lui procurant la satisfaction de traiter directement cette affaire. Jégado est envoyé à Laon, où se trouvait le roi, et en obtint des conditions très-avantageuses pour son oncle, notamment son maintien dans le commandement de Concarneau. — 1594.

Lézonnet étant donc passé dans les rangs de l'armée royale, y fut suivi de son neveu Jégado, qui ne tarda pas à trouver l'occasion de se signaler de nouveau. « Au siège de Crozon, rapporte encore le chanoine Moreau, au siège de Crozon, qui fut le plus mortel de tous ceux qui aient été de notre temps en Bretagne, le seigneur de Kerhollain se fit remarquer à l'assaut des plus hardis et résolus, fut par plusieurs fois renversé à coups de pique du haut de la brèche dans le fossé, dont se relevant et remontant, faisait plus que son âge ne portait, et pour témoignage de sa valeur y reçut un coup de pique dans la face, qui la lui défigura beaucoup, donnant le long de la joue jusques à l'oreille ».

L'année suivante (1595), Lézonnet fut atteint, dans une entreprise contre la ville de Quimper, d'une blessure dont il mourut quelques mois après, laissant pour successeur dans le commandement de la place de Concarneau, un fils mineur sous la tutelle de Jean de Jégado, son cousin.

Pendant l'exercice de ce commandement intérimaire, Jégado eut le bonheur de sauver la ville de Quimper d'un coup de main tenté par le fameux Fontenelle. Nous empruntons à dom Taillandier le récit de cette action mémorable : « Fontenelle résolut d'amasser assez de forces pour se rendre maitre de Quimper en plein jour et enseignes déployées. Il manda à cet effet les garnisons de Hennebond, de Vannes, de Pontivy et de la tour de Cesson, lesquelles se rendirent à Douarnenez … Le lendemain trentiesme jour de Mai 1597, Fontenelle fit sortir de Douarnenez toutes ses troupes au nombre de 1200 hommes, qui prirent en bon ordre le chemin de Quimper. Elles marchaient tambours battants et enseignes déployées. Fontenelle était si sûr de vaincre qu'il fit partir un nombre considérable de bateaux et de charrettes pour transporter le butin. On ne s'attendait à rien moins à Quimper qu'à voir arriver l'ennemi... Ainsi on ne fut informé de la marche de ces troupes que lorsqu'on les aperçut de dessus les murs de la ville aux rabines de Pratanras. Aussitôt la muraille est bordée de soldats et d'habitants, les portes sont fermées et chacun court à son poste … Fontenelle étant arrivé proche la chapelle de Saint-Sébastien où sont à présent les Capucins, fit attaquer une barrière qui était à l'entrée du faubourg par où l'on va à Saint-Jean. Elle fut emportée et les troupes encouragées par ce premier succès gagnèrent la place de Saint-Mathieu et s'avançaient vers la ville. Elle était perdue sans ressources, sans l'un de ces évènements fortuits qui déconcertent tous les jours les mesures les plus justes. Jean de Jégado seigneur de Kerc'holen [sic], gouverneur de Concarneau pendant le bas-âge du jeune Lézonnet son neveu, arriva ce jour là à Quimper sur les neuf heures du matin, lui septième avec son trompette. Il ne savait rien de l'entreprise de Fontenelle. Mais à peine était-il descendu à l'auberge du Lion-d'Or, proche la porte Médard, qu'on cria à l'alarme dans toute la ville. Kerc'holen sans s'informer du nombre des ennemis remonte brusquement à cheval, part de la main et à la tête de cette petite troupe, donne sur les ennemis dans la place de Saint-Mathieu, son trompette sonnant la charge. Cette attaque imprévue étonna l'ennemi qui crut que Kerc'holen allait être suivi d'un gros de cavalerie. Comme il commençait à reculer quarante ou cinquante jeunes gens de la ville qui suivaient Kerc'holen chargèrent les troupes de Fontenelle avec tant de furie qu'ils prirent tout à fait la fuite. Il se trouva cependant parmi eux un boiteux qui tint ferme et qui eut assez de hardiesse pour attendre Kerc'holen dans la place Saint-Mathieu. Dans le moment que celui-ci tenait le sabre levé pour lui fendre la tête, le boiteux lui lâcha son coup d'arquebuse à bout portant. Ce coup porta dans la cuirasse et lui brûla l'écharpe. Kersaudi qui suivait Kerc'holen, tua ce soldat. Le capitaine Magense … fait charger les fuyards et même le gros de la troupe qui était à Saint-Sébastien ; de sorte que ne pouvant plus soutenir cette nouvelle attaque, ils furent obligés de se retirer après avoir laissé plus de quarante morts sur la place ».

