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La prise de Dinan en 1598

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Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, cousin des Guise, beau-frère du roi Henri III, par le mariage de sa sœur Louise de Vaudémont, avait reçu en 1582 le Gouvernement de la Bretagne.

C'était un homme ambitieux qui, une fois en Bretagne et s'appuyant sur la parenté de sa femme Marie de Luxembourg, descendante des Penthièvre, crut peut-être exploiter la situation troublée dans laquelle les guerres religieuses plongeaient la France, pour reconstituer le duché de Bretagne à son profit.

Il se fit le chef de la Sainte Ligue en Bretagne, cette association dont les Guise étaient l'âme et qui, sous couvert de défendre l'église catholique contre les Réformés, méditait des projets politiques.

Henri III avait, en 1576, accordé des places de sûreté aux protestants. Cette concession faite aux Réformés provoqua la naissance de la Ligue et la réclamation de places de sûreté pour les catholiques comme il en avait été concédé aux protestants. C'est ainsi qu'en 1585, Mercœur obtint les deux places de Dinan et Concarneau dites places de sûreté, mais pratiquement il pouvait disposer des autres, dont il s'empara, d'ailleurs, après l'assassinat d'Henri de Guise [Note : Rennes, Vitré et Brest demeurèrent fidèles au parti royal]. Il avait aussi la sympathie des populations bretonnes, très attachées à la religion catholique et qui voyaient en Mercœur le défenseur de leur foi. Le protestantisme n'avait guère gagné en Bretagne que les grandes familles nobles, les Rohan, par exemple.

Dinan, donnée comme place forte à Mercœur, fut confiée en 1591 à la garde du châtelain du Bois de la Motte, Saint Laurent d'Avaugour.

La période de treize ans qui devait s'écouler jusqu'à la reprise de la ville, fut, semble-t-il, relativement heureuse et prospère pour Dinan.

Après la mort de Henri III, la succession au trône disputée par Henri de Navarre, prince protestant, ne pouvait qu'inciter de nombreux Bretons à la résistance et créer des circonstances favorables à Mercœur. La guerre commença en Bretagne, guerre où s'affrontèrent le parti ligueur qui repoussait un roi hérétique et dont l'action servait involontairement les ambitions de Mercœur, et le parti royal rassemblant sous sa bannière les seigneurs bretons protestants, ou fidèles à l'héritier légitime. Le parti de Mercœur reçut le soutien de l'armée espagnole, tandis que le parti du roi fut aidé par des auxiliaires anglais. Encore une fois nos démélés politiques introduisaient l'étranger sur notre sol.

Mais revenons à Dinan qui est notre propos dans cette affaire. La ville fut soigneusement renforcée car cette place était très importante pour maintenir la situation militaire à l'avantage du parti de la Ligue. Nous savons, par des rapports de voyageurs du XVII siècle, que de nombreux travaux défensifs avaient été exécutés pour assurer la sécurité de la place. En 1597, pierres et charrois avaient été réquisitionnés pour les fortifications, ce qui arrêta la construction de l'église St-Sauveur.

La guerre désolait les campagnes, mais les Dinannais, bien abrités derrière leurs murs, vivaient tranquilles avec leurs biens à l'abri du pillage.

De plus, la résistance de Rennes à l'emprise de Mercœur avait provoqué l'émigration à Dinan de certains services de justice et la création d'un atelier de monnayage conférant ainsi une importance à la ville qu'elle ne possédait pas antérieurement [Note : Pendant la période ducale on avait déja frappé des monnaies à Dinan]. une forte garnison qui n'était pas sans inconvénient pour la population devait néanmoins animer le commerce, et il n'y avait pas de raisons d'un mécontentement profond. La Ligue était bien tolérée selon toute apparence.

Mais, avec le temps, la situation se retournait en faveur d'Henri de Navarre. Il avait abjuré le protestantisme, le 23 Juillet 1593, et le motif pour lequel il était combattu cessait, par conséquent, d'exister. De bons capitaines commandaient les armées royales en Bretagne et les positions de Mercœur s'affaiblissaient.

A Dinan, on n'était pas dans l'ignorance de la situation. Les têtes sérieuses de la ville pensaient probablement qu'il serait sage de prendre une décision avant qu'il fut trop tard, si on voulait éviter un assaut comme celui qui avait ravagé Lamballe en 1591, et si on voulait se bien disposer vis-à-vis du plus fort.

Les taxes et contributions levées sur la ville (les impôts ont toujours été désagréables) énervaient aussi les habitants qui pensaient se libérer de leurs charges en changeant de percepteur.

