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FAOUEDIC-LISIVY

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Presqu'île du Faouëdic-Lisivy 

Manoir, métairie, moulin, colombier, butte-féodale, Fort du Mézy, le cloistre.

D'après la description de l'aveu de 1681, dont nous avons reproduit la partie la plus importante, l'état de la presqu'île du Faouëdic était bien modeste. En fait d'édifices il s'y trouvait le lieu et manoir noble du Faouëdic, les ruines d'un colombier, les vestiges d'un vieux château nommé Le Cloistre, un moulin à mer, et un hameau, celui de Kerveraut.

Sur ce territoire se voyait en outre autrefois une Motte féodale, sorte de monument très-ancien, composé simplement d'une butte artificielle au pied de laquelle, à certaines époques, les seigneurs assemblaient leurs vassaux, et qui est, dans le langage vulgaire, désigné sous les noms bizarres de Motte à Madame, Butte à Madame, Quenouille à Madame, Fuseau à Madame. L'existence d'une Motte féodale sur la seigneurie du Faouëdic est mentionnée dans une sentence de la juridiction de Lorient du 30 Janvier 1740, rendue entre les sieurs Cornec et Bourge.

De tous les édifices que nous venons de citer, le territoire de Lorient a été tellement transformé, qu'à part le moulin à mer, il est difficile d'indiquer aujourd'hui l'emplacement qu'ils occupaient ; et, c'est tellement vrai, que s'il arrive de rechercher où se trouvait autrefois le Manoir du Faouëdic, la Chronique Lorientaise en main, on s'arrête sur un point distant de 4 à 500 mètres de la véritable position.

Les expressions de l'aveu de 1681 : le lieu et Manoir noble du Faouëdic-Lisivy s'appliquaient à un corps de bâtiments d'une Métairie et non à une maison de Gentilhomme, à un Manoir proprement dit. Du Manoir qui avait existé du temps de François de Lisivy qui y habitait vers 1555 ainsi que nous l'avons remarqué, il n'existait que des ruines. L'emplacement de ce Manoir est généralement fixé au lieu actuellement connu sous le nom du Blanc, coupé aujourd'hui par le Pont tubulaire du chemin de fer, et cette erreur vient d'être récemment consacrée par l'auteur de la Chronique Lorientaise (page 118).

Comme le Manoir du Faouëdic est le point le plus intéressant à faire connaître de ce territoire si pauvre en quoi que ce soit de remarquable, attachons-nous à en préciser l'emplacement ; et pour y arriver, détruisons l'erreur commune qui s'y rapporte. Pour cela, on nous permettra d'entrer dans le détail d'une fastidieuse discussion.

Dans l'opinion générale, avons-nous dit le lieu appelé Le Blanc, et anciennement le Bois du Blanc, à l'extrémité nord-est du territoire du Faouëdic, sur les bords du Scorff, occuperait l'emplacement du Manoir du Faouëdic ; et le jardin qui y existe en serait une ancienne dépendance. A l'appui de cette assertion ou invoque la tradition, d'anciennes cartes, et enfin les vieilles murailles du jardin et leur respectable manteau de lierre.

De vieux lierres, des murs délabrés, cent cinquante ans et plus suffisent sans doute pour ruiner ceux-ci et étendre largement les ramifications de ceux-là. Ce qu'il est facile de prouver par titres authentiques, c'est que l'origine des établissements du Blanc, ne remonte qu'à l'année 1699.

On n'a pas oublié que Pierre Dondel, sieur de Keranguen, succéda en 1681 à son père Thomas Dondel, sieur de Brangolo, dans la seigneurie du Faouëdic.

En 1699, la Compagnie de l'Isle et Costes de Saint-Domingue voulut, comme la Compagnie des Indes Orientales, établir ses chantiers, ses magasins, ses calles de constructions sur les rives du Scorff. La côte du Faouëdic, voisine de l'Enclos de Lorient, également sur la rive droite, lui parut des plus favorable, et bientôt elle obtint de Pierre Dondel, la cession de toute cette partie du territoire du Faouëdic, qui se trouve à droite du Cours Chazelles en sortant de la ville, jusqu'à la mer. Nicolas de Charmoys, mandataire de la Compagnie de Saint-Domingue, traita pour le prix de sept mille livres tournois, par acte passé devant les notaires d'Hennebont le 16 Juin 1699. Voici les débornements et la description de ce territoire porté pour une contenance de quarante journaux de bois taillis et de haute futaie, terres, prés et landes : « Le bois tailliff du lieu et terre noble du Faouëdic, le fonds du bois de haute futaye (les arbres furent réservés) de la dite terre et de trois pièces de terre, landes et pastures estant joignant le dict bois de haute futaye, avec trois journaux soixante-huit cordes de terre sous labour qui sont au nord du dit bois de haute futaye .... donnant ledit bois tailliff vers le levant et le nord sur la rivière de Pont-Scorff, vers le midy sur les paluts dépendant de la dite terre du Faouëdic .... ».

Le 21 Octobre suivant, Nicolas de Charmoys, directeur de la Compagnie de Saint-Domingue à Lorient, très-probablement, passe un marché avec un sieur Yves Cormier et plusieurs autres marchands de bois d'Hennehont, associés pour la fourniture des bois pour les bâtiments que feront construire MM. de la nouvelle Compagnie de l'Isle et Costes de Saint-Domingue DANS LE BOIS DU FAOUEDIC : un acte au rapport de Hervé notaire à Hennebont du 19 Novembre, suivant rappelle l'objet et les conditions de ce marché, dont nous n'avons pas trouvé le texte.

