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ISABEAU D'ECOSSE, duchesse de Bretagne

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Isabeau d'Ecosse était fille de Jacques Stuart Ier, roi d'Ecosse. Elle eut une soeur aînée, Marguerite, qui, pour son malheur, devint en 1437 femme du dauphin, depuis Louis XI, et qui, six ans après, allait mourir maudissant la vie, quand elle avait vingt ans [Note : Mariée le 24 juin 1437. Morte le 16 août 1444]. Isabeau eut un frère cadet, le roi Jacques II, né en 1433. Elle-même était née vers 1427 [Note : Impossible de trouver la date de naissance. Je déduis la date approximative, des dates de la naissance de sa soeur aînée (1425) et de son frère cadet (1430)].

Dès 1430, un mariage avait été projeté entre François, comte de Montfort, héritier de Bretagne, et Isabeau d'Ecosse. Mais changeant d’avis, et se réconciliant avec Yolande (soeur du roi René et fille de la duchesse Yolande, reine de Sicile), duchesse d'Anjou et reine de Sicile, Jean V lui demanda pour son fils la main de sa fille Yolande (d'Anjou), soeur cadette de Marie, femme de Charles VII. Le mariage se fit à Nantes le 28 août 1431, et la jeune comtesse de Montfort mourut le 17 juillet 1440 à l'âge de 28 ans..

Note : François Ier épousa en premières noces à Nantes, le 28 août 1431, Yolande d'Anjou (1412, † 1440), fille de Louis II, comte d'Anjou et de Yolande d'Aragon. De ce mariage, naquit Renaud (1434, † 1439). Veuf, il se remaria à Auray le 30 octobre 1442 avec Isabelle d'Ecosse (vers 1427, † vers 1495), fille de Jacques Ier Stuart, roi d'Ecosse, et de Jeanne Beaufort. De ce mariage naquirent Marguerite (1443, † 1469), mariée en 1455 avec François II de Bretagne, et Marie (1446, † 1511), mariée en 1462 à Jean II, vicomte de Rohan († 1516) et comte de Porhoët. Malgré les protestations de la cour d'Ecosse, ces deux princesses ne furent pas reconnues héritières du duché de Bretagne. François Ier choisit pour héritier son frère Pierre de Guingamp. 

Jacques d'Ecosse assassiné en 1437, son fils Jacques II lui succéda. C’était un enfant de sept ans ; le chancelier allait exercer le pouvoir jusqu’à sa majorité. Apprenant la mort de la comtesse de Montfort, il s’empressa de reprendre les négociations brusquement interrompues en 1430. Le duc envoya des ambassadeurs. On se mit promptement d'accord sur une dot de 100.000 saluts d'or et un douaire de 6.000 livres [Note : Ces conventions furent arrêtées le 19 juillet 1441. Lobineau, Histoire de Bretagne, p. 618. Le salut d’or était évalué 15 sous. 100.000 saluts = 1.500.000 sous ou 75.000 livres à 20 sous la livre. Ce chiffre de 6.000 livres sera, depuis cette époque, le douaire des duchesses de Bretagne, mais la valeur relative de la livre va diminuer].

Les négociateurs bretons avaient obtenu un plein succès. Toutefois ils revenaient soucieux ; ils se demandaient si le portrait qu’ils allaient faire de la princesse d'Ecosse plairait au duc. « Elle est, dirent-ils, assez belle, le corps droit, bien conformé semblant propre à avoir enfants ; mais elle n’a pas grand discours en ses propos et semble assez simple ». Mais le duc les interrompant joyeusement : « Retournez en Ecosse, mes amis, et amenez la ici. Elle est telle que je la désire. Les grandes subtilités en une femme nuisent plus qu’elles ne servent. Je n’en veux pas d’autre. Par saint Nicolas, j’estime une femme assez sage (assez savante) quand elle sait distinguer la chemise du pourpoint de son mari ». [Note : C’est l'anecdote imprimée d’abord par Bouchard, puis par d'Argentré (Ed. de 1588, fo 625, r° A). Le dernier mot de Jean V a été copié ou imité par Molière].

Le comte de Montfort avait-il là-dessus la même pensée ? C’est ce dont son père ne s’était pas inquiété. Jean V ne vit pas sa belle-fille, il était mort le 28 août 1442, et Isabeau n’arriva au château d'Auray que le 30 octobre. Le mariage fut célébré quelques jours après à Ploërmel.

Les deux époux partirent pour Rennes où, le 9 décembre, François fut couronné à la cathédrale ; et, dans l'église même, son oncle, le connétable de Richement l'arma chevalier. Quarante ans auparavant, dans la même église et au moment de son couronnement, Jean V avait été armé chevalier par un autre connétable breton, Olivier de Clisson.

Isabeau allait être plus heureuse que n’avait été sa soeur.

Dans son testament du 22 janvier 1450 (n. st.), non seulement François Ier assigne en douaire « à sa chère soeur et compagne les seigneuries de Guérande, Succinio et généralement ce qui appartient au duc dans l'île de Rhuys, la seigneurie et château du Croisic et l’île de Batz, sans rien retenir que la justice en preuve de souveraineté » (Lobineau. Pr., 1118. — V. Douaire des Duchesses, par J. Trévédy, p. 37). Mais il témoigne à la duchesse une entière confiance. Il lui confie la garde de ses deux filles en même temps qu’à son oncle Richemont et à son frère Pierre ; et la nomme la première, au nombre de ses exécuteurs testamentaires [Note : La mère survivante n’était pas de droit, comme chez nous, tutrice de ses enfants. Il semblerait que les tuteurs des filles de François Ier furent Pierre II et le connétable de Richemont. Mémoire du Vicomte de Rohan (1500 n. st.), Morice, Preuves, III, 830-831].

Duc François Ier et Isabeau d'Ecosse, sa seconde épouse

Enfin, un chroniqueur, qui semble parler en témoin, a conté les touchants adieux que le duc fit à sa femme (Note : Chronique de Jean de Saint Paul, Bibl. Bretons.).

François Ier mourut le 17 ou 18 juillet 1450, quand il avait trente-six ans. Sa veuve en avait vingt-quatre au plus. Elle restait mère de deux filles, Marguerite et Marie.

François Ier laissait trois actes de dernière volonté, savoir : un testament fait le 22 janvier 1450 (n. st.), au temps où il préparait sa seconde expédition en Normandie, — un codicille daté du 16 juillet 1450, et un autre du lendemain [Testament. Morice. Preuves, II, 1517-1520. 1er codicille, Preuves, II, 1535-1537. 2ème codicille, Preuves, II, 1537-1538. Dans le second codicille, le duc ordonne une fondation à l’intention de son frère Gilles inhumé à Boquen. Cette disposition est dictée en présence de Pierre (II) qui vengera le meurtre de son coupable mais malheureux frère, et d'Arthur de Montauban qui fut l’auteur du meurtre de Gilles, et qui, par la grâce de Louis XI, deviendra archevêque de Bordeaux].

Par le testament, il assignait à chacune de ses filles une somme de 100.000 écus d’or, pour tout droit de succession [Note : Nous parlerons plusieurs fois d’écus d’or ; et nous donnons ici quelques explications, une fois pour toutes. La livre monnaie de compte est invariablement de 20 sous. Au contraire la valeur de l'écu d’or a souvent varié. Charles IV le créa en 1381, à 25 sous. En 1436, Charles VII le porta à 27 sous. En 1492, nous le trouverons en Bretagne évalué 27 sous 6 deniers (27 s. ½). En 1592, le roi Henri IV créant le présidial éphémère de Dinan l’évaluait 3 livres ou 60 sous. Quand Louis XIII créa l’écu d’argent en 1641, il lui assigna cette valeur. Pour évaluer les écus d’or en francs actuels, il faut : 1° réduire les écus d’or en livres ; 2° appliquer les évaluations faites pour les diverses époques de la livre du XVème siècle au franc de nos jours. L’évaluation du savant Leber faite pour 1845 environ semble un peu faible après 60 ans passés. Celle de La Borderie est plus élevée. Pour la première moitié du XVème siècle, Leber multiplie la livre par 41 fr. 25 et La Borderie suit cette évaluation. Pour la deuxième moitié du même siècle, Leber propose le chiffre multiplicateur 30 ; La Borderie propose 35 sinon 40. Pour le début du XVIème siècle, Leber propose 27, La Borderie 30. D’après ces données, en 1450, 100.000 écus d’or valaient, à 27 sous, 135 000 livres, soit, en francs (valeur en 1908), selon Leber 4.050.000 fr., selon La Borderie 4.725 000, ou même 5.400.000 francs].

