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District de Dinan durant la Révolution : les Contributions et Ventes nationales.

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Note : Le lecteur pourra suivre avec les tableaux que nous publions dans le corps de cet ouvrage les progrès de la levée des impôts, et voir comment en 1794, les contributions de 1790 même n'étaient pas encore payées. Pour les ventes nationales nous renvoyons également aux comptes-rendus décadaires et à notre ouvrage : La Vente des Biens Nationaux dans le département des Côtes-du-Nord.

Au moment où s'ouvre la vériode proprement révolutionnaire, le Directoire du District n'est parvenu à obtenir des municipalités ni les matrices des rôles des contributions foncière et mobilière pour 1793, ni l'état de leurs charges [Note : Il n'avait pourtant négligé aucune sollicitation, aucun moyen de persuasion. « ... Votre insouciance et votre négligence, leur écrivait-il circulairement le 30 ventôse an II (20 mars 1794), sont des crimes impardonnables : ils attirent sur vous toute la sévérité des loix, et lorsque vous en sentirez le poids, il ne sera plus tems de vous en excuser. Vous ne devez pas ignorer que vous demeurez garans et personnellement responsables de l'oubli des devoirs qui vous sont imposès et des obligations que vous avez contractées envers la nation. Sortez de la léthargie profonde où vous êtes tombés. Ecoutez les voix de vos administrés qui vous accusent comme coupables. Oui, vous l’êtes bien, sans doute, de n'avoir pas pris dans une grande considération les diverses demandes que nous vous avons faites inutilement d'accélérer la formation de ces matrices pour l'année dernière... Si dorénavant vous négligez une partie essentielle pour le bien public, si, sous huit jours, pour tout délai, vous n'avez pas remis au Directoire vos matrices de rôles avec les états de vos charges locales, nous prendrons des mesures ultérieures pour vous y contraindre ». — Les admininistrateurs rappelaient ensuite que, par leur circulaire du 19 pluviôse (7 février), ils avaient pressé les municipalités de nommer des commissaires pour recevoir et vérifier les déclarations des personnes assujetties à l’emprunt forcé du milliard sur toutes les propriétés, en vertu de la loi du 3 septembre 1793, ou de fournir promptement un état négatif, si personne ne tombait sous le coup des dispositions de la loi. — Ils terminaient par de nouvelles menaces : « .. Nous avons eu jusqu'ici la preuve certaine du peu de cas que vous faites de nos lettres et des loix que nous vous adressons. Mais comptez que le tems de l'indulgence est passé, que nous emploierons désormais les moyens de vous faire sentir combien vous êtes dignes des peines que votre négligence vous a méritées ». A. d. C.-N. — Reg. de copies de lettres (contributions) f. 39. — Ces objurgations ne devaient pas suffire, et, le 16 germinal (5 avril), le Directoire adressait une nouvelle injonction aux municipalités de Corseul, d'Evran, de Plouasne et de Plancoët. — Pourtant ces municipalités n'étaient pas les seules en retard. Dans une nouvelle circulaire du 9 floréal (28 avril), rappelant aux municipalités que, pour les contributions de 1793, elles avaient dû procéder à l'adjudication de leur levée, et, par suite, à la désignation d'un percepteur, en tenant compte de ce que la remise ne pouvait excéder un sou pour livre pour la contribution foncière, ni plus de 3 deniers pour la contribution mobilière, on réclamait encore dans le plus bref délai, les matrices des rôles et les états des charges locales. Le 7 prairial (26 mai), 28 municipalités restaient en retard, et on les avertissait que, faute de s'être mises en règle dans les huit jours, on leur enverrait une garnison. — Aussi ne peut-on s'empêcher de sourire quand, le 15 floréal précédent (4 mai 1794), les administrateurs s'adressaient en ces termes aux municipalités de Corseul et d'Yvignac : « Nous sommes surpris que vous soyez les derniers à déposer vos matrices des rôles. Cependant vous devez sentir de quelle importance il est pour la République que les rôles soient de suite recouvrés. Nous sommes forcés accuser de négligence et peut-être le serons-nous de vous punir contre notre inclination ». A. d. C.-N. ibid, f. 45. Le 11 messidor (29 juin), 37 municipalités n'avaient pas encore fourni le certificat négatif relatif à l'emprunt forcé [Note : En ce qui concerne l'emprunt forcé du milliard nous n'avons retrouvé comme assujetti que René-Jacques Bernard, ci-devant de Ponthoi, ancien maire de Pleudihen, dont la part contributive s’éleva à 348 l. 5 s. 5 d. Il est probable qu’il y eut d’autres cotes à percevoir, notamment sur divers émigrés. Un seul individu devait contribuer à l’emprunt volontaire décrété le 24 août 1793, le citoyen Briot qui versa 2.000 livres], alors que venait d’être décrété une contribution extraordinaire de guerre sur les citoyens aisés égale au 40ème du montant de l'emprunt. Elles s'attiraient cette sévère remontrance : « Il est inconcevable comment des hommes qui se disent attachés à leur patrie ne veulent rien faire pour elle ! Le véritable Patriote n'est pas celui qui professe le Patriotisme avec ostentation, c'est celui qui sert efficacement sa Patrie, c'est celui qui s'empresse de remplir les loix que l'utilité publique a dictées... » A. d. C.-N., ibid, ff. 57-58]. En vain devait-il multiplier les objurgations : le 7 thermidor an II (25 juillet 1794), 21 municipalités n'avaient pas encore remis leurs rôles ; et les administrateurs durent rappeler à leurs membres qu'ils étaient passibles de trois à six ans d'exclusion de leurs droits de citoyens, de la confiscation du quart de leur revenu pendant le même temps, et susceptibles d'être traités comme suspects s'ils ne s'exécutaient pas sans retard [Note : Il semblait que l’on eût épuisé le champ des menaces possibles, et l'on écrivait avec mélancolie, le 5 fructidor (22 août) au Directoire du Département que les officiers municipaux étaient indifférents à la suspension de leurs droits de citoyens et qu'il convenait qu'il l'autorisât à envoyer dans les communes réfractaires une garnison à leurs frais. — En fait, il ne restait plus en retard que les municipalités de Saint-Méloir, de Bobital, de Brusvily et de Saint-Michel-de-Plélan, auxquelles on adressa le 7 fructidor (24 août) une derniére lettre comminatoire : si dans une décade l’on n'a pas reçu les matrices des rôles, on assoiera les contributions d'après les matrices de 1792. « ... De cette manière, il pourra se faire que plusieurs morts soient cotisés à la contribution mobiliaire et que plusieurs nouveaux domiciliers n'y soient point portés. Ce sera à votre criminelle négligence que vos mandataires devront attribuer ces injustes bévues. Nous prendrons le même parti pour les charges locales. Il ne nous reste pas d'autre ressource » A. d. C.-N. ibid, f. 66].