Le 6 Avril de l'année 1700, les notaires d'Hennebont se transportèrent sur le Faouëdic, pour accomplir les formalités de la prise de possession, au nom de la Compagnie de Saint-Domingue, des terrain concédés par Dondel le 16 Juin 1699. On lit dans leur procès-verbal de prise de possession le passage suivant : « Nous nous sommes exprès transportés jusqu'au lieu du Faouëdic, en la paroisse de Pleumeur et dans les bois tailliffs, grand boys et autres terres mentionnées au contrat de vente cy-dessus datté (du 16 Juin 1699), acquis par ledit sieur de Charmoys dudit seigneur de Keranguen, par contrat cy-dessus datté. Où estant aurions fait rencontre du dit sieur Charmoys et de Jan Prémorain, gardien de ladite Compaignye, dans les forges nouvellement construites dans le dit bois tailliff ».

Du rapprochement de ces trois actes, il résulte d'une manière très-précise, que la concession faite à la Compagnie de Saint-Domingue était limitée au nord et à l'est par le Scorff, et au sud par les palluts (marais, vases), que toute cette côte était couverte de bois taillis ; que dans cette partie, pas plus que dans le reste de la concession il est vrai, il n'est fait mention de Manoir ; que les constructions d'ateliers sont dues à la Compagnie de Saint-Domingue, et qu'elles étaient nouvellement établies à la date du 6 Avril 1700, dans le bois tailliff du Faouëdic. Si le manoir du Faouëdic, ou seulement son jardin, avait existé sur cette côte où il n'est question que de bois tailliff, peut-on supposer que l'acte de 1699 et le procès-verbal de 1700 n'en eussent pas fait mention ? Non sans doute ; et il faut considérer comme l'oeuvre de la Compagnie de Saint-Domingue, la création des chantiers de cette partie du territoire du Faouëdic. Et, puisque nous sommes arrêtés sur ce point, faisons connaître l'origine du nom qui lui est resté.

La fin désastreuse du règne du Grand Roi, les difficultés, les intrigues, les trahisons de la minorité de son successeur devaient troubler les entreprises commerciales, qui ne peuvent prospérer qu'à l'ombre de la paix. La Compagnie de Saint-Domingue, naissante à cette époque, languit pendant quelques années, puis elle s'éteignit, et on procéda à la vente de ses propriétés. Le 24 Janvier 1716, les liquidateurs de cette Compagnie vendirent par acte de Goudin notaire à Paris. [Note : Mathieu Goudin notaire à Paris, de 1704 à 1730. — nous n'avons pu obtenir communication de l'acte du 24 Janvier 1716 de la part de M. Fouché notaire à Paris, rue de Provence, n° 56, détenteur des minutes de M. Mathieu Goudin, ne pouvant justifier d'un intérêt personnel dans la propriété du Blanc] à noble homme Joseph Le Blanc, officier de marine, « Quarante journaux et demy de terre en plusieurs pièces, sittuées au lieu et terre noble du Faouëdic, en la paroisse de Ploemeur, proche Lorient, déclarés par tenants et aboutissants par le contrat d'acquisition qu'en a fait maître Nicolas de Charmoys stipulant pour ladite Compagnie, de Pierre Dondel, escuyer seigneur de Keranguen, le Faouëdic, Kergonano et autres lieux … ».

Par l'acte de vente de 1716, Joseph Le Blanc devenait acquéreur de tout le terrain concédé à la Compagnie de Saint-Domingue en 1699 ; mais aussi de tous les ateliers et des calles que cette Compagnie avait dû construire. Nous ne connaissons, malheureusement, la vente du 24 Janvier 1716, que par un procès-verbal d'appropriement de la sénéchaussée d'Hennebont, du 1er Octobre suivant ; autrement, il est probable que nous eussions eu l'état exact de cette partie du Faouëdic au sortir des mains de la compagnie de Saint-Domingue, et la preuve que les maisons, magasins et jardins, admis comme composant l'ancien Manoir du Faouëdic, sont tout simplement les édifices de l'établissement créé par elle dans le bois taillis de 1699.

Voilà donc Joseph Le Blanc en possession d'un vaste terrain, d'un chantier de constructions navales, d'ateliers et de la maison des directeurs de la Compagnie, le tout à vil prix : pour 5.600 livres seulement ! Mais que fit-il de tout cela ? Ajouta-t-il quelque chose, changea-t-il l'état de sa propriété ? Nous l'ignorons. Tout ce qui est appris, c'est que Le Blanc ne garda pas longtemps cette propriété, et que, malgré une courte possession, son nom lui est demeuré [Note : Joseph Le Blanc mourut le 20 Juillet 1724 (1734 ?) et fut inhumé dans l'église de Saint-Louis, de Lorient. Il ne laissa pas d'enfants de son mariage avec Marguerite Le Masson. Le Blanc est fréquemment qualifié d'officier de marine et d'ancien Consul de France, dans des titres que nous avons lus].

