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LE JERZUAL (RUE ET FAUBOURG) DE DINAN

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Au moyen-âge, la ville enclose de Dinan possédait trois faubourgs, à gauche, comme elle, de la Rance, et un quatrième sur la rive droite. C'étaient le Jerzual, les Rouairies, Saint-Malo et la Madeleine. On pourrait peut-être ajouter les Grands Jardins et Léhon ; mais le premier de ces lieux est de création plus récente et Léhon était un point détaché de la ville, un ancien vicus, sur la voie romaine.

Le Jerzual était donc un faubourg (forsbourg), c'est-à-dire un bourg hors la ville (extra-muros), et la rue qui porte ce nom aujourd'hui y conduisait, mais était intra-muros et non dans le Jerzual.

Dinan (Bretagne) : tour-porte du Jerzual.

La rue qui traversait le Jerzual et descendait à la Rivière s'appelait Rue des Tanneurs parce qu'elle était occupée par ces corps de métiers qui trouvaient dans la rivière des ressources pour leur industrie. Plus tard, deux forts, dont j'ai retrouvé les traces, vinrent défendre la Porte du Jerzual, et la rue des Tanneurs prit le nom de Rue du Petit Fort.

Disons, pour mémoire, que la porte avancée, appuyée sur les deux fortins, se nommait la Porte St-Sébastien. On en voit encore les attaches, à droite, en descendant la rue. Elle fut détruite à l'époque de la Ligue.

Dans cette rue, on remarque une vieille construction en bois, reste curieux et élégant encore du XVème siècle et portant le nom caractéristique de Château Branlant, à cause de sa regrettable vétusté. C'était le Château Ganne, non pas qu'il fit partie de la forteresse antique de ce nom, remplacée aujourd'hui par le beau Manoir Flaud, mais parce qu'il était l'habitation du gouverneur de la forteresse.

Au bas de la rue, la maison Corneille présente encore une façade en bois du XVème siècle en partie détruite. A l'intérieur étaient de riches cloisons en planches admirablement historiées de sculptures très originales. Elles ont été vendues.

Dans la rue dite du Jerzual (intra muros), les maisons en bois, avec hauts pignons, toits surplombants, au pied, l'étal de pierre si caractéristique de la ville industrielle, montrent à l'oeil observateur toutes les moeurs des XIIIème, XIVème et XVème siècles. C'est là surtout que revit le passé et que le visiteur se sent transporté aux temps du moyen-âge. A mi-rue est la Maison des Recluses où deux Clarisses recevaient les pénitentes de mauvaise vie ; et plus bas était la Chapelle St-Sébastien, aujourd'hui disparue, et fondée par la Communauté de ville de 1502.

Dinan (Bretagne) : tour-porte du Jerzual.

Signalons encore, dans la rue des Tanneurs, ces enseignes originales et caractéristiques que le temps a emportées, et qu'on voyait encore, en 1560, sculptées en haut relief sur la façade de quelques maisons. C'étaient les enseignes de l'Hermine ; de la Vache écorchée, avec ces mots typiques : SIMILIA TUIS ; du Papegai ; du Dauphin couronné ; des Pèlerins, etc.

Quelle est l'origine du mot Jerzual ?... M. Dault a écrit dans la Revue du Pays d'Aleth que ce mot viendrait d'ILLE AGGER VALLIS, c'est-à-dire, les fortifications de la vallée. Et il ajoute : C'est tellement çà, que je suis tout surpris qu'on n'y ait pas songé. (Revue de Mai 1908, page 98). Je ne suivrai pas M. Dault dans cette voie ; mais je dois relever l'erreur qu'il commet en localisant le Jerzual dans la rue intra muros de ce nom. C'est comme s'il disait que Brest est dans la rue de ce nom à Dinan. J'ai démontré le Jerzual extra-muros. Pourquoi vouloir demander aux mots plus que ce qu'ils disent ? Léhon est-il dans la rue de Léhon à Dinan ?... Le mot Jerzual n'a rien de commun avec l'Agger de Dinan.

Et d'abord quelle est l'ortographe de ce mot ?... On trouve Jersual, Jerzual, — Jezhual, et c'est ce mot le plus ancien qu'il faut retenir, n'oubliant pas que le z et l's jadis se substituaient, et que le J et l'I étaient la même lettre. On avait donc lez hval ou lez val.

Or lez ou les, d'après Ducange, veut dire sentier. Serait-ce le sentier du val ?.... Un nom historique nous arrête. Un acte de 1131 partage la ville de Dinan entre Olivier et Alain, les deux fils de Geoffroy de Dinan, et la ligne de séparation passe par lez hual. C'était le petit ruisseau du Ivhal ou Juhal qui servait de limite. (Archives du Prieuré de St-Malo). Ce ruisseau du Juhal existe encore. Il prend sa source dans la fontaine du Prieuré, court sur une pente très rapide, tombe en cascade de bassins en bassins creusés sur sa route par les lavandières, s'enfonce parfois et disparaît sous le sol pour surgir un peu plus loin, et gagner ainsi la rue du Jerzual où,il pénètre en passant sous le sol même de la maison n° 23. Là, il suit la pente de la rue, — jadis à la surface canalisée au milieu, — aujourd'hui sous le chemin, et va déboucher dans la Rance, en aval du pont, sous l'ancien moulin.

Le mot Jersual veut donc dire sentier du Juhal, tout simplement.

Et si nous voulons suivre Ducange et les interprétations savantes de M. Hippolite Cocheris, membre de l'Institut, dans son livre sur les Origines des noms de lieux, nous verrons que le lez vient du celtique GWAZ qui veut dire ruisseau, courant d'eau ; GWAZEN, petite source d'eau qui court sous terre. (Ar waz-zé a dreùz, va fark : ce ruisseau traverse mon champ. — Doun éz a enn douar gwazen ar roc'h : la veine du roc va profondément dans la terre). Ici c'est la veine, la fissure de la pierre, qui sera le chemin plus tard du courant d'eau. (Legonidec, Dictionnaire).

Si j'avais les audaces des étymologies risquées, je pourrais dire avec plus de vraisemblance que Jerzual vient de GWAZ VALLIS, le ruisseau du val ; mais ce serait mêler le celtique et le latin, et j'ai trop conscience de mon ignorance pour me lancer dans ces interprétations fantaisistes. Je me contente de signaler les deux autorités de Ducange et Cocheris pour le mot qui nous occupe.

Quelques mots encore. M. Dault prétend que Agger n'a pas d'équivalent en français. Il ne connait pas le nom méridional Ager qui est le nom de l'érable. Dans le midi, où l'érable est commun, on porte beaucoup de sabots en bois d'ager [Note : Prononcez ; en bois d'agé]. — Or, l'érable, bois dur pat excellence, sert à faire des pieux (palis), et les anciens l'employaient dans leurs fortifications. Les latins en ont fait acer, aigu, en raison de son emploi. M. Cocheris le fait remonter plus haut, il le tire de l'armoricain rabb qui signifie érable et de l'agglutination ar (le), d'où le mot ar-rabb, c'est-à-dire l'érable.

(DE L'HOMMEAU, 1906).

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