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L'Eglise Saint Yves des Bretons à Rome

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Les Bretons ont leur Saint-Yves à Rome. En effet le cardinal Alain de Coëtivy, alors évêque de Quimper, obtient du pape Nicolas V la concession d'une petite église, construite au XIIème siècle, dans le coeur de Rome, à deux pas de Saint-Louis-des-Français et de la place Navone. La communauté bretonne des Bretons y construisit un hospice, aujourd'hui disparu. Par une bulle datée du 16 septembre 1455, le pape Calixte III ratifia cette concession, alors que la Bretagne n'était pas encore rattachée à la France. La lunette du portique de l'édifice situé dans ruelle la Vicolo della Campana représente la Vierge à l'Enfant, entourée de saint Yves et de saint Bernard, oeuvres des Della Robia.

Des différentes églises que la France possède à Rome, celle de Saint-Yves-des-Bretons était la plus ancienne et la plus intéressante au point de vue archéologique. Elle dépendait, ainsi que les maisons qui lui étaient contiguës, de l'institution dite les Etablissements pieux de France, et était administrée, sous la présidence de l'ambassadeur de France près du Saint-Siège, par une commission de notables français, laïques et ecclésiastiques, résidant à Rome. Croirait-on que ce monument, qui aurait dû être de la part de cette commission l'objet des soins les plus intelligents et les plus assidus pour en assurer la conservation, a été détruit en 1875, par la bonne volonté de ces mêmes administrateurs ? Le fait, tout invraisemblable qu'il soit, n'en est cependant pas moins une triste réalité. Mais, parait-il, il y avait une raison déterminante pour justifier cet acte d'étrange vandalisme. Les maisons voisines devaient être remaniées ; il fallait gagner un peu d'espace au détriment de l'église, et, par ce moyen, obtenir un surcroît de revenus. 

Cependant, hâtons-nous de dire qu'après avoir détruit l'ancienne église, on en a reconstruit une beaucoup plus petite, destinée à consacrer le souvenir de celle qui n'est plus. L'église Saint-Yves était située entre la rue de la Scrofa et la rue de la Campana, près de l'angle formé par ces deux voies. Elle appartenait à cette famille d'édifices qui se font remarquer au loin par leurs clochers carrés, percés de petites arcades portées sur colonnettes, et dont les types les plus connus sont ceux de Sainte-Marie-in-Cosmedin, des Saints-Jean-et-Paul, de Sainte-Françoise-la-Romaine, et, dans des proportions moins considérables, de San-Benedetto du Transtévère, de San-Spirito, etc. Elle était orientée vers le nord. Son entrée principale était précédée d'un petit atrium, qui s'ouvrait sur la piazzetta située à l'angle des deux rues de la Scrofa et de la Campana. Une seconde entrée, précédée d'une chapelle de Sainte-Catherine, donnait dans la rue de la Scrofa.

L'église offrait, à l'intérieur, le plan d'une basilique, munie d'une abside peu profonde, avec trois nefs séparées par huit colonnes antiques de granit ou de cipolin, à chapiteaux également antiques. Ces colonnes supportaient huit arcs cintrés. Le plafond de bois était orné de caissons peints aux armes de France et de Bretagne, avec le chiffre de Louis XIV. Le pavé se composait d'une élégante mosaïque de couleur, dite opus Alexandrinum. De nombreuses pierres tombales, aux effigies des défunts, accompagnées d'écussons armoriés, et grand nombre d'autres souvenirs lapidaires racontaient, de toutes parts, l'histoire de personnages notables de la Bretagne et d'autres pays.

L'auteur de l'article du Buonarroti, N. Ach. Monti, fait remonter le clocher disparu de l'église Saint-Yves au VIIIème ou au IXème siècle, ainsi que l'église. Mais nous croyons ce clocher, comme ses analogues, plus heureux, qui sont encore debout, du XIème ou du XIIème siècle. Nous ne saurions rapporter rien de précis touchant son histoire avant le milieu du XVème siècle. 

Les historiens du XVIIème siècle nous apprennent que primitivement l'église était dédiée à saint André et s'appelait Saint-André-de-Mortaraziis. Le pape Nicolas V, à la demande du cardinal Alain de Coëtivy, la céda à la nation des Bretons, qui la consacrèrent à leur saint Yves. Toutefois, cette cession ne fut solennellement confirmée que par son successeur Calixte III, en 1455. L'église devint alors paroissiale. 

