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LA FAMILLE DONDEL.

V

Thomas Dondel, sieur de Brangolo, fils de Guillaume Dondel, sieur de Kerhabellec, et de Catherine Tuaut, naquit à Hennebont au mois de Janvier 1619.

Nous ignorons la profession qu'exerça le sieur de Kerhabellec ; mais Thomas Dondel, qui prit le nom de sieur de Brangolo, d'une propriété située près de Guémené, appartenant à Catherine Tuaut sa mère, tint toute sa vie la profession de commerçant à Hennebont, ainsi que ses deux frères, François, sieur de Pendref, Guillaume, sieur de Keruzenel ; et ses deux beaux frères, François de la Pierre, sieur Dessales, et Jean Bréart, sieur de Boisanger.

Les débuts du sieur de Brangolo se firent dans la maison de commerce de son frère aîné François Dondel ; celui-ci, à raison d'une grande différence d'âge parait être issu d'un premier mariage du sieur Kerhabellec [Note : Guillaume Dondel, sieur de Kerhabellec avait épousé en premières noces Françoise Castaigne. — La terre de Kerhabellec est située dans la commune de Languidic ; Pendref et Keruzenel ou Keruzener se trouvent dans la commune de Caudan. Pendref est connu sous le nom de Château du Diable]. En même temps que Thomas, François Dondel avait pour commis dans sa maison, François de la Pierre, que nous croyons originaire du pays de Nantes. En 1644, de la Pierre devint le beau-frère de son patron et de son collègue, en épousant Thomase Dondel ; et, soit en prenant la suite des affaires de François, soit en créant une nouvelle maison, Thomas Dondel et François de la Pierre formèrent bientôt une association commerciale. Cette société, qui dura près de 35 ans et fit la fortune des deux négociants, ne cessa qu'à la mort de Thomas Dondel.

Dans le principe, le genre d'opérations des deux associés fut le même que celui de leur patron : la vente en gros de vins et autres marchandises de consommation locale, et l'expédition sur Nantes et Bordeaux de céréales et de sardines. Ils affermèrent comme lui les revenus ecclésiastiques, les terres et les domaines de la noblesse des environs d'Hennebont, et comme ces revenus consistaient principalement en grains, ils pouvaient chaque année en disposer d'une grande quantité. Bientôt ils affermèrent les produits des divers impôts du pays.

Toutes ces opérations continuées avec succès pendant quinze années, les deux associés visèrent à de plus grandes spéculations. Les fermes générales étaient alors l'occasion de grandes fortunes, c'est de ce côté qu'ils tournèrent leur ambition. En 1659, ils sous-traitèrent avec un banquier de Nantes, de la ferme des impôts des évêchés de Vannes et de Quimper. Ces adjudications se faisant trois années à l'avance et pour deux années, leur marché n'eut d'effet que pour les années 1662 et 1663.... En 1661, nouvelle adjudication pour 1664 et 1665. Cette fois Dondel et de la Pierre furent plus hardis ; et, sous un nom d'emprunt, ils demeurèrent adjudicataires des impôts des mêmes évêchés. Ils furent aussi heureux à l'adjudication de 1663 ; puis successivement à plusieurs autres adjudications, probablement ; car, pendant longtemps, on les vit prendre la qualité de Receveur des fouages

Les deux associés divisèrent le travail entre eux : Dondel fut chargé de l'évêché de Vannes, et de la Pierre de l'évêché de Quimper ; mais ils ne cessèrent pas pour cela d'habiter ensemble une même maison à Hennebont, Rue-Neuve, dans laquelle Dondel mourut le 23 Février 1679. La société des deux beaux-frères fut tellement liée, que toutes les acquisitions d'immeubles se  firent en commun : c'est comme associés qu'ils se rendirent adjudicataires des seigneuries du Faouëdic et de Lisivy en Ploemeur, le 15 Juillet 1667, ainsi que nous l'avons dit précédemment. Après la dissolution de la société par suite de la mort de Dondel, la terre du Faouëdic-Lisivy tomba dans le lot des héritiers de ce dernier et devint l'héritage de son fils Pierre Dondel, seigneur de Keranguen, sénéchal de Vannes.

Nous avons vu Dondel et de la Pierre affermer les impôts des évêchés de Vannes et de Quimper ; à ce propos nous devons raconter un incident auquel nous avons entendu accorder une certaine influence sur la détermination de la Compagnie des Indes de porter ses chantiers de construction et ses magasins au Faouëdic ; c'est-à-dire sur l'origine de Lorient.

Voici le fait : A l'époque où Dondel et de la Pierre débutaient dans les fermes générales, il y avait à Port-Louis, pour commandant militaire un sieur de Malenoë, créature du duc de Mazarin, lieutenant-général de la province de Bretagne et gouverneur du Port-Louis. De Malenoë connaissait la famille Dondel, avait des relations d'amitié avec elle et même, à ce qu'il paraît, des relations d'affaires, telles que dépôts de capitaux, intérêts dans des navires, etc. De Malenoë était un peu au courant des opérations de Dondel, principalement par l'intermédiaire de Bréart de Boisanger, son beau-frère et son correspondant, qui habitait le Port-Louis.

