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LA FAMILLE GAZON
roturiers et seigneurs hauts-justiciers.

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« Honorable homme » Mathurin Gazon et Jeanne Le Breton, sa femme, étaient pâtissiers à Rennes, paroisse Saint-Sauveur, en 1681. Le 2 mars de cette année, ils firent baptiser un fils qui fut nommé Sébastien.

Trente-trois ans plus-tard, le 10 janvier 1694, Sébastien épousait (Saint-Germain de Rennes) Marguerite Galpin, dont les parents habitant Vannes étaient marchands de draps et de soie ; nous disons aujourd'hui marchands de nouveautés.

Mathurin Gazon avait-il été, comme on disait autrefois, pâtissier-oublieur [Note : Le mot pâtissier a un double sens : il s'est dit (comme aujourd'hui) des « faiseurs de gâteaux, biscuits, etc. ». En ce sens on disait pâtissiers-oublieurs (faiseurs d'oublies). Mais pâtissier s'est dit aussi des « cuisiniers publics » dits aussi « rôtisseurs » ; que nous appelons traiteurs ou d'un nom plus moderne (né au dernier siècle) restaurateurs. Il semble qu'au XVIIème siècle, en Bretagne, le mot pâtissier s'entendait des pâtissiers rôtisseurs. Cf. sur ce point le plaidoyer (cause grasse) prononcé en parlement le mardi gras 1621 ou 1622 par Sébastien Frain, célèbre avocat de Rennes, pour les pâtissiers et rôtisseurs de Nantes contre les cabaretiers et taverniers], ou, comme nous disons, pâtissier-confiseur ? Je croirais plutôt qu'if était pâtissier et rôtisseur c'est-à-dire traiteur, ou d'un néologisme du dernier siècle, restaurateur.

Quoi qu'il en soit, les pâtissiers de l'une ou l'autre espèce savaient une situation moindre que celle des marchands de draps et de soie. Ceux-ci tenaient le premier rang dans « la marchandise ». Leur commerce qui les mettait en relation avec la noblesse et la bourgeoisie était lucratif : la preuve c'est que nous voyons nombre d'entre eux s'enrichir et pousser leurs fils dans le clergé, la justice, les carrières libérales, et marier leurs filles à des nobles.

Est-ce son mariage, est-ce une ambition légitime pour lui-même et ses enfants qui porta Sébastien à quitter l'industrie-paternelle ? Toujours est-il qu'il tint, avec sa femme, près de la place Royale à Rennes, une « boutique de draps et de soie ».

Leur commerce prospéra ; si bien que, un quart de siècle après son mariage, le 17 octobre 1720, Sébastien se « rendit devant les Etats adjudicataire de la recette des fouages, vingtièmes et capitation de, Cornouaille. Le prix était de 60.000 livres que l'adjudicataire s'engageait à verser et qu'il versa par moitié aux 5 novembre et 5 décembre suivants [Note : Sébastien avait enchéri pour son frère Mathurin ; mais, deux jours après l'adjudication et sur le désistement de son frère, il fut admis et prêta sermon le 20 octobre].

Sébastien continua son lucratif commerce à Rennes ; et, pendant quelques années, confia la gestion de Quimper à un préposé.

Les époux Gazon eurent entr'autres enfants un fils nommé Joseph-Jacques-Sébastien, né vers 1703. Très jeune, celui-ci avait été directeur de la Monnaie à Rennes. Après quelques années, son père l'envoya gérer la recette de Quimper. A peine installé, Joseph épousa, le 17 juin 1735, Marie-Julienne Mavic (ou Mauic), d'une vieille famille bourgeoise L'année suivante, il faisait baptiser un fils qui fut nommé Joseph-Guillaume-Marie-Anne-Corentin (Saint-Sauveur, 25 décembre 1736).

Sébastien Gazon mourut après 1738 [Note : La veuve Gazon mourut à Rennes, le 27 novembre 1741. (Inhumation. Saint-Germain, 29 novembre)] laissant Marguerite Galpin, sa veuve, donataire ; et celle-ci, par acte du 23 février 1740, céda à son-fils l'office de receveur des fouages, etc. [Note : Le 21 février 1738, les deux époux se faisaient donation mutuelle de tous acquêts et meubles de communauté. (Enreg. au greffe du 22 février)].