Trois principaux notables de Dinan formèrent le projet de livrer la ville au roi, c'étaient : Raoul Marot des Alleux, sénéchal, François de Saint-Cyr, prieur de St-Malo de Dinan, et Robert Hamon, syndic de la ville.

Sans dévoiler leurs intentions, les trois hommes et quelques confidents très sûrs firent une propagande de bouche à oreille destinée à préparer les esprits en faveur du roi. Vers la fin de 1597, le prieur François de St-Cyr sortit de la ville et alla trouver le roi pour lui communiquer ce qui se fomentait. Il avait alors obtenu un ordre pour le Commandant de St-Malo, le marquis de Coëtquen, qui devait assurer l'aide d'une troupe de 1.500 hommes, au moment opportun [Note : En mai 1597, St-Laurent avait déjoué une première conspiration tendant à livrer la ville].

Avec la garantie d'un tel renfort, les conjurés songèrent à réaliser leur dessein.

La garnison ligueuse était forte et il importait de l'affaiblir. Il fallait aussi tenir compte de la fraction de la population gardant fidélité à Mercœur.

Une ruse allait dégarnir la place forte. Une fausse lettre de Mercœur imitant à la perfection son écriture et son cachet fut remise à St-Laurent par un homme portant la livrée de Mercœur afin de parachever la vraisemblance de cette correspondance.

Aux termes de cette lettre, Saint-Laurent devait partir immédiatement de Dinan avec le gros de ses troupes afin d'aller rejoindre Mercœur à Nantes pour participer à la défense des places voisines de la ville.

Comme cet ordre faux apparaissait très admissible, Saint-Laurent s'en alla avec ses hommes, au cœur de l'hiver, par des chemins défoncés et obligé à un détour pour éviter Rennes qui était au roi.

Il laissa Dinan avec une poignée d'hommes sous le commandement d'un lieutenant nommé La Fresnaye.

Mercœur voyant arriver Saint-Laurent fut des plus surpris. Il reconnut que la fausse lettre était parfaitement imitée et comprit que son lieutenant était victime d'une ruse qui allait lui coûter Dinan. Saint-Laurent reçut l'ordre de repartir à marches forcées, mais pendant son absence, on n'avait pas perdu de temps.

Le capitaine de St-Malo fut prévenu d'envoyer une nuit fixée, 800 hommes qui s'établiraient dans le cimetière St-Malo, aux portes de la ville, vers onze heures du soir.

Le marquis de Coëtquen fit embarquer seulement 500 hommes sur la rivière et 300 autres vinrent par route s'installer au village de Landeboulou à un kilomètre de la ville. Ceux qui avaient pris place sur des bateaux débarquèrent au bourg de Taden par un temps épouvantable qui n'avait pas amélioré leur courage. Cette troupe déprimée fut alors divisée en deux groupes de 250 hommes. La section la plus résolue avança jusqu'au cimetière St-Malo, tandis qu'il fut convenu que l'autre section se tiendrait en réserve au lieu-dit Baudoin.

Pendant que les forces de Saint-Malo prenaient ainsi leurs dispositions, à l'intérieur de la ville le plan des conjurés se développait.

Pour neutraliser les troupes ligueuses demeurées à Dinan, les conspirateurs avaient fait annoncer un bal dans une maison voisine du château en y invitant les officiers de la garnison. Ils y vinrent et lorsque la fête battit son plein, des affidés au complot sortirent en fermant à clef les portes de la maison sur ceux qui s'amusaient.

Cependant, le moment d'agir activement était venu.

Les conjurés s'assemblèrent chez le sénéchal Marot des Alleux, dans sa maison, voisine des Cordeliers (aujourd'hui hôtel de Plouër). Conduits ensuite au nombre de 40, à travers le domaine du couvent par un religieux, le père Bréal, qui était du complot, ils gagnèrent le Collège (vieil établissement scolaire) près de la porte St-Malo.

L'officier qui commandait le corps de garde de la porte se nommait La Ruzaye. Deux de ses amis rangés parmi les conjurés allèrent lui proposer de venir vider une bouteille dans une maison voisine. Et lorsqu’ils le tinrent à boire, ils voulurent essayer de l'entraîner dans le complot en lui demandant d'ouvrir la porte dont il avait la garde. Le soldat se révéla incorruptible, mais un poignard qu'on lui mit sur la gorge en menaçant de le tuer au premier mouvement fut un argument convaincant. Le gros des conjurés se jeta alors sur le corps de garde qui fut enlevé et la sentinelle veillant sur la tour ayant été basculée dans le fossé, les portes furent ouvertes au moyen de fausses clefs que le syndic avait fait fabriquer en cachette, à St-Malo.