Il eut connaissance, en 1661, de l'adjudication, au profit de la société Dondel et de la Pierre, des impôts de l'évêché de Vannes ; et l'envie de gagner de l'argent s'emparant de Malenoë, il s'adressa à Dondel pour en obtenir la concession des droits de consommation sur les boissons de Port-Louis, sur le même pied que les sous-fermiers précédents. Il faut dire que Port-Louis s'étant agrandi notablement depuis environ quarante ans, n'avait pas, jusqu'alors, attiré l'attention des fermiers-généraux, qui se contentaient, des sous-traitants de cette localité, d'une espèce d'abonnement fixé depuis longtemps à trois cents francs, lorsque les produits de cette nature d'impôts s'élevaient dès 1660 à huit ou neuf mille livres, chiffre qui allait s'élever bientôt à une somme bien plus considérable, à l'occasion de la Compagnie des Indes.

Dondel, qui était exactement instruit de cet état de choses, soit par lui-même, soit par Bréart, refusa d'accorder à de Malenoë la cession qu'il lui demandait ; c'est-à-dire qu'il refusa de se contenter d'une somme de trois cents livres pour un bénéfice de huit à neuf mille.

Mais de Malenoë insista, menaça même Dondel d'user de son autorité pour lui nuire, et enfin eut recours au crédit du maréchal duc de Mazarin pour vaincre sa résistance : Dondel dut céder. A la suite de l'adjudication de 1663, même manège de la part de Malenoë, même soumission de Dondel. Mais de Malenoë ne jouit pas longtemps des fruits de ses exactions, il mourut au mois de Mars 1664, après avoir cédé à Bréart son marché moyennant dix mille livres par an.

A la mort de de Malenoë, Dondel se crut délivré à la fois de son dangereux associé et de son désastreux marché. Il fit signifier immédiatement à Bréart d'avoir à lui verser le montant des produits des impôts sur les boissons du Port-Louis, sur le pied des traités passés entre celui-ci et Malenoë, c'est-à-dire dix mille livres par an. Mais la veuve de Malenoë et sa fille s'opposèrent aux prétentions de Dondel, et firent valoir le traité passé entre ce dernier et le commandant du Port-Louis : un procès s'engagea sur ces contestations. Ici encore, pour le malheur de Dondel intervint le duc de Mazarin, qui ne trouva d'autre procédé, pour mettre fin aux débats, que celui de la table du bon La fontaine, l'Huître et les Plaideurs, et disposa, de sa propre autorité, des produits des années 1664 et 1665, de la manière suivante :

« Il est ordonné au Sr de Boisanger de payer aux cy-après nommez la somme de vingt mille livres pour les deux années qu'il doibt des devoirs qui se lèvent sur les vins qui se débittent au Port-Louis, savoir. A madame de Malenoë dix mille six cent cinquante livres. Au Sr de Beauregard la somme de sept mille livres y compris la somme de six mille six cent livres qu'il a cy-devant reçue. Au Sr de Montgogué [Note : Le major de Montgogué était fils naturel du duc de la Meilleraie, père du duc de Mazarin. — De Beauregard succéda à de Malenoë dans le commandement de Port-Louis] major la somme de six cens livres. Aux Srs Dondel et de la Pierre la somme de six cents livres. Au dit Boisanger pour despence par lui faite à la construction de la corderie du Port-Louis la somme d'unze cent cinquante livres. Fait et arretté à Vitré le 19 Septembre 1665. [signé] Le duc Mazariny ».

Et pour couper court à toutes difficultés relativement à cet excès d'autorité et aux contestations entre les héritiers de Malenoë, Dondel, de la Pierre et Bréart, le Duc imagina de se faire offrir les revenus de ces mêmes impôts, à perpétuité, pour lui et ses héritiers, par les Etats de Bretagne, dont la décision à ce sujet ne manque pas d'intérêt, sous plus d'un rapport.

La voici textuellement : « Les gents des trois Estats du pais et duché de Bretagne convoqués et assemblés par auctoritté du Roy en la ville de Vittré dellibérants sur ce qui leur a esté remonstré par leur procureur général sindic que le lieu de Port-Louis n'estant il y a quelques années que la retraite de pauvres mathelots et pescheurs auroit été sy peu considéré par les fermiers des devoirs des Estats qui se perçoivent sur les vins et autres breuvages qui se débitent en détail, qu'ils se contentaient d'une somme fort modique de deux ou trois cents livres par chacun an pour tous droits qu'ils pourraient prétendre en conséquence de leurs baux sur touts les débitants dudit Port-Louis ; lequel s'estant depuis augmenté après la closture des murailles et un grand establissement de commerce, qu'il estoit raisonnable et à propos de mettre les choses sur un autre pied et d'y percevoir lesdits devoirs à l'advantage des Estats, de la manière qu'ils sont levez dans le reste de la province.

