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Notice sur de duc de Penthièvre (1725-1793).

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En novembre 1754, le duc de Penthièvre, voyageant en Italie, descendit chez l'abbé de Bernis, ambassadeur de France à Venise, et y logea treize jours. « Je me suis très-bien tiré de cet embarras, écrivait le futur cardinal ; après beaucoup de dépenses faites avec profusion, mais sans désordre, il me reste l'amitié d'un prince honnête homme » (Sainte-Beuve, Causeries du lundi, tome VII).

Duc de Penthièvre (1725-1793).

Bernis souligne ces derniers mots, un prince honnête homme ! C'était pour lui, paraît-il, un sujet d'étonnement ; mais que nous importe, puisque d'un trait de plume il caractérise si bien et en toute justice le grand seigneur vertueux et charitable dont la vie va nous occuper.

Le duc de Penthièvre, fils du comte de Toulouse et de Marie Victoire-Sophie de Noailles, naquit au château de Rambouillet, le 16 novembre 1725. Il fut tenu sur les fonts baptismaux par Louis XV et la reine Marie Lekzinska.

On lui donna pour gouvernante la comtesse de Marcé, et pour précepteur l'abbé Quesnel. Son gouverneur, le Marquis de Pardaillan, eut pour mission spéciale de préparer de très-bonne heure le jeune prince à remplir dignement les hautes fonctions de grand amiral, que devait lui transmettre son père. Aussi l’ingénieux gouverneur imagina-t-il de faire construire à Brest une petite flotille, qu'on vit longtemps voguer à pleines voiles sur les pièces d'eau du parc de Rambouillet. L'enfant grimpait aux mâts, mettait le feu aux canons, commandait les manoeuvres, et, au besoin se sauvait héroïquement à la nage, son épée à la main.

Ces belles tentatives d'éducation navale n'eurent pas l'effet qu'en attendait M. de Pardaillan ; le duc n'aima jamais la mer, bien qu'il fût grand amiral, de même il n'aima jamais la chasse, bien qu'il fût aussi grand veneur.

Sa jeunesse fut rêveuse, son âme était délicate et semblait avoir dès lors comme le pressentiment des douloureuses épreuves qui devaient la briser. Mais en ce temps de luttes et de batailles, il n'était pas permis à un gentilhomme de haute race de n'écouter que les entraînements d'un coeur qui n'enviait d'autre gloire que celle de faire le bien ; aussi le vit-on dès l'âge de dix-sept ans servir comme volontaire sous les ordres du maréchal de Saxe. Pendant trois années il vécut de la vie des camps, se distingua à la funeste bataille de Dettingen, et surtout à Fontenoi. Il commandait alors la cavalerie avec le comte d'Eu, son cousin ; il montra une telle bravoure, que le roi et le dauphin l'embrassèrent sur le champ de bataille.

« Penthièvre dont le zèle a devancé l’âge, » dit à ce sujet Voltaire dans son poëme de Fontenoi.

A cette époque, le duc avait à peine vingt ans, c'était un élégant gentilhomme, la nature l’avait traité en petit-fils de la belle Mme de Montespan ; je ne puis mieux faire, du reste, que de reproduire ici le portrait que nous a laissé de lui la marquise de Créqui.

« M. le duc de Penthièvre, dit elle, est d'une taille médiocre, mais noble et très,agréable ; sa physionomie annonce de l'esprit, de la douceur et même un peu de coquetterie ; il vous oblige en vous regardant, et lorsqu'il vous a parlé vous vous sentez attiré à l'airmer autant qu'à le respecter..... Généreux sans prodigalité, charitable sans imprudence, dévot sans minutie, tendre sans faiblesse, modeste avec dignlié, discret sans minutie, tout est à sa place, paroles, actions, maintien, égards ; rien n'est omis et rien ne parait coûter ».

Une année avant son dernier fait d'armes, le prince avait épousé, Marie-Thérèse-Félicité d'Est (Este), fille du duc de Modène et de Charlotte-Aglaé d'Orléans.

Duchesse de Penthièvre, Marie-Thérèse-Félicité d'Este.

Le premier enfant né de cette union, le duc de Rambouiliet, mourut à trois ans ; le second fut le prince de Lamballe, qui atteignit sa vingt et unième année. Trois autres enfants virent à peine le jour, et enfin le 13 mars 1753 naquit Mlle de Penihièvre, depuis duchesse d'Orléans.