Par le second codicille, le duc confirmait son testament y ajoutant seulement quelques dispositions.

Le premier codicille avait une tout autre importance. Le duc y réglait la succession au trône de Bretagne selon le droit nouveau introduit par le traité de Guérande ; il excluait ses filles du trône ; y appelait son frère Pierre, puis son oncle Arthur, enfin son cousin François, comte d'Etampes ; et ordonnait de lui marier sa fille aînée, Marguerite, défendant de la marier à un autre du vivant de François.

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Avant de s’occuper du mariage de ses filles, Isabeau allait avoir à répondre à une demande de mariage pour elle-même. Isabeau était veuve depuis quelques mois, quand le prince de Navarre, Carlos de Viana, fils de Jean d'Aragon, demanda la main de la duchesse. Il s’adressa en même temps au duc Pierre et au roi d'Ecosse.

Le jeune roi était favorable ou même intéressé aux voeux du prince de Navarre ; il saisit l’occasion d’envoyer à Charles VII une ambassade, qui, à propos du projet de mariage, traiterait d’autres questions. L'Ecosse s’était montrée fidèle alliée de la France ; elle lui avait plus d’une fois porté un utile secours : un Stuart, connétable de France, était mort à son service [Note : Jean Stuart, comte de Buchan, servait en France depuis 1420. Il fut vainqueur à Baugé (24 mars 1421). En février 1424, 4.000 écossais débarquèrent à Saint-Malo. Ils joignirent l’armée royale qu’ils dédoublaient ; et le roi créa le comte de Buchan connétable (24 avril 1424) ; mais il allait être vaincu et périr à Verneuil, le 17 août suivant]. Jacques II se promettait un accueil favorable.

L’ambassadeur écossais arriva au printemps de 1451. Il était chargé de demander au roi de « faire mettre la duchesse en liberté », pour que son consentement au mariage ne parût pas contraint, — et en même temps d’appuyer les droits de ses nièces au trône de Bretagne.

Charles VII n’allait pas, même pour obliger un allié, mécontenter le duc de Bretagne en appuyant des prétentions contraires au traité de Guérande. Dans les deux campagnes de 1449 à 1450, les Bretons avaient puissamment aidé la France à conquérir la Normandie ; mais la Guyenne et Bordeaux restaient à prendre, et la France avait encore besoin des Bretons. Il semble d’ailleurs que le roi n’agréait pas ce projet de mariage : il recommanda à Pierre II de « suspendre toute réponse au prince de Navarre, jusqu’à nouvel avis » (29 mai 1451) [Note : Lettre du roi. Morice, Preuves, II, 1357].

Les réponses du roi et du duc, que nous n’avons pas, furent sans doute négatives ; mais, si le roi d'Ecosse renonça pour un temps au mariage avec l'Espagnol, il fit parvenir à Charles VII d’autres réclamations.

Aux premiers jours de janvier 1453 (n. st.), une ambassade dont l’évêque de Galway, garde du sceau d'Ecosse, était le chef, vint trou ver Charles VII à Moulins [Note : Voir dans Morice. Lettre de créance et instruction aux Ambassadeurs. Preuves, II, 1616-1618].

Les instructions de l’évêque sont : prier le roi de réclamer les droits des deux princesses sur le duché ; — porter plainte contre Pierre II qui retient sa belle soeur en captivité et ne lui paie pas son douaire ; — demander au roi qu’il mette la Bretagne en séquestre. Charles VII résolut de mettre fin à ces vaines réclamations ; il envoya les ambassadeurs voir le duc Pierre II et la duchesse, promettant de les faire accompagner de deux de ses conseillers : Guy Bernard, archidiacre de Tours, et un conseiller-notaire chargé de « faire rapport de tout ce qui serait dit » [Notre : La Borderie (Histoire de Bretagne, IV, p. 358) a écrit par inadvertance que la duchesse Isabelle fut appelée à Tours. Non, les ambassadeurs écossais vinrent en Bretagne ; et les envoyés du roi partirent de Tours pour les rejoindre à Nantes. Voir la relation des deux envoyés du roi. Morice, Preuves, II, 1618-1625. Sept colonnes ! L’entretien avec la duchesse commence au 3ème tiers de la colonne 1422 (sans alinéa)].

En même temps, le roi mettait le connétable au courant de tout et l’envoyait s’entendre avec le duc. Le connétable se rendit à Nantes pour y recevoir les Ecossais.

Trois mois passent ; et les conseillers du roi joignent l’ambassadeur écossais et le connétable à Nantes, deux ou trois jours après le dimanche de Pâques, cette année le 1er avril.

Pierre II était à Rennes. Les ambassadeurs et le connétable y arrivèrent le 9 avril. Le duc passait quelques jours au manoir épiscopal de Brutz, à deux lieues de la ville. Les envoyés du roi furent d’abord reçus par le duc (le 10). Le lendemain, ils revinrent amenant de Rennes l’évêque de Galway. Celui-ci enfermé seul avec le duc et le connétable, eut avec eux un entretien dont le notaire, à son grand regret, ne peut rien rapporter.

Le duc renvoya les envoyés du roi et l’ambassadeur écossais à la duchesse à Rennes.

Le 12, à neuf heures du matin, les envoyés du roi furent reçus d’abord : ils exposèrent longuement les plaintes du roi d'Ecosse et reçurent les réponses de la duchesse. Après quoi, ils introduisirent l’évêque de Galway. Près de la duchesse étaient le connétable, Henri de Villeblanche, grand maître d’hôtel [Note : Il eut cette charge de 1451 à 1457 sous Pierre II — En 1436, il portait la bannière du connétable à son entrée à Paris. Le connétable devenu Arthur III inaugura son règne en faisant arrêter quatre des principaux officiers de Pierre II, notamment Villeblanche, soupçonnés de quelque connivence dans la mort de Gilles (Morice, Preuves, II, 1718-1719). Mais, après une longue, information, tous furent remis en liberté] et nombre de dames et damoiselles qui avaient assisté au premier entretien.

L’évêque salua la duchesse, lui donna des nouvelles de son frère et « lui demanda en termes généraux comment elle se portait ». A quoi la duchesse, instruite par les envoyés du roi, « répond qu’elle est toute émerveillée des rapports qu’on a faits à son frère des mauvais traitements du duc envers elle... ». La duchesse prévenait ainsi les questions que l’ambassadeur écossais avait à lui poser : elle prenait, si on peut le dire, l’offensive. Voilà l’évêque de Galway tout interdit. Il reste muet. Venant à son secours, les envoyés du roi disent au connétable qu’il vaudrait mieux que la duchesse fût seule « pour ôter toute suspicion ». Le connétable se retire et les autres le suivent...

Mais midi sonne... C’est l’heure du dîner que rien ne doit retarder. L’audience sera reprise après dîner.

Les envoyés du roi reviennent avec l’évêque : la salle se vide encore, malgré la duchesse : elle proteste « qu’en présence de ses damoiselles, elle ne laisserait pas de dire la vérité » ; et elle retient deux de ses dames.

Le connétable, quand il s’est retiré si complaisamment, la duchesse, quand elle a protesté en ces termes, se sont mépris sur la raison qu’avait l’évêque de solliciter cette sorte de huis-clos. Ce n’est pas la timidité de la duchesse qu’il redoute, c’est sa timidité propre !