Des mains de Le Blanc cette partie du Faouëdic passa en celles de la Compagnie des Indes Orientales, et pour la seconde fois elle dut espérer d'aussi brillantes destinées que celles de la grande lande voisine. En effet, une nouvelle Compagnie des Indes s'était formée sur les ruines de tant d'autres de même nature ; Compagnies de Chine, de Saint-Domingue, du Canada, de Guinée, du Sénégal, de l'Assiente : c'était la grande Compagnie des Indes. Parvenue dès 1733 à un immense développement, elle se sentit à l'étroit dans son établissement de France, l'enclos de Lorient, et forma le projet d'étendre son arsenal sur la partie du territoire du Faouëdic appartenant à Le Blanc, pour relier le tout par des digues et des travaux de dessèchement sur les vastes marais séparant les deux parties. Nous n'avons pu trouver l'acte d'acquisition de la Compagnie des Indes, mais nous savons qu'elle ne prit pas possession de la terre du Blanc, le prince de Guémené, seigneur de Trefaven dont relevait Le Faouëdic, ainsi que nous l'avons déjà dit, ayant immédiatement exercé son droit de seigneur de fief par le retrait féodal [Note : Sentence de la sénéchaussée d'Hennebont de 1735, mentionnée dans un acte de la même date, mais que nous n'avons pas retrouvée].

Nous n'avons pas l'intention de faire ici l'histoire complète du chantier du Faouëdic, et nous nous sommes déjà bien longtemps éloigné de notre sujet principal ; cependant, avant d'y retourner, qu'on nous permette d'exprimer notre opinion sur l'influence exercée sur le développement de la ville et de l'arsenal de Lorient, par le retrait féodal du chantier du Faouëdic obtenu par le prince de Guémené contre la Compagnie des Indes.

A l'époque où ceci se passait, c'est-à-dire en 1733, Lorient était dans la période la plus importante de sa création. Au dedans et au dehors de l'enclos de la Compagnie des Indes, on voyait la plus grande activité. D'un côté, c'étaient de magnifiques flottes qu'on équipait, des magasins, des édifices admirables, tels que ceux de la cour des ventes, que l'on fondait ; de l'autre côté des mêmes murailles, c'étaient des soins, des travaux tout aussi actifs quoique plus modestes et d'une toute autre nature. Semblable à un navire dans lequel on aurait embarqué à la fois l'équipage et le matériel, on s'occupait sur cette lande de 1667, du gréement du navire et de l'organisation de l'équipage : Lorient, la bourgade de 1700, était à la veille de voir paraître l'édit qui devait l'ériger en ville et lui donner le droit de se faire représenter aux États de la province. A ce moment de grande fermentation, que fut-il arrivé des chantiers du Blanc entre les mains de la Compagnie des Indes ? L'établissement, sur ce point, des ateliers et des calles que, vingt ans plus tard, elle se vit obligée de créer vis-à-vis [Note : Le chantier de Caudan n'a été établi qu'en 1755] ; et autour de ce nouvel enclos, de ces nouveaux chantiers, la population ouvrière, puis les cabaretiers, les logeurs, les marchands, n'eussent pas manqué de se grouper. Un faubourg devenait ainsi la conséquence de cet état de choses ; et, dans le tracé des fortifications de la ville et de l'arsenal, on eut été obligé quelques années plus tard d'en tenir compte, pour protéger, sinon le faubourg du moins cette succursale de l'enclos de la Compagnie. Et ce n'est pas tout. Le commerce local de Lorient, qui a souffert si longtemps, à défaut de port particulier, de l'obligation de charger et décharger ses navires en pleine rade, trouvant place à côté de la Compagnie des Indes sur les rives du Scorff, n'eut pas dès cette époque formé le projet, réalisé récemment seulement, de créer à prix d'or le port de commerce que nous connaissons : création insuffisante pour un commerce maritime sérieux, et dont l'effet le plus réel a été d'embellir la ville.

Ainsi vont les choses : un fait bien insignifiant en apparence a changé le courant du développement de l'arsenal et de la ville de Lorient.

Mais revenons à notre Manoir. Il était naturel de rechercher à l'aide de l'aveu de 1681, la position du Manoir du Faouëdic. D'un autre côté, l'aveu se tait sur l'existence d'une métairie du Faouëdic, et ne fait mention que du métayer seulement. C'est à l'aide de documents de dates plus récentes que l'on peut constater l'existence séparée des deux, le Manoir et la métairie, et déterminer leur position.

