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LE DOYENNÉ DE PLOEUC

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En 1790, il y avait au moins vingt-et-un prêtres dans les paroisses qui actuellement forment le doyenné de Plœuc (ou Ploeuc), aujourd'hui appelé Ploeuc-sur-Lié. Dans ce nombre sont compris tous les prêtres qui, sans titre de recteur ou de curé, résidaient dans les paroisses et étaient de précieux auxiliaires pour les prêtres chargés du ministère paroissial. Les prêtres qui administraient les trêves qui ne font plus partie du doyenné de Ploeuc, (Gausson était une trêve de Ploeuc et Saint-Brandan une trêve de Plaintel) ne sont point comptés dans le nombre cité plus haut.

PLŒUC.

Ploeuc à lui seul possédait huit prêtres. Cette paroisse avait alors pour recteur M. Chevalier, et pour curé M. Bertrand. Ils étaient aidés pour le ministère par des prêtres de la paroisse, MM. Jean-Baptiste Hello, Yves Eudo, Jean-Baptiste David, Noël André, Jean Hémery et Jean-Brieuc Jarnet. Ce nombre de prêtres ne doit pas étonner, si l'on considère que cette paroisse était couverte de chapelles. La chapelle de Saint-Just est la seule qui reste ; elle est encore ouverte au culte, on y dit la messe tous les dimanches à la fin du XIXème siècle.

La chapelle de Sainte-Marguerite, située dans l'ancien cimetière, a disparu, il y a plusieurs années, pour faire place à la magnifique église neuve. Cette chapelle se trouvait anciennement dans un coin du bourg appelé la Trêve, elle fut transportée de là dans le vieux cimetière aux frais de Melchide Georgelin.

Mais, avant la Révolution, les maisons de Bago, Crémeur, le Roscraignon, le Pont-à-l'âne, la Touche-aux-Moines, l'Ile, Saint-Éloi, la Corbière, avaient leurs chapelles. C'étaient autant de petites seigneuries dont plusieurs, m'a-t-on dit, payaient une redevance à celle de l'Ile. La Vieux-Ville possédait aussi une petite chapelle, desservie par des moines cisterciens qui avaient là une petite communauté.

M. Chevalier, qui fut le dernier recteur avant la Révolution, avait bâti pour presbytère la maison dite de M. Georgelin. Mais cette maison, assez considérable, lui avait coûté cher ; aussi avait-il contracté des dettes qu'il ne put payer. Ayant refusé de prêter le serment à la Constitution civile du clergé, il prit le chemin de l'exil dans les premiers jours de juin 1791. Il émigra en Angleterre où il mourut de chagrin.

M. Bertrand, homme simple, franc et droit, était très goûté de la paroisse. Il disparut aussi dans les premiers jours de juin 1791 ; mais il n'émigra point. Il se cacha chez des familles sympathiques et dévouées et continua d'administrer les sacrements en cachette dans les villages et les paroisses voisines, notamment dans la trêve de Gausson. On ne sait ce qu'il devint, mais il ne reparaît point à Plœuc après la Révolution.

Malheureusement, tous les prêtres de Ploeuc ne suivirent pas le bel exemple qui leur était donné par le pasteur et le curé. Trois refusèrent de jurer ; ce furent MM. Hello, David et Eudo : ils furent obligés eux aussi de prendre le chemin de l'exil, et s'en allèrent à Jersey ou en Angleterre. Trois eurent la faiblesse de prêter le serment civil ; ce furent MM. André, Hémery et Jarnet, tous nés dans la paroisse. Depuis 1791 jusqu'en 1801, il n'y eut que ces prêtres jureurs à exercer ostensiblement le ministère. Mais les habitants qui n'avaient point confiance en eux les abandonnèrent. Aussi l'église de Ploeuc devint alors déserte et les ronces et les épines, au dire des anciens, en firent un lieu de désolation.

Il semble que la divine Providence ait voulu faire expier à ces prêtres le mal que leur faiblesse avait causé. Tous les trois, en effet, moururent misérablement.