Au lieu des 60.000 livres que Sébastien avait payées, le prix fut fixé à 40.000 livres seulement, « prix évalué, est-il dit à l'acte, sur les dernières ventes de pareils offices ».

A cette époque, Joseph Gazon n'avait pas encore « pignon sur rue » à Quimper. Nous avons dit qu'il habitait place Terre-au-Duc une maison qu'il affermait [Note : Bull. de 1898, p. 371, note 2].

Mais la recette était fructueuse et un jour vint où, comme nous l'avons vu [Note : Bull. de 1898, p. 370-371], Gazon, alors pourvu du titre de conseiller du roi, put acquérir, le 15 mai 1759, la maison Cardé, rue Saint-François ; et, ce qui importait davantage, le 24 juin 1761, il acquit la seigneurie du Plessix-Ergué, paroisse d'Ergué-Armel [Note : Bull. de 1898, p. 371. On trouve aux pièces du Plessix les deux dates 14 mars 1461 et 24 juin. La seconde date est donnée dans l'aveu au roi que les acquéreurs rendent le 17 février 1764. La première résultant d'autre aveu du 10 décembre 1783 est erronée. C'est la date de la procuration donnée à fin de vente à GuillEmette Le Coq (fermière générale du Plessix en 1780), veuve du sr Amette, procureur fiscal des regaires, qui, en 1741, s'était opposé à la perception des œufs de Coatfao, et s'était ainsi attiré le dangereux honneur d'un procès avec haut et puissant seigneur Louis. Engelbert, comte de la Marck, maréchal des camps et armées du roi, tuteur de sa fille Louise Marguerite, dame de Pratanras et Coatfao, depuis duchesse d'Arenberg].

***

Cette antique seigneurie était, en 1292, aux mains de Jeanne de Plœuc, fille et héritière de Guillaume de Plœuc et de Constance de Léon. Jeanne donna sa main à Tanguy, puîné de la maison de Kergorlay, seigneur du Tymeur (Poullaouën), à la condition que les enfants qui naitraient de leur mariage prendraient les armes et le nom de Plœuc.

Depuis cette époque, la seigneurie passa de proche en proche aux aînés de la maison jusqu'à leur onzième descendante, la dernière de sa branche, cette infortunée Mauricette de Plœuc, héritière de Guillaume, premier marquis du Tymeur, et veuve de deux maris, le premier, marquis de Maillé-Carman tué en duel en 1652, et le second, marquis de Montgaillard, assassiné dans la rue de Carhaix par un gentil-homme du voisinage, en 1673 [Note : On peut voir cette lugubre histoire et le déni de justice auquel elle donna lieu dans l'Histoire généalogique de la maison de Plœuc, par M. de Thézan, 325 et suiv. et mieux encore dans l'Assassinat du Mie de Montgaillard, étude faite sur les pièces du procès, par notre confrère, M. du Crest de Villeneuve. Bull. de l'Association Bretonne. Saint-Brieuc 1896. p. 265 à 289].

Mauricette de Plœuc mourut en 1685 après avoir pleuré trois de ses enfants et vu saisir et vendre son marquisat du Tymeur.

La seigneurie du Plessix passa à sa fille du premier mariage Marié-Anne de Maillé, mariée, en 1673, à Charles Tiercelin, seigneur de la Roche-du-Maine (Anjou).

En 1761, le Plessix était aux mains de deux sœurs « demeurant ensemble au château de la Jumelière, paroisse du même nom, province d'Anjou ». Elles se nommaient Marie-Anne et Charlotte Barjot d'Appelvoisin de la Roche-du-Mayne. La première était dame de Roncée, la seconde de l'Islette. C'est d'elles que les époux Gazon devinrent acquéreurs.