Lesdits Estats pour marquer la particullière et forte recognoissanoe qu'ils ont de toutes les grâces, faveur et protection qu'ils ont reçues en général et en particulier de deffunct très-hault et très-puissant, messire Charles de Laporte duc de Melleray, pair et mareschal de France, conseiller du roy en tous ses conseils, chevalier de ses ordres, grand-maistre de l'artillerye et surintendant des pouldres et salpêtres, seul lieutenant général en Bretagne, gouverneur de la ville et chasteau de Nantes, des villes et forteresses de Port-Louis, Hennebont et Quimperlé, durant un gouvernement de plus de trente années, dans des temps très-difficiles à cause des guerres étrangères et domestiques dont la Bretagne par ses soings a esté inviolablement entretenue dans le service du roy nonobstant les puissantes factions qui partagèrent toute la France ; les privilèges de la province conservés lorsque l'on n'en recognoissait plus dans le royaume ; et enfin les Estats constamment maintenus en leurs libertés et franchisses. Et voyant avec une satisfaction extresme avec quelle application, bonté, piété et justice, très-hault et très-puissant messire Armand-Charles, duc de Mazarini, la Meilleraye et Mayenne, pair de France, conseiller du roy en tous ses conseils, gouverneur de le haulte et basse Alsace, lieutenant général en Bretagne, gouverneur de la Ferré, du chasteau de Vincennes, de Brissac, de Philisbourg, de Betfort, des villes et forteresses du Port-Louis, Hennebond et Quimperlé, son fils, continue à gouverner la province ; et faisant une grande considération des dépenses immenses de plus de cinq cents mille livres auxquelles par le deffunt seigneur mareschal de la Melleraye et par ledit seigneur duc de Mazarini, il a été pourvu pour fermer de murailles et fortifications ledit Port-Louis, y bastir des esglises magnifiques et de beaux monastères, pour les commodité et conservation des habitants ; et de cette sorte, d'un cheftif hameau en faire une ville si considérable qu'elle a mérité à l'exclusion de toutes les aultres du royaume qui recherchoient avec empressement ung pareil advantage, d'estre choisie pour le principal establissement de la Compagnie des Indes orientalles, qui attire l'abondance et la richesse dans le pays, avec la jalousye des provinces voisines ; et affin de convier mon dit seigneur le duc de Mazarini parachever ung ouvrage de cette consecquance et luy donner en quelque façon les moiens de l'entretenir et réparer et d'y faire de plus en plus fleurir le commerce,

Ont ordonné que lesdites ville et forteresse de Port-Louis en faveur et au profilt dudit seigneur duc de Mazarini, des Srs ses héritiers et ayant cause, seront et demeureront pour le temps passé et à l'advenir abonnées et fixées à la somme de trois cents livres tournois par chacun an pour tous devoirs imposez ou qui s'imposeront cy-après à perpétuité par lesdits Estats sur les vins et aultres brevages qui se débitent en détail, sans que leurs fermiers ou receveurs en puissent prétendre plus grande somme en vertu de leurs fermes et baux faictz et à faire ; consentent que ledit seigneur duc de Mazarini, les sieurs ses hérittiers et ayant cause en jouissent et disposent comme de leurs aultres biens propres ; qu'à cet effet il se pourvoye chez le roy pour obtenir les lettres à ce nécessaire ; qu'il les fasse régistrer aux cours souveraines de cette province et partout ailleurs que besoin sera. Fait en ladite assemblée le 26ème jour d'octobre mil six cent soixante et cinq. Par commandement de mes dits sieurs des Estats. (signé) Racinoux greffier desdits Estats ».

Cette ordonnance des Etats, qui spoliait Dondel et de la Pierre de leurs droits sur le revenu des impôts de Port-Louis pour tout le temps de leurs fermes de 1664 à 1667, ou au moins les héritiers de Malenoë, qui se prétendaient leurs cessionnaires, fut approuvée par le roi, et pendant près d'un siècle le duc de Mazarin et ses descendants en profitèrent.

Et maintenant, voici comment cet incident se lierait à l'histoire de Lorient. D'après une tradition, sortie de la famille Dondel peut-être, cette injustice aurait suggéré aux sieurs Dessales et Brangolo, l'idée d'attirer hors de Port-Louis l'établissement de la Compagnie des Indes, cause principale de l'accroissement des impôts sur les boissons dans cette place, de manière à atténuer leur perte et à nuire à leur oppresseur le duc de Mazarin ; et ce serait à leurs efforts, à leur influence que serait due la création des chantiers du Faouëdic, origine de Lorient [Note : Cette tradition est assez vague, nous ne l'avons pas trouvée écrite. Une autre version ferait au duc de Mazarin attirer la compagnie des Indes au Port-Louis, pour augmenter ses revenus en conséquence du privilège que lui avait accordé les Etats. Mais ici les dates empêchent d'admettre le fait comme probable ; on soupçonne du reste que c'est la même tradition tournée différemment].

Nous ignorons si le fait est vrai ; mais ce qui semblerait lui donner une apparence de fondement, outre les faits que nous venons de raconter, c'est que Dondel et de la Pierre, par leur position de riches commerçants du pays, de fermiers généraux, d'intéressés probablement dans la nouvelle compagnie des Indes, purent facilement exercer une certaine influence sur les agents de cette compagnie au Port-Louis ; que Dondel fit en 1665 un voyage de Paris, où ses relations durent lui ouvrir les portes des directeurs de la compagnie et peut être lui donner accès près du surintendant des finances Colbert ; que dix mois après l'ordonnance des Etats de Bretagne que nous venons de reproduire, parut l'édit de Louis XIV portant concession à la compagnie des Indes des terres vaines et vagues le long des rivières de Blavet et de Scorff, et au Faouëdic, pour établir leurs chantiers et magasins (juin 1666) ; qu'un an plus tard, Dondel et de la Pierre se rendirent adjudicataires de la seigneurie du Faouëdic (15 juillet 1667) ; et qu'immédiatement la compagnie vint fonder sur les plages de cette terre ses premiers établissements hors Port-Louis.