On sait de quelle populaire vénération jouit en Bretagne saint Yves, qui fut canonisé par Clément VI, en 1347. Il était issu d'une famille noble des environs de Tréguier. Avant d'entrer dans les ordres et de se livrer à la prédication, il avait étudié la jurisprudence et les lettres à Paris et à Orléans. Il devint curé de la paroisse de Tredrez, au diocèse de Tréguier. Doué d'une charité inépuisable, et pour le seul amour de Dieu, il défendait de sa parole les veuves et les orphelins, et les secourait de ses deniers ; si bien que les avocats le choisirent pour leur patron, et fondèrent à Rome une congrégation qui avait pour but de défendre, sans rétribution pécuniaire, les causes des pauvres. Cette corporation assistait tous les ans, dans l'église Saint-Yves, à la solennité de la fête du saint, le 19 mai. Cette solennité, au dire de Franzini (tiré de Roma antica e moderna, 1668), était fort pompeuse. L'éclat en était relevé par la présence d'un grand nombre de cardinaux. Un humaniste y prononçait une oraison en latin sur les mérites du saint, puis venait un élève du séminaire romain qui en faisait un chaleureux commentaire à la portée de toute l'assistance. 

Le pape Jules II, en 1511, institua près de Saint-Yves, et l'y annexa, un hôpital destiné aux pauvres malades et aux pèlerins bretons. Mais sous Grégoire XIII cet hôpital, à la requête du roi de France Henri III, fut supprimé et réuni à celui de Saint-Louis-des-Français. 

Aujourd'hui la cour et le cloître de Saint-Louis ont donné l'hospitalité aux débris de l'église Saint-Yves. Plaques de marbres funéraires ornées d'écussons, couvertes d'inscriptions, fragments de corniches de marbre, débris incrustés de mosaïques, tout est là, formant un amas de matériaux encombrants. 

Mais de toutes ces épaves, il en est une qui domine toutes les autres en intérêt. C'est un autel de marbre blanc, porté sur cinq colonnes, dont quatre aux angles et la cinquième au centre. Elles reposent sur un socle plat ; le tout, table, socle, colonnes et chapiteaux, est monolithe. Un trou rectangulaire, destiné à contenir les reliques de consécration, est apparent au milieu de la table. Cet autel rappelle par l'ensemble de sa disposition celui qui se trouve en France, à Tarascon, dans la crypte de Sainte-Marthe et qui est reproduit, pl. XLVII, tome III de l'ouvrage de M. Révoil, l'Architecture romane du midi de la France. Mais l'autel de Tarascon se rapporte à une époque bien plus reculée que celui de Saint-Yves ; car ce dernier, à en juger par son caractère, ne peut être attribué qu'au XIIème siècle. Les colonnes d'angle de cet autel sont munies de bases à moulures rondes. Leurs chapiteaux sont ornés de feuilles palmées, légèrement plissées et recourbées, qui partant de l'astragale aboutissent, quatre aux angles du tailloir et quatre à son milieu. La colonne centrale, d'un diamètre plus fort que les autres, a simplement pour base une large moulure en doucine, et pour chapiteau une moulure analogue, en sens contraire. Le type des autels à cinq pieds est fort ancien. Le musée de Marseille en conserve un attribué au Vème siècle. Mais les autels à cinq pieds, monolithes, comme celui de Saint-Yves, sont d'une excessive rareté. Nous nous demandons même si, après celui de Tarascon, on pourrait en citer un autre. Indiquons cependant un autel de ce genre déposé au musée de Vienne (Isère). Il est monolithe ; mais il n'a que trois colonnettes pour supports et la forme de sa table est semi-circulaire. L'autel à cinq pieds dont nous parlons était placé dans l'une des nefs latérales de Saint-Yves. On nous a fait espérer qu'il serait réintégré dans l'église neuve. Puissions-nous devoir cet acte de justice et de convenance à l'habile architecte, M. Carimini. Mais que deviendront tous les autres débris, surtout ces monuments épigraphiques et funéraires qui avaient toute leur signification historique à la place qu'ils occupaient dans l'ancienne église ? Heureusement qu'à défaut des originaux on retrouvera ces textes dans le second volume du précieux recueil de Forcella (Iscrizioni delle chiese e d'altri edificii di Roma dal secolo XI fino al giorni nostri raccolte e publicate da Vicenzo Focella. Tom. II - 1878)