M. André, devenu curé constitutionnel et bientôt officier public, s'étant pris de querelle avec des soldats républicains qui lui reprochaient sa lâcheté, fut saisi par eux et dirigé sur Quintin, chef-lieu du district. Soit qu'il fût pour eux un embarras, ou soit par crainte des chouans, ils ne l'emmenèrent point jusqu'à Quintin, ils le fusillèrent en route, dans la forêt de Lorges, aux environs de la Croix Saint-Lambert.

M. Hémery fut saisi par les chouans et tué dans sa maison au bourg de Ploeuc.

M. Jarnet vécut dans l'indifférence et le mépris de ses compatriotes qui ne voulaient pas même assister à sa messe. Il mourut en 1800, à la Ville Jagu.

Mais à côté de ces figures qui nous attristent, en apparaissent d'autres qui nous consolent et nous réjouissent. M. Paul Georgelin se présente ici à notre respectueuse admiration. Né à Ploeuc, le 3 mars 1765, il venait d'être fait prêtre en 1789 quand la Révolution éclata. M. Georgelin ne prêta point le serment, n'émigra point : mais fidèle à l'Eglise catholique, il se tint caché dans la paroisse de Ploeuc où il rendit de grands services à la religion. Sa jeunesse et son zèle ne le rendirent pas seulement utile à la paroisse de Ploeuc, mais encore à celles des environs. Il donnait ses soins et les secours de la religion à un malade, dans la paroisse de Plessala, lorsqu'il fut pris par des soldats auxquels il avait été dénoncé. Malheur aux prêtres insermentés qui étaient alors saisis, car souvent, sans aucune forme de procès, ils payaient de la vie leur fidélité à l'Eglise.

C'est ce qui arriva à M. Paul Georgelin. Les soldats, ou plutôt les bourreaux qui l'avaient arrêté le massacrèrent, et on dit qu'il n'avait pas encore rendu le dernier soupir lorsqu'ils le jetèrent dans la fosse et le recouvrirent terre.

C'est donc à faux que l'auteur de l'histoire populaire la Bretagne dit qu'il fut fusillé à Ploeuc, à la porte d'une maison où il venait d'administrer les sacrements à une malade. Il était âgé de 28 ans.

M. Joseph Georgelin, son frère, qui fut plus tard curé de Ploeuc, était né le 8 janvier 1768. Il fut emmené à Jersey, pendant la Révolution, par M. Joseph Briend, prêtre de Hénon, et y reçut tous les ordres, même la prêtrise, dans l'espace de six mois, au grand étonnement de tous. C'est lui qui devait, après la tourmente révolutionnaire, rouvrir les portes de l'église de Ploeuc avec M. Briend, son maître et son guide. Ils revinrent à Ploeuc en 1801. M. Briend curé d'office de 1801 à 1803. Mais la marquise de Catuélan qui avait connu à l'heure de l'épreuve son grand coeur et sa grande âme, s'empressa de le rappeler près d'elle comme recteur de Hénon.

M. Paul Georgelin ne fut pas le seul de la paroisse de Ploeuc à payer de son sang sa fidélité à Dieu et à la religion.

Pierre Moisan, de Duancre, âgé de 48 ans ; Pierre-Paul Moisan, son fils, âgé de 18 ans ; François Georgelin, âgé de 67 ans ; Guillaume Georgelin, son fils, âgé de 26 ans ; François Chapron, âgé de 29 ans ; François Georgelin, âgé de 24 ans, furent aussi les glorieux témoins de l'Église et de la foi en leur pays. Saisis en leurs maisons comme suspects, ils furent dirigés sur le bourg par une colonne et fusillés en chemin près du Pont-Aiguillon en face du village des Isles, le 17 août 1795. M. Moisan, ancien curé de Plouguenast et fils de Pierre Moisan, l'une des victimes, a élevé une croix sur le lieu où le crime s'accomplit. Au dire des anciens que j'ai entendus, il y eut dans cette paroisse beaucoup d'autres meurtres restés inconnus. La terreur régnait véritablement sur ce pays. On redoutait également les chouans et les bleus.

Des bandes de pillards se donnant le nom de chouans et qui n'étaient en réalité que de faux chouans souvent soudoyés par les bleus, parcouraient le pays pour dévaliser et incendier les maisons ; ils ne reculaient même pas devant l'assassinat des gens qui leur résistaient. Les bleus n'étaient pas moins redoutés, car outre qu'ils fusillaient pour le moindre prétexte, ils ne respectaient ni les biens ni les personnes. Aussi ces deux noms chouans et bleus sont-ils restés chez la plupart des Pleuquois, qui n'en ont jamais bien connu la véritable signification, comme les synonymes de voleurs et d'assassins.