Nous connaissions le fond de la tradition que nous venons de rapporter, mais sans y avoir attaché la moindre importance ; nous l'eussions certainement passée sous silence, sans la découverte que nous avons faite de toute l'intrigue, de toutes les exactions des Malenoë et Mazarin contre Dondel, de la Pierre et Bréart, dans les pièces d'un procès qui dura longtemps devant la juridiction d'Hennebont et le parlement de Rennes entre les Bréart et les héritiers de Malenoë, au sujet de ces fameux devoirs de 1664 à 1667. Aussi, sans toutefois ni admettre ni rejeter Dondel comme le fondateur de Lorient, nous croirions commettre une nouvelle injustice envers sa mémoire, en omettant de rapporter la tradition qui se rattache à son nom, et d'exposer les faits sur lesquels elle se fonde et l'examen des probabilités dont elle peut être appuyée.

Après tout, si le nom de Dondel ne devait pas être lié si étroitement à l'origine de Lorient, rappelons-nous qu'il a des titres plus grands et plus certains à l'honneur de figurer au premier rang des annales de cette ville : Le sol de l'église de Saint-Louis, celui des places et des halles qui l'entourent a été donné par le fils de Thomas Dondel.

Avant de terminer cette notice sur Thomas Dondel, nous croyons indispensable de rectifier des faits, que l'exagération de la louange des Etats de Bretagne envers le duc de Mazarin dans leur ordonnance du 28 octobre 1665, a dénaturés.

A cette époque, Port-Louis n'était pas une ville superbe, couverte d'édifices et d'établissements magnifiques, pleine d'une riche et immense population ; et à la prise de possession de son commandement par le père du duc de Mazarin, le duc de la Meilleraie, ce n'était pas non plus un chétif hameau servant de retraite à de pauvre matelot et pêcheurs [Note : une seule preuve : « du 6 octobre 1601, acte de vérité consenti par Louise Mocarre veuffve du feu Alain le Poher, demeurant en la ville de Blavet, à Jehan de Castillon, aussy demeurant au dit Blavet ... faict et gréé au dict Blavet au tablier de Claude Le Milloch l'un des notaires ; et d'aultant que la dicte venderesse ne seait signer, elle a payé sire Paul Coutin, marchand de signer la présente à sa requête ». Cet acte porte les signatures : Le Milloch notaire royal, Le Puillon notaire royal ; et Coutin. Les notaires appartenaient à la juridiction d'Hennebont et résidaient à Port-Louis (Blavet)]. Non, Port-Louis ne méritait: « Ni cet excès d'honneur ni cette indignité ». Pour parler plus exactement, Port-Louis au commencement du XVIIème siècle avait déjà une agglomération de population de quelque importance. Le bourg de Blavet, ou de Saint Pierre de Blavet comme on le nommait, était la résidence du recteur de la paroisse de Riantec. Au nombre des habitants ; il y avait un corps de bourgeoisie, des marchands, des notaires, etc. En 1618, deux ans après l'édit qui changea le nom de cette localité en celui de Port-Louis, on organise cette bourgeoisie en corps de communauté, et à partir de cette époque elle a le droit de députer aux états de la province [Note : La ville de Port-Louis cessa en 1658 de se faire représenter aux états de la province, faute de revenus communaux pour subvenir aux dépenses de son député. — la preuve de ce fait résulte d'une procuration délivrée par les notables de la ville à l'un d'eux, le 17 novembre 1671, pour solliciter du roi le rétablissement d'anciens droits d'ancrage qui se percevaient au profit de la ville, procuration dans laquelle on lit ce qui suit : « … lesquels ont nommé à leur procureur général et spécial (le nom est laissé en blanc) …. auquel ils ont donné … tout pouvoir … de représenter de leur part au roy notre sire. Que Louis treize aurait par ses lettres patentes du dix-septiesme juillet 1618 … décoré ladite ville de son glorieux nom, et entre autres choses, concédé aux habitants d'icelle le droit de communauté, avec pouvoir d'eslire un d'entre eux pour leur procureur scindic, d'assister aux Estats de cette province pour y voir entrée et voix délibératives à l'instar des communautés des autres villes royales de ladite province. En conséquence des quelles lettres les habitants de ladite ville de Port-Louis auraient assisté aux estats de ladite province représentés par leurs syndics, y eu séances et voix délibératives ainsi que les autres communautés des villes royales fors depuis mil six cent cinquante et sept qu'ayant député le sieur Jean Chérel, l'un d'entre-eux, pour assister aux estats, ce qu'il fit, lequel n'ayant été remboursé des frais de son assistance auxdits estats, et les habitants n'ayant aucun fond pour ce faire, pour n'avoir fait supplication à sa majesté pour la continuation du droit à eux accordé.... n'ont du depuis envoyé personne aux dit estats, personne n'y voulant assister à ses propres frais, et que ladite ville du Port-Louis estant à présent cernée de murailles, peuplée de quantité de familles qui s'y sont establies … tant pour la bonté du lieu que de son Hâvre que l'on peut mettre pour un des meilleurs de l'Europe, ce qui a esté fort bien recogneu par Messieurs de !a compagnie d'Orient …, a besoign de quelques deniers communs pour subvenir aux nécessités publiques, comme construction d'un quay, fontaines et ramas d'eaux, entretien des pavés et avenues, establissement d'un professeur de la marine, n'y en ayant aucune ville dans la province à trente lieues de ladite ville ; d'un régent et austres maistres d'escolles pour l'instruction de la jeunesse ; soulagement des pauvres et autres nécessités publiques et communes … » (Cadio notaire. — Archives de la sénéchaussée d'Hennebont). Après avoir vu comment la ville de Port-Louis cessa d'elle-même, en 1658, de jouir de son droit de représentation aux Etats, Ainsi que les autres villes de la province, il serait intéressant de rechercher les causes qui lui firent perdre ce droit, d'une manière telle, qu'il ait fallu un nouvel édit (janvier 1763) pour le lui rendre : — mais ce serait s'écarter trop longuement de notre sujet].