Le 20 Mars 1708, monseigneur d'Argouges, évêque de Vannes, dressa un procès-verbal de débornement du territoire qu'il détachait de la paroisse de Ploemeur, pour en former la nouvelle paroisse de Saint-Louis de Lorient. Un plan des lieux fut annexé à ce procès-verbal, mais ce précieux travail n'a pu être retrouvé. Nous extrayons, pour le besoin de nos recherches, le passage suivant : « .... Et nous étant transporté (dit l'évêque) dans plusieurs endroits du lieu de Lorient, avons remarqué qu'il est entouré de la mer en manière de presqu'île, à prendre du côté du nord et continuant vers le levant, le midi jusqu'au moulin à eau du Faouëdic, du côté du couchant ; de sorte qu'il y a pour le moins les quatre cinquièmes du circuit de Lorient mouillés de la mer, et l'autre cinquieme est le terrain par où passe le chemin qui conduit à Hennebont par le passage de Saint-Christophe qui renferme tout le village de Kerverot et qui s'étend jusqu'au moulin du Faouëdic exclusivement ; le tout ensuivant le plan qui nous a été représenté du dit lieu de Lorient, daté du dernier Novembre 1706, fait et signé du sieur Roblain, ingénieur, approuvé et dressé par ordre de la Cour, lequel plan nous fait connaître que le dit lieu de Lorient contient environ six cent cinquante toises de longueur, à prendre depuis la pointe où est le fort du Mézy, jusqu'au chemin d'Hennebont qui conduit au passage de Saint-Christophe, vis-à-vis la fontaine du Faouëdic ; et de largeur, il contient par endroit, environ trois cents toises, en prenant depuis le commencement de la muraille qui forme l'enclos de Lorient, pour le séparer des autres maisons qui sont au dehors, qui continuent jusqu'à la fin ; par autre endroit, contient environ deux cent trente toises, à prendre depuis la maison du sieur Perdriel, du côté du midi au joignant de la mer, jusqu'au terrain du sieur Marchant, qui est du côté du nord, aussi joignant la mer [Note : La maison Perdriel existe encore en 1863, c'est celle qui fait l'angle des rues d'Orléans et de la Comédie, en face de la maison Besné. Le terrain Marchant est occupé vers 1863 par le tribunal civil et il s'étendait depuis le chemin du Faouëdic (rue de l'Hôpital en 1863), jusqu'à la rue d'Orléans. Vendu par Marchant au premier directeur de la nouvelle Compagnie des Indes de 1719, M. de Rigby, il fut revendu à la mort de ce directeur, en 1724, et devint la propriété du prince de Guémené qui, pour la première fois, vint exercer à Lorient le retrait féodal], et encore par autre endroit, contient trois cent vingt toises à prendre depuis le moulin à eau du Faouëdic, du côté du midi, jusqu'aux maisons du sieur Rodrigue, proche la fontaine susdite du Faouëdic, qui est proche l'ancien manoir du Faouëdic du côté du nord. Dans tout lequel terrain est compris et enfermé,  suivant le dit plan, tout le village de Kerverot, qui est entre l'étang du Faouëdic et le chemin d'Hennehont. (Signé) : F. d'Argouges, évêque de Vannes ; J. Blays, promoteur de l'officialité de Vannes ; Marchant ; Vt. Perrodo ; Boulay ; N. Léger ; Allanno, greffier » (Archives de la mairie de Lorient) [Note : L'original de ce document important et le plan des lieux, plus important encore, déposés à l'époque au secrétariat de l'évêché de Vannes, doivent se retrouver à la préfecture du Morbihan où furent transférées les anciennes archives de l'évêché en 1791].

Avec le plan des lieux de l'ingénieur Roblain, une discussion pour reconnaître l'ancien manoir du Faouëdic deviendrait inutile, puisqu'il forme, pour ainsi dire, avec la fontaine du même nom, un des points de repères pris par l'évêque d'Argouges. Mais à défaut de ce plan, la fontaine, dont chacun connaît la position, est un élément précieux pour guider nos recherches. Le procès-verbal de 1708 cite deux fois la fontaine du Faouëdic. « Depuis la pointe où est le fort du Mézy, jusqu'au chemin d'Hennebont qui conduit au passage de Saint Christophe, vis-à-vis de la fontaine du Faouëdic, » lit-on dans un endroit ; et ailleurs : « proche la fontaine du Faouëdic qui est proche l'ancien manoir du Faouëdic ».

Ces expressions sont précises : L'ancien manoir du Faouëdic était proche la fontaine du Faouëdic ; il n'était donc pas situé au lieu actuel du Blanc, distant de la fontaine du Faouëdic de 4 à 500 mètres.

Chacun connaît la fontaine du Faouëdic, avons-nous dit ; mais ce que quelques personnes pourraient ignorer, c'est que jusqu'en 1744, commencement des travaux de l'enceinte de la ville, l'entrée de Lorient se faisait par l'extrémité de la rue de l'Hôpital, qui porta longtemps le nom de rue du Faouëdic.

Pour l'intelligence des énonciations du procès-verbal de 1708, si on prolonge, sur un plan quelconque de Lorient, cette rue du Faouëdic, au nord, on rencontre un peu sur la droite la fontaine eu question, et on se trouve, comme dans le procès-verbal de 1708, sur le chemin d'Hennebont qui conduit au passage de Saint-Christophe, vis-à-vis la fontaine du Faouëdic.

Il n'y a qu'un pas à faire pour entrer dans le manoir du Faouëdic, mais c'est le plus difficile, puisqu'autour de la fontaine on ne se reconnaît plus, tout ayant été remué, bouleversé, transformé par suite de l'établissement des fortifications au pied desquelles elle est placée. Nous trouvons heureusement dans un acte de 1735 et dans le cadastre de Lorient, le moyen de sortir d'incertitude.

On se souvient qu'en 1735 le prince de Guémené devint possesseur des terres primitivement vendues par Dondel à la Compagnie de Saint-Domingue. Le 26 mai 1735, par acte de Bellondeau, notaire des juridictions de Pont-Scorff et de Lorient, le prince Constantin de Rohan, tuteur du prince de Guémené, « bailla et délaissa, à titre de domaine congéable, à honorable homme Jean Blanchart, demeurant au bourg de Baud, deux pièces de terre chaude se joignant, contenant sous fonds six journaux trois quarts. La première pièce de terre appelée Parc du Manoir du Faouëdic, contenant un total de quatre journaux quatorze cordes, desquels mon dit seigneur prince se réserve les vingt-huit cordes faisant la pointe qui donne sur le chemin qui conduit de la ville de Lorient au dit Faouëdic, sous pâtures et genêts, sur lesquelles vingt-huit cordes sont les vestiges de la dite maison noble du Faouëdic ; le surplus de la dite pièce de terre, contenant trois journaux soixante-seize cordes, tenant du levant an bois du Faouëdic, du midy et par le haut à un pré appartenant aussi à mon dit seigneur prince ; et par le bas, du même côté du midy, aux vingt-huit cordes ci-dessus réservées, du couchant aux prés dépendant de la métairie du Faouëdic, appartenant à Monsieur Dondel ... »