Toutes ces menaces avaient à peine produit leur effet que le 27 brumaire an III (17 novembre 1794), dans une circulaire aux cinquante huit municipalités, on s'inquiétait de faire opérer des changements sur les matrices de 1793 et d'en faire dresser de nouvelles parce que « il paroit par les motions qui ont été faites dans la séance du 18 de ce mois [Note : 8 novembre] que le mode d'impôt va être en très peu de tems déterminé. La Constitution, comme l'a observé le citoyen Cambon, veut que les citoyens concourent proportionnellement aux dépenses publiques... » [Note : Vous ne devez pas négliger l'avis que nous vous donnons ici. Vous devez vous rappeler combien vous avez eu de peine à nous fournir les matrices de 1792 et de 1793. On nous pressoit pour le recouvrement des contributions avant que nous eussions pu, malgré nos invitations réitérées, obtenir vos matrices de rôles de l'année dernière ». A. d. C.-N., Reg. (contributions), f. 78]. Nous n'avons trouvé aucun document qui nous ait appris quel succès fut réservé à cette nouvelle demande, mais il est peu probable que l'empressement ait été plus vif en pleine réaction thermidorienne, au moment où les Chouans infestaient le district, qu'il ne l'avait été quand le gouvernement révolutionnaire permettait d'user de toutes les menaces et de tous les moyens.