Le contrat fut passé pour la somme de 64.400 liv., « y compris les gants » [Note : On a dit aussi « les épingles » au sens de « présent qu'on fait aux filles ou aux femmes lorqu'on achète quelque chose où elles ont part, pour leur tenir lieu de ce qu'on appelle entre les hommes pot de vin ». Trévoux. Vis Epingles et gants] ; 42.000 liv. furent payés comptant, le reste étant. payable dans l'année de l'appropriement.

L'acheteur s'empressa de faire publier son acquêt aux plaids généraux d'août ; et, dès le 5 septembre, il prenait possession.

Je ne puis aujourd'hui décrire cette seigneurie. Il suffira de dire ici que le Plessix-Ergué comprenait une soixantaine de mouvances, et, que le seigneur avait, aux pardons d'Ergué-Armel, le droit de pas et trépas et le droit de coutume, droits que nous appellerions aujourd'hui d'entrée et d'étalage.

Voilà pour les droits utiles ; mais les droits honorifiques auxquels les bourgeois du dernier siècle n'étaient pas indifférents... la seigneurie en était abondamment pourvue.

Le seigneur avait la haute justice qu'il exerçait chaque samedi dans la salle basse des Cordeliers de Quimper. Il avait des fourches patibulaires, « à quatre poteaux », au lieu, de Kervao, sur la grande route de Concarneau [Note : Les fourches patibulaires, dites en Bretagne justices (justiciou) — (de là tant de champs portant ce nom) — étaient « le signe public du droit de glaive ». Toutefois les hautes justices n'en avaient pas toujours. Elles n'étaient, établies que par une concession du prince, qui fixait le nombre des poteaux. L'évêque de Cornouaille haut justicier n'obtint de patibulaires que par lettres de Jean V du 18 février 1424. (Hévin. Consult. III, p. 10). De même, en 1421 et 1424, le même duc permit à Jean de Plœuc d'élever des patibulaires « à trois pôts (poteaux) » ; cette concession paya le dévoûment marqué par Jean de Plœuc au duc prisonnier des Penthièvre. — Note d'une très ancienne écriture sur un titre du Plessix-Ergué. — En 1505, la reine Anne autorisa Vincent de Plœuc, petit-fils de Jean, « à ajouter un quatrième pôt à toutes ses justices ». Cette concession fut « confirmée par Louis XII, le 7 août 1508 ». Arch. des. Côtes-du-Nord. Ste E. liasse 882. Cit. de M. de Thézan, Généalogie de Plœuc, p. 159. — Quatre pôts, c'était le nombre de poteaux réclamés par les possesseurs de grandes seigneuries. Ex. le seigneur de Pont-Croix pour son fief de Quéménet (Aveu du 30 octobre 1730) — Le seigneur de Pratanras et Coatfao. (Acte .du 8 mars 1478 : Invéntaire aux pièces de Pratanras. Arch. du Finistère). — Le Vte de Rohan n'avait que quatre pôts quand Charles VIII l'autorisa à en ajouter deux à toutes ses justices. Septembre 1496. (Morice. Pr. III. 785). — Les six pôts (maximum) étaient, dit-on, réservés aux barons. Ainsi le baron de Pont-l'Abbé réclame six poteaux « six piliers de pierre de taille au haut de la montagne de Bringal ». (Aveu du 29 septembre 1732, f° 11. v°. Arch. du Finistère). Sur les patibulaires de Pratanras et de Quéménet, V. Promenade à la montagne de la Justice (1882), à Pratanras (1883) et les fourches... de Quéménet (1883)].

Les seigneurs du Plessix avaient anciennement fondé et ils entretenaient un hôpital au lieu dit Le Guelen, à quatre kilomètres. de Quimper, sur la route de cette ville à Rosporden.

Ils y avaient construit, au XIVème siècle, une chapelle, dont la belle porte, seul débris qui en reste, ne déparerait pas la façade d'une cathédrale. L'hôpital, privé de ses revenus pour diverses causes, était depuis longtemps ce qu'il est aujourd'hui, l'habitation d'un fermier [Note : Aveu de 1672] ; mais la chapelle subsistait au dernier siècle ; et, le 5 juillet 1761, M. Gazon, devenu à la place de ses prédécesseurs fondateur et patron de la chapelle, en prit « solennelle possession, faisant sonner la cloche, et se faisant représenter les vases sacrés et les ornements servant au chapelain », dont il avait la présentation.