La présence des deux dames le gêne : l'archidiacre de Tours et le notaire s’en aperçoivent, et ce dernier vient trouver le connétable : « Monseigneur, qu’il vous plaise donc faire sortir les deux dames, afin que plus franchement l’évêque puisse parler à Madame ». — Le connétable répond : « Non, je m’en rapporte à elle ». Le notaire rentre ; mais un instant après il revient et renouvelle sa prière. Le connétable la rejette : « Non, c’est elle qui a retenu les deux dames. Je n’oserais lui en parler ».

Cette comédie, quelque peu ridicule, finit ; et l’évêque prend enfin son parti. Il parle d’abord de mariage, mais en termes vagues. Il n’est plus question du prince de Navarre. « Le roi son frère désirerait que la duchesse se remariât. Il y a en Ecosse dignes mariages, si elle y voulait entendre ». A quoi la duchesse répond : « Je ne voudrais jamais passer la mer pour être mariée, car je suis faible et maladive, et je crains la mer... ».

Interrogée sur les plaintes portées contre Pierre, elle s’exclame : « Je suis, dit-elle, bien ébahie des injustes reproches faits au duc. Il m’a toujours été un frère dévoué et me laisse une liberté entière. Il me paie exactement mon douaire et m’en a même offert l’administration [Note : Pure grâcieuseté. Le douaire des duchesses, au lieu d’être, comme celui de leurs plus humbles sujettes, un usufruit, était une rente assise sur des immeubles assignés au douaire. Cet usage semble imité d’une règle édictée par ordonnance de Charles V, en 1374, règle qui se retrouve rajeunie de style dans l’article 332 de l’ordonnance de Blois (Conférence des Ordonnances royaux de Guénois et Charondas Le Caron. Ed. de 1607, p. 870, note 7). — Voir Douaire des Duchesses de Bretagne, par J. Trévédy, p. 56 et 57]. Le duc a même grand désir de me voir mariée. Il aiderait à me marier et même au besoin me baillerait pour cela de son bien... ». « Je serais bien heureuse, ajoute-t-elle, si le roi mon frère était aussi exact à payer ma dot, dont après onze ans, je n’ai rien reçu. C’est grand mal et péché de retenir ainsi ce qui est à moi ». Et à plusieurs reprises, « bien affectueusement », elle pria l’évêque « de remontrer ces choses au roi ». L’évêque trouva sa réclamation de toute justice.

Enfin, pour conclure, la duchesse déclara que « pour rien, elle ne quitterait le pays de Bretagne où elle avait eu et avait tant de biens et d’honneur ; car jamais gens n’aimèrent tant dame qu’elle, et pour ce aurait grand regret à quitter ce pays et ses filles » [Note : La duchesse ne se tint pas aux explications très nettes données aux ambassadeurs et aux conseillers du roi ; elle les confirma dans une lettre adressée à son oncle Charles VII (14 avril 1453). Morice, Preuves, II, 1629-1630].

Cet « interrogatoire » de la duchesse tient deux colonnes de l'in-folio de D. Morice. Ne nous plaignons pas de l’insistance de l’ambassadeur. C’est cette insistance qui suscita les réponses d'Isabeau ; et ses réponses nous la montrent, s’il est permis de le dire, sous son vrai jour. J’ai dû résumer en quelques mots le très long rapport du notaire royal. Ce résumé suffira pour faire reconnaître l’erreur des ambassadeurs de Jean V en Ecosse. Ils n’ont pas deviné qu’une jeune fille de quatorze à quinze ans, peut-être un peu timide, a pu perdre contenance devant eux. Et c’était bien simple. Ne se sent-elle pas, dans cette « présentation » soumise à un examen duquel peut dépendre son sort ? S’ils l’avaient vue onze ans plus tard, duchesse, veuve et mère, elle leur fût apparue tout autre, et ils auraient rectifié leur jugement. L’évêque de Galway instruit par le roi d'Ecosse est arrivé en Bretagne prévenu contre le duc Pierre et Isabeau : il prend le duc pour le tyran de sa belle-sœur ; et dans la duchesse il s’attend à trouver une femme faible, incapable de résistance aux volontés du duc. Elle s’explique ; et voilà l’évêque convaincu — je dirais presque — charmé par elle ! L’entretien fini, le connétable, le chambellan et les damoiselles rentrent dans la chambre, et l’évêque leur dit en riant : « Madame la duchesse est bonne avocate contre elle-même ».

L’ambassadeur va rendre compte au roi de la fausseté des plaintes portées contre le duc Pierre. Le roi d'Ecosse n’insistera plus ce point ; mais, le 19 mai 1454, il réclamera encore pour ses nièces le duché de Bretagne [Voir Morice. Preuves, II, 1644-1645. Lettre en latin au roi Charles VII].

Ce n’est pas tout. Le prince de Navarre, avec l’appui du roi d'Ecosse, s’obstine à poursuivre sa demande. En 1458, il ne se contente pas d’envoyer au duc Arthur ; il vient le trouver à Rennes [Voir Lobineau. Histoire de Bretagne, p. 66] ; enfin, en 1460, le duc François II reçoit des envoyés du roi d'Ecosse et du prince de Navarre [Note : A Michel de Montceaux « pour son deffroy d’être venu de Vaselongue (?) à Tours » (Morice. Preuves, II, 1757, juin, juillet, août, 1er compte de Landais). Le duc reçoit aussi à Tours un « poursuivant d’armes du roi d'Ecosse » Lobineau, Histoire de Bretagne, p. 675].

Ces démarches qui furent apparemment les dernières, n’eurent pas plus de succès que les précédentes.

Au portrait que nous pouvons nous faire de la duchesse Isabeau, nous ajouterons un dernier trait. Elle aimait les beaux meubles, l’argenterie, les bijoux à la mode de son temps et les beaux livres.. Certaine circonstance nous permet même de conjecturer qu’elle se plaisait aux « beaux dicts » des lettrés, peut être pourtant avec moins de naïf enthousiasme que sa soeur la dauphine [Note : On sait l’historiette contée par Pasquier, né, il est vrai, 75 ans après la mort de Marguerite. La dauphine admirait Alain Chartier, le chroniqueur et poète, et le rencontrant endormi, elle baisa « sa bouche d’où étaient sortis tant de beaux discours »].

En ce qui regarde les meubles et les bijoux, voici un renseignement. En 1494, nous verrons la duchesse livrer, en acquit d’une fondation de messe dans l’église de Vannes, de l’argenterie et des bijoux pour la somme de 2.000 écus d’or évalués, 2.700 livres [Note : Les beaux meubles et les pierreries, c’était le grand luxe et la mode du temps. Les meubles du duc François Ier furent évalués deux millions d’écus d’or (à 25 sous), soit 2 500.000 livres. Le connétable de Richemont et Catherine de Luxembourg se font en se mariant donation mutuelle de meubles, évalués 60.000 écus, à 25 sous 75.000 livres. Les seigneurs imitaient les souverains. Jeanne dite la Sage, baronne de Retz, plaidant au Parlement de Paris contre le duc Jean IV, en 1393, réclame 60.000 livres pour les meubles de son château de Princé (sa résidence ordinaire), et 20.000 pour ceux de Machecoul et autres châteaux. Et la baronne était dite la Sage, flatterie ou antiphrase. Ses actes la montrent folle. Voir Jean IV et Jeanne Chabot, par J. Trévédy] : sacrifice méritoire, car il est moins difficile d’abandonner de l'argent monnayé que des objets d’art auxquels s’attache un intérêt d’affection.

J’ai dit qu'Ysabeau aimait les beaux livres. Elle-même nous a fourni la preuve de ce goût. La bibliothèque nationale conserve un petit livre d’heures écrit et enluminé pour elle [Voir Bibliothèque nationale, ms. latin, n° 1369].