Si les municipalités apportaient tant de délais à fournir les documents qu'on leur demandait, on peut préjuger des retards invraisemblables que rencontrait le recouvrement des contributions. La seule mauvaise volonté suffirait à les expliquer, mais des obstacles nouveaux surgirent qui en rendirent la perception encore plus difficile.

Les lois du 23 août 1793 et du 24 frimaire an II (14 décembre) avaient édicté certaines prescriptions relatives au paiement des contributions en nature. Mais « le dénuement total » de subsistances ne permit pas de s'y conformer et aucun versement de grains ne fut effectué dans les magasins nationaux [Note : « ... Cependant nous n'avons rien négligé pour faire connoitre ces loix à nos administrés et pour leur faire connoitre combien l'intérêt de la République en même tems que le leur exigeoit l'exécution des dispositions avantageuses que ces loix renfermoient... » A. d. C.-N., Reg. (contributions), f. 45].

D'autre part, l'on avait, conformément aux injonctions du département, apposé les scellés sur le mobilier des personnes détenues comme suspectes, et mis des arrêts aux mains de leurs fermiers pour les obliger à verser le montant de leurs termes à la caisse du préposé de la régie nationale. Les nobles refusèrent naturellement d'acquitter leurs impositions, sous le prétexte qu'ils n'avaient aucune ressource à leur disposition.

Les percepteurs, menacés de contraintes, demandaient à ce que ces impositions fussent acquittées par les receveurs de l'Enregistrement. Par deux fois, l'on sollicita des instructions du département, les 13 et 29 germinal (2 et 48 avril), qui décida, en ce qui concernait les biens d'émigrés, que le percepteur devait se pourvoir vers les fermiers qui ne pourraient se refuser au paiement de la contribution dûe par l'ancien propriétaire, et que, en cas de refus, il les y ferait contraindre. Il ne décidait rien pour la contribution mobilière (2 floréal — 21 avril) [Note : Nul jour ne se passait qu'un percepteur n’adressât de réclamation à ce sujet. « Ils sont pressés, écrivait alors le district le 26 floréal (15 mai). ils sont même contraints de verser de suite à la caisse le montant de leurs rôles pour 1791 et 1792, et ils ne peuvent compléter la totalité, étant hors d'état de se faire payer des articles des émigrés et de ceux en arrestation. Comme les meubles et les biens des émigrés, tant prêtres que ci-devant, sont sous le séquestre, qu’on en fait la vente journalière, ne conviendroit-il pas d'autoriser les préposés à la régie nationale d'acquitter aux mains des percepteurs le montant de leur contribution mobiliaire ? Quant aux personnes en arrestation, le mode d'exécution n'étant pas décrété, la difficulté paroit plus grande, mais cependant toutefois est il necesaire que leur contribution mobiliaire soit acquittée. Nous vous prions donc, républicains, de nous devons tenir et faire tenir aux percepteurs, afin qu'ils soient à lieu de verser de suite le montant de leur rôle à la caisse du District ». A. d. C.-N., Reg. (contributions) f. 48].

De telles difficultés n'étaient pas localisées dans le district de Dinan, et, la Convention, par la loi du 13 messidor (1er juillet), ordonna que les percepteurs se feraient payer par les receveurs de l'Enregistrement du debet des émigrés et des personnes dont les biens étaient placés sous le séquestre national pour les années 1790, 1791 et 1792. On en avisait les municipalités le 6 brumaire an III (27 octobre 1794). Mais les rentrées continuaient à se faire mal, et, en ventôse et en germinal an III, il fallait souvent presser les percepteurs pour le recouvrement des cotes de 1793.