La plus cruelle épreuve était réservée au malheureux prince : en 1754 il perdit la duchesse de Penthièvre, qui mourut à Paris, dans sa vingt-septième année ; elle fut ensevelie auprès de ses enfants dans les caveaux de Rambouillet.

Le désespoir du prince fut si violent qu'il se retira quelque temps à la Trappe [Note : Il fit construire par la suite, à la Trappe, un bâtiment à son usage où il renouvelait presque chaque année ses pieux pèlerinages] ; puis il quitta la France et parcourut l'Italie. La vue des merveilles que renferme ce beau pays ne parvint pas à le distraire de ses pénibles pensées. Quoique voyageant incognito sous le nom de comte de Dinan, ville de Bretagne dont il était seigneur, il reçut partout l'accueil que lui assuraient ses vertus et son rang. Nous avons vu déjà que Bernis mit tous ses soins à le recevoir dignement. A Rome, le pape Benoît XIV ne lui ménagea pas ses sympathies ; en tout lieu ou lui prodiguait les marques de respect, et ces hommages s'adressaient autant à l'homme qu'au prince de la royale maison de Bourbon.

A son retour en France, les douleurs passées du prince furent ravivées par de nouveaux chagrins ; mère, la comtesse de Toulouse, puis le prince de Lamballe qui, du reste, s’était toujours montré l'indigne fils de son père, allèrent rejoindre les ombres chéries de ceux qu'il avait déjà perdus.

Dès lors son coeur brisé fut fermé aux grandes joies ; il ne restait auprès de lui que sa fille, il en fut bientôt séparé par le mariage de cette jeune princesse avec le duc de Chartres, si tristement connu depuis sous le nom de Philippe Egalité.

A cette époque, la princesse de Lamballe qui s'était retirée à l'abbaye Saint-Antoine, pour pleurer son époux prématurément enlevé, jugea qu'il était de son devoir de venir remplacer chez l'excellent prince celle qui venait de passer dans une autre maison.

La nature s'était plu à répandre tous ses dons sur l'aimable jeune femme ; remarquablement jolie, « d’une gaîté attendrie, d'une vivacilé rêveuse, » (Voir La princesse de Lamballe, par M. de Lescure) elle fit peu à peu renaître le printemps sous le toit désolé du prince qui, dans ses moments de douce bonne humeur, l'appelait amicalement Marie la folle.

Le duc et sa belle-fille passaient les mois d'hiver à Paris ou à Versailles. M. De Penthièvre allait rarement à la Cour. Tant que Louis XV vécut, il se tint complétement éloigné des affaires publiques ; la politique des favorites n'était pas pour lui plaire, et jamais il ne voulut que son nom fut mêlé aux intrigues qui ont signalé le cours de ce déplorable règne.

Dès que les beaux jours reparaissaient, il avait hate de revoir ses nombreuses résidences qui le possédaient tour à tour.

Rambouillet lui était cher à plus d'un titre ; il entretint toujours ce domaine avec une large magnificence. « C'est lui qui, le premier, lisons-nous dans l'excellent travail de M. Moutié sur Rambouillet [Note : Notice historique sur le domaine et le château de Rambouillet, par A. Moutié], fit dessiner le jardin anglais et couper la rivière en une infinité de ruisseaux serpentant dans les prairies, qu'ils divisent en une multitude d'îles ombragées d'épais massifs de verdure..... On lui doit cette rustique chaumière à l'intérieur de laquelle on voit ce beau salon dont toute la décoration est faite de coquilles et de morceaux de verre incrustés. C'est encore lui qui fit bâtir, sur l'emplacement du manoir seigneurial de Coudray, ce champêtre hermitage que dérobent à la vue des futaies de noisetiers, de chênes et d'arbres verts ».

A Rambouillet, comme partout ailleurs, la vie du prince était des plus régulières, la matinée était consacrée aux prières et aux soins d'une toilette toujours très-recherchée ; nous l'avons vu plus haut, Mme de Créqui reproche au duc un peu de coquetterie, mais comme elle est femme, elle a la prudence de ne pas insister sur ce léger défaut.

Plusieurs heures étaient données aux affaires, tant celles qui se rattachaient aux hautes fonctions du duc que celles qui concernaient l'administration considérable de sa maison. C'est à ce moment que les seigneurs du canton étaient reçus en audience. Le dîner, fixé à une heure et demie, était suivi de lectures, la Bible était le livre préréré ; à ces diverses occupations succédaient les promenades dont une mystérieuse charité était souvent le but. Le poëte Gilbert nous le dit :

Sous un modeste habit, déguisant sa naissance,
Penthièvre quelquefois visite l'Indigence.
Et de trésors pieux dépouillant son palais,
Porte à la veuve en pleurs de pudiques bienfaits.