A la suite du Concordat, le 29 mai 1803, M. François Alleno fut installé curé de Ploeuc, avec MM. Hello, David et Joseph Georgelin pour vicaires. M. Hello fut nommé recteur de Saint-Hervé, en 1813. M. David mourut à Ploeuc en 1804. M. Georgelin devenu curé de Ploeuc en 1819, mourut en 1839. Quant à M. Eudo, il demeura en Angleterre après la Révolution, et vint enfin mourir à Boulogne-sur-Mer, dans un âge très avancé vers 1860.

 

PLAINTEL.

Plaintel avait pour recteur M. Cormaux en 1790, et pour curé M. Basset. Ils étaient aidés dans le ministère par MM. Toussaint Morin, J. J. Morin frères, G. Gouédart et Jean F. Dounio, tous prêtres originaires de la paroisse de Plaintel. En 1791, les mêmes exercent le ministère à Plaintel, et en plus un M. Dutertre qui avait déjà paru en 1788.

Le plus célèbre est sans contredit M. Cormaux, qui est une des plus vénérables et des plus touchantes figures du martyrologe révolutionnaire en Bretagne. Sa vie a été écrite par plusieurs auteurs ; aussi je n'en donnerai qu'un petit résumé.

M. François-Georges Cormaux naquit à Lamballe, le 10 novembre 1746, fit ses études avec un grand succès au collège de Saint-brieuc, devint prêtre, fut nommé vicaire de Meslin et obtint au concours la cure de Plaintel en 1779. C'était un homme d'un grand talent oratoire. Il fut appelé à prêcher dans la cathédrale de Saint-Brieuc, le 9 juin 1790, à l'occasion des élections. Il le fit avec tant de succès qu'il fut nommé président du District de Saint-Brieuc. Mais voyant que les affaires tournaient mal, il mit sa démission et prépara ses paroissiens à la terrible épreuve qu'ils allaient avoir à subir. Dieu bénit le zèle du saint recteur et la paroisse de Plaintel fut signalée entre toutes par sa fidélité religieuse et sa résistance énergique au schisme.

Au mois de juin 1791, la veille de la Pentecôte, M. Cormaux reçut l'ordre de cesser ses fonctions ; il se rendit à Saint-Brandan, trève de Plaintel, où il croyait pouvoir le jour de la Pentecôte administrer la première communion aux enfants. Mais comme il se disposait à monter à l'autel, la maréchaussée arriva pour le saisir. Il se sauva, se rendit à Quintin le soir, et demeura pendant cinq mois caché chez un gentilhomme des environs.

Le père Picot de Clorivière, jésuite, l'appela à Paris ; il s'y rendit en passant par Rennes et y arriva le 6 novembre 1791. Pendant près de trois ans il donna des retraites et des missions dans les couvents avec un zèle infatigable. Il allait dans les maisons particulières consoler et administrer les malades. Il écrivit aussi plusieurs lettres à ses paroissiens de Plaintel pour leur témoigner sa joie de les savoir inébranlables dans la foi. Son dévouement pour la gloire de Dieu et le salut des âmes l'empêchait parfois de prendre les précautions alors si nécessaires. Plusieurs fois on lui reprocha ses imprudences. C'est dans une de ses courses qu'il fut arrêté le vendredi 9 août 1793, à Francouville.

L'abbé Cormaux revenait de Pontoise où il était allé administrer une religieuse malade : le maire de Francouville lui demanda d'où il venait : Il répondit qu'il était prêtre, curé de Plaintel, en Bretagne. — Pourquoi m'avez-vous dit ce que je ne vous demandais pas, lui dit le maire tout bas : je voyais bien que vous étiez prêtre ; mais je voulais vous sauver. Le recteur de Plaintel fut conduit en prison à Pontoise, de Pontoise à Versailles et de là à Paris. Il fut encore un apôtre dans les prisons et touchait même le coeur de ses geôliers. Enfin, le 9 juin 1794, le saint confesseur parut devant le tribunal révolutionnaire. Il fut guillotiné le même jour. Trois heures suffisaient alors pour le jugement, la condamnation et l'exécution.