J’ai pu le voir par les yeux d’un ami, appréciateur avisé. Il m’écrit : « C’est un vrai bijou que ce petit volume de 125 millimètres de hauteur sur 84 de largeur, 450 pages chiffrées. C’est l'oeuvre d’un calligraphe. Ecriture gothique avec des miniatures dont deux représentent François Ier et Isabeau. Elle-même a laissé sa signature Ysabeau à plusieurs pages. A la fin du texte sacré (f° 446) se trouve une sorte d’élégie de sa soeur la dauphine Marguerite. Dans cette pièce, la dauphine elle-même a la parole, et elle adresse ses adieux à toutes les personnes qu’elle a aimées, y compris le dauphin » [Note : Cette petite pièce ne peut avoir été dictée par Isabeau, comme on l’a cru ; elle est pleine d’erreurs. L’auteur donne à Isabeau elle-même le titre de duchesse de Bourgogne ! La pièce composée par quelque lettré a été écrite avant d’être soumise à la duchesse].

Prenant en mains ce petit livre, la duchesse Isabeau y trouvait, outre ses prières, le souvenir de sa soeur si malheureuse et de son époux mort prématurément.

Pour en finir sur le petit livre d’heures, rappelons le portrait d'Isabeau, dessiné par notre historien d’après la miniature : « Taille svelte, élancée, figure jeune et de grande race, agenouillée sur un prie-Dieu, mains jointes, couronne en tête ... » (Voir La Borderie. Histoire de Bretagne, IV, p. 359).

Ajoutons les grands yeux et la physionomie simple et enjouée que nous montre le dessin d’une vitre de la cathédrale de Vannes (Voir Lobineau, Histoire de Bretagne, en regard de la page 617) ; et nous aurons un portrait d'Isabeau.

Mais disons les aimables vertus par lesquelles la duchesse a su gagner le coeur des Bretons. Nos ducs n’étaient pas des tyrans farouches, invisibles au fond de leurs châteaux. Au contraire, ils sont plus abordables aux « petites gens » que ne le sont de nos jours même certains fonctionnaires. Voyez Jean V [Note : Et voilà que le « bon duc » (c’est une nouveauté) est représenté comme s’étant baigné dans le sang, après l’attentat des Penthièvre, en 1420. Comme exemple, on cite Guillaume de Goudelin mis à mort. Journal des Débats, décembre 1906. Ces imaginations sont accueillies et répétées par des journaux bretons ! La vérité est que Guillaume de Goudelin fut et très justement condamné à une peine d’emprisonnement et gracié par le duc Jean V, qu’il vivait en paix en 1422, et qu’il témoigna sa reconnaissance au duc en prêtant assistance à Jean de Penthièvre venu en Bretagne pour mettre Jean V à mort] : il parcourt, on peut dire, presque continuellement le duché, sans faste, presque sans escorte ; accompagné d’un chambellan, de quelques écuyers, d’un secrétaire, d’un trésorier qui va semer l’aumône sur la route, enfin quelques valets. Dans chaque bourgade, le beau duc, grand et blond, est reconnu, salué par tous, accessible à tous, écoutant les réclamations et y faisant droit. François Ier, dit le Bien-aymé, « se conduisit comme son père, et traita le peuple aussi bien ou mieux que lui ». Ecoutez comme, en mourant, il recommande son exemple à son successeur Pierre : « Beau-frère, traitez vos sujets amiablement. Ne vous cutez (cachez) pas, comme votre naturel vous incline ; car ils (les sujets) veulent voir leur prince, et c’est le plus grand plaisir qu’ils aient  » (Voir Chronique de Jean de Saint Paul, ch. VI, p. 56 et VII, p. 61 ).

Comment croire qu'Isabeau n’ait pas reçu et suivi la même règle de conduite, qu’elle n’ait pas été accessible et bienveillante à tous et surtout secourable aux pauvres ? Nous le verrons, elle avait un budget d’aumônes, moins lourd que celui de Françoise d'Amboise, parce que, sa dot n’étant pas payée, elle était beaucoup moins riche que Françoise ; mais ses « deniers d’aumônes » étaient pourtant assez considérables pour qu’elle put un jour y prélever une somme importante, pour une oeuvre pieuse.

L’affabilité pour tous, la charité pour les pauvres, voilà les vertus auxquelles la duchesse Isabeau dut l’amour des Bretons, ses contemporains, et le souvenir fidèle de leur postérité.

  Voilà donc « cette bonne petite duchesse Isabeau, comme dit presque paternellement La Borderie, qui nous gagne le coeur pour avoir su mériter l’amour des Bretons, et pour l’avoir largement rendu à la Bretagne, dont elle fit sa seconde patrie » (Voir Histoire de Bretagne, IV, p. 358).

Isabeau va rester en Bretagne auprès de ses filles qu’elle va marier.

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Quand François Ier ordonnait avec tant d’insistance le mariage de Marguerite avec son cousin François [Note : Cousin-germain de François Ier, puisqu’il était fils de Richard, frère de Jean V ; le fiancé de Marguerite était l’oncle à la mode de Bretagne de sa fiancée. Né le 23 juin 1435, il avait seulement six ou sept ans de plus qu’elle], il supposait bien que celui-ci serait quelque jour duc de Bretagne. Les fiançailles se firent en grande solennité, le 16 novembre 1455, en présence des Etats dans la salle haute des halles de Vannes. A ce moment, en la supposant née dans la première année du mariage de ses parents, Marguerite ne pouvait avoir beaucoup plus de 12 ans. François, né le 23 juin 1435, avait vingt ans révolus. Trois ans plus tard, il devenait duc de Bretagne (26 décembre 1458). Le 29 juin 1463, la duchesse allait donner un héritier à la Bretagne ; le 25 août suivant, elle pleurait ce fils unique ; et d’autres tristesses allaient abréger sa vie.

Un jour, à la cour de France, Antoinette de Maignelaye, dame de Villequier, avait « ensorcelé » le jeune duc. Après la mort de Charles VII (22 juillet 1461), François II l’avait fait venir en Bretagne, où sa faveur sera un scandale pendant des années. Marguerite meurt à vingt-six ans, le 25 septembre 1469.

François Ier n’avait pas désigné un mari pour sa seconde fille, Marie, née, semble-t-il, à la fin de 1447 [Note : Je n’ai vu nulle part la date de sa naissance. J’infère celle-ci de ce fait à la fin de 1447, la duchesse allait faire ses couches à Vannes, quand, à cause d’une épidémie, le duc la fit partir pour Auray. Lobineau, Histoire de Bretagne, p. 630].

En février 1454, Alain IX, vicomte de Rohan, épousait en troisièmes noces Perronnelle de Maillé, cousine de la duchesse Françoise d'Amboise, et devenait ainsi cousin du duc. Alain IX avait eu en premier mariage (1407) Marguerite, soeur de Jean V. Le connétable voyait en lui son beau-frère et Pierre II son oncle par alliance. Ils consentirent sans peine au projet de mariage de leur nièce et petite-nièce Marie, avec Jean, fils aîné du vicomte qui, né le 16 novembre 1452, venait d’entrer dans sa seconde année [Note : Lobineau dit (p. 657) que le connétable avait « arrangé ce mariage quelques années auparavant ». Il dit (p. 656) qu'Alain IX était veuf de sa première femme, Marie de Lorraine. La vérité est que Marie de Lorraine, épousée en 1450, avait succédé à Marguerite de Bretagne, soeur de Jean V et du connétable. Celle-ci avait laissé quatre filles et un fils, Alain, comte de Porhoet, mort de maladie devant Fougères, en 1449, laissant une fille unique. M. Cosneau (Voir Le connétable de Richemont, p. 439) dit que « dans son testament, François avait exprimé la volonté de marier Marie avec l’héritier de la maison de Rohan ». Il n’y a rien du mariage de ses filles dans le testament. Il n’y avait pas en ce moment (1450) un seul fils à marier dans la maison de Rohan. Alain, seul fils né de Marguerite de Bretagne était marié à Yolande de Laval quand il mourut en 1449].

Le mariage fut ratifié le 10 février 1461, et célébré seulement en 1468. Une condition du contrat fut qu’après sa majorité, Marie de Bretagne déclarerait se contenter des 100.000 écus d’or fixés par son père, et, ratifiant son testament et son codicille, renoncerait à toutes prétentions au trône.