Les cruautés exercées après cet échec par Fontenelle à Pont-Croix, apprirent aux Quimpérois de quel danger Jean de Jégado venait de les sauver.

Le commencement de l'année suivante vit la fin de cette malheureuse guerre qui désola la Bretagne. Les Espagnols quittèrent Nantes, Vannes, Auray et Blavet ; ils remontèrent sur leurs vaisseaux, et pendant toute la durée du règne de Henri VI, le pays respira en paix. Nous ignorons ce que devint Jégado pendant tout ce règne ; il vécut probablement dans sa terre de Kerhollain en la paroisse de Lanvaudant (Lanvaudan), demeure habituelle de ses ancêtres. Nous ne le voyons plus reparaître que sous Louis XIII.

 Pendant la minorité de Louis XIII, le gouvernement de la reine régente éprouva de grandes secousses causées par l'ambition, la jalousie et les mécontentements des grands seigneurs, qui portèrent le trouble dans les provinces du royaume. Parmi les principaux mécontents se trouvait le duc de Vendôme qui, retiré dans son gouvernement de Bretagne, fit secrètement quelques préparatifs de soulèvement contre l'autorité royale, particulièrement dans l'évêché de Vannes, où il trouva dans René d'Arradon gouverneur de Vannes et dans le baron de Camors son frère, gouverneur d'Hennehont et du fort de Blavet, anciens chefs des ligueurs, des partisans tout disposés à seconder ses traîtreux desseins.

Sur la recommandation du duc de Vendôme, d'Arradon et de Camors firent réparer les places de Vannes et d'Hennehont sous prétexte du service du roi ; Camors fit même des levées d'hommes au bourg de Pluvigner, et au commencement du mois de Mars 1614, par l'intermédiaire des prêtres des paroisses voisines d'Hennebont et de Blavet, il fit avertir les paysans, les charpentiers et les maçons de se rendre à Blavet pour travailler aux fortifications de ce lieu ; on s'empressa d'obéir aux ordres du terrible capitaine.

Mais bientôt ses intentions furent dévoilées. Parurent des arrêts du Parlement de Bretagne faisant défense à Camors et à d'Arradon de réparer les fortifications de leurs places et aux paysans et ouvriers d'y travailler. Des lettres de la reine à tous les corps de communautés des villes et à toutes les sénéchaussées vinrent mettre la province en garde contre les menées du duc de Vendôme : Hennebont, comme les autres villes, reçut des lettres d'avis. Camors, en présence de ces contre-temps fâcheux, n'en continua pas moins ses préparatifs, sans en avouer le but. Alors Jean de Jégado, fidèle au Roi, sortit de son manoir de Kerhollain (ou Kerolain, paroisse de Lanvaudan).

A la tête des habitants d'Hennebont et de la noblesse des environs, il attaque Camors qui s'était retiré avec les siens, dans la tour dite des Carmes, aux premiers symptômes d'hostilités ; il l'en débusque bientôt, et rend ainsi la tranquillité au pays.