Le même jour, M. Gazon prit solennellement possession du ban seigneurial armorié et des écussons du Plessix, Plœuc, Kergorlay et Tymeur semés sur les murs et aux vitres de l'église paroissiale d'Ergué-Armel.

Dans la cathédrale de Saint-Corentin, il lui fut montré une tombe élevée, dans laquelle (il le croyait du moins) il pourrait prendre place un jour, des écussons, bien plus une vitre toute entière, aux armes de Plœuc, Kergorlay et Tymeur, et même aux armes de Léon gardant après cinq siècles mémoire de l'union de Guillaume de Plœuc avec Constance de Léon.

Enfin, dans son aveu au roi, le nouveau seigneur [Note : Je veux parler du fils de l'acquéreur qui rendit aveu en 1783, comme nous verrons] copiant les aveux de ses prédécesseurs, réclame un droit que je ne vois concédé à aucun des seigneurs du voisinage, c'est celui, de « faire porter par un gentilhomme une bannière à la procession du Sacre, immédiatement avant toutes les croix, c'est-à-dire après celle de Saints-Corentin [Note : Il faut lire, semble-t-il, « c'est-à-dire après la bannière de Saint-Corentin ». A la procession, la place d'honneur est la plus proche du dais sous lequel est porté le Saint-Sacrement], qui est la plus proche du Sacre (du Saint-Sacrement) ».

Remarquez que la bannière, doit être portée par un gentil-homme ; et « noble homme » Gazon, bien que seigneur haut justicier, n'est pas gentilhomme et ne la portera pas.

Tels sont les droits réclamés par le nouveau seigneur dans son aveu au roi, conforme aux aveux de ses prédécesseurs ; mais, remarquons-le, le plus ancien des aveux conservés aux archives du Finistère est bien jeune de date : 1672. Nul doute que, si nous avions des aveux plus anciens, nous verrions les seigneurs du Plessix réclamer le droit de porter un des « piliers » du siège sur lequel était monté l'évêque de Cornouaille faisant son entrée dans sa ville épiscoriale.

Ce cérémonial n'avait pas êté observe depuis l'entrée de Raoul Le Moël, aumônier de Charles VIII, où figura Vincent de Plœuc, le 16 octobre 1496 [Note : Lobineau. Pr. 1617-1619. Le Men. Monog. de la cathédrale, p. 148]. Mais le souvenir de l'ancien usage persistait ; et l'aveu de Nevet réclamait ce droit au XVIIIème siècle [Note : Aveu du 5 juin 1722. Marie de Gouzillon, veuve de Malo, dernier marquis de Névet, réclame au nom de sa fille, depuis marquise de Coigny, « le droit de porter le second coing du poèle, lorsque les seigneurs évêques font leur entrée ». Ce n'est pas tout à fait exact les seigneurs du Plessix, de Nevet, Faou et de Guengat ne portaient pas un dais ou poêle au-dessus de l'évêque, mais le siège même de l'évêque. Dans son Histoire jointe à l'aveu du 6 juin 1644, Jean de Nevet mentionne aussi à tort « le dais sous lequel Saint-Corentin avait fait son entrée »].

Voilà les droits principaux qu'avaient acquis M. et Mme Gazon ; ils étaient, eux bourgeois, seigneurs hauts justiciers. Au dire de notre vieux d'Argentré, c'était la suprême ambition des bourgeois dès le XVIème siècle.

Aussi Mr. Gazon ne perdra pas un jour pour se mettre en possession ; mais il n'attendra même pas la prise entière de possession pour signer de son nouveau titre. Le 11 juillet, est dressé le contrat du mariage de son fils avec Marie Catherine Bersolle, fille de Augustin Bersolle, directeur des postes à Brest [Note : Veut-on savoir les conditions pécuniaires de ce mariage ? — La fiancée apporte 4.000 liv. de mobilier et 26.000. liv. d’immeubles M. et Mme Gazon donnent à leur fils « la pension et 1.300 liv. par an » ]. Celui-ci se qualifie « sieur du dit lieu de Bersolle ». Mais qu'est-ce que ce titre bourgeois auprès de celui de seigneur et dame du Plessix-Ergué, dont M. et Mme Gazon se parent si hâtivement et.., hélas ! un petit imprudemment.