L'entrée de la ville était libre. On en prévint les Malouins en tirant une fusée, puis une seconde, inutilement, car personne ne bougeait. On s'en fut alors au cimetière St-Malo où attendaient les 250 hommes transis de froid et manquant d'enthousiasme.

Ils se décidèrent enfin à marcher lorsqu'on les eut menacés de les livrer et de les faire exterminer. Ils entrèrent dans la ville, non pourtant sans s'assurer la garde de la porte afin de garantir une retraite possible.

Les autres détachements furent avertis au moyen de fanaux placés au sommet des maisons.

Mais dans la ville tout cédait sans combat et les cris de « Vive le Roi ! », retentissaient dans les rues où flambaient des feux allumés pour réchauffer les Malouins. En un moment les remparts et les tours furent en la possession des forces royales. Les derniers ligueurs qui n'avaient pas été faits prisonniers se réfugièrent au château et à la porte de l'Hôtellerie (porte de Brest) où ils se barricadèrent. Le seul incident remarquable de cette nuit fut l'explosion de la poudrière contenue dans la tour Saint-Julien [Note : Tour voisine du monument aux morts de la Grande Guerre]. Un capitaine nommé La Planche, la fit sauter avant de gagner le château.

Le lendemain on battit le rappel dans les campagnes pour exciter l'arrivée de renforts et beaucoup de gens qui se plaignaient depuis longtemps des exactions de la garnison ligueuse accoururent avec des idées de vengeance.

Le Sénéchal, Marot des Alleux, armé d'une pique, se plaçant à la tête d'une troupe résolue, s'avança vers la porte de l'Hôtellerie pour en réduire la résistance. Il fut blessé d'un coup d'arquebuse pendant cette petite affaire, mais la garnison de la porte se rendit en cédant à la crainte d'un assaut.

Le château restait seul à enlever. On mit des canons en batterie dans l'angle de la place du Champ et après le deuxième coup, la garnison forte d'environ 200 hommes se rendit. C'était le 13 Février 1598.

Le récit de Dom Morice (supplément aux Preuves Histoire T. 2. CCCXIV) diffère quelque peu de celui de Guyot des Fontaines, dans lequel nous avons puisé. D. Morice se fonde sur les Mémoires de Montmartin [Note : Jean du Matz, Sr de Montmartin (1550-1620). Gouverneur de Vitré, capitaine protestant, adversaire du duc de Mercœur, auteur de Mémoires sur la Ligue en Bretagne].

« Le dit sieur de Montmartin fait toute diligence d'arriver à Rennes auquel lieu il trouve M. le Maréchal de Brissac prest à monter à cheval pour aller secourir les habitans de la ville de Dinan qui s'estoient remis en l'obéissance du roy et tenoient le chasteau, fort petite place assiégée. Aussi tost mondit sieur commande audit Montmartin de marcher droit audit Dinan avec les Suisses et autres troupes, ce qu'il fit..

Le baron de Molac estoit arrivé le premier audit Dinan et le sieur de Montgommery avec sa Compagnie ; ceux de St-Malo avoient assisté les habitants dudit Dinan.

Ils font des barricades pour empescher ceux du Chasteau de sortir. Le dit sieur Mareschal arrive commande audit sieur de Montmartin de loger les troupes et d'ordonner les gardes et mondit sieur, le Mareschal fait avancer l'artillerie de St-Malo ; il fut logé promptement deux coulevrines sur une tour de la ville, le sieur de Magnan faisoit la charge de ladite artillerie à cause que le sieur de Maineuf qui l'avoit estoit malade.

Monsieur le marquis de Coaquin gouverneur dudit Saint-Malo, amène cinq canons et en diligence ils furent placés et logés car chacun mettoit la main à l'œuvre sur tous les Suisses propres à l'artillerie.

Deux jours après l'arrivée de mondit sieur, le Mareschal ledit sieur de Montmartin attire les assiégés à parlementer, le frère de mère de M. du Bordage et dudit Saint-Laurens nommé... commandoit dans ledit chasteau ou il s'estoit retiré avec ce qu'il avoit peu rassembler de la garnison, chassé et bloqué par lesdits habitans et secours dudit St-Malo. Dès le premier parlement ils fisrent cognoistre que bientost ils se rendroient ce qu'ils firent le dixiesme jour (vies et bagues (bagages)) sauvés et se pensèrent tuer les uns les autres dans ledit chasteau ou ils estoient plus de 200 hommes et sortirent l'un après l'autre par un trou les pieds les premiers [Note : Charles d'Argentré, frère de l'historien, fut retenu prisonnier de guerre. Il exerçait la charge de sénéchal au Présidial de Rennes, transféré à Dinan par Mercœur]. La capitulation accordée par mondit sieur le Mareschal, lequel s'en alla au partir de Dinan attaquer le Plessis-Bertrand qu'il prit et de la au Guildo qui se rendit ; passe à la tour de Sesson où le siège fut plus long car la place estoit bonne.