M. Cormaux eut pour successeur à Plaintel un curé intrus, nommé Le Fèvre, prêtre de la congrégation des Eudistes, alors principal du collège des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor). Il ne fut pas longtemps à Plaintel. Arrivé vers le commencement de juin, il disparut vers la fin d'août sans avoir exercé aucun ministère. Il n'avait jamais pu réunir que deux ou trois partisans. C'est alors sans doute qu'eurent lieu dans Plaintel ces fameuses processions nocturnes qui se rendaient aux chapelles en chantant ces étranges litanies :

Des habits bleus et des juroux

0 saint Cormaux, délivrez-nous.

M. Basset, né à Quessoy, était curé de Plaintel dès 1776. Il ne prêta point le serment civil, cessa son ministère public vers le 1er juin 1791 et demeura caché dans la paroisse où il continua d'administrer les sacrements. Le lieu ordinaire de sa retraite était la Ville Hamon, village situé à un kilomètre du bourg de Plaintel. La famille Perrin qui l'habitait alors, l'habite encore à la fin du XIXème siècle. Pendant que l'abbé Basset disait la messe ou administrait les sacrements, des enfants montaient la garde, et Anne et Etienne Perrin ont souvent fait sentinelle. Plusieurs fois les bleus y firent des visites, mais toujours sans succès. Les prêtres n'y étaient plus ou étaient cachés dans des souterrains si bien dissimulés qu'ils échappaient aux perquisitions les plus minutieuses. On n'a aucun acte religieux de ces temps agités ; mais plusieurs se sont conservés par tradition. C'est ainsi que Jean Tanguy affirme que son père, François Tanguy, a fait sa première communion à la Boixière, et que sa mère Jeanne Perrio, a été baptisée à la Saudrais.

M. Basset après la Révolution devint recteur de Plaintel et mourut le 22 janvier 1806.

Quant aux autres prêtres de Plaintel, ils ne prêtèrent point serment et exercèrent le ministère jusqu'en 1792 ; excepté M. Donnio, dont on ne trouve plus la signature dès 1791. M. Gouédart et les deux MM. Morin qui habitaient les villages (M. Gouédart la Ville Gourelle et les MM. Morin le quartier Chanet, dit-on,) firent du ministère jusqu'au milieu de l'année 1792, époque ou ils durent se cacher pour échapper à la fureur des patriotes. Un acte du 12 octobre 1792 constate que l'on baptisait encore à l'église ; mais au mois de novembre la formule devient complètement civile. Cependant pour les déclarations de naissance les témoins étaient presque toujours un homme et une femme qui n'étaient certainement autres que le parrain et la marraine de l'enfant.

Après la Révolution, l'un des MM. Morin fut recteur de Languenan où il mourut. M. Gouédart mourut recteur de Plaintel en 1824.

Les autres événements dont la tradition est très bien conservée sont ceux-ci : Un prêtre fut pris dans un souterrain au bourg et conduit à Saint-Brieuc. Les statues de l'église furent employées à faire un feu de joie sur la place du bourg, et les bleus dansèrent autour de ce feu. Les habitants préservèrent la statue de Notre-Dame de Beauchemin ; ils la cachèrent dans un fût qu'ils enterrèrent dans le champ dit Clos de la Chapelle. Nous ne citons point ici la bataille de Saint-Gilles qui n'eut lieu que vers 1818.

 

LANFAINS.

