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LES RUINES DU PRIEURÉ DE DINART

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Tous les touristes français et anglais, et ils sont nombreux de nos jours, — connaissent, non loin de Saint-Malo, Dinart (aujourd'hui Dinard) et ses plages splendides ; ce n'était naguère qu'un simple village faisant partie d'une paroisse qui rappelle seule dans notre diocèse le nom d'un des plus anciens évêqes d'Aleth, saint Enogat, c'est aujourd'hui une agglomération de villas, de châlets, d'hôtels, une petite ville en un mot.

De tout temps, au reste, le passage de la Rance à Dinart, mettant en communication les deux rives de cette charmante rivière, a donné une certaine importance à la localité, quelqu'agreste qu'elle fût jadis. Dès le XIIIème siècle, un hospice, sorte d'hôtellerie religieuse comme on en rencontre encore sur les hauteurs des Alpes, existait à Dinart. Il s'appelait l'Hôpital Béchet, et les voyageurs pauvres y trouvaient gratuitement un repas, un coucher et, au besoin même, l'hospitalité pendant guelques jours.

Vers la même époque vécurent deux seigneurs, issus d'une famille distinguée de notre pays, Olivier et Geffroy de Montfort, descendants de Juhel de Montfort et de Marguerite de Plancoët. Dans leur jeunesse ils prirent part aux dernières croisades, furent faits prisonniers chez les infidèles et ne recouvrèrent leur liberté que par l'entremise des religieux Trinitaires établis pour la rédemption des captifs. Revenus en Bretagne, ces deux frères, aussi pieux chrétiens que vaillants guerriers, ne perdirent point le souvenir des bons pères qui les avaient rachetés de l'esclavage ; pour leur témoigner leur reconnaissance, ils fondèrent dans la paroisse de Saint-Enogat, à l'embouchure de la Rance, au bord d'une baie sablonneuse et fertile, un prieuré, pour remplacer l'Hôpital Béchet, tombant probablement en ruines, et chargèrent ceux dont ils avaient éprouvé la vive charité, de desservir eux- mêmes cet établiseement.

En 1324, Alain Gonthier, évêque de Saint-Malo, (Catalogues historiques des évêques de Bretagne, par le P. Albert Le Grand) vint consacrer solennellement la nouvelle église des Trinitaires de Dinart, qu'il dédia à saint Jacques et à saint Philippe ; dans le même temps fut construit le logis prioral dont quelques belles parties ogivales existent encore ; enfin le sanctuaire ne tarda pas à recevoir la dépouille mortelle des deux nobles fondateurs qui voulurent reposer de chaque côté du maître-autel élevé par leur piété et par leur gratitude en l'honneur des apôtres de Jésus-Christ.

Au siècle dernier, le prieuré de Dinart existait encore. « En présentation du Père Général de l'ordre de la Rédemption des captifs, il était possédé par frère Antoine Vaillant, qui, par sa déclaration du 4 septembre 1728, fit monter le total de ses revenus à la somme de 948 livres ; les charges, modifiées par le bureau diocésain, s'élevèrent à 261 livres 48 sols ; partant resta net pour la subsistance du prieur 686 livres 2 sols » (Etat des bénéfices de Saint-Malo - Archives départementales d'Ille-et-Vilaine).

D'après les intéressantes Grandes Recherches de l'abbé Manet, le prieuré de Dinart valait un peu plus à l'époque de la Révolution ; l'état de ses biens fourni à la Nation le 22 octobre 1790 porte, dit cet auteur, un revenu net de 1211 livres 3 sols et 1 denier, tant en rentes sur les Aides et Gabelles qu'en produits fonciers dans les paroisses de Saint-Enogat, Pleurtuit et Ploubalay (Grandes recherches historiques sur Saint-Malo - manuscrit appartenant à la ville de Saint-Malo).

Le dernier prieur de Dinart fut frère Claude Horiot. Ce bon père Trinitaire vivait seul dans son charmant ermitage, desservant toujours l'antique chapelle priorale, priant Dieu pour les sires de Montfort, bienfaiteurs de son ordre et consacrant en aumônes une partie de ses revenus.

Vint la tourmente révolutionnaire, l'Ordre de la Sainte-Trinité pour la rédemption des captifs disparut comme tant d'autres congrégations, et le prieuré de Dinart demeura désert. « Alors, dit l'abbé Manet, la paroisse de Saint-Enogat désira vivement d'en faire la résidence d'un vicaire » (Grandes recherches historiques sur Saint-Malo - manuscrit appartenant à la ville de Saint-Malo).

Mais la révolution alla toujours progressant dans la voie du vol et de l'impiété, et, le 31 mars 1791, l'établissement charitable, qu'avait fait naître l'esprit de religion cinq siècles auparavant, fut mis en vente nationalement et adjugé à des particuliers (Grandes recherches historiques sur Saint-Malo - manuscrit appartenant à la ville de Saint-Malo).