Port-Louis n'était donc pas, lors de l'entrée en fonctions de gouverneur du maréchal de la Meilleraie, en 1636, un chétif hameau peuplé seulement de matelots. Comme port, son importance était vieille et il était fortifié avant l'occupation espagnole de 1590. Des navires de guerre y armaient très-anciennement ; et les gros navires qui ne pouvaient remonter le Blavet ou le Scorff, y chargeaient et déchargeaient des marchandises. Les principaux marchands d'Hennebont y avaient des associés ou des correspondants ; et, lorsqu'en 1573 les manans et les habitants de cette ville résolurent de coopérer à leurs frais à la reprise de Belle-Ile, tombée au pouvoir de Montgommery à la tête de la flotte anglaise, fait remarquable du patriotisme malheureusement trop peu connu, c'est à Blavet qu'ils armèrent leurs navires de guerre. [Note : Nous avons découvert cette belle résolution, qui n'eut pas de suite par l'abandon de Belle-Ile que firent les Anglais, dans un projet de quittance sans date, mais que nous croyons appartenir au commencement du XVIIème siècle et qui est ainsi conçu : « Devant nous, nottaires royaux jurés et héréditaires en la court de Hennebond, a comparu devant nous en personne noble homme Morice Baellec hérittier de deffunct noble homme Jean Huby vivant procureur du roy en la juridiction de Hennebond. Lequel Huby auroict esté mary et espoux de damoiselle Jeanne Darasen, ledict feu Huby son mary ayant concédé … et meuble de leur communité aux fin de la donation mutuelle et esgalle d'entre eux. Laquelle Darasen estoict soeulle fille et hérittière de deffunct Thadé Darasen en son vivant l'un des manans et habitants de la dicte ville de hennebond. Lequel Thadé Darasen auroict esté l'un des habitants quy auroict fraié et advancé en l'an mil cinq cent soixante et treize la somme de onze vingt cinq livres tournois pour la despanse et l'arimage des navires de guerre qui se firent à Blavet pour le recouvrement de Belisle. Lequel Morice Baellec a reçu comptant en notre présence la somme de cent douze livres soubz tournois faisant le parachèvement des onze vingt cinq livres tournois de Bonaventure Le Mezec fils et l'un des hérittiers de deffunct noble homme Jullien le Mezec, ledict feu le Mezec ayant esté procureur sindicq des bourgeois et habittants de ladicte ville de Hennebond en ladicte année mil cinq cent soixante et treize de laquelle somme de cent douze livres dix soubz tournois ledict Morice Baellec a quitté ledict Bonaventure le Mezec et tous aultres par la présente et promez l'en acquitter envers tous et contre tous à la coustume. Faict et gréé à … en toute forme de quittance soubz le signe dudit Baellec et le nostre le … »].

Quant à la forteresse de Port-Louis, telle qu'elle existait en 1665, ce n'est pas au maréchal de la Meilleraye que sa construction était due, mais à son beau-père le maréchal de Brissac qui en était encore gouverneur en 1626 [Note : Le maréchal de Brissac céda le gouvernement de Port-Louis au maréchal de la Meilleraie son gendre en 1636 ; et ce dernier au duc de Mazarin son fils en 1655. - Dictionnaire d'Ogée] à l'époque du coup de main tenté par le prince de Soubise, commandant d'une flotte de huguenots, et qui se réduisit au sac du Port-Louis et à la prise de vaisseaux de guerre en armement dans son port. Les murailles seules de la ville sont dues au maréchal de la Meilleraie ; et encore étaient-elles commencées lorsque le duc de Brissac lui céda le commandement de cette place. Le fait que toutes ces constructions militaires auraient été établies aux frais personnels des gouverneurs, est formellement contesté dans les pièces du procès dont nous avons parlé. Il y est dit par les héritiers de Malenoë, qui devaient être en position de connaître la vérité à cet égard, que les fortifications et les murailles ont été construites aux frais du Roi.

Pour ce qui concerne les églises magnifiques et les beaux monastères, on doit trouver, dans les archives du Port-Louis, des preuves que la construction de l'église de l'Assomption, qui ne fut achevée qu'en 1667, et celle des autres établissements de piété ou d'utilité, sont dues principalement au zèle, à la générosité et aux sacrifices des habitants, plutôt qu'aux largesses des ducs de la Meilleraie et de Mazarin.

Mais, avouons-le, messieus les députés des Etats de Bretagne, furent plus jaloux d'encenser le duc de Mazarin qui les présidait à leur assemblée de Vitré, que préoccupés de fidélité historique ; et d'ailleurs, ils ne furent coupables que de faiblesse, car la réduction de leur ordonnance du 26 octobre 1665 fut, dit-on, l'oeuvre du secrétaire particulier du duc.