Les plaisirs violents étaient sans prix à ses yeux ; il n'aimait pas la chasse, nous le savons, mais il laissait chasser chez lui et même un peu braconner. Il est juste de reconnaître que de nos jours on n'a plus de ces coupables complaisances !

Le bon duc, comme Charles-Quint, avait un faible pour l'horlogerie, il s'entourait de pendules, de montres, d'horloges de toutes provenances et de toutes dimensions. On raconte qu'un jour il renverse par mégarde une table chargée de montres ; son secrétaire, témoin de la catastrophe, s'empresse à relever les malheureuses blessées : « Ne vous inquiétez pas, Monsieur, lui dit le duc, ce sera la première fois qu'elles seront allées d'accord toutes ensemble ».

Le duc de Penthiévre était aussi cuisinier, mais, entendons-nous, il ne s'occupait que de la cuisine de ses pauvres ; tous les mois il tenait à honneur de présider lui-même à la confection de la soupe et du ragoût de mouton distribués en sa présence aux affamés du pays. Louis XV le surprit un jour au milieu de ces charitables occupations ; les roués de cour qui l'accompagnaient avaient bonne envie de rire ; mais l'attitude du roi, sérieux à ses heures, leur imposa un respectueux silence. Louis XI aimait dans son noble cousin des vertus qu'il ne se souciait pas, quant à lui, de pratiquer.

Rien de plus délicat que la manière dont le prince répandait ses bienfaits ; il n'oubliait pas, comme le dit Corneille, que : « La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne ». Quand il faisait l'aumône à ses pauvres il leur disait tout bas « Je vous remercie ». « Rendez tous les services possibles aux malheureux, ordonnait-il à ses intendants, sans que mon nom paraisse ».

Lorsque son cousin le comte d'Eu, fils du duc du Maine, mourut, il laissa ses biens au duc de Penthièvre dont la fortune déjà énorme se trouva ainsi considérablement augmentée. Sceaux faisait partie des domaines transmis au prince. Depuis longtemps ce séjour était rendu célèbre par ses fêtes brillantes ; l'ambitieuse duchesse du Maine y avait mené de front les conspirations et les plaisirs. Fontenelle, Saint-Aulaire, le cardinal de Polignac, Malezieu, étaient les hôtes ordinaires de la princesse. On jouait à force comédies et tragédies, les bergerades étaient à la mode ; mais, il faut l'avouer, bien que l'esprit ne fit pas défaut, c'était le régne du genre prétentieux.

Avec le duc de Penthièvre, nous revoyons Sceaux toujours charmant, mais plus paisible. On n'y conspire plus, et la meilleure preuve en est que le ton y est donné par le plus inoffensif des hommes, le gracieux fabuliste Florian.

Dès l'enfance, le chevalier de Florian avait été attaché à la personne du ducs en qualité de page ; plus tard, il fut fait capitaine de cavalerie dans le Royal-Penthiévre. C'était, avant tout, le favori de la maison. Il composa, fit jouer et joua lui-même à Sceaux plusieurs piéces qu'on ne lit plus, et qui ne sont pas sans grâce. La donnée en est essentiellement morale ; qu'on en juge par les titres : le Bon ménage, la Bonne mère, le Bon père. Au sujet du Bon père, Lacretelle raconte que Florian avait écrit cette dernière comédie pour la fête du duc de Penthièvre, le Bon père c'était le duc lui-même, on le lui avait caché à dessein ; mais, au dernier moment, une malheureuse indiscrétion fut commise et tout se révéla ; la modestie du prince fut effarouchée, il ne voulut pas prêter les mains à cette espèce d'apothéose de ses vertus, la représentation de la pièce fut interdite ; cela criait vengeance ; aussi Florian, faisant fonctions de régisseur, s'avança tristement sur la scène et dit à la nombreuse compagnie déjà réunie : « Nous espérions vous donner aujourd'hui la comédie du Bon père, mais Mgr le duc de Penthièvre ne veut pas qu'on le joue ».

C'était là parodier avec à-propos le mot connu de Moliére.