Sous l’ancienne jurisprudence, l'acquéreur d'un immeuble qui avait fait un bon marché (c'était le cas de M. Gazon) n'avait pas une possession bien assurée pendant dix ans. Durant ce long délai, le vendeur pouvait demander des lettres de restitution « pour lésion d'outre moitié du juste prix » [Note : C'est !a disposition de l'art. 297 Nouv. coutume. L'art. 1675 de notre code civil exige pour la rescision de vente une lésion de sept douzièmes et limite l'action à deux années].

Les venderesses n'attendirent pas ce terme. Dès qu'elles eurent reçu les 42.400 livres payées comptant, elles se ravisérent jugeant que leurs acheteurs avaient fait une trop bonne affaire, elles recoururent à la chancellerie ; et, dès le 26 novembre 1761, elles obtenaient des lettres de restitution. La terre fut mise sous séquestre ; et un procès commença qui, selon la mode du temps, allait durer longtemps.

M. Gazon n'en verra pas la fin .; quand il va mourir, le 6 octobre 1766, il ne pourra pas ordonner son inhumation dans la tombe de la cathédrale ; et, ce qui est plus grave, quoique l'acte d'inhumation lui donne le titre de seigneur du Plessix-Ergué, il ne laissera pas son fils seigneur haut justicier incommutable.

Le procès s'instruisit. La famille Gazon habitant sa maison de la rue Saint-François au fief épiscopal était justiciable des regaires ; les juges se hâtant lentement, rendirent enfin sentence, le 7 mars 1772. La sentence fut favorable à la veuve Gazon et à son fils.

Vers cette époque, avant ou après la sentence, Mlles Barjot étaient décédées laissant pour légataire universel Charles-René-Gabriel d'Apelvoisin chevalier, marquis de la Roche-du-Maine, sous-lieutenant des chevau-légers de la garde ordinaire du roi, héritier avec son frère Paul-Jean-Baptiste-Alexis Barjot, comte de Roncée, interdit, lequel avait pour curateurs (nous dirions aujourd'hui tuteurs) « Mre Antoine-Guillaume de Lagadec, chevalier de Saint-Louis, gouverneur des villes et château de Concarneau et du duché de Penthièvre » [Note : Il faut lire assurément du fort de Penthièvre. Il n'y eut jamais un gouverneur du duché de Penthièvre], et un avocat au parlement de Paris.

On a quelque peine à comprendre que les héritiers des venderesses se soient flattés de prouver que la seigneurie vendue en 1761 valait plus du double du prix stipulé.

Quoiqu'il en soit, l'instance fut reprise au nom des héritiers d'Appelvoisin, qui relevèrent appel ; mais le parlement, par arrêt du 21 août 1780, décrara que « sans s'arrêter aux lettres de restitution dont les sieurs appelants étaient déboutés, le contrat du 24 juin 1761 sortirait sa pleine et entière exécution, le sieur Gazon payant la somme de 26.000 livres restant due » [Note : Nous n'avons que le dispositif de l'arrêt, il condamne la veuve Amette (fermière générale du Plessix) à remettre aux défendeurs intimés Gazon, la somme de 10,000 livres qui sont apparemment les revenus échus depuis le séquestre de 1761. — … Condamne les d’Appelvoisin à payer au sr de Lagadec, 42.200 livres qu'il a envoyées aux dames de Roncée »].

***

De ce jour, après plus de dix neuf ans révolus, depuis le contrat d'acquêt, Mme Gazon et son fils furent enfin propriétaires incommutables de la seigneurie, et Mme Gazon put mourir tranquille.

Elle ne mourait pas dans la maison de la rue Saint-François ; en 1773, elle avait vendu cette maison [Note : Bull. de 1898, p. 312], et elle était retournée à la Terre-au-Duc dans une maison qui lui appartenait, rue Rossignol (aujourd'hui rue Saint-Mathieu).