Dondel mourut à Hennebont le 23 février 1679 et laissa quatre enfants de son mariage avec Françoise Touzé ; l'un, Pierre Dondel, sieur de Keranguen, hérita de la seigneurie du Faouëdic-Lisivy et devint sénéchal au présidial de Vannes ; Charles Dondel, sieur du Parc, eut la charge de sénéchal au présidial de Quimper, que son père lui acheta, en 1676, pour la somme énorme de soixante-seize mille livres ; Marc Dondel, sieur dudit lieu, ne paraît pas avoir occupé de fonctions ; et Françoise Dondel, qui épousa le 13 février 1679, dix jours avant la mort de son père, Jean-Baptiste de Cornulier, seigneur de la Lorière, conseiller au parlement de Bretagne. Le surnom de Brangolo ne fut conservé par aucun de ses enfants ; il est vrai que depuis longtemps Thomas Dondel n'était plus propriétaire de la terre de la paroisse de Locmalo, près de Guémené, d'où il le tirait ; dès 1646 il vendit Brangolo à un sieur Charles Piau.

Le nom de Dondel ne figure pas dans la réformation de la noblesse de la Bretagne de 1668 et années suivantes ; et, d'après la profession de marchand que nous voyons cette famille pratiquer à Hennebont, les fonctions de procureur-syndic de la communauté de cette ville, exercées par les trois frères Guillaume, François et Thomas Dondel [Note : François Dondel, sieur de Pendreff, syndic en 1629 ; Guillaume Dondel, sieur de Keruzenel, syndic en 1651 ; Thomas Dondel, sieur de Brangolo, syndic en 1655], il semblerait que cette famille fût bourgeoise. Cependant le 9 juin 1709, un arrêt du conseil d'Etat du roi, déclara Pierre Dondel, sieur de Keranguen, sénéchal de Vannes, François et Hyacinthe ses fils, nobles d'extraction et leur reconnut pour armes : D'azur au porc-épic passant d'argent.

Ce qu'il y a de certain, c'est que ce n'est que vers 1672 que Thomas Dondel prit la qualité d'écuyer, et que son fils aîné, le sénéchal de Vannes laissa dans la suite ce titre d'écuyer pour prendre celui de chevalier.

Disons en finissant ce trop long chapitre, qu'un membre de cette famille, Jean Dondel, ancien conseiller du roi, baillif et lieutenant-général au siège de Quimper-Corentin, prit le froc de moine et mourut au couvent des capucins d'Hennebont, vers 1630 ; et que l'un des derniers évêques de Dol, Jean-François Dondel, était petit-fils du sieur de Brangolo.

VI

Après la biographie de Thomas Dondel, il reste peu de choses à dire de François de la Pierre, sieur des Salles, qui s'y trouve presque constamment compris.

Resté seul, François de la Pierre continua les affaires de négoce comme du temps de Dondel, et elles durent largement prospérer, car on le vit parvenir à une fortune considérable. Il acheta pour l'aîné de ses enfants, Jean de la Pierre, la charge importante de grand-maître des eaux et forêts de France et grand veneur de Bretagne ; pour un autre fils, Guillaume de la Pierre, sieur du Henan et de la Villeauliepvre, la charge de sénéchal du duché de Rohan, qu'il paya 9.000 livres en 1690, à la duchesse de Rohan ; pour un troisième fils, François de la Pierre, sieur de Talhouët, la charge de maître en la chambre des comptes de Bretagne. Au nombre des propriétés de François de la Pierre, on remarque celles de Talhouët en Guidel, Henan en la paroisse de Névet, dans l'évêché de Quimper ; et enfin la baronnie de la Forêt, Sebrévet et Kerbrévet, qui s'étendait sur les paroisses de Languidic, Lanvaudan et Quistinic. Cette baronnie lui fut vendue pour le prix de cent vingt-cinq mille livres, par Henry, comte de Maillé et de la Marche, chevalier seigneur marquis de Carman et dame Marie-Anne Dupuy, sa femme, par contrat du 19 octobre 1687, rapporté à Saint-Brieuc par les notaires de la cour de Rennes.

De la Pierre mourut à Hennebont le 4 octobre 1692, et fut inhumé le lendemain dans l'église de Notre-Dame-du-Paradis, près du maître-autel, du côté de l'Evangile.

De son mariage avec Thomase Dondel, François de la Pierre laissa, outre Jean, Guillaume et François que nous avons cités, un quatrième garçon, Thomas de la Pierre, sieur de Fremeur, dont les descendants prennent vers 1863 le titre de marquis [Note : Ordonnance de Louis XVIII du 16 août 1817 qui maintient Armand Louis de la Pierre de Fremeur, dans la possession du titre de marquis que prenaient son père et son aïeul. (Pour armes : d'or à 2 fasces de gueules). Par décret impérial daté de Dresde le 16 mai 1813, le même Armand-Louis de la Pierre de Fremeur fut créé baron de l'empire et la terre de Kermadio près de Sainte-Anne, en Pluneret, fut érigée en majorat (Pour armes : partie d'or et d'azur ; l'or à deux fasces de gueules ; d'azur à trois fusées d'or rangées en fasce ; franc quartier des barons, membre du collège électoral, du neuvième de l'écu, brochant sur le 2ème parti). — Le Majorat de Kermadio est le seul qui ait été érigé dans l'arrondissement de Lorient] ; et une fille, Julienne de la Pierre, qui prenait la qualité de demoiselle du Faouëdic. Celle-ci eut un sort non moins avantageux que ses frères : elle épousa, le 21 octobre 1678, Yves de Coniac, chevalier seigneur d'Allineuc, fils aîné de Jean de Coniac de Toulmen, conseiller au Parlement de Bretagne.