Quand Louis XV mourut, le prince fréquenta plus volontiers la Cour ; le nouveau roi, qui méprisait les conseillers deson aïeul, voulut être sérieusement éclairé sur la situation du royaume ; le duc de Penthièvre fut des Premiers appelé à donner son avis, il le fit avec franchise et dévouement. Sur l'invitation de Louis XVI, il alla en Bretagne, dont il était gouverneur, présider les Etats. Il remplit cette mission delicate à la satisfaction générale, les malentendus disparurent, l'union et la paix furent rétablies. Le duc et la princesse de Lamballe, qui l’avaient accompagné, se montrèrent affables pour tous ; ils surent conquérir ou ramener au roi bien des coeurs. Marie-Antoinette, dans une charmente lettre adressée à son amie, se plut à le reconnaître. Je demande la permission de la citer.

Versailles, ce 29 décembre 1774. « Je n’ai pas besoin de vous dire, ma chère Lamballe, le plaisir que j’ai eu à recevoir de vos nouvelles nous venions d'apprendre tous vos succès dans cette belle province, que le duc d'Aiguillon avait tant irritée. Il ne fallait pas moins que M. de Penthiévre pour y faire oublier cette administration et y calmer les esprits. Puisque M. De Penthièvre a promis en partant qu’il n'aurait que des grâces à distribuer de la part du Roi, le Roi l'aidera de bon coeur à tenir parole ; car vous savez qu'il aime mieux récompenser que punir. On voit, par tout ce qui revient, que M. de Penthiévre a pris le droit chemin de faire bénir le nom du Roi en Bretagne. Aussi on l'aime comme il est digne d’être aimé. Vous vous promenez tous les jours à pied au milieu de vos Bretons ; vous marchez sur l'étiquette. Vous vivez à distribuer des aumônes ; mais c'est là une vie de bonheur ! Combien je vous envie, ma tendre amie ! Je suis enchaînée dans mon Versailles, contrainte à toutes les gênes de l'étiquette, de la représentation, et encore je suis loin de vous ! Je vous dirais de revenir promptement, si vous n’étiez pas si occupée à bien faire. Adieu, mon cher cœur ; je vous aime et vous embrasse de toute, mon âme. MARIE-ANTOINETTE » (Correspondance de Louis XVI ; Marie-Antoinette et Madame Elisabeth, publiés par M. Feuillet de Conches).

On ne saurait mieux dire, et un pareil témoignage valait d'être rappelé ici, A son retour de Bretagne, la princesse de Lamballe reçut le titre de surintendante de la maison de la reine. Ce titre ne pouvait que resserrer l'intimité qui existait entre la princesse et Marie- Antoinette ; elles restèrent toujours étroitement, unies. On sait cependant que la duchesse Jules de Polignac fut un temps préférée dans les bonnes grâces de la reine, mais au jour du danger elle émigra, et Mme de Lamballe ne quitta sa souveraine que pour tomber sous le fer des assassins de Septembre.

Depuis plusieurs années, Louis XVI convoitait le beau domaine de Rambouillet. Après bien des résistances, le duc de Penthièvre, qui n'avait jamais voulu s'en dessaisir en faveur de Louis XV, le céda à son successeur qui avait déclaré, à plusieurs reprises, que « l'acquisition de Rambouillet importait au bonheur de sa vie ». C'était en 1783 [Note : Le prix de vente fut fixé à 18 millions de francs].

En abandonnant Rambouillet, le duc reprit ce qu'il avait là de plus précieux, les cendres de ceux qui n'étaient plus ; il ordonna de les transférer à Dreux, qu'il possédait également. Le funèbre convoi partit, un matin, de l'église de Rambouillet, accompagné de tous les officiers de la maison, et suivi d'un long cortége de pauvres portant des cierges allumés. La sympathie douloureuse des populations escorta jusqu'à leur demeure définitive les neuf cercueils qui furent déposés dans un caveau de l'église collégiale de Saint-Etienne.

Tout en cédant celle terre, le duc de Penthièvre n'en resta pas moins le plus riche propriétaire foncier de France ; il conservait, entre autres domaines, Anet, Eu et Vernon.

Au château d'Anet, il reçut le prince Henri de Prusse, frére du Grand Frédéric.

Non loin d'Anet s'étend la plaine d'Yvry ; une simple pyramide y consacrait la victoire d'Henri IV sur la Ligue ; le prince Henri voulut la visiter, le duc de Penthièvre lui servit de guide ; lorsqu'ils furent près du monument, une élégante bergère, en habits de fête, offrit des bouquets de fleurs à chacun des assistants, puis elle présenta au prince étranger une tige de laurier. Aussitôt, le frère de Frédéric, avec une modestie qu’il faut se hâter de louer chez un Prussien, de peur de n'en pas retrouver l'occasion, déposa sur le socle de la pyramide ce symbole de l'héroïsme.