Parmi ces inscriptions, en voici une reproduite d'après un estampage que nous avons pris sur le marbre même déposé à Saint-Louis-des-Français. Elle est précédée d'un calice placé entre deux petits chandeliers ; le tout gravé au trait au-dessus de la première ligne. Nous la lisons ainsi : "Hic requiescit magister Stephanus Bronsaudi in curia romana causarum procurator presbyter et ecclesioe de burgo Monasteriorum dioecesis Nannetensis carnis resurrectionem et extremi judicii diem expectans obiit anno domini MCCCCLVIII, die VIII octobris". Mgr Barbier de Montault a bien voulu nous communiquer sur ce texte les observations suivantes : "Le calice indique que le défunt était prêtre. Les chandeliers sont très fréquents sur les tombes romaines. Généralement on en met un seul pour les laïques et deux pour les ecclésiastiques. Magister dénote que le défunt était gradué, probablement en théologie. Bronsaudi doit se traduire par Bronsaud. Il est au génitif, parce que l'on sous-entend ex gente ou ex stirpe. Anciennement on sous-entendait filius, car souvent, à l'origine, les noms propres ne furent que le nom de baptême continué d'un ancêtre. Cette terminaison en i a donné naissance aux noms italiens qui ont presque tous cette même forme". Les érudits du diocèse de Nantes, auxquels se recommande cette inscription, connaissent-ils ce maître Etienne Bronsaud ? Au nombre des personnages notables de la Bretagne qui furent inhumés à Saint-Yves, on cite le cardinal Robert de Guibé. Toutefois cette sépulture ne fut que provisoire. La dépouille mortelle de ce cardinal fut, en effet, transportée, suivant ses dernières volontés, de l'église Saint-Yves dans la cathédrale de Rennes, où avait été fondée et bâtie la chapelle des Guibés, par les soins soit du cardinal même, soit plus vraisemblablement par ceux de son frère, Michel Guibé. Robert Guibé, d'abord nommé évêque de Tréguier en 1484, fut transféré au siège de Rennes en 1502, et de ce dernier à celui de Nantes en 1506. Louis XII l'envoya comme ambassadeur à Rome et lui procura le chapeau de cardinal en 1505. Mais le pape Jules II sut si bien gagner le cardinal, qu'il le tourna contre le roi de France. Ce prince le priva des revenus des bénéfices qu'il avait en France, de sorte qu'à peine il pouvait subsister à Rome. Il se démit, en 1511, de son évêché de Nantes, en faveur de son neveu, François Ramon, et la même année il fut promu à la légation d'Avignon. Il mourut à Rome, le 9 novembre 1513. La chapelle neuve est tournée vers l'est, en travers de l'ancienne. Elle est longue de 14 mètres et large de 6. 

L'église détruite, comme nous l'avons dit, était du XIIème siècle. Celle qui la remplace a demandé sa façade à une sorte de style Renaissance, et s'il ne faut que considérer la correction des lignes, c'est assurément une oeuvre assez louable, dont l'architecte, M. Garimini, doit être satisfait. La porte carrée, flanquée de deux colonnes, s'ouvre dans une voussure profonde, cintrée, creusée à angle droit dans le mur. Cette voussure enferme un tympan cintré qui repose sur les deux colonnes. Il est décoré d'un groupe de la Vierge et de deux saints en terre cuite vernissée. Deux niches à fond en coquille garnissent le bas du mur des deux côtés de la porte, et plus haut, à la hauteur du cintre de la voussure, apparaissent deux écus aux hermines de Bretagne. Un étage supérieur, au-dessus d'une corniche, est percé d'un oculus circulaire garni de meneaux carrés qui se coupent à angle droit, et se trouve accompagné de deux niches à fronton triangulaire. Un pignon encadré d'une corniche termine cette façade badigeonnée d'une teinte gris cendré. L'inscription dédicatoire suivante y a été rétablie :

DEO SACRUM IN HON. S. IVONIS 

PRESB. ADVOCATI PAUPERUM.

On nous dit cependant que deux colonnes de l'ancienne sont conservées. La commission administrative, qui a mis tant de soin à démolir l'ancien monument, en mettra-t-elle autant à rendre à l'église ce qui lui appartient, en supposant toutefois que cette dernière soit assez vaste pour le contenir ? Mais, quoi qu'elle fasse, il est une chose qu'elle ne réalisera jamais, c'est la conservation de l'ancien caractère, consacré par le temps, qui faisait de Saint-Yves un monument vénérable au point de vue de l'histoire et de l'art, et dont la perte est encore venue prouver que le vandalisme révolutionnaire n'est pas, hélas ! toujours seul à exercer ses ravages.

(Jules de Laurière). 