Le recteur qui gouvernait la paroisse de Lanfains en 1790 était M. Jacques-Olivier Duval qui fut nommé en cette paroisse le 26 avril 1787 par la voie du concours. Il était né à Lamballe le 2 mars 1754, et avait été baptisé dans l'église Saint-Jean de cette ville. Il administra la paroisse de Lanfains jusqu'au 22 mars 1792, époque à laquelle il fut obligé de se cacher pour se soustraire à la poursuite des gendarmes qui voulaient le conduire au château de Dinan. Lorsqu'ils arrivèrent dans le bourg pour le saisir, il se sauva dit la tradition, par les Noës, prés situés en dessous du presbytère, et alla coucher à la Ville Audren. Le lendemain, habillé en paysan, il donna sa bénédiction aux braves gens (famille Le Bellego), qui lui avaient donné l'hospitalité et partit. Le 12 septembre, il s'embarqua au port de Binic pour se rendre à Jersey où il vécut quatre ans. Le 25 juillet 1776, il se rendit à Londres où il demeura quatre ans et demi. Il en partit le 7 janvier 1801, pour le port de Westmont, d'où il prit passage pour la France. Le 24 du même mois, il rentra dans sa paroisse de Lanfains qu'il gouverna jusqu'à sa mort arrivée le 27 juin 1818.

Le dernier vicaire de Lanfains avant la tourmente révolutionnaire fut M. Jean-Marie Duval. Né à Saint-Brieuc, il fut vicaire de Lanfains dès les premiers jours d'octobre 1787, et continua ses fonctions jusqu'au 9 septembre 1792. N'ayant point prêté serment, il fut forcé de quitter son poste. Comme son recteur, il se réfugia en Angleterre, d'où il revint en 1801 pour être d'abord desservant de la Méaugon, puis de Langourla, où il est mort probablement.

Après le départ des MM. Duval pour l'exil, c'est-à-dire pendant la fin de l'année 1792 et l'année 1793, le ministère paroissial fut fait tantôt par M. Fraboulet prêtre, tantôt par M. Hémery curé, qui tous deux devaient être assermentés. Ce M. Fraboulet devait être de la paroisse où le nom de Fraboulet existe encore. M. Hémery, d'abord curé constitutionnel, devint ensuite officier de l'état civil, et maire de Lanfains qui était alors chef-lieu de canton. Ce qui justifie cette assertion concernant M. Hémery, c'est d'abord la similitude d'écriture, puis la connaissance que M. le Maire avait de la langue latine. En effet, un jour qu'il avait écrit plus mal qu'à l'ordinaire un acte de l'état civil, il écrivit au-dessous : Deficiente novo usus sum veteri stylo. Ces paroles qui devaient être transmises à la postérité, sont suffisantes pour faire trouver en lui le prêtre jureur devenu magistrat. D'ailleurs le même fait avait eu lieu à Ploeuc. On ne sait ce que devinrent ces deux prêtres, MM. Hémery et Fraboulet. Peut-être continuèrent-ils leur ministère religieux et civil ? mais les registres manquent à Lanfains depuis la fin de l'année 1793 jusqu'en 1800. M. Fraboulet pourrait bien être celui qui devint vicaire de La Harmoye après la Révolution. On trouve dans les registres de paroisse une liste peu nombreuse de personnes qui ont été baptisées par un ou plusieurs prêtres insermentés qui se cachaient dans le pays. Il est à croire que la plupart de ces baptêmes ont été faits par M. Perrin, qui se cachait à Rosieux. On trouve, en effet, sur le registre de mairie l'acte de décès de François Perrin, frère capucin décédé chez son frère à Rosieux, le 3ème jour complémentaire de l'an huit, c'est-à-dire vers le 20 septembre 1800. Ce frère capucin n'était pas prêtre ; mais il est bien probable qu'on dut recourir à lui plusieurs fois pour l'administration du sacrement de baptême. D'après des anciens dignes de foi, les ornements sacrés étaient cachés dans le creux d'un chêne à Rosieux, au lieu dit le Cognet, pendant la Révolution. Il est bien probable que des prêtres y ont dit la messe. Longtemps ce lieu a été appelé le trou noir. Car un jour une patrouille de bleus ayant visité tout le village, s'apprêtait à fouiller la cahute auprès de laquelle se trouvaient les ornements sacerdotaux, quand quelqu'un dit : Qu'irions-nous faire dans ce trou noir là. On laissa le lieu qui garda longtemps le nom de trou noir.