Pour complaire à son époux, la duchesse avait signé le testament : au contrat de mariage, elle consentit à cette condition ; et jura solennellement qu’elle ne mettrait aucun obstacle à l’exécution du testament (Voir Lobineau. Histoire de Bretagne, 656-657). Les obstacles allaient venir de son gendre, le vicomte, qui après la mort de la duchesse Marguerite, essayera par tous moyens, même la trahison, d’assurer à sa femme l’héritage de Bretagne.

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Après la mort de Marguerite, les affections de la duchesse ne reposent plus que sur la vicomtesse de Rohan. Plus heureuse que sa soeur, Marie a une « belle lignée ». Avant 1479, plusieurs enfants lui sont nés, dont quatre fils qu’un autre suivra avec plusieurs filles. Le vicomte est pour sa belle-mère un fils respectueux auquel elle va donner une marque de suprême confiance. Le 13 octobre 1485, elle fait son testament dont elle nomme son gendre exécuteur. Aucune disposition n’est faite de ses biens (Voir Morice, Preuves, III, 484-485.).

Mais le même jour, par un acte de donation, elle se dépouille entièrement en faveur de « son très cher et bien-aimé fils », le vicomte de Rohan ; elle lui donne non seulement tout ce qu’elle possède réellement, mais ce qu’elle peut prétendre « en vertu de son mariage » [Note : Lobineau (Histoire de Bretagne, p. 775) mentionne ce troisième testament en rappelant ceux de 1480 et 1482, et il l’imprime à ses Preuves (III, p. 1438) ; il ne mentionne pas la donation de 1485, mais seulement la seconde, de 1494 (Hist., p. 822). D. Morice (Taillandier), Histoire de Bretagne, II, p. 229-230, mentionne une seconde donation le 13 octobre 1494. Il dit que cette seconde donation « n’était qu’une confirmation de celle de 1485 », et il en donne des raisons qui n’existaient pas en 1485. P. 230, il met en marge : Actes de Bretagne, 536, mais la donation de 1494 n’y est pas]. Elle déclare « subroger son fils en son lieu et place, et le faire seigneur, maître et procureur comme en sa propre chose ».

Pourquoi ce dessaisissement absolu ? Le vicomte et sa femme, dit-elle, « ont de grandes charges pour l'entretènement de leur état et de leur lignée » ; et la duchesse veut « à son pouvoir subvenir et aider à leurs affaires et nécessités » [Voir Morice, Preuves, III, 485-486. Un acte singulier. Elle donne à son gendre ce qui est présentement à elle et doit être l’héritage de sa fille. Mais si sa fille meurt et que son gendre remarié ait des enfants... Ceux-ci seront appartagés dans ces biens. Pourquoi ne pas se dessaisir en faveur de sa fille son unique héritière ?].

Très bien. Mais il a une autre raison. La liquidation de la communauté de François Ier et Isabeau n’est pas faite depuis trente-cinq ans ! Dans l’intérêt de ses filles comme dans le sien, Isabeau ne l’aura-t-elle jamais demandée ? Qu’elle n’ait fait aucune réclamation judiciaire à Pierre II, à Arthur III, peut-être ; du vivant de Marguerite, femme de François II, peut-être encore. Mais, après la mort de sa fille, en 1469, elle a moins de ménagements à garder.

Elle aura, c’est très vraisemblable, demandé la liquidation, sans rien obtenir ; et elle espère que son gendre aura plus de succès, quand il poursuivra cette action en même temps qu’il exercera les actions appartenant à sa femme de son chef, comme héritière unique de sa soeur Marguerite.

La duchesse lui fait de cette poursuite une obligation : « Voulons que le vicomte fasse poursuite (de nos droits), par toutes voies licites..., vers toutes personnes contre lesquel les ces actions nous appartenaient... ». Voilà qui est clair et impératif !

Une des personnes contre lesquelles la duchesse prescrit ainsi des poursuites, c’est justement le duc François II, mari de sa fille Marguerite et qui n’a pas songé, depuis six ans qu’il a perdu sa femme, à liquider sa communauté ! Une question : François II a-t-il su la condition de cette donation du 13 octobre 1485 ? Le vicomte aurait-il aussitôt exercé l’action judiciaire ? Quoiqu’il en soit, deux ans plus tard, le duc se montre plein d’égards pour la duchesse. En 1487, l’armée française entre en Bretagne ; elle pousse jusqu’à Vannes, qui capitule, le 5 juin ; elle assiège Nantes ; et, contrainte de lever le siège, le 6 août, elle redescend en Basse-Bretagne et assiège Auray qui capitulera, le 31 octobre. La duchesse « faisait alors sa résidence ordinaire à Succinio », dans la presqu’île de Rhuys ; et, à la première nouvelle du siège, le duc « craignant que les Français ne lui fissent quelque insulte l’envoya chercher pour l’amener près de lui à Guérande ». (Voir Lobineau, Histoire de Bretagne, 776-777).

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Nous venons d’étudier deux actes du 13 octobre 1485 ; neuf ans plus tard, nous trouvons à la même date du 13 octobre, deux actes : une fondation pieuse, et une donation confirmative de la première en faveur du vicomte de Rohan. L’identité de dates, en ce qui concerne le jour, et la nouvelle concomitance des deux actes de 1494 sont à remarquer. La duchesse Isabeau qui, en 1453, se disait « faible et maladive » paraît avoir été très préoccupée de sa sépulture. On a signalé d’elle trois testaments : le premier est de 1480, nous ne l’avons pas ; mais les deux autres ont été publiés. L’un est à la date du 16 novembre 1482. Il est dressé à Vannes, « au manoir épiscopal de la Motte ». Le troisième, du 13 octobre 1485, est rapporté encore à Vannes, « mais au château de l'Ermine », château ducal (Note : Voir les derniers testaments. Morice, Preuves, III, 425-426, 484-485. On sait que la Motte devint manoir épiscopal, au XVème siècle, quand il fut abandonné par les ducs pour le château de l'Ermine où l'Hermine).

Dans ces deux testaments, Isabeau marque sa sépulture dans l'église des Cordeliers, à Nantes [Note : Son choix semblait bien arrêté pour Nantes en 1482. Elle ordonnait que « sur les deniers de ses aumônes, il fût payé chaque année 200 écus d’or pour faire finir la chapelle qu’elle a de nouveau fait commencer à Saint-François ». Et la chapelle est finie avant 1485, puisqu’il n’en est plus parlé au troisième testament. 200 écus d’or à 27 sous = 270 livres]. Entre 1485 et 1494, elle change d’avis et ordonne sa sépulture à Saint-Pierre de Vannes ; et, le 13 octobre 1494, elle fait une fondation en cette église. Cet acte du 13 octobre est curieux à étudier. Je me garde de le copier en entier ; avec toutes les redondances à la mode en ce temps, il occupe à peu près quatre colonnes de l'in-folio de D. Morice. L’acte commence par un préambule où la duchesse dit que « à cause de la grande vénération qu’elle a toujours eue pour l’église cathédrale de Saint-Pierre à Vannes, elle a par cy devant choisi et élu sa sépulture en cette église » (Note : Par plusieurs testaments, dont un de 1485, la duchesse avait marqué sa sépulture à Nantes. Elle avait donc changé de volonté par un acte fait entre 1485 et 1494. Nous n’avons pas cet acte).

En conséquence, elle va fonder « une messe à notes sur l’autier de M. saint Vincent du côté du chapitre et du lieu capitulaire de l’église. Cette messe sera dite après celle qui est dite pour la duchesse Jeanne de France sur l’autre autier de saint Vincent, du côté de la chapelle saint Jean ». — La messe sera « annoncée par douze coups de gobet sur la grosse cloche » [Note : On lit au testament de François Ier ordonnant sa sépulture à l’abbaye de Redon (22 janvier 1450, n. st.) Lobineau, Preuves, 1116-1119 (v. 1117). « Avant de commencer (la messe), le plus grand sain ou cloche dud. moustier sera sonné par douze coups et gobeteix, l’un coup distant de l’autre par l’espace que l’on met à dire son Ave Maria ». — Sain, de signum, qui dans le latin du Moyen-Age est employé au sens de cloche. — Lobineau. Preuves, Glossaire et col. 201 : Per cordam signi monastici. — Le mot sain se retrouve dans notre mot tocsin. Des coups de gobet ou gobeteix sont des coups de tocsin]. Elle sera du jour pendant la vie de la duchesse, et de Requiem, après sa mort.