L'affaire fit grand bruit, la Cour en exalta l'importance ; et du reste, par cet acte résolu, Jégado assurait à la Reine régente les deux places de Blavet et d'Hennebont contre tout événement [Note : La Régente était particulièrement intéressée au succès de Jégado : le domaine d'Hennebont faisait partie de son douaire]. Jégado reçut de la Régente des lettres particulières de félicitations ; et, pour récompense, il lui fut accordé le brevet de capitaine de la ville d'Hennebont et de la tour des Carmes, en remplacement de Camors. Ces deux documents consacrent un fait historique intéressant ; nous croyons par conséquent devoir reproduire ici l'un d'eux : la lettre de la Reine régente. « Monsieur de Querrollein, le Roy monsieur mon fils et moy avons grande occazion de contentement de l'assistance que vous avez donnée aux habittans de la ville de Hennebond pour les conserver en leur fidelle obéissance et de se dellivrer de ceulx quy se voulloient rendre maistres d'eux, au préjudice du Roy monsieur mon fils, et vous asseure de sa part comme vous aussy de la mienne, que nous aurons une perpétuelle souvenance de ce service signallé que nous ne pouvions nous promettre de vous plus à propos ny en occasion plus importante au bien des affaires du Roi monsieur mon fils qu'en celle là ce que je vous ai voullu déclarer par ceste lettre, qui vous servira d'adveu de ce que vous y avez faict et exécutté comme aussy à ceulx quy vous ont asisté en ceste occazion à tous lesquels vous tesmoignerez le gré que nous leur en savons. Ferez à auchun diceulx que vous jugerez le méritter le mieulx dellivrer pour mesme effect les lettres que je vous envoye en blang et desclozes pour les remplir auparavant de les suscripre de leurs nomps atendant unne plus ample aprobation du Roy monsieur mon fils qui vous sera incontinent envoyée avecque le pouvoir qu'il vous donne de commander au dict Hennebont de sa part pour son dict service. Et ce n'estant à aultre fin, je ne la feray plus longue que pour prier Dieu qu'il vous aict monsieur de Querrollain en sa sainte garde. Escript à Paris le premier jour d'Apvril  mil six cents quatorze. — Signé MARIE et plus bas POTIER, et en la superscription est escript : à monsieur de Kerrollein commandant pour le Roy monsieur mon fils à Hennebond » (Extrait des registres de la sénéchaussée d'Hennebond).

Jégado nommé au commandement de la ville d'Hennebond et Tour des Carmes, par lettres royales du premier avril 1614, fut installé dans cette charge dans une assemblée générale des nobles bourgeois [Note : Nous ne nous expliquons pas cette expression paradoxale de nobles bourgeois, que l'on trouve fréquemment dans les papiers concernant la communauté de ville d'Hennebont] et habitants de la ville d'Hennehont ; mais il ne la conserva pas longtemps.

La Reine régente était Italienne, elle préféra user de ruse et entrer en négociation avec les princes rebelles, au lieu de les traiter avec fermeté pour les ramener dans le devoir. Le duc de Cœuvres fut chargé de porter au duc de Vendôme des propositions de paix que ce dernier écouta et accepta.

En négociant avec la Reine, Vendôme eut soin de ne pas oublier ceux qui s'étaient compromis pour lui, et dans le nombre d'Arradon et son frère de Camors. Le vint-quatre Mai 1614, à la grande surprise et au grand mécontentement des habitants d'Hennebont, qui pouvaient craindre des représailles, parurent des lettres royales qui rendirent à Camors la capitainerie d'Hennebont et de la tour des Carmes. — Jean de Jégado rentra dans l'oubli.

C'est au grand mécontentement des habitants d'Hennehont, avons-nous dit, que Camors fut rétabli dans la capitainerie d'Hennebont. L'occasion de faire parvenir jusqu'au trône les inquiétudes que le pays ressentait de la présence de cet incorrigible perturbateur du repos public, ne tarda pas à se présenter. Le 30 Juillet 1614, le Roi adressa de Poitiers à la communauté d'Hennebont une invitation pour envoyer aux États de Bretagne qui devaient se réunir à Nantes, le 18 Août suivant, deux des plus capables et apparents personnages d'entr'eux.

Les États de Bretagne, réunis à Nantes, arrêtèrent dans leur assemblée du 22 août le cahier de leurs doléances et remontrances à présenter au Roi, et celui-ci y répondit le 25 du même mois.

Sur les 26 articles du cahier des remontrances des États, les 9ème et 14ème furent certainement dictés par les députés d'Hennebont ; ils concernent cette ville d'une manière toute spéciale. Les voici, suivis des réponses qui y furent faites par le Roi :

Article 9. — Demande. — « Pour empescher qu'à l'avenir l'on puisse retomber en pareil inconvénient (il s'agit des derniers troubles) que ceux esquels l'on s'est vu plongé depuis les six mois derniers, les Etats supplient très-humblement leurs Majestés ordonner que Blavet sera promptement raczé en sorte que l'on ne s'y puisse pas cy-après fortifier ».

 Responce. — « Sa Majesté y a désia pourveu et veut et entend que le dict raczement soit faict sans aucune remise ».

Article 14. — Demande. — « Demandent aussi lesdicts États que la Tour des Carmes de Hennebont soict ouverte et ruisnée du costé de de ladicte ville en sorte que l'on ne s'y puisse loger. Et sera sa dicte Majesté suppliée d'y mettre tel aultre gouverneur que le sieur de Camors ; oster la garnison qui y est et destiner le portal pour servir de prison, sans que aucun s'y puisse habituer, Et que jusqu'à ce qu'il y ait tel aultre capitayne establi par le Roy, les clefs soient mises es mains du Procureur sindicq de la dicte ville ».