La paroisse du Bodéo qui avait pour trêve La Harmoye, faisait partie du diocèse de Quimper avant la Révolution. M. Le Clézio fut nommé recteur de cette paroisse au commencement de l'année 1789 ; il succédait à M. Le Goff qui n'avait exercé le ministère qu'un an dans cette paroisse et était mort à 45 ans, le 20 décembre 1788. L'abbé Le Clézio administra la paroisse du Bodéo jusqu'au mois d'octobre 1791. N'ayant point prêté serment, il fut obligé de quitter son poste. Il n'émigra point ; il resta caché dans le pays et continua d'administrer les sacrements, surtout dans la trêve de La Harmoye. En 1802, il signe encore sur les registres de La Harmoye comme recteur du Bodéo. Je ne sais quel poste il occupa après la Révolution.

M. Le Covec, prêtre natif du Bodéo, était curé de cette paroisse en 1790. Son nom paraît sur les registres dés 1758, et il signe tantôt prêtre, tantôt curé. Il refusa de prêter serment et ne voulut point reconnaître l'autorité de Jouan, curé intrus ; aussi dut-il se cacher comme tous les prêtres insermentés. Il continua d'administrer les sacrements dans la paroisse, il eut même soin de consigner une partie de ses actes de baptême sur un petit cahier que l'on conserve encore aujourd'hui. Il se cachait, dit-on, au Quélineuc et y disait la messe quelquefois, mais plus souvent à la Vellejean, près du Barrage. Au rétablissement du culte, il fut encore vicaire du Bodéo où il mourut le 21 mars 1806, à l'âge de 79 ans. D'autres prêtres ont aussi exercé le ministère au Bodéo pendant la tourmente révolutionnaire : car on trouve deux actes de baptême faits en 1795, l'un à Gargarideuc le 13 juin, l'autre à Leffo dans La Harmoye, le 16 juin, par un M. Briend, prêtre. Un M. Le Bihan, prêtre, a fait en 1795 le baptême d'un enfant né à Lingourguy en 1794.

Les bons prêtres du Bodeo furent remplacés par deux intrus, Jouan et Belloeil (ou Bellœil), qui faisaient en même temps le ministère de La Harmoye. Jouan n'était d'ailleurs que le curé de la trêve de La Harmoye ; il prêta serment et pour sa récompense, il fut nommé recteur du Bodéo. Tant qu'à M. Belloeil on ne connaît pas son origine et on ne dit point quel poste il avait occupé auparavant. Ils n'exercèrent pas longtemps leur ministère au Bodéo ; car à partir de la fin de l'année 1792, les registres deviennent complètement civils, jusqu'en 1803. A cette époque c'était un Corentin Jouan qui était maire.

On dit que les prêtres intrus furent chassés par les familles Le Helloco et Andrieux qui comptaient dans leurs membres plusieurs chouans décidés, véritables défenseurs de l'ordre et de la religion. Ces hommes firent même ouvrir les portes de l'église du Bodéo en 1795, et M. Le Covec y baptisa à cette époque solennellement ; comme on peut le constater par les registres.

 

LA HARMOYE.

Il y a eu plusieurs prêtres assermentés et non assermentés à exercer publiquement leur ministère à La Harmoye pendant la période révolutionnaire. On pourrait dire que l'administration publique des sacrements n'y a pas été interrompue. Il y a eu quelques intervalles, mais qui ne sont pas aussi longs que dans les autres paroisses.

La Harmoye, trêve du Bodéo, était administrée par un curé sous la direction du recteur du Bodéo. Le prêtre qui la gouvernait en 1790 s'appelait M. Jouan ; il avait pour aide ou pour vicaire un M. Gallerne qui était probablement un prêtre habitué de La Harmoye : M. Jouan prêta serment et devint recteur intrus du Bodéo ; du moins il dut en avoir ou en prendre l'administration, car il n'ajouta pas le titre de recteur à son nom et continua de signer curé du Bodéo et de La Harmoye. Vers le mois de septembre 1792, Jouan eut pour vicaire un certain M. Belloeil (ou Bellœil), sans doute prêtre jureur comme lui, qui fit une grande partie du ministère de La Harmoye pendant la fin de 1792 et le commencement de 1793. Il semblait partager le ministère avec M. Gallerne, ce qui fait croire que ce dernier avait aussi prêté serment.