Les termes de cette baillée s'accordent avec le procès-verbal de 1708. Celui-ci place la fontaine du Faouëdic, vis-à-vis du chemin de Lorient au passage de Saint-Christophe, et proche l'ancien manoir du Faouëdic, le tout au nord du chemin de Lorient ; la baillée de 1735 ne parle pas de la fontaine, mais elle dit positivement que les vestiges du manoir sont situés dans un terrain faisant la pointe qui donne sur le chemin qui conduit de Lorient au Faouëdic par le côté du midi. De son côté le cadastre de Lorient, qui remonte au milieu du XIXème siècle environ, vient clore toute discussion désormais ; il désigne le n° 1224 de la section A, dite de Kerentrech, dont la pointe méridionale s'avance dans la direction de l'ancien chemin de Lorient à Saint-Christophe, situé tout près de la fontaine du Faouëdic, sous le nom de Jardin du Faouëdic !

C'est donc dans l'angle de ce jardin qu'il faut fixer l'emplacement du Manoir du Faouëdic-Lisivy, et non au Blanc, qui n'est, nous le répétons, ni proche la fontaine du Faouëdic, ni proche le chemin de Lorient à Saint-Christophe, mais à une distance de 4 à 500 mètres de ces deux points.

Quant à la dénomination de Faouëdic donnée aux établissements de la Compagnie de Saint-Domingue, sur d'anciennes cartes, elle ne détruit pas notre argumentation. Créé dans les bois taillis du Faouëdic, cet établissement dut naturellement être désigné sous le nom du territoire même, jusqu'au jour où un nom de circonstance, comme celui de son propriétaire Le Blanc, vint le remplacer. Dans tous les cas, les cartes, les titres authentiques eux-mêmes sont fréquemment sujets à erreurs, mêmes les plus grossières. Ainsi, justement à propos du Faouëdic, nous avons lu un procès-verbal d'apposition de scellés au château du Faouëdic, du 24 Avril 1738, après le décès de Julien Conan, gardien de la poudrière de la Compagnie des Indes. Doublement surpris, puisque nous savions que la poudrièrie de la Compagnie était établie au château de Tréfaven, nous avons eu l'idée de rechercher l'acte de décès de ce Julien Conan du 13 Avril 1738. Cet acte explique tout : le décès avait eu lieu au château de Trévafen, demeure du défunt, qui était effectivement gardien de la poudrière de la Compagnie des Indes : ce qui n'empêche qu'à l'aide d'un procès-verbal de cette force, où le mot château du Faouëdic est répété quatre fois et où l'on place une poudrière, Dieu sait sur quelles erreurs on peut s'engager.

Et maintenant que nous connaissons la position de l'ancien Manoir du Faouët ou du Faouëdic-Lisivy, essayons d'en deviner l'importance. Le premier article de l'aveu de 1681, borne au midi le lieu et Manoir noble du Faouëdic, par une baie de mer qui passe entre Lorient et la lande de ladite maison jusque à la fontaine. La mer arrivait donc autrefois à peu près au pied du Manoir. Singulière position dira-t-on pour un Manoir, au bord d'un marais, dans un repli de terrain. Mais dans l'origine de la création du Faouëdic, cette vaste baie aujourd'hui conquise sur la rivière et où s'élèvent de magnifiques magasins de l'arsenal de Lorient, fut probablement plus accessible à la navigation. Les bateaux, remontant ou descendant le Scorff, y attérissaient peut-être encore à l'arrivée de la Compagnie des Indes. Ce qui nous le fait présumer, c'est que MM. Dumaine et de Saint-Pierre, dans le plan primitif de Lorient, avaient tracé un port dans la partie Est de la ville, en creusant à travers les vases qui s'étendaient dans cette direction, un canal pour permettre aux bateaux descendant le Scorff, d'attérir dans cette partie de la ville ; projet qui fut bientôt abandonné par suite de la résolution de la Compagnie des Indes de continuer son enclos jusqu'aux fortifications [Note : « Le procureur du Roi a remontré que la Compagnie des Indes ayant fait faire un mur qui encerne les vases du côté du Faouëdic, et par cette clôture le canal que l'on devait faire depuis la pointe ou rocher du bois du Blanc, en traversant les dites vases, jusques près le four du prince, pour l'abord des bateaux qui viennent de la rivière de Pont-Scorff se trouvant supprimé, la rue qui devait y aboutir depuis le dit abord coupant en triangle le terrain entre le dit four et la rue du Port (aujourd'hui rue du Collège) devient inutile et qu'il conviendrait de la supprimer, tant à cause de la perte qu'en souffriraient les possesseurs des terrains que de l'embellissement des rues du Port et du Faouëdic ; il priait l'assemblée de délibérer pour demander la suppression de ladite rue. — Sur laquelle remontrance la communauté a été d'avis qu'elle serait envoyée à monseigneur l'intendant et que Sa Grandeur serait suppliée d'ordonner la suppression de la dite rue … » (délibération municipale de Lorient du 18 (13 ?) Juin 1750]. — La ville de Lorient regrettera éternellement cette modification du plan de 1735. Le creusement du canal et l'ouverture de la rue eussent apporté la vie dans ce quartier, ignoré des neuf dixièmes de la population lorientaise].

C'est ici l'occasion d'attirer l'attention sur un fait consigné dans le troisième volume de preuves de dom Morice, col. 541.