« Pour l'entretenent de cette messe... la duchesse a délibéré de doter le chapitre de 2.000 écus d’or au poids royal de France ; et en paiement elle baillera des espèces de marcs d’or et d’argent ouvrez (travaillés) en coupes, esguerres, potz, bassins, lavouers, colliers, anneaux, ferrures (fermoirs), garnitures de tissus (vêtements) et autres bagues, joyaux et pierreries précieuses à la valeur de 2.000 écus d’or ».

Cette déclaration faite, commence la solennité de l’acte, on pourrait dire des actes successifs dont le résumé suit : 

Le premier acte se passe « dans la maison qu'Isabeau habite ». Là sont présents quatre passes (notaires) exerçant devant la cour ducale (sénéchaussée de Vannes) et la cour ecclésiastique (cour des régaires). La duchesse se soumet aux deux juridictions dont les notaires vont instrumenter concurremment.

Là sont réunis : 1° nombre de chanoines, dont la présence n’est nullement nécessaire en ce premier acte, et qui n’y ont aucun rôle ; 2° Jean vicomte de Rohan, époux de Marie de Bretagne, fille et unique héritière d'Isabeau. La donation de 1485 rend la présence et le consentement du vicomte indispensables ; 3° Pierre Rousselin, alloué de Blain et auditeur des comptes du vicomte de Rohan, dont nous allons voir le rôle.

Du consentement du vicomte, la duchesse nomme Rousselin son procureur à l’effet de faire livraison au chapitre des objets donnés par elle et d’en recevoir bonne quittance. Elle promet « sur serment et sa foi (parole) de princesse » de ratifier ce qu’il aura fait. Dont acte donné selon la formule de ce temps : « A sa requête (de la duchesse) l’avons condamnée et comdamnons à l’exécution de l’engagement ».

Cette exécution suit aussitôt par la livraison que la duchesse fait à Rousselin des objets d’or et d’argent ci-dessus mentionnés.

Second acte. — Nanti de ces bijoux et pierreries, Rousselin les fait « incontinent porter au lieu capitulaire de l’église Saint-Pierre » ; et il s’y transporte avec les notaires et le vicomte de Rohan. « La campane a sonné en la manière accoutumée » pour appeler le chapitre, et là sont réunis huit chanoines « chefs et suppotz du chapitre chapitrant, faisant et représentant ».

Les parties acceptent la juridiction des deux cours (comme ci-dessus) ; et aussitôt Rousselin, en présence du vicomte de Rohan, remet au chapitre les objets reçus de la duchesse. Le chapitre donne valable quittance ; et promet d’employer la valeur reçue « au profit et utilité de l’église pour l’entretènement de la messe » célébrée dans les conditions indiquées plus haut [Note : Il est écrit que « ce service doit commencer le 1er jour du présent mois... ». Non, puisque l’obligation est prise le 13 du mois ; et il fallait l’approbation de l'évêque qui n’intervint que plusieurs mois après].

Mais, pour acquérir un héritage qui rapportera un bon revenu ou bien une rente, ce qu’il faut au chapitre, c’est de l’argent monnayé. Comment de tous ces bijoux faire de l’argent ? Va-t-on briser la vaisselle d’or et d’argent ? Comment et à qui vendre les pierreries ? Le chapitre s’est entendu avec le vicomte de Rohan.

Troisième acte. — Au moment même, les chanoines baillent et livrent au vicomte « les objets qu’ils viennent de recevoir ; le vicomte leur en donne quittance, et leur baille et livre pour lui et ses successeurs la somme de huit vingt-cinq livres (lisons 200 livres) de rente annuelle et perpétuelle [Note : Huit vingt-cinq qu’il faut traduire par 200 : comme on a dit huit, sept, six vingt. Cette dernière expression a survécu aux autres]... hypothéquée sur la terre de Ploaha (Plouha) et Ploezec (Plouezec), en l’évêché de Tréguier [Note : Plouha, aujourd’hui chef-lieu de canton et Plouezec, importante commune du canton de Paimpol, arrondissement de Saint-Brieuc, étaient du comté de Goello, qui avait fait partie du Penthièvre, et qui, le 24 septembre 1480, en avait été détaché par François II, en faveur de son fils naturel François, pour former la baronnie d'Avaugour. — Morice, Preuves, III, 368-370] payable à Vannes au lieu capitulaire aux termes d’avril et d’octobre ».

La rente est transmissible par le chapitre au même titre que ses héritages. Toutefois, le vicomte ou ses successeurs pourront la rembourser en rendant « la somme de 2.000 écus d’or du poids royal de France, en l’espèce et valeur à présent ayant cours. ». Dont acte donné dans la forme ci-dessus.

Cet acte du chapitre devait être approuvé par l’évêque de Vannes. L’approbation intervint l’avant dernier jour (30) juillet 1495 [Note : Il est imprimé en chiffres 1494. L’erreur est certaine, l’approbation rappelant la date de l’acte à octobre 1494].

Elle n’émane pas de l’évêque lui-même, Laurent Cibo, cardinal de Bénévent au titre de Sainte Cécile, mais de son vicaire général, « ayant, dit-il, pour témoins et conseils cinq ecclésiastiques qu’il nomme, sans compter plusieurs autres » [Note : ... et pluribus aliis testibus ad premissa vocatis specialiter et rogatis. On dirait que le vicaire a craint d’engager sa responsabilité. — Morice, Preuves, II, 774].

Le même jour, c’est-à-dire aussitôt après ce premier acte, Isabeau fait à son gendre une nouvelle donation. Elle lui abandonne sa part des meubles de sa communauté et « les acquêts faits pendant son mariage, enfin ce qui lui appartenait dans la succession de sa fille Marguerite » [Morice (D. Taillandier). Hist., II, p. 229-230].

L'historien auquel nous empruntons cette phrase, n’a pas donné le texte de cette seconde donation ; mais il a indiqué les motifs de cette libéralité [Note : Et ces motifs, l’historien les exprime ainsi : « Le vicomte de Rohan qui avait servi si fidèlement la France dans la guerre faite à la duchesse, n’avait point été récompensé d’une manière proportionnée aux sacrifices qu’il avait faits à cette couronne (de France). Son attachement pour ses rois lui avait fait manquer le mariage d'Anne de Bretagne pour l’aîné de ses fils ; et le mariage de cette princesse avec les rois Charles VIII et Louis XII l’avait privé de l’espérance de faire valoir les droits qu’il prétendait sur le duché tant de son chef que de celui de sa femme... »] ; la duchesse, dit-il, « voulait réparer le tort fait à son gendre » qui n’avait pas obtenu le prix « des sacrifices qu’il avait faits à la couronne de France...». L’historien qui est étranger n’a pas vu les trahisons que la Bretagne pouvait reprocher au vicomte de Rohan... et dont le prix aurait dû être selon lui, le duché de Bretagne !

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Voilà le dernier acte où apparaisse la duchesse Isabeau. L’historien que je citais tout à l’heure a écrit que le vicomte ne fit valoir cette donation « qu’après la mort de la duchesse, qui vivait encore en 1495 » (Voir Morice. Histoire de Bretagne, II, 230). Et il ajoute un peu plus loin : « Après bien des procédures, qui durèrent depuis la mort de la duchesse Isabeau, jusqu’en 1499, les parties convinrent d’un arbitrage » (Voir Morice. Histoire de Bretagne, II, 230). Pour préciser, disons que le compromis désignant les arbitres est du 20 février 1499 (1500 n. st.) [Voir Morice. Preuves, III, 829-830. — On plaidera par mémoire. Le mémoire du vicomte de Rohan est prêt. Il est daté du 5 mars suivant. Morice. Preuves, III, 830-835].