Nous retrouvons le duc de Penthièvre au château d'Eu, lorsqu'éclatèrent les premiers orages de la Révolution. Petit-fils de Louis XIV, il ne pouvait s'associer de coeur à cet irrésistible mouvement social ; il l'accepta toutefois, espérant sans doute le détourner au profit de la royauté, dans la mesure de ses moyens et l'étendue de ses influences. On le nomma commandant de la garde nationale d'Eu ; il ne refusa pas ces fonctions patriotiques et jura solennellement fidélité à la nations à la loi et au roi.

Trois ans plus tard, cette même garde nationale qu'il commandait eut mission de le surveiller ; les vertus du prince étaient un abri insuffisant contre les soupçons. Il quitta Eu et se rendit avec la duchesse d'Orléans, sa fille, à son château de Bizy, près de Vernon. L'amour dont il était l'objet dans ce pays lui fut un rempart plus sûr. Voulant contribuer pour sa part à soulager les misères croissantes du peuple, il envoya sur deux voitures toute son argenterie à la Monnaie, et fit don absolu du quart de ses revenus à la patrie. Il se dépouilla de tous ses ordres, de son grand-cordon d'amiral ; ces sacrifices lui coûtaient peu. Il était même prêt à quitter son nom ; il adressa spontanément à ce sujet le billet suivant à un de ses officiers : (M. de Lescure, la Princesse de Lamballe, page 458)

« J'ai de l'inquiétude que le nom que j'ai continué de porter ne puisse blesser quelqu'un, et je n'ai sûrement nulle envie de scandaliser personne... Je pourrais m’appeler le citoyen Penthièvre. Raisonnez, s'il vous plaît, de cet objet avec le Comité et mandez-moi quel aura été son avis ».

Duc de Penthièvre (1725-1793).

C'est à Vernon que le prince apprit les événements du 10 août. L'épreuve, pour lui, fut terrible ; dès ce moment, il trembla pour les jours de Mme de Lamballe, qu'il savait en prison. Ses craintes n'étaient que trop justifiées ; la malheureuse princesse, livrée à d'infâmes bourreaux, expia par une mort affreuse son dévouement à la cause royale.

L'ancien garde des sceaux, Miromesnil, qui s'était réfugié auprès du duc de Penthièvre, en apprit la fatale nouvelle par la rumeur publique ; cétait le soir et il était tard ; qu'ils aient encore une nuit de repos, pensa-t-il en s'arrêtant sur le seuil, des apparterments de la duchesse d'Orléans et de son père, et il attendit au lendemain. Le jour venu, le duc se réveille au bruit des sanglots ; sa fille est assise à son chevet et cache son visage dans ses mains. Miromesnil est debout, les officiers et les gens du château sont là consternés et rangés en demi-cercle. Nul n'ose parler ; le duc interroge les visages, son coeur lui révèle la douloureuse vérité. « Je comprends, dit-il ». D’un geste, il congédie tout le monde, se lève et va lui-même commander à la chapelle du château une messe des morts pour l’enfant qu'il venait de perdre plus cruellement eucore que les autres.

A quelque temps de là, les bons paysans qui entouraient sa demeure voulurent lui témoigner tout leur amour, ils plantèrent devant la grande grille du château, un arbre de la liberté, avec un écriteau portant ces mots : Hommage à la vertu. Une députation de jeunes filles vêtues de blanc vinrent, au nom du peuple, le complimenter ; le pauvre prince trouva encore un sourire pour les recevoir, quoique son âme fut abîmée dans la douleur.

Il vécut quelques mois encore ; tout s'écroulait autour de lui, l’échafaud dévorait d'illustres victimes, la tête du roi tomba, le duc ne put supporter ce dernier coup. Le mal dont il était atteint redoubla de violence ; le 2 mars 1793 il sentit qu'il ne lui restait plus que quelques heures à vivre. Il se fit habiller et placer dans un fauteuil pour recevoir le viatique et bénir la foule prosternée, qui était venue contempler une dernière fois son bienfaiteur.

Le lendemain, au point du jour, on l'entendit murmurer ces mois : « Sortez de ce monde, mon âme, partez ». Et il expira.

Trente-six jours après, la Convention décrétait le bannissement des Bourbons et la confiscation de tous leurs biens. (Emille Bellet).

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