Le 25 août 1487, le duc de Bretagne François II accorde « le franchissement de tous fouages pour ceux qui l'ont servi dans ses navires … La Marie du Faouët, sous Jehan Perceval ; la Sainte-Elisabeth de Blavez, capitaine Jehan Péron ; la Catherine de Conquet ; le Jehan de Brest, le Mérillon de Saint-Pôl ; la Michelle de Lannion ; la Franczoise de Morlaix ; la Marie de Saint-Brieuc ; la Julienne de Saint-Malo, etc., etc. ».

Dans ce dénombrement de navires, que remarque-t-on ? Un nom de navire suivi du nom de l'un des ports de Bretagne ; c'est incontestable pour les ports de Blavez (le Port-Louis), le Conquet, Brest, Saint-Pôl, Lannion, Morlaix, Saint-Brieuc, Saint-Malo, etc., etc.

Le premier navire, nommé la Marie du Faouët, ferait-il exception à cette règle ? Nous ne le pensons pas. Ce lieu du Faouët, c'est le nôtre, géographiquement placé près de Blavez comme dans le titre de dom Morice. Ce port du Faouët d'autrefois, c'était la baie de mer qui s'avançait jadis jusqu'au pied du manoir de ce nom ; et si elle fut fréquentée, on comprendra de quelle utilité pouvait être, à une époque où l'artillerie était inconnue, un poste au fond de cette baie, au point d'atterrage le plus favorable alors pour pénétrer dans les terres, dans la direction de Ploemeur, en venant de la rivière d'Hennebont, depuis l'établissement du moulin à mer du Faouëdic qui est très-ancien. Comme conséquence de ce raisonnement, le jour où une batterie de canons, placée à l'extrémité de la presqu'île, la batterie du Mézy fut construite, elle fut maîtresse de l'entrée du Scorff ; et on put se croire, dans cette partie, à l'abri des écumeurs de mer, qui ne firent jamais défaut dans les guerres, dans les temps de trouble ; et ce jour là l'importance de la position du Faouëdic disparut. C'est ce qui explique, qu'une fois tombé en ruine, ce manoir ne fut pas relevé.

Que ce soit ce motif ou un autre, toujours est-il que depuis longtemps le Faouëdic avait cessé d'être habité de ses propriétaires ; depuis 1555 peut-être, où nous y avons vu Franczoys de Lisivy. Les droits honorifiques des seigneurs de cette maison, dans l'église de Ploemeur étaient même presque complètement oubliés ; car, si dans l'aveu de 1681 on mentionne le droit à un banc et accoudouer, ou ajoute : estant dans l'endroit où est à présent le ballustre du choeur.

Il n'y avait donc plus de manoir depuis longtemps ; mais il y avait une métairie du Faouëdic, une métairie noble qui a positivement succédé à la maison noble, et portant après celle-ci le nom de Manoir du Faouëdic : ce qui a permis à des membres de la famille Dondel, selon l'usage du temps, de prendre la qualité de seigneur du Faouëdic, après avoir vendu le lieu principal de ce fief à la Compagnie de Saint-Domingue. Les bâtiments de cette métairie étaient placés au bord du chemin allant du manoir (près de la fontaine) à Ploemeur, passant par l'Eau courante ; à droite, en quittant le Cours-Chazelle.

Ainsi que le manoir, la métairie du Faouëdic a complètement disparu, on n'en voit, on n'en devine aucune trace. Jusque vers 1755, elle figure encore sur les cartes de ce pays, mais comme elle n'est plus portée sur les cartes d'une date plus récente, on doit supposer que c'est à l'établissement des fortifications de Lorient qu'elle doit sa disparition : cette métairie se trouvait placée, en effet, dans la première ou la deuxième zone de la place.

Le moulin à mer du Faouëdic qui payait annuellement vingt soubz de rente au seigneur de Tréfaven, comme l'apprend le compte de Jehan Le Tehouer de 1474, d'une origine bien ancienne conséquemment, existait encore vers le milieu du XIXème siècle. Il était placé sur la rive gauche du ruisseau du Faouëdic, à gauche de la chaussée de l'étang en se dirigeant vers Ploemeur. La chaussée n'avait pas anciennement la largeur que nous lui voyons aujourd'hui, le passage ne pouvait s'effectuer avec charrettes. Le prix de ferme de vingt-cinq perrées de seigle et vingt-cinq perrées de froment, en 1681, était considérable ; mais il s'explique par l'étendue des dépendances du Faouëdic, dont les vassaux et tenanciers étaient obligés de faire moudre au moulin du Faouëdic. Ce moulin appartenait à l'évêque de Dol, Jean Dondel, en 1760, et la ville de Lorient eut avec lui quelques difficultés relativement aux réparations de la chaussée qu'on eut voulu laisser entièrement à la charge de l'évêque ; bien injustement, car le mauvais état devait avoir pour principale cause, la circulation bien plus active alors qu'autrefois, depuis la naissance de Lorient qui, pour ses constructions, tira la majeure partie de ses pierres des carrières de Bec-er-Groix, aujourd'hui la Perrière à Colin.

Nous n'avons pu découvrir sur quelle partie de la lande du Faouëdic se trouvaient le Colombier, cité dans l'aveu de 1681, et la Motte à Madame, mentionnée dans la sentence de la juridiction de Lorient du 30 janvier 1740, entre Cornec et Bourge. Jusqu'à plus amples renseignements, nous placerons ces deux édifices féodaux sur la partie élevée de cette lande occupée vers 1863 par l'hospice civil.