L'historien ne donne pas la date de la mort. Nous savons par un acte authentique qu'Isabeau vivait encore le 27 juin 1495, puisque, ce jour, le vicomte de Rohan agit pour elle en qualité de mandataire (Morice. Preuves, III, 774). D’autre part, le mémoire présenté aux arbitres par le vicomte, et daté du 5 mars 1500 (n. st.), mentionne plus d’une fois le décès sans en donner la date. Puisque le compromis du 20 février 1500 (n. st.) est intervenu « après de longues procédures commencées depuis la mort de la duchesse Isabeau », il est vraisemblable qu’elle n’a pas survécu longtemps à l’acte du 27 juin 1495 [Note : Il y aurait une intéressante étude à faire de ce procès dans lequel le vicomte de Rohan réclame d’une part deux millions d’or (écus), et d’autre part 100.000 écus].

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Une question à laquelle nous voudrions répondre : A. quelle époque la duchesse Isabeau habita-t-elle Vannes ? François Ier, mourant à « Plaisance-lès-Vannes », avait, comme nous l’avons vu, ordonné sa sépulture à Saint-Sauveur de Redon. Nous avons dit aussi que, pendant longues années et jusqu’après 1485, la duchesse avait choisi la sienne aux Cordeliers de Nantes.

En avril 1453, nous voyons la duchesse à Rennes, où elle reçoit les ambassadeurs de son frère et les envoyés du roi Charles VII.

Nous avons dit que la seigneurie et le château de Succinio, dans la presqu’île de Rhuys, au voisinage de Vannes, étaient de son douaire. N’aurait-elle pas fixé là sa résidence ordinaire ?

Des trois testaments d'Isabeau, nous n’avons que les deux derniers. Ils sont rapportés, avons-nous dit, le premier au manoir épiscopal de la Motte, le second au château ducal de l'Ermine (Hermine). Dans aucune de ces maisons, la duchesse n’est chez elle. Elle n’avait donc pas à ce moment une habitation fixe à Vannes. En ce cas, elle n’aurait pas appelé le notaire ailleurs que dans sa maison. Mais demeurerait-elle près de Vannes et viendrait-elle à la ville « pour affaires » ?

Deux ans après, en 1487, au moment où l'armée française menace Auray, le duc François II, craignant pour la duchesse quelque insulte, l’envoie chercher « au château de Succinio, où elle faisait sa résidence ordinaire ».

Cette « résidence ordinaire », ou, comme nous disons, ce domicile principal n’aurait-il pas été jusqu’à cette époque à Succinio ? Mais neuf ans plus tard, en 1494, elle fait encore à Vannes deux actes importants : la fondation à la cathédrale et la donation que nous avons étudiées ; et le premier de ces actes, le seul que nous ayons, est rapporté, non plus comme ceux de 1482 et 1485, dans une maison amie ; mais « dans la maison qu’elle habite de présent et qui fut autrefois à Messire Jehan de la Rivière ». C’est-à-dire la maison que la duchesse a acquise de Jean de la Rivière. L’indication du nom du précédent propriétaire nous permet de supposer que cette acquisition est récente [Voir Morice. Preuves, III, 770-774. — Le mot autrefois ne fait pas obstacle à cette supposition. A cette époque, il est pris souvent au sens de précédemment, et non, comme aujourd’hui, au sens d’anciennement]. Il est vraisemblable que c’est au temps où la duchesse a marqué sa sépulture à Vannes, c’est-à-dire après le testament de 1485, qu’elle aura acquis une maison au proche voisinage de l’église où elle a marqué sa place après sa mort.

Or cette maison est connue : On lit à l'Annuaire du Morbihan de 1853 et 1858 : « Il resulte d’un vieux titre du 12 avril 1512, qu'Isabeau d'Ecosse demeura dans la maison Laviche, maintenant maison Ulrich, rue dite aujourd’hui de la Bienfaisance. Cette maison est l’avant-dernière de la rue vers la rue des Vierges, à gauche en venant à la Cathédrale » [Voir Annuaire du Morbihan, par M. Alf. Lallemand 1853, p. 158 (note) et 1858, p. 278. — La maison dont il s’agit porte au cadastre le n° 1019 — et le jardin en dépendant 1018].

Il y a donc toute apparence que la duchesse devenue veuve en 1450, n’a eu « sa demeure ordinaire » à Vannes qu’après les actes de 1485, et le choix de sa sépulture à Vannes ; et il semble démontré que cette résidence indiquée par le titre du 12 avril 1512 est la maison ci-dessus désignée.

 

NOTE 

Voici la note annoncée sur les Heures de la Duchesse Isabeau, conservées à la Bibliothèque Nationale. En tête du volume on lit cette note qui semble du XVIIème siècle. (Très belle écriture imitant les caractères d’imprimerie).

« Ces heures estoient faites pour Isabel Stuart, fille puisnée de Jacques Stuart I du nom, Roy d'Escosse et de Jeanne de Sommerset, 2ème femme de François I du nom, Duc de Bretagne, qu’elle espousa le 30 octobre 1441 et qui mourut le 17 juillet 1450. Ils sont représentez à genoux aux pages 38 et 56.

Cette Isabel Stuart a signé son nom en plusieurs endroits de ces heures comme aux pages 299, 301 et autres suivantes. Leurs armes parties sont aux pages 135, 189 et 332.

Ces heures sont à Renée de Rohan ; c’estoit Renée de Rohan, femme de Jehan de Coetquen, comte de Combour, issue par plusieurs degréz de Jean II, vicomte de Rohan, et de Marie de Bretagne, fille de François I, duc de Bretagne et d'Isabel Stuart ».

J’avais lu que la « duchesse avait peut-être écrit elle-même ou du moins composé et fait écrire une naïve élégie sur la mort de sa soeur la dauphine Marguerite ». Je priai de me copier l’élégie, espérant y trouver quelques mots partis du coeur de la « bonne duchesse ». Quand j’ai pu lire cette pièce, quelle désillusion ! La duchesse aura voulu avoir en son livre d’heures un memento de sa soeur, dont peut-être elle porte encore le deuil ; et elle aura demandé à quelque lettré du temps de composer cette pièce. Peut-être lui en aura-t-elle indiqué le projet : montrer la dauphine, en vue de sa mort prochaine, faisant ses adieux à ses proches et sollicitant leurs prières ? 

« Le lettré s’est donné libre carrière dans des phrases assez monotones et assonancées dans le goût du XVème siècle ». Mais avant d’être écrite, la pièce n’a pas été soumise à Isabeau ; elle n’aurait pas manqué de signaler et de faire corriger les erreurs qu’on va lire.

La pièce tient les cinq pages 446 à 450 ; mais la dernière est presque effacée. Armés de loupes, les paléographes de la Bibliothèque ont pu en lire seulement quelques mots. Au-dessous de la pièce se lisent quelques mots d’une écriture plus cursive que celle d'Isabeau. Cette écriture (sauf meilleur avis) semble de la fin du XVème ou du commencement du XVIème. Voici ces mots : Vre a james, - lisons : Vôtre à jamais ; plus Vre que sien - lisons :  plus vôtre que sien.

C’est-à-dire apparemment : A vous pour jamais, plus à vous qu’à lui-même.

Quel est l’auteur de cette déclaration? A qui s’adresse-t-elle ?

Enfin, au-dessous et d’une écriture du XVIIème siècle, on lit : Ces heures sont a Renée de Rohan.

Renée de Rohan qui s’attribue ici la propriété de ces heures, est Renée de Rohan, femme de Jean de Coetquen, comte de Combour. Elle était descendante au cinquième degré du duc François Ier et d'Isabeau d'Ecosse.

Voici la filiation :

1° Jean II, vicomte de Rohan, né le 16 novembre 1452, accordé dès le 10 février 1455, épouse le 8 mars 1461, Marie de Bretagne, fille puinée de François Ier et de Isabeau Stuart.