Note : Tout le monde sait que quarante-cinq ans après sa mort, saint Yves, dont la sainteté était déjà proclamée en Bretagne par la voix du peuple tout entier, fut solennellement canonisé par le pape Clément VI, le 18 mai 1348. A partir de cette époque, le culte de notre saint breton se répandit avec une rapidité merveilleuse hors de la province qui l'avait vu naître. Je me borne à rappeler ici que Paris, Milan, Gand, Louvain, Anvers, Bruges, se disputèrent successivement la gloire de posséder quelques fragments de ses reliques ou d'élever des églises dédiées sous son nom vénéré. Dès le XIVème siècle, le roi de Chypre sollicitait avec instance la faveur d'honorer les restes du bienheureux et d'en obtenir quelque portion. Tous ces faits sont connus et consignés dans nos annalistes. Ce qui l'est peut-être moins, c'est ce qui concerne l'église de Saint-Yves des Bretons à Rome. M. E. Quesnel, archiviste du département, a retrouvé, dans les liasses de requêtes présentées aux Etats de Bretagne quelques papiers et notes qu'il a eu l'obligeance de me communiquer et dans lesquelles j'ai puisé les renseignements suivants qui ne sont pas sans intérêt. Dans l'origine, et probablement dès la fin du XIVème siècle, les clercs et les laïques bretons, que la piété ou leurs affaires attiraient et retenaient dans la capitale du monde chrétien, obtinrent du pape régnant la concession d'une chapelle qu'on appelait alors l'oratoire de la Scrofa [Note : Le quartier de Rome où était située cette chapelle se nommait le quartier de la « Scrofa », c'est-à-dire de la « Truie » parce qu'il y avait à la fontaine de ce quartier la représentation d'une truie], dépendant de l'église paroissiale de Saint-Laurent in Lucina, pour s'y réunir et y célébrer en commun l'office des dimanches et festes. Des dotations successives enrichirent l'humble établissement, accru bientôt d'un hôpital dirigé par une communauté ou collège de huit chapelains à la tête desquels on plaça un recteur. L'église, sous l'invocation de saint Yves, fut érigée en paroisse par le pape Calixte III, en 1456, à la requête du cardinal breton Alain de Coëtivy. Dès lors la cure, la communauté et l'hôpital destiné aux pèlerins et aux pauvres prêtres bretons, furent soumis à un seul et même gouvernement, et la Bretagne eut désormais à Rome son église et paroisse des Bretons. Ce n'était pas alors un mince avantage ni un privilège insignifiant. La nation bretonne se trouvait ainsi, à Rome, de niveau avec la nation française qui seule y possédait, comme elle, une église avec titre de cure (Saint-Louis des Français) : les Allemands, les Espagnols, les Portugais y avaient bien, en effet, leurs églises, mais sans titre paroissial. Cet état de choses dura plus d'un siècle. L'hôpital et la paroisse de Saint-Yves des Bretons jouissaient d'un revenu annuel de 7.000 écus romains, valant près de 40.000 livres en monnaie de France, lorsque le roi Henri III, à la sollicitation du cardinal de Bérulle, demanda au pape et obtint, en 1583, l'union de Saint-Yves et de ses dépendances à l'église et hôpital de Saint-Louis. L’absorption devint avec le temps si complète, que, malgré les conditions stipulées dans l'acte d'union des deux Eglises, les Bretons se virent peu à peu exclus des bénéfices fondés dans l'origine uniquement en leur faveur. Grégoire XIII, en accordant l'union demandée par la France, avait pourtant statué que les droits des Bretons étaient réservés, c'est-à-dire qu'il n'y aurait aucun changement dans le service de l'église de Saint-Yves et qu'il leur serait garanti dans l'église, paroisse et hôpital de Saint-Louis, la jouissance des mêmes privilèges dont ils étaient en possession avant l'union de Saint-Yves à Saint-Louis. Au XVIIIème siècle, les Bretons en étaient réduits à plaider et à pétitionner auprès des Etats de Bretagne pour recouvrer leurs droits méconnus et rentrer en possession de leurs bénéfices envahis par d'autres provinciaux, Dauphinois, Languedociens, Gascons, Normands ou Parisiens. Les registres des Etats de Bretagne, conservés dans nos Archives départementales, ne contiennent rien sur les suites qui purent être données à ces réclamations de quelques membres du clergé de Bretagne ; et il est probable qu'elles eurent peu d'influence sur un état de choses abusif, mais en vigueur depuis longues années. (Paul Delabigne-Villeneuve).

Voir les inscriptions de Rome concernant la Bretagne. 

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