Responce. — « Le Roy accorde ledict démantellement. Pour le regard dudict de Camors, ayant esté faict plusieurs plaintes contre luy, desquelles sa Majesté a ordonné qu'il sera informé par le Parlement, elle veult que ladicte garnison soit ostée. Que cependant il s'abstienne d'exercer la charge de capitayne et gouverneur, de la dicte ville et la charge d'icelle soict commise aux dits habitants d'icelle et les clefs mises aux mains du Procureur sindicq ».

Le Roi accordait pleine satisfaction aux vœux des habitants d'Hennebont. Quant à l'exécution de ses promesses, elle ne se fit pas complètement ; mais si les fortifications de Blavet ne furent pas rasées, ou moins si elles furent tout aussitôt rétablies, Hennebont ne vit plus dans cette forteresse voisine une menace perpétuelle, mais au contraire une sentinelle protectrice.

Jégado mourut vers 1640, dans son manoir de Kerollain en la paroisse de Lanvaudan. Il laissa trois enfants de son mariage avec l'héritière de Trémillec, Pierre de Jégado, chevalier seigneur de Kerollain, Kerlot, le Faouëdic, Lisivy, etc., dont nous allons nous occuper ; Françoise de Jégado, qui épousa un seigneur de Carlan, et Elisabeth de Jégado, qui mourut abbesse de Kerlot.

Jégado, d'après Guy Le Borgne, portait pour armes : de gueulle au lion d'argent armé et lampassé de sable ; il descendait de Jean de Jégado, qui commandait une compagnie d'ordonnance du duc à Montlhéri en 1465, et qui fut anobli en 1447, par le duc de Bretagne François Ier.

IV

Pierre de Jégado, seigneur de Kerhollain, Kerlot, Labouessière, Tremellin, Lisivy, le Faouëdic et autres lieux, gentilhomme ordinaire du roi, fils du précédent, n'est connu que comme fondateur de l'abbaye de Notre-Dame de Kerlot, dans la paroisse de Plomelin, près de Quimper. Il fonda cette abbaye le 26 Mars 1652 dans sa seigneurie de Kerlot, en faveur de sa soeur, Elisabeth de Jégado, religieuse de l'abbaye de la Joie d'Hennebont.

Pierre de Jégado mourut en 1657, la même année que sa soeur Elisabeth. De son mariage avec Françoise de Trécesson, il ne laissa pas d'enfants ; Renée de Jégado, seule enfant issue de ce mariage, étant morte en bas âge à Rennes, avant son père.

Dom Morice rapporte, qu'à la mort d'Elisabeth de Jégado, le Roi pourvut à son remplacement à l'abbaye de Kerlot, par la nomination d'Anne Le Coigneux ; mais que la prise de possession de cette abbaye fut l'occasion d'une opposition scandaleuse de la part des héritiers collatéraux de Pierre de Jégado. Supposant probablement que la fondation de l'abbaye de Kerlot n'avait été faite qu'au bénéfice d'Elisabeth de Jégado seulement ; que par suite de la mort de cette dernière, toute la seigneurie de Kerlot devait revenir à son fondateur ou à ses représentants, les héritiers de Pierre de Jégado s'opposèrent à la prise de possession de l'abbaye par Anne Le Coigneux ; il fallut l'intervention du maréchal de Mazarin, lieutenant-général du Roi, dans la province de Bretagne, pour obtenir raison de leur résistance ; et encore dut-il employer la force armée.

Pierre de Jégado, avons nous dit, avait épousé Françoise de Trécesson : cette union ne fut pas heureuse.

Pour des motifs ignorés aujourd'hui, la dame de Kerollain forma une demande de séparation de corps contre son mari. Elle quitta pour cela la maison conjugale et se retira avec Renée de Jégado, sa fille, chez la dame Gillette Hay, dame douairière de Trécesson, sa mère. Ce procès de séparation de corps ne fut pas favorable à la dame de Jégado, qui fut déboutée de sa demande : conseillée par sa famille, elle se décida à retourner près de son mari. Mais le scandale d'un semblable procès avait profondément blessé le gentilhomme, il refusa l'entrée du manoir à sa femme et à sa fille ; elles durent vivre désormais loin de lui, et il pourvut à leur entretien au moyen d'une rente de deux mille quatre cents livres qu'il leur fit servir sur le revenu des seigneuries du Faouëdic et de Lisivy.