2° De ce mariage, cinq fils sans hoirs [Note : Le vicomte Jean † en 1516, avait vu mourir trois fils : 1° François (l’aîné), tué à Saint-Aubin du Cormier, sous la bannière bretonne (1488). — 2° Jean, † sans alliance (1505). — 3° Georges, † 1502. — 4° Jacques, vicomte en 1507, mourut en 1527, sans enfants de deux mariages. — 5° Claude, évêque de Quimper, lui succéda et mourut en 1540. — La vicomté de Rohan passa à Anne, femme de Pierre de Rohan, baron de Frontenay, 3ème fils du maréchal de Gié, soeur aînée de Marie, femme de Louis IV de Rohan-Guémené] et deux filles, dont Marie de Rohan, la seconde, mariée le 17 novembre 1511 à Louis de Rohan (4ème du nom), seigneur de Guémené et de Montbazon, mort le 14 juin 1527. — Marie (testament du 9 juin 1542), inhumée dans le tombeau de son mari, en la chapelle de l’hôpital de Guémené.

3° Louis V, seigneur de Guémené, La Roche-Moisan, Montbazon, baron de Lanvaux [Note : Le duc François II créa la baronnie de Lanvaux qu’il donna à André de Laval, maréchal de France (1460) ; mais le maréchal, usé par les fatigues de la guerre, ne venant plus aux Etats, le duc lui demanda sa renonciation à Lanvaux, et par lettre du 22 septembre 1485 (Morice. Preuves, 480-482) le duc en donna la survivance à Louis V de Rohan, sire de Guémené. — Plus tard, les Rohan-Guémené dédaignèrent et omirent le titre de Lanvaux], mort le 14 mars 1557, marié le 18 juin 1529 à Marguerite de Laval, fille de Guy XV et de Anne de Montmorency.

4° Louis VI, seigneur des mêmes lieux, né à Guémené le 3 avril 1540, aveugle à cinq ans, prince de Guémené (septembre 1570), mort le 4 mai 1611, inhumé dans l’église de Coupvrai [Note : Coupvrai, seigneurie de La Brie (Seine-et-Marne), érigée en baronnie (1605) en faveur de Françoise de Laval et de Louis de Rohan, prince de Guémené, son petit-fils] ; marié à — 1° Léonore de Rohan, dame de Gié et du Verger ; — 2° à Françoise de Laval, veuve d'Henri de Lenoncourt, seigneur de Coupvray, morte le 16 décembre 1614 sans enfants.

5° Du premier mariage, 14 enfants, dont la neuvième, Renée de Rohan, mariée suivant contrat du 14 octobre 1578, à Jean de Coetquen, comte de Combour, chevalier de Saint-Michel, capitaine de 50 hommes d’armes, mort non en 1591 au combat de Loudéac [Note : En janvier 1591, le marquis de Coetquen, assisté de son second fils, Jean, comte de Combour, battait à Loudéac son gendre, Jean d'Avaugour, seigneur de Saint-Laurent-sur-Sèvre, lieutenant général de Mercoeur. Rosnyvinen de Piré (Histoire de la Ligue, I, p. 295) a écrit que le comte de Combour avait été tué dans cette tragique rencontre. Cette affirmation a été souvent répétée (voir notamment Chevaliers de Saint-Michel, p. 115-116, note). La lettre de félicitations adressé par le prince de Dombes au marquis de Coetquen (Morice. Preuves, III, 1528) et qui ne contient aucune allusion à la mort du comte, aurait dû nous sauver de cette erreur. Grâce au regretté abbé Paris-Jalobert, j’ai pu me rectifier (Armée Royale en Bretagne, 1595-1610). L’érudit abbé me fit part de la découverte du décès du comte de Combour, au château de Combour, le 27 juillet 1602, et de sa sépulture aux Jacobins de Dinan. Son père lui survécut jusqu’au 29 juin 1604. Tout récemment (Revue de Bretagne, juillet 1908, p. 24, Combour et ses Seigneurs) M. Paul de la Bigne a rappelé ces dates avec celle du décès de Renée de Rohan (16 mai 1606). Il a donné l'épitaphe où Abraham rime avec Rohan au voisinage de deux vers rimant en Juno et Apollo. C’était le goût du temps], mais seulement le 27 juillet 1602.

Voici l’élégie : LIVRE D’HEURES DE LA DUCHESSE DE BRETAGNE ISABEAU OU ISABEL STUART, † 1444 [Note : la date de 1444 est celle de la mort de la Dauphine]. Bibliothèque Nationale. — Ms. latin n° 1369.

p. 446. La tres doulce Vierge Marie veillez (veuillez) ceulx et celles garder qui orront (ouiront) piteuses nouvelles ores en droit et raconter de Madame la Dauphine trespassée nouvellement, la tres douce Vierge Ma. (Marie). Quant la dame du hault paraige sentit le mal qui approchoit, en soupirant moult tendrement,

p. 447. son ame a Dieu recommandoit elle et son noble lignaige de France et descoce (d'Ecosse) auxi (aussi), et par desus tretous les autres, le dauphin son tres chr (cher) Sire, a plourer la la dame se point : pour vous j’avoie (j’avais) la mer passée, ou jay plus (prins) moult de grands plaisirs, et avoit tretout mon lignaige de France et descoce auxi, car j’avoie esté mariée au

p. 448. plus noble des fleurs de lis. Adieu, très noble roy de France pere de mon loial mary. Adieu, mon pere roy descoce et Madame ma mere auxi [Note : « Adieu mon père. » Son père était mort dès 1437. « Adieu ma mère. » Sa mère, Jeanne de Sommerset, lui survivait-elle ? Question]. Adieu sire franc (François), duc de Bretaigne, fre (frère) de mon loial mary [Note : « Adieu Sire François, duc de Bretaigne, frère de mon loyal mari ». François Ier était beau-frère de la Dauphine, non du Dauphin, dont il était le cousin-germain, comme fils de Jeanne de France, soeur de Charles VII. C’est pourquoi Isabeau, veuve de François Ier, appelle Charles VII son oncle]. Quand saurez que seray trespassée pour moy aurez le cueur (coeur) marry. Adieu toutes sainctes eglises, papz ( papes ), cardinaux. Ceste foiz adieu toute la seigneurie de France ou est le pais

p. 449. courtois. Adieu, noble Royne de France et toutes vos dames auxi : je vous pri, ma tresche (très chère) dame, confortez mon loial mary. Adieu noble duchesse de Bretaigne, dame Isabeau o cr. (au coeur) courtois [Note : « Adieu noble duchesse de Bretaigne, dame Isabeau, au coeur courtois ». Il est clair que ces mots ne s’adressent pas à Isabeau, soeur de la Dauphine. Son tour va venir]. Adieu, Catherine de France, la comtesse de Charolois [Note : « Adieu Catherine de France, » fille de Charles VII, mariée à Charles le Téméraire, en 1439]. Adieu duchesse de Bourgoigne la mienne soeur o cr. (au coeur) jolis [Note : « Adieu, duchesse de Bourgogne, la mienne soeur, au coeur joli ». La Dauphine parle ici à sa soeur, duchesse de Bretagne. La duchesse de Bourgogne, troisième femme de Philippe le Bon, et mère de Charles le Téméraire, était Isabeau de Portugal], si vous povez (pouvez) par nulle voye, mectez...

p. 450. C’est ici, au haut de la page 450, qu’on ne peut plus lire que des mots ou séries de mots décousus, les voici : « en la fleur de lis... quant (?) trespassée la dame vous est fait mencion, recomandez a Dieu son (?) âme de bien vouloir faire pardon ... consolacion. Veillez mon ame rachapter. (racheter), car (?) jay voy bien que en nulle voye a la mort ne puis eschaper ».

Il est clair que l'auteur a confondu les deux Isabeau de Portugal et d'Ecosse. Lourde erreur qui démontre que la pièce n’a pas été dictée par Isabeau d'Ecosse, ni même revue et corrigée par elle avant d’être écrite. Ajoutons que faisant parler la Dauphine « nouvellement trépassée », l’auteur revient jusqu’à quatre fois à « son très cher sire » « son très loyal mari ». (J’ai souligné ces expressions). La Dauphine ne pouvait parler ainsi, et la soeur de la Dauphine non plus (extraits des notes de J. Trévédy).

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