Aujourd'hui, Dinart est devenu paroisse, le prieuré des Trinitaires est une habitation délicieusement située, mais d'aspect sévère, conservant toujours un certain cachet monastique, quoiqu'habité par des laïques, et à son orient se dressent encore les hautes murailles découronnées de l'église saint Jacques et Saint Philippe.

C'est dans ces ruines vénérables et, — hâtons-nous de le dire, — soigneusement entretenues, que je voudrais conduire mes lecteurs. Là se trouvent, ignorés du public, deux tombeaux vraiment remarquables et tels que notre diocèse en posséde peu d'aussi intéressants ; ce sont ceux des deux frères fondateurs Olivier et Geffroy de Montfort.

L'église ne se compose que d'une seule nef ogivale, dont la voûte et la toiture sont tombées, des crédences attestent qu'il s'y trouvait jadis trois autels ; le bas de l'édifice, communicant directement avec le logis prioral, a été remanié en 1747, il renfermait une tribune ; au dessus de ce gable occidental s'élevait un campanile ; un chevet droit, élégamment ajouré de hautes fenêtres en ogives, termine l'édifice à l'orient. Dans cette dernière partie, conservant de nobles vestiges de son architecture primitive, dans le sanctuaire même, de chaque côté du maître-autel, aujourd'hui ruiné, se trouvent les tombeaux signalés par nous à l'admiration des artistes et au respect des chrétiens.

Ce sont deux tombeaux-arcades pratiqués dans les murailles du chœur et se faisant face l'un à l'autre. Ils ont été construits sur le même plan et vraisemblablement par le même architecte ; leurs deux arcatures sont ogivales et trilobées de la façon la plus gracieuse : sur les sarcophages malheureusement mutilés reposent les statues des deux fondateurs. Du côté de l'Evangile, l'un des chevaliers est représenté la tête ornée d'un tortil de baron, les cheveux roulés, reposant sur un oreiller : il est revêtu d'un surcot, porte l'épée au côté et a près de lui des gantelets ; malheureusement ses pieds sont brisés et leur support a disparu. Il porte au bras gauche un bouclier sur lequel on distingue fort bien une croix gringolée constituant les armoiries des sires de Montfort qui portaient : d'argent à la croix gringolée d'or. Aux angles de la pierre tombale sont agenouillés quatre petits anges semblant encore veiller sur le défunt et prier Dieu pour lui. Ce tombeau est probablement celui de l'aîné des deux frères, Olivier de Montfort.

Vis-à-vis, sous la seconde arcade, gît l'autre chevalier ; son costume est à peu de chose près le même que celui de son frère, mais la statue mieux conservée laisse voir les pieds reposant sur un lévrier, emblème de la fidélité ; quatre anges prient également aux côtés de Geffroy de Montfort dont l'écusson un peu différent de celui d'Olivier, — probablement parce que Geffroy était cadet, — porte la croix gringolée des Montfort brochant sur un lion. Aucune inscription n'accompagne ces deux statues. Au-dessus de ces tombeaux et s'enroulant dans les détails de leur belle architecture s'élèvent de grands jasmins blancs qui tapissent la muraille en ruines : leurs longues branches fleuries retombent sur les rudes figures de ces guerriers du moyen-âge, se mêlent aux petits anges si pieux et si gracieux, et couronnent vraiment bien ces sépultures antiques. Entre les deux tombes, au bord d'un joli parterre qui remplit toute la nef, sur un bloc de pierre, dernier débris de l'autel principal, entourée elle-même de verdure et de fleurs se dresse une vieille madone de granit, contemporaine des religieux Trinitaires ; c'est la Vierge Marie assise sur son trône de reine et tenant entre ses bras maternels son adorable petit Jésus. Elle est là, souriant, semble-t-il, aux petits anges qui lui recommandent les âmes des sires de Montfort, et bénissant encore une fois ces vaillants soldats croisés, aux bras de fer, au cœur charitable et à l'âme chrétienne ; elle est là, la divine Mère, dans ces ruines du sanctuaire, ruines désolées quoique couvertes de fleurs, elle est là, comme l'Espérance, rappelant au voyageur qui visite ce lieu que l'âme immortelle reçoit au ciel sa récompense, quoiqu'oubliée bien vite ici-bas, et que la main dévastatrice de l'homme irréligieux accumule en vain les ruines, tant que l'esprit d'une population reste attaché à la foi de ses pères.

Rapprochement providentiel ! à la porte de l'ancien prieuré de Dinart, vient de s'établir une maison de religieuses Trinitaires de S. Jean de Matha : Dieu a voulu, paraît-il, que le souvenir de ce pieux fondateur de l'Ordre de la Rédemption des captifs se perpétuât à Dinart en dépit des révolutions. En contemplant la grève qui s'étend devant le nouveau monastère et devant les ruines de l'ancien je considérais l'autre jour des enfants jouant dans le sable et s'y creusant de petits forts qu'une vague suffit à renverser : combien parmi les hommes ressemblent à, ces enfants, bâtissant eux-mêmes sur le sable et non sur la pierre solide du catholicisme et de Rome, seule capable de résister aux attaques de l'ennemi !

(abbé Guillotin de Corson).

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