La dame de Kerhollain vécut à Rennes avec sa fille près de la dame douairière de Trécesson sa mère, et Pierre de Jégado demeura seul dans son manoir de Kerhollain. Bientôt la dame de Kerhollain perdit sa mère, puis sa fille Renée, et elle essaya de se rapprocher de son mari. Mais celui-ci, comme aux premiers moments de la séparation, ferma l'oreille à toutes démarches et les années se passèrent dans la même situation.

Enfin, ou apprend que Jégado, toujours seul dans son manoir, n'ayant autour de lui que deux valets de bras, est dangereusement malade. C'est sans doute le moment de tenter un dernier effort. Conseillée par son frère Daniel de Trécesson, seigneur de Berneaut, lieutenant pour le Roi dans la ville et évêché de Rennes, pressée par la soeur aînée de son mari, Françoise de Jégado, dame douairière de Pontloë et de Carlan, Françoise de Trécesson partit de Rennes, en compagnie de son frère et de sa belle-soeur, dans l'intention d'arriver jusqu'à son mari. Cependant, avant de se présenter au manoir de Kerhollain, elle crut devoir user de l'influence du sénéchal d'Hennebont. A sa prière, celui-ci se transporta le 8 Avril 1657, près du gentilhomme malade. Mais le sénéchal, « Après avoir veu et parlé audit seigneur de Kerhollain et lui avoir faict touttes les prières et semonces de la part desdites dames de Kerhollain et de Carlan pour l'obliger à les recepvoir dans sa Maison et souffrir auprès de luy », trouva toujours chez ce dernier la même répugnance : « le dit seigneur de Kerhollain ny a voulu entendre, ains aurait déclaré qu'il ne les voulait voir en aulcune façon ny personne de leur part », est-il dit dans le procès-verbal qui fut dressé à cette occasion....

Pierre de Jégado alla même plus loin. Voulant mourir en paix et ne plus être exposé aux tracasseries de sa femme, de ses parents et de leurs amis communs, il délivra ce même jour, 8 Avril, au procureur Jacques Douillard, qui avait accompagné le sénéchal dans sa visite, les singuliers pouvoirs que nous transcrivons sur l'original écrit en entier de la main de Jégado.

« Moy qui soubsigue Messire Pierre de Gégado [sic], chevalier seigneur de Kerholein donne pouvoir à M. Jacques Douillard mon procureur au siège royal de Henebont de desclarer pour moy et à mon non devant les juges dudit Henebont que ie m'oposse formellement à ce que la dame de Kerholein et son ny aultre sa part viane à ma Maison et ne vouloir souffrir la dite dame veu qu'elle a si devant demandé la séparation et qu'elle a quitté ma compagnie de son propre mouvement desclarant avoir pour agréable la repetion de ladite desclaration que fera le dit M. Jaques Douillard et n'en faire révocation à Kerholein ce huitieme d'avril mil six sans sinquante et sept [signé] Pierre de Gegado Querholein ».

Avec Pierre de Jégado s'éteignait encore une famille noble. M. de Courcy s'exprime ainsi sur cette famille dans son Nobiliaire. « Jégado Sr de Kerollain, Kerlot, réformation de 1448 et 1536, paroisse d'Inguiniel évêché de Vannes, de gueule au lion d'argent armé et lampassé de sable. Jean anobli en 1447 commandait une compagnie d'ordonnance du duc à Montlhéri en 1465. Autre Jean gouverneur de Concarneau força Fontenelle à lever le siège de Quimper en 1597 ; Pierre fonda l'abbaye de Kerlot en 1652, et Elisabeth sa soeur en fut la première abbesse ».

La succession de Pierre de Jégado acceptée sous bénéfice d'inventaire par ses héritiers, toutes ses terres furent vendues. On a vu Thomas Dondel et François de la Pierre acheter le Faouëdic-Lisivy à l'audience des requêtes de palais à Rennes le 15 Juillet 1667 ; c'est à Guillaume du Bahuno, sieur de la Demye-Ville, époux de Julienne Sorel, que la terre de Kerollain fut adjugée. Ce Guillaume de Bahuno mourut en 1687 ; il laissa à sa mort une bibliothèque qui passait pour très-rare (Edouard Corfmat, 1863).

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