On ne sait d'où venait ce M. Belloeil. Toujours est-il que ces trois MM. Jouan, Gallerne et Belloeil ont fait le ministère de la paroisse du Bodéo et de la trêve de La Harmoye, les deux premiers depuis la fin de l'année 1791 et le dernier depuis la fin de l'année 1792 jusqu'au commencement de l'année 1793. (Ajoutons que deux ou trois actes ont été faits par un M. Tanguy en 1791). Ils reconnaissaient la juridiction de l'évêque intrus Jacob, puisqu'ils ont sollicité de lui une dispense de bans pour un mariage célébré le 29 septembre 1792.

Dès les premiers mois de 1793 ces prêtres assermentés disparaissent et les registres deviennent complètement civils jusqu'en 1795, époque à laquelle apparaît un M. Riou qui baptise solennellement et signe curé le 12 juin. Le 13 du même mois, il célèbre la sainte messe et bénit le mariage de Gilles Pasquio et d'Anne Lucas, qui témoignent le regret d'avoir attenté de s'épouser devant le nommé Belloeil, curé constitutionnel de la paroisse du Bodéo. Cet acte serait une preuve que ce M. Riou n'était point un prêtre assermenté. Après la chute de Robespierre, il y eut comme une sorte d'apaisement et plusieurs prêtres durent en profiter pour s'installer plus ou moins ouvertement dans les paroisses abandonnées d'où ils ne furent plus chassés.

Au mois de juin 1795, M. Riou fait une série de baptêmes d'enfants nés en 1794 et 1795. En 1796, il baptise solennellement, fait des publications de bans, bénit des mariages et enfin administre tous les sacrements. Le 29 août 1797, M. J. Le Clézio, recteur du Bodéo, fait solennellement le baptême de Gérard Thierry de Kergus et signe avec M. Riou.

Et, bien que les actes ne le disent pas, il est cependant très probable que les cérémonies se faisaient à l'église. On voit que La Harmoye jouissait d'une certaine liberté pour l'exercice du culte.

Il est certain que ces prêtres ne reconnaissaient point l'autorité de l'évêque intrus, car le 3 juillet 1798 une dispense de consanguinité est accordée par M. Le Jacques, subdélégué apostolique qui résidait, m'a-t-on dit, à Corlay. De 1798 à 1800 on ne trouve point d'actes de baptêmes. Peut-être ont-ils été faits par d'autres prêtres ou sur des registres particuliers qui auraient été perdus.

En 1801, M. Gallerne reparaît sur la scène, ce qui donnerait à penser qu'il n'avait pas prêté le serment civil ou plutôt qu'il l'avait rétracté. M. Riou disparaît la même année vers la fin de septembre. Toujours est-il qu'il ne signe point l'acte de décès de M. Jean-Marie Boscher, prêtre, enterré le 16 décembre 1801 à La Harmoye. Jusqu'en 1803 exclusivement, M. Le Clézio, recteur du Bodéo, fait du ministère à La Harmoye. Au rétablissement du culte, M. Gallerne devient curé d'office, puis desservant de cette paroisse jusqu'au 11 décembre 1808. 11 avait pour vicaire un M. René Fraboulet.

 

L'HERMITAGE.

Il y a peu de documents concernant la paroisse de l'Hermitage. M. Pierre-Marie Richard administrait cette paroisse avant la Révolution.

Pierre-Mathurin Richard, curé de l'Hermitage, mourut le 24 août 1789.

Il fut remplacé par M. Joseph Hervé, prêtre natif d'Allineuc, qui administra la paroisse de l'Hermitage jusqu'au mois d'août 1792. Il est bien probable qu'il ne prêta pas le serment civil et fut obligé de se cacher pour éviter la mort.

François Garnier, vicaire d'Allineuc, fut alors délégué par le citoyen évêque de Port-Brieuc (Saint-Brieuc) pour faire le service religieux de l'Hermitage. Jouan, curé constitutionnel d'Allineuc, fit aussi plusieurs baptêmes à l'Hermitage. Et Jarnet, prêtre jureur de Ploeuc, y exerça le ministère. A partir de la fin de 1793, les registres deviennent complètement civils et cela jusqu'au rétablissement du culte.

Le 27 Floréal, an onze de la République, l'Hermitage ne possédait encore ni recteur, ni vicaire ; son église était bien conservée et bien ornée, dit l'Assemblée municipale. Il y avait, au-dessus de la sacristie, une chambre à la disposition du curé.