C'èst là que Mme Gazon mourut septuagénaire, le 6 février 1782. Le lendemain, après l'office funèbre célébré à Saint-Mathieu, son corps fut porté à la limite de la paroisse, au Pont-Médard, et remis « au recteur de Saint-Julien pour être inhumé dans l'enfeu appartenant au sieur Gazon, son fils, comme seigneur du Plessix-Ergué » [Note : ures Saint-Mathieu. La déclaration royale du 10 mars 1776, sollicitée par l'assemblée du clergé, avait interdit les inhumations dans les églises sauf exception pour les patrons et fondateurs. Le seigneur du Plessix n'avait pas ces titres à Saint-Corentin].

Au même temps Joseph Gazon habitait une maison sur le Quai ou rue du Quai, paroisse de St-Mathieu [Note : Nous ne pouvons signaler autrement nette maison. L'indication sur le quai est donnée dans un aveu rendu à Gazon (1782), et l'indication rue du Quai dans un aveu rendu au roi par lui-même (1763), et dans l'acte de sépulture de Marie Bersolle (dame Gazon)]. Il avait succédé au titre de conseiller du roi et de receveur des fouages dans l'évêché de Cornouaille. Il rendit aveu au roi le 10 décembre 1783 pour le Plessix-Ergué, et cet aveu m'a fourni plusieurs des renseignements qui précèdent [Note : Les 12 juillet et 16 décembre 1782, des aveux lui sont rendus où il est appelé mal à propos Joseph-Hyacinthe et Joseph-Hyacinthe-Corentin. (V. ses vrais prénoms-ci-dessus)].

***

L'exemple de la famille Gazon nous montre comment des familles d'humble bourgeoisie s'élevaient par l'ordre, le travail et l'économie.

Mathurin Gazon, est pâtissier ; — son fils Sébastien, marchand de drap et soie, devint receveur des fouages et autres impositions de l'évêché de Cornouaille ; — son petit-fils Joseph renonce à « la marchandise », continue la gestion de la recette de Cornouaille, a le titre de conseiller du roi, devient seigneur haut justicier du Plessix-Ergué, et transmet ses titres à son fils.

L'ascension de la famille va-t-elle s'arrêter ? L'arrière-petit-fils du pâtissier de Rennes, conseiller du roi et haut justicier après son père, ne va-t-il pas, comme tant d'autres autour de lui, convoiter la noblesse, sinon pour lui-même, au moins pour ses descendants ?

Chose qui pourra surprendre et qui pourtant est certaine, le titre de seigneur d'une terre noble leur sera un obstacle insurmontable... à moins qu'ils ne déboursent une grosse somme d'argent... Je m'explique :

Le bourgeois abandonnait « la marchandise » qui l'avait enrichi. Ses filles épousaient des nobles ; ses fils exerçaient des professions libérales, ou bien vivant oisifs, étaient les compagnons de chasse et de plaisirs des jeunes gentilshommes ; ils partageaient noblement ; parvenaient à se faire admettre comme cavaliers aux revues de l'arrière-ban ; se faufilaient au rôle de la capitation noble [Note : On espérait que l'inscription de son nom à la capitation noble et son absence à la capitation roturière donneraient apparence de noblesse. Cette fraude commune, très préjudiciable aux inscrits à la capitation roturière, fit l'objet de nombreuses réclamations. En 1771, la communauté de Quimper réclama trente-neuf personnes pour le rôle roturier de 1772. Cf. Le rôle de la capitation, (roturière) de 1750 par J. Trévécly (1887)]. Après cent ans de ce « gouvernement noble », ils pouvaient, en Bretagne au moins, invoquer la présomption de noblesse......

A une condition pourtant c'est qu'il n'y ait pas d'actes contraires qui ruinent la présomption. — Or le bourgeois possesseur d'un fief noble aura toujours contre lui de ces actes contraires !

Quelle maladresse aux bourgeois que d'acquérir une terre noble ! et pas un bourgeois enrichi qui ne la commette ! Il veut se donner l'apparence de la noblesse ; et il en ferme l'accès à ses descendants ! Pourquoi ? Parce que en acquérant le fief noble il s'est soumis, et ses fils seront soumis après lui au paiement du droit de franc-fief.