Nous arrivons à un passage déjà cité de l'aveu de 1681, sur lequel nous appelons l'attention des archéologues : « Le chasteau nommé Le Cloistre, compris sa douve, contient quarante-huit cordes de fonds. Donnant du levant à la pièce de terre nommée Loperennel, du midy sur Parc Ster à Guillaume Hervé, et du nord sur le chemin du Faouëdic à Plœmeur ».

Avant d'avoir eu communication de l'aveu de 1681, nous avions remarqué, dans nos promenades autour de la ville, la disposition toute particulière d'une pièce de terre, située tout près du Lavoir de l'Eau-courante. Malgré son état de terrain cultivé, et l'aplanissement de toute cette partie du voisinage des fortifications, on peut encore reconnaître un vaste parallélogramme de soixante mètres de long sur environ cinquante de large, creux au centre, relevé sur ses bords. La lecture de l'aveu fut une révélation : ce vaste parallélogramme n'est autre chose que l'emplacement de l'ancien château nommé Le Cloistre ; sa contenance et ses débornements répondent à ceux de 1681 ; et le plan cadastral de Lorient lui conserve le nom de Le Cloistre. (N° 1204 de la section A de Kerentrech).

C'est tout ce que nous connaissons sur ce château. Sa haute antiquité ne peut faire un doute ; il dut être en ruine à l'époque de la construction du moulin du Faouëdic, dont la chaussée a intercepté l'accès des barques jusqu'au fond de cette baie, c'est-à-dire l'accès par mer du château du Cloistre, placé à la queue de l'étang du Faouëdic. Bien qu'il y ait plus d'un monastère fortifié, bien que l'on ait pu accoler l'un à l'autre ces deux noms de signification si contraire, de château et de cloistre ; cependant, nous n'avons pas pensé que l'on dût se reporter à un établissement monastique dans ces lieux, malgré le nom de Moustoir-Saint-Phélan que porte un village voisin. Le mot Cloistre, du latin Claustrum, n'a conservé dans le français que le sens de monastère ; mais dans le latin il pouvait signifier place forte, lieu fortifié ; et, en lui reconnaissant cette signification, on trouve toute naturelle l'adjonction de ces deux mots : le château le cloistre, qui à nos yeux auraient ici le même sens.

Si on n'a pas oublié notre prétention, au commencement de cette notice, de faire dériver le mot Faouët, du latin fovere, par fovetum, fossé : retranchement, on sera frappé de ce nouvel exemple de mot latin conservé depuis les temps les plus éloignés sur la presqu'île du Faouëdic ; de cette rencontre de deux expressions du langage militaire Romain, sur un même point ; et si on ne peut regarder encore comme prouvé que ce territoire de Lorient fut jadis un des points de l'occupation romaine, on ne pourra se défendre d'une forte présomption à cet égard, surtout en remarquant que tout près de Lorient existe un ancien manoir du nom de Keroman.

Des fouilles pratiquées sur l'emplacement du château du Cloistre, tireraient l'archéologue de l'incertitude : il saurait à quelle époque en faire remonter l'origine, à quel peuple en attribuer la construction.

Puisque nous nous arrêtons à la possibilité d'une occupation romaine sur le territoire de Lorient, donnons à cette hypothèse de nouvelles forces s'il est possible.

En face de la pointe du Blanc, de l'autre côté du Scorff, sur le territoire du village de Kergoano, nous croyons avoir remarqué un tronçon de voie romaine courant de l'est à l'ouest, arrivant dans la direction de la baie du Scorff remplie, vers 1863, des bois de réserve de la marine impériale. En prolongeant par la pensée cette voie dans la direction de l'est, on traverse le Blavet au passage du Bonhomme, et sur la rive gauche de cette rivière, on remarque sur la carte d'État-Major, tout près du passage, un lieu nommé tout simplement Château. De là, suivant toujours la même direction, on trouve, non loin de Landévant, la route romaine venant de Vannes, dont M. Croizer a perdu les traces sur les terres de Coët-Rival ; peut-être parce qu'il était plein de l'idée, qu'une voie partant de Vannes ne pouvait se diriger que sur Hennebont, pour le passage du Blavet, pour continuer vers le Finistère, en passant par Pont-Scorff ; ou bien sur Blavet (Port-Louis), pour desservir une station romaine [Note : « La voie romaine de Vannes à Hennebont, se dirigeant sur Quimper, est reconnue de la manière la plus exacte depuis Vannes jusqu'à une petite lieue avant d'arriver à Hennebont. M. Croizer l'a suivie en la traçant géométriquement sur les calques du cadastre. De là jusqu'à Quimperlé, elle est à retrouver … » (M. Bizeul au congrès scientifique de Rennes, septembre 1849). Pour retrouver ce tronçon de voie, il faudrait peut-être explorer Ploemeur et Guidel. Dans cette dernière commune, on remarque un village portant le nom très-significatif de La Couarde, comme à Nostang et à Castennec].

Les voies romaines suivaient autant que possible la ligne droite, et pour se rendre de Landévant à Hennebont rien n'obligeait à obliquer vers le sud. En suivant en droite ligne la direction de la voie, nous pensons qu'on doit la retrouver au-delà de Coët-Rival se portant sur le Blavet aux environs du passage du Bonhomme, et traversant la commune de Kervignac, sur laquelle elle rencontrait peut-être un lieu du nom de Claustro, ou un autre nommé Keroman, deux villages de Kervignac.

Le Blavet et le Scorff traversés, le premier au Bonhomme, le second au Faouëdic, cette voie continuait peut-être à longer la côte par les paroisses de Ploemeur et de Guidel, suivant ainsi le littoral jusqu'à l'extrémité de la presqu'île Armoricaine, comme l'indiquent certains géographes.