L'église de l'Hermitage a été érigée en succursale par décret du 1er Frimaire an douze de la République (22 novembre 1804). Ce décret fut approuvé le 25 Nivôse suivant. Elle fut érigée sous le vocable de Notre-Dame de l'Hermitage comme auparavant, et fut administrée par M. Joseph Hervé qui l'avait déjà desservie avant la Révolution et qui en fut recteur jusqu'en 1835.

Citons comme fait remarquable arrivé dans cette commune, la bataille de la Croix Saint-Lambert. En voici d'ailleurs le procès-verbal.

Les citoyens agent et adjoint de la commune de l'Hermitage, canton de Lanfains, au citoyen Thierry, juge de paix du canton de Lanfains.

« Citoyen, Nous vous donnons avis que ce jour sextidi présent mois de brumaire, il s'est livré bataille entre les troupes republicaines et des chouans ou mécontans, qui a commencé (à notre connaissance) à l'endroit de la forêt, dit la Croix Saint-Lambert et s'est terminée dans la cour du ci-devant château de Lorge, dans lequel intervalle de terrain, on compte six morts que l'on croit être des chouans. C'est pourquoi, citoyen, nous vous prions de venir sur les lieux pour faire la levée des cadavres ou de nous donner vos ordres à ce sujet ; il y a grande apparence qu'il se trouvera par la suite d'autres morts de leurs blessures dont nous n'avons jusqu'ici aucune connaissance. A l'Hermitage, le six brumaire l'an huit de la République Française une et indivisible. Pierre OLLIVRO fils, agent ».

Le juge répond :

« La cause de mort des dits individus étant ainsi constatée, il reste aux soins du citoyen agent de la commune de l'Hermitage sur laquelle sont les cadavres de les faire enterrer et de les enregistrer à Kergus. Le sept Brumaire an huit de la République française, une et indivisible. G.-M. THIERRY, juge de paix ».

« Nous agent et adjoint de la commune de l'Hermitage, canton de Lanfains, département des Côtes-du-Nord, sur l'avis et l'autorisation du juge de paix du canton de Lanfains, en date du sept Brumaire an huit, nous nous sommes transportés dans les différentes enceintes de la forêt de Lorge en cette commune, où il se trouvait des cadavres morts des blessures qu'ils avaient reçues à l'affaire qui eut lieu le six Brumaire entre les troupes républicaines et les chouans aux environs de la Croix Saint-Lambert, accompagnés de Guillaume Hémery, de François Colin, d'Yves Le Maître, de Jean Roland, de François Roland, de Jacques Guiot, de Mathurin Lequilleuque, de Louis Ehouzan le jeune, de Laurant Sangan, de Jean Lequilleuque et de Mathurin Mabihan, tous majeurs et domiciliés de cette commune de L'Hermitage, et d'après avoir tous ensemble visité les dites enceintes de la dite forêt, nous avons trouvé dix cadavres en différents endroits de la dite forêt de Lorge, dans lequel nombre de dix se trouvait une femme, que nous avons tous enterrés pour éviter la contagion qu'auraient pu occasionner les dits cadavres ; attestons tous n'avoir ni directement ni indirectement aucune connaissance des noms et prénoms d'aucuns, excepté d'un nommé : Pas-de-loup qui fut fusillé par une colonne mobile le troisième jour d'après la bataille. Fait et arrêté sous nos signes le huit Brumaire an huit de la République française, une et indivisible. Jean Lequilleuc, François Collin, Jean Rolland, François Rolland, Yves Le Maître, Mathurin Lequilleuc, G. Hemery. Pierre OLLIVRO fils, agent ».

Enfin, dirai-je un mot de ces deux croix élevées près du Bourg-Neuf, sur la route de l'Hermitage au Bodéo, et qui portent le millésime de 1794. Il est bien probable qu'elles ne furent point érigées à cette époque. On m'a dit qu'on les devait à la générosité de deux frères Richard, dont l'un était recteur de L'Hermitage au moment de la Révolution. Sans doute, ils ont voulu s'acquitter d'un voeu ou témoigner ainsi de leur affection fraternelle en élevant deux croix sur le même piédestal.

(le diocèse de Saint-Brieuc durant la période révolutionnaire).

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