Tous les vingt ans, les possesseurs roturiers de biens nobles sont appelés à payer ce droit ; et les quittances qu'ils reçoivent sont la preuve authentique de leur roture ! Qu’ils fassent des partages nobles, qu'ils vivent noblement ; après cent ans de gouvernement noble, qu'ils invoquent la présomption de noblesse, l'intendance leur opposera victorieusement les quittances du franc-fief comme actes contraires ruinant la présomption !

Toutefois une ressource leur reste : l'acquisition d'une de ces sinécures qui sont un appât offert aux bourgeois riches, par exemple la charge de secrétaire du rioi qui peut procurer la noblesse. Cette sinécure coûte plus de cent mille livres vers l'époque où nous nous reportons [Note : 120.000, d'après M. Chéruel, Dict, hist. p. 1145]. Mains est-ce payer trop cher l'espérance de la noblesse transmissible à ses descendants ?...

Mais avant que le seigneur du Plessix-Ergué eût acquis la charge de secrétaire du roi, cette charge avait disparu avec ses prérogatives [Note : Suppression. Décret du 27 avril 1791, art. 6] ; il avait perdu son titre de conseiller du roi [Note : Le titre de conseiller du roi était purement honorifique, attaché à certaines charges ou donné même sur la fin prodigué à certaines personnes étrangères à l'administration de la justice] ; les fouages étaient supprimés et le dernier receveur des fouages de Cornouaille, allait rendre son dernier compte [Note : Supppression des fouages. Décret du 15 mars 1790. Comptes à rendre par les receveurs. Décret du 4 mai 1798].

***

Nous trouvons la famille Gazon à Quimper jusqu'en 1793. Les signatures de M., de Mme Gazon et celle de leur fils, Joseph-François-Auguste, apparaissent souvent aux registres de baptêmes et de mariages [Note : Le 27 juillet 1785, Joseph-François-Auguste (le fils) est parrain de Marie-Josèphe Le Borgne de Kermorvan. Le père et le fils signent l'acte de baptême].

Le 30 mai 1792, Marie-Catherine Bertolle, dame Gazon mourut, « en sa maison sur le Quai ». Il ne pouvait être question pour elle d'inhumation dans la tombe du Plessix-Ergué [Note : Le droit féodal d'enfeu était supprimé. Décrets des 4 août 1789 et des 15-28 mars 1790. — Titre 1er, art. 1er]. Le lendemain, la dame Gazon fut déposée au cimetière Saint-Marc, heureusement pour son repos [Note : La tombe du Plessix-Ergué n'a sans doute pas été épargnée plus que les autres dans le sac de la cathédrale, le 12 décembre 1793].

A la fin de l’année 1793, M. Gazon mit en vente « ses biens en Ergué-Armel », c'est-à-dire les terres qui avaient formé l’ancienne seigneurie du Plessix-Ergué. Ces biens furent distribués en plusieurs lots, dont l'un comprit les restes du château chef-lieu de l'ancienne seigneurie et la ferme voisine. Ce lot fut adjugé le 8 octobre 1793 [Note : Contrat passé devant Me Lharidon, notaire. (Minutes étude de Me Cottin, Concarneau). L'acquéreur (Jean Le Déan) s'engage à payer 36 000 francs ; c'est la preuve qu'il acquiert seulement une part de la seigneurie acquise en 1761 pour 64.000 livres. — Depuis, la métairie du Plessix-Ergué a passé aux familles Kerancuff puis Amblard, et appartient vers 1899 à M. Brard, armurier à Quimper].

Il est probable que la famille, Gazon quitta Quimper à cette époque. Fuir loin de Quimper pouvait être prudence de la part de M. Gazon: Le ci-devant conseiller du roi, ci-devant seigneur haut justicier du Plessix-Ergué, pouvait s'attendre à être inscrit par la municipalité de Quimper sur la liste des nobles, et incarcéré, comme tant d'autres, par le comité révolutionnaire « pour cause de noblesse », …. bien que seigneur roturier.

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