Pour terminer cette exploration du territoire du Faouëdic, voici en résumé quel était son aspect général à l'arrivée de la Compagnie des Indes.

La seigneurie du Faouëdic s'étendait du nord au sud sur une longueur d'environ 1600 mètres, à partir du chemin nouvellement établi pour aller à la gare des marchandises, jusqu'à l'extrémité de la presqu'île. Au nord, elle s'étendait de l'est à l'ouest depuis la petite baie en amont du Blanc, derrière le nouveau village nommé la Ville-en-Bois, jusqu'au nouveau chemin du cimetière de Kerentrech, à la hauteur des lavoirs de l'Eau-courante.

Les grandes marées s'avançaient dans cette direction tout près de la chaussée de l'Eau-courante ; et, à gauche de cette chaussée, en descendant le ruisseau, on voyait les ruines de l'ancien château du Cloistre. Au point de section du cours Chazelles par le chemin de la Villeneuve, étaient placés les bâtiments de la métairie du Faouëdic, faisant face au midi. Un chemin passait devant cette ferme, venant du manoir, sur la gauche, pour se diriger vers Ploemeur par l'Eau-courante, sur la droite. Ce chemin existe encore en 1863. En face de la métairie, à environ 600 mètres de distance, était situé le village de Kerverot, formé de six à sept petites tenues, peuplé d'habitants à la fois marins et cultivateurs. Le centre de Kerverot était dans le quartier actuel de Lorient borné par les rues des Remparts, de Clisson, Ducouëdic et de Fénélon. A gauche de Kerverot, au fond d'une vaste baie et dans un repli de terrain, se voyaient les ruines du manoir du Faouëdic près desquelles coulait la fontaine de ce nom. A gauche encore et plus près de Kerverot, sur une lande où existent maintenant les bâtiments de l'Hospice civil, se trouvaient les ruines d'un Colombier, et une Motte féodale, assez semblable à un tumulus. Au-delà de la fontaine et du Manoir, toute la partie Est de ce territoire était couverte de bois taillis sur les bords du Scorff, et le centre était couronné d'un bois de haute-futaie. A droite de Kerverot on voyait le vieux moulin à mer du Faouëdic.

Les terres cultivées de Kerverot avaient peu d'importance dans l'enceinte actuelle de Lorient. Elles ne s'étendaient pas à l'est, au delà de la place du Morbihan ; au sud, au delà du carrefour des rues d'Orléans et de Turenne ; à l'ouest, au delà de l'extrémité de la rue Duguesclin : tout le surplus du territoire de Lorient ne formait qu'une vaste lande, la grande lande du Faouëdic, dont l'extrémité méridionale se terminait par une colline. Un petit bois existait autour de cette colline ; et, à ses pieds, faisant face à la rade, était placée la batterie dite du Mézy. Sur le sommet de la colline, où s'élève vers 1863 la Tour de la Découverte, la tradition locale rapporte que l'on voyait autrefois des vestiges d'un monument celtique. Le nom du fort du Mézy, celui de la colline elle-même, venait peut-être de ces vestiges d'un culte appartenant à un âge inconnu,  parvenu presque jusqu'à nous avec son nom de Minihi, Minisi ou Menisi [Note : Minic'hi, Menec'hi, Minibi, Minisi, Menisi, selon les différents dialectes bretons. Ce mot signifie Asile sacré, inviolable ; on le fait dériver généralement du breton Monac'h-ti, Maison de moine. Il faudrait peut-être lui donner une signification différente et une origine plus ancienne : Mein-isé, Pierre d'Isis, et chercher dans l'ancien culte druidique la raison du privilège d'inviolabilité attaché à ces lieux consacrés. « En Tréguier, écrit dom Pelletier, Minic'hi est un rocher fort escarpé ». Le privilège du fameux Minihi de Tréguier s'étendait sur quatre lieues de pays. — Dans le Morbihan, on connait plusieurs localités nommées Ker-Minisi. — On n'est pas d'accord sur l'origine du culte d'Isis dans les Gaules].

L'étendue de la presqu'île, prise par la ville de Lorient et l'arsenal de la marine, était beaucoup moins considérable qu'aujourd'hui. Du côté du ruisseau du Faouëdic, la mer s'étendait sur une largeur moyenne de 80 mètres et une longueur d'environ 600 mètres sur la partie de la ville adjacente au port de commerce : c'est donc une conquête d'environ 5 hectares qui a été faite, vers 1863, sur la mer, dans cette partie.

A l'est de la ville, la baie tout entière du Faouëdic a été prise sur le Scorff ; et, de ce côté, l'agrandissement de territoire peut-être évalué, en 1863, à quinze hectares. Au milieu de cette baie existait un petit îlot.

Le Scorff venait baigner (vers 1863) l'emplacement des maisons de la rue de l'Hôpital faisant face au tribunal ; à l'ouest, les hautes marées s'avançaient au delà de l'abattoir et de la rue Neuve de la Comédie ; de telle sorte, que vu sur une carte, le territoire primitif de Lorient a l'aspect d'un torse humain.

Dans la partie de l'arsenal, la presqu'île du Faouëdic s'est encore agrandie sur la mer. Les conquêtes de cette partie ont été commencées par les premiers établissements de la Compagnie des Indes qui paraissent avoir débuté où se trouvent vers 1863 les ateliers des grandes forges et de l'ajustage, et aux environs du poste de la machine à mâter (Edouard Corfmat, 1863).

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