François de la Pierre tirait son nom de Dessales d'une petite propriété de la paroisse de Riantec. Il n'était pas noble d'origine ; il fut anobli par la charge de Conseiller-Secrétaire du Roi, maison et couronne de France, qu'il acheta : ses provisions sont du vingt-deux Février 1674. De la Pierre prit à partir de cette époque le titre d'écuyer, bien que dans des transactions commerciales postérieures il ait encore employé celui de Marchand à Hennebond. Par la suite, son fils aîné, qui eut en partage la baronnie de la Forêt [Note : Voici une généalogie des seigneurs de la Forêt, prédécesseurs des de la Pierre : 1° Pierre de la Forest, seigneur dudit lieu, mourut en 1426 ; 2° Jean de la Forest mourut en 1436 ; 3° Pierre, seigneur de la Forest et de Saint-Merven, mourut en 1494 ; 4° Louis de la Forest mourut en 1500 ; 5° Louyse de la Forest, dame dudit lieu, et de Campson, héritière de Louis de la Forest et d'Ysabeau de Campso, épousa Tanguy de Kermavan (ou de Carman), et lui apporta la terre de la Forest ; elle mourut en 1544 ; 6° Jean de Kermavan (Carman), mort sans enfants ; 7° Tanguy de Kermavan, seigneur dudit lieu, de Sexploë, de la Marche, de Lesquelen, de la Forest, de Campson, etc., épousa Catherine de Rohan, fille de Jean de Rohan et de Guyonne de Lorgeril. Il mourut sans enfants ; 8° Françoise de Carman, fille de Tanguy et Louyse de la Forest, soeur de Jean et de Tanguy, survit à ses frères, épouse Jean de Plusquellec, chevalier, à condition que les enfants à naître du mariage prendront le nom et les armes de Carman. Elle apporta les grands biens des Carman à son mari ; 9° Maurice de Carman, fils des précédents, épousa Jeanne de Goulaine ; 10° Louis de Carman, seigneur dudit lieu, de Sexploë, de la Forest, etc. épousa Diane de Luxembourg, soeur de Charles de Luxembourg, et n'en eut pas d'enfants ; il mourut avec son frère Christophe dans un duel contre le marquis de Coëtmeur, à Rennes, sur la fin du carême de 1584. Le marquis de Coëtmeur, Jacques de Tourmine, mourut de ses blessures à la suite de cette rencontre ; 11° Claude de Carman, soeur et héritière de Louis et Christophe de Carman, épousa François de Maillé, chef du nom et d'arme de la maison de Maillé ; 12° Charles de Maillé, premier marquis de Carman et premier baron de la Forest. La terre de Carman (Kermavan) fut érigée en sa faveur en Marquisat ; celles de Sexplouer et de la Marche réunies et érigées en Comté, et celles de la Forêt, Sébrévet et Kerbrévet réunies et érigées en Baronnie, par lettres patentes du roi Louis XIII, données à Paris au mois d'août 1612 ; 13° Donatien de Maillé, marquis de Carman ; 14° … de Maillé, marquis de Carman, meurt sans enfants ; 15° Henry de Maillé, son frère, lui succède, époux de Marie-Anne Dupuy ; 16° Jean de la Pierre, fils aîné de François de la Pierre, sieur Dessales et de Thomase Dondel], prit les titres de : Chevalier Jean de la Pierre, Baron de la Forêt ; auxquels il ajoutait ceux de Grand-Maître des Eaux et Forêts de France, Grand-Veneur de Bretagne.

De la Pierre portait pour armes : d'or à deux fasces de gueules.

 

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Sur cette presqu'île du Faouëdic-Lisivy, le lecteur n'a vu qu'aridité et solitude, mais il y a peut-être rencontré avec nous les traces de chacune des trois grandes époques de l'histoire Armoricaine : Celles des temps appelés druidiques, dans les vestiges d'un monument du culte des Druides, d'un minihi peut-être, sur le rocher où la tour du port a été construite ; Celles de l'époque de la conquête romaine, dans l'étymologie même du mot Fauoët et dans les ruines du vieux château Le Cloistre ; Celles de l'époque féodale enfin, dans les ruines d'un manoir, d'un colombier et dans la butte féodale.

C'est cette langue de terre, dont nous avons passé en revue les différents seigneurs : les uns gentilshommes d'épée ; les autres, nobles de la finance, qu'un acte de l'autorité souveraine est venu transformer comme par enchantement : changer la solitude et l'aridité de ses landes et de ses grèves, en une des plus belles villes de la Bretagne.

En effet, Louis XIV, en signant au château de Fontainebleau, au mois de juin 1666, l'ordonnance qui assignait la rivière du Scorff et le Faouëdic à la Compagnie des Indes Orientales, pour l'établissement de ses chantiers et de ses magasins, et pour l'armement de ses flottes, créa Lorient.

C'est par la reproduction de cette ordonnance célèbre, que l'on peut appeler l'acte de naissance de Lorient, que nous terminons cette notice.

 

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ORDONNANCE DE LOUIS XIV à laquelle Lorient doit son origine.

Louis, par la grâce de Dieu, roy de France et de Navarre : à tous présents et à venir, salut.