Le roy avoit donné le Gouvernement dudit Dinan audit baron de Molac lequel y fut estably par ledit sieur Mareschal, le Sieur de la Chevalerie de Bonnoier qui a touujours bien servy le roy demeura avec sa compagnie dans ladite place ».

En ce qui concerne la prise du château, Dom Morice est plus véridique que Guyot Des Fontaines car son récit est corroboré par d'autres documents. Ainsi, d'après ce texte, le château aurait résisté pendant dix jours, mais sans combat.

Un des Malouins qui avait participé à la prise de la ville et qui se nommait Pépin, voulut avoir l'honneur d'annoncer la bonne nouvelle au roi. Il enfourcha un cheval et courut sans s'arrêter jusqu'à Paris. Reçu par le roi il lui déclara dans son patois « Sire, j'avons pris Dinan ». Le Maréchal de Biron, présent à l'audience, dit que cela ne se pouvait et le Malouin de rétorquer « Vay y le sara mieux que ma qui y estas » et il fournit des explications qui ne laissaient aucun doute. Cependant le personnage affamé fut conduit se restaurer et se rafraîchir, puis le lendemain il reprenait la route du retour sur un bon cheval des écuries royales donné pour remplacer le sien. Le roi avait offert de l'anoblir, mais il refusa.

Le sénéchal Marot des Alleux vint à son tour porter la nouvelle au roi, avec des vues moins désintéressées. Il obtint confirmation d'anciens privilèges accordés à la ville et l'octroi de nouveaux avantages. Le roi lui fit grand accueil et lui donna des Lettres de noblesse mentionnant que la ville avait été rendue par son habilité et sa valeur. Il reçut, en outre, une charge de maître des requêtes, qu'il vendit.

Le prieur François de St-Cyr vint aussi voir le roi et s'il n'avait pas tant hâté son retour il eut obtenu l'évêché de Dol. Le syndic Robert Hamon, sieur de la Grange refusa des Lettres de noblesse déclarant qu'il était déjà noble.

Les Dinannais participèrent largement aux récompenses royales. Après avoir joui de la paix dans ville pendant que la province était déchirée par la guerre, ils ne connurent ensuite que des bienfaits de la part d'un roi débonnaire.

Il commença d'abord par rassurer tous ceux qui avaient servi Mercœur, et ils devaient être nombreux. Il n'y eut pas « d'épuration » et le roi prescrivit que personne ne fut inquiété « imposant sur le tout, silence perpétuel à noz procureurs généraulx, leurs substitutz présens et advenir et a touz autres noz officiers et subjectz ». On passait l'éponge avec générosité. Les Dinannais gardèrent leur atelier de monnayage et tous leurs privilèges précédemment accordés furent garantis. Diverses exemptions d'impôts pour plusieurs années vinrent encore récompenser leur zèle dans l'affaire de la reddition de la ville [Note : Arch. Loire-Inf. (Chambre des Comptes mandements, vol. XIV, fol. 223, publié par A. de la Borderie (Edit de Henri IV, février 1598)].

C'était vraiment sortir avec habileté d'une situation dangereuse.

La prise de Dinan fut un coup terrible pour Mercœur et Du Plessix Mornay, « Le pape des huguenots » écrivait à de Thou « Quand le duc apprendra qu'il a perdu Dinan, vous ne doutez pas qu'il n'en arrache la moitié de sa barbe ».

Le duc de Mercœur fit bientôt la paix avec Henri IV et la Bretagne recouvra la tranquilité.

Elle en avait besoin, le pays était ruiné.

A Dinan, les fortifications vont s'effriter tout doucement pendant le cours du XVIIème siècle, car on est convaincu que désormais on peut vivre à l'abri de la guerre. Pendant près de cent ans, le lierre et les plantes grimpantes croîtront en liberté sur les murs.

C'est seulement en 1693 que les remparts de Dinan seront l'objet d'une revision nouvelle, à cause des menaces anglaises. On les restaura, mais il ne fut pas nécessaire de les garnir de troupes, car la ville ne fut jamais exposée à une attaque pendant le XVIIIème siècle. Les débarquements anglais de 1758 provoquèrent quelque émotion, mais Dinan ne représentait pas un objectif intéressant ces raids.

Les vieux remparts qui n'étaient plus regardés comme capables de protéger une ville, que par ailleurs personne ne menaçait, commencèrent à tomber sous la pioche des démolisseurs, trop tôt pourtant car la Révolution allait ramener l'attention sur ces antiquités.

(M. E. Monier).

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