Nous aurions par notre déclaration du mois d'août 1664, formé une Compagnie puissante de nos sujets de toute condition pour faire le commerce des Indes-Orientales à laquelle nous avons donné, concédé et octroyé en toute propriété, justice et seigneurie, l'Isle-Dauphine, cy-devant de St-Laurent, et auparavant de Madagascar, les isles circonvoisines, forts et habitations qui peuvent y avoir été construits, avec pouvoir de naviguer et négocier, à l'exclusion de tous nos autres sujets depuis le Cap-de-Bonne-Espérance, jusque dans toutes les Indes et mers Orientales, et depuis le détroit de Magellan et Lemaire dans toutes les mers du Sud, et défenses à tous autres de faire la dite navigation et commerce sur les peines y contenues. Nous aurions aussi exempté ladite Compagnie de nous payer beaucoup de droits qui nous sont dus pour les marchandises et vaisseaux qu'elle fera entrer et sortir de notre royaume et accordé quantité d'autres privilèges ; et pour la conduite des affaires de ladite Compagnie, nous aurions ordonné qu'il serait établi une chambre en notre bonne ville de Paris, composée de nombre de directeurs, gens notables, de probité et capacité, des officiers de notre Cour, de notre Conseil, de nos Compagnies souveraines, de nos finances, et des principaux marchands, la nomination desquels aurait été faite en notre présence par les intéressés en ladite Compagnie de six mille livres et au dessus, laquelle nous aurions confirmée par notre autre déclaration du mois de juillet dernier, et par icelle accordé nouveaux privilèges à la Compagnie, depuis laquelle nomination lesdits directeurs qui travaillent avec tout le soin et l'application possible pour le progrès de ladite Compagnie, auraient fait partir deux flottes composées de nombre de vaisseaux, tant pour ladite isle Dauphine que pour les Indes, lesquels ont fait voile au mois de mars 1665 et 1666, la première partie de Brest, et l'autre de la Rochelle, où ils avaient assigné les assemblées de leurs vaisseaux ; mais comme nous faisons faire ès-dits lieux les bâtiments de nos vaisseaux et armements de nos flottes, il s'y trouve beaucoup de difficultés, c'est ce qui aurait donné lieu auxdits directeurs de nous remontrer qu'il est nécessaire d'avoir un lieu et port pour faire les armements des flottes de ladite Compagnie et le rendez-vous général de ses vaisseaux, sur quoi nous aurions fait visiter le long de nos cotes de la mer Océane et rivières y affluentes, tous nos ports et hâvres, et par le rapport qui nous a été fait par les personnes que nous y avons employées, il se trouve que le lieu le plus propre et commode pour l'établissement de ladite Compagnie est le Port-Louis pour les magasins, et le Faouëdic et quelques autres lieux des environs le long des rivières d'Hennebont et de Pont-Scorff pour les chantiers et autres places nécessaires pour le bâtiment des vaisseaux et qu'il y a des places vaines et vagues qui nous appartiennent, tant dans la ville de Port-Louis que sur les bords et rives de la mer, et au Faouëdic, et le long desdites côtes, sur lesquels l'on peut faire lesdits ouvrages.

A ces causes, voulant donner des marques à ladite Compagnie de notre bonté paternelle pour nos sujets intéressés en icelle, et que nous voulons par tous moyens procurer l'avantage et l'utilité de son commerce, nous avons par ces présentes, signées de notre main, permis et permettons à ladite Compagnie de faire son établissement auxdits lieux de Port-Louis, de Faouëdic et autres des environs, le long des rivières d'Hennebont et de Pont-Scorff, et pour cet effet d'y construire des ports, quays, chantiers, magasins et autres édifices nécessaires à la construction de ses vaisseaux et armements de ses flottes ; et avons à ladite Compagnie concédé et octroyé, concédonnons et octroyons les places vaines et vagues et inutiles qui se trouveront nous appartenir tant dans ladite ville du Port-Louis et hors des murs d'icelle qu'au dit lieu du Faouëdic et autres lieux où seront faits lesdits quays, ports, chantiers, magasins et autres édifices et places nécessaires pour ledit établissement, desquels nous lui avons fait et faisons don par ces présentes, pour en jouir à perpétuité par ladite Compagnie en toute propriété et seigneurie, ne nous réservant aucun droit ni devoir que la seule foy et hommage lige que ladite Compagnie sera tenue de nous rendre, et à nos successeurs roys, à chaque mutation, sans aucune redevance que celle portée par notre déclaration du mois d'Août 1664 [Note : Une couronne et un sceptre d'or du poids de cent marcs. La Compagnie fut affranchie de cette redevance par l'ordonnance de 1683, qui apporta des modifications à ses statuts].

Si, donnons en mandement, à nos amez et féaux Conseillers les gens tenant notre Cour de parlement de Bretagne à Rennes et aussi à nos amez et féaux les gens tenant notre Chambre des comptes à Nantes, généraux de nos finances audit lieu, Sénéchaux et autres, nos Juges et Officiers qu'il appartiendra que ces présentes ils fassent lire et registrer et du contenu en icelles faire jouir et user ladite Compagnie pleinement et paisiblement, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements qui pourraient être faits, nonobstant toutes choses à ce contraires. Car tel est notre plaisir.

En témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes.

Donné à Fontainebleau, au mois de juin de l'an de grâce mil-six-cent-soixante-six, et de notre règne le vingt-quatrième, (signé) Louis. — Par le roy : (signé) de Lionne et Séguier. (Edouard Corfmat, 1863).

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