En fait, le rôle des percepteurs était très délicat et peu enviable : et l'on s'étonne même que le minime appât du gain que leur consentait l'administration ait suffi à toujours assurer des adjudicataires pour la levée des impositions. Détestés des contribuables, en butte aux tentatives des chouans pour lesquels le pillage des caisses publiques, accompagné ou non de l'assassinat du percepteur, constitue une des instructions principales, s'ils se trouvent en retard, ils peuvent être signifiés par le receveur du district et les porteurs de contraintes ne les ménagent guère [Note : Le 19 prairial an II (7 juin 1794), le Directoire était obligé de menacer sévèrement les citoyens Robert, de Plancoët ; Henry, de Trigavou ; Deprés, de Trébédan ; Gautier, de Corseul ; pour les excès qu'ils avaient ainsi commis. « ..... Plusieurs d’entre eux [des percepteurs] se plaignent de ce que vous exercez quelques injustices en recevant pour vous et vos assistans des sommes exhorbitantes et bien au-delà de vos salaires. Il en est, parmi vous, que nous connoissons, qui sont assez adroits pour donner des quittantes aux percepteurs de sommes au dessous de ce qu'ils ont réellement reçu pour frais. Cette manœuyre, citoyen, est d’autant plus condamnable qu'elle rappelle encore l’ancien régime, sous lequel les huissiers commettoient les plus grandes exactions. Epargnez-nous la peine de prendre des mesures sévéres pour réprimer de pareils abus. Le châtiment suit de près le crime ; la punition doit être en proportion du délit et celui que nous vous rappelons est d'autant plus grand qu'il est en opposition formelle avee la justice qui doit faire la base de la conduite d’un bon républicain. — Lorsque vous entrez dans une commune pour exercer vos fonctions, vous ne pouvez vous dispenser de faire constater par la municipalité l’heure de votre arrivée, le jour et l'heure de votre départ. Vous ne devez pas ignorer non plus que vous devez pas désemparer que les percepteurs n'ayent entièrement soldé le montant de leur rôle... Cependant nous apprenons que vous faites de simples apparitions chez eux. Vous leur faites une sommation pour laquelle vous recevez 20, 25, 30 et 40 livres, et lorsque vous restez un jour de plus vous portez vos salaires au double, etc... » A. d. C.-N Reg. (contrib.), ff. 53-54].

Bref, au début de ventôse an II, il restait encore à percevoir 4 461 l. 8 s. sur les impositions de 1790 ; — pour 1791, 28.434 l. 2 s. 5 d. de contribution foncière sur 341.488 l. 19 s. 4 d., et 14.730 l. 5 s. 5 d. de contribution mobilière sur 17.147 l. 16 s, 3 d. ; — pour 1792, 220.366 l. 3 s. 11 d. de contribution foncière sur 370.395 l. 17 s. 1 d. et 53.906 l. 10 s. 10 d. de contribution mobilière sur 70.079 l. 4 s. 8 d.. C'étaient des arriérés énormes, et les contributions de 1793 n'étaient pas encore en recouvrement. On ne devait commencer à les percevoir qu'au début de messidor an II : la contribution foncière s'élevait à 391.624 1. 4s. 10 d. et la contribution mobilière à 54.219 l. 2s.

Le dernier compte-rendu du Directoire régénéré par Le Carpentier est du 10 frimaire an III (30 novembre 1794). Il reste alors à recouvrer : des impositions de 1790, 3.586 l. 16 s. 2 d. ; — de celles de 1791, 5.790 l. 9s. et 11.266 l. 10 s. 2 d. ; — de celles de 1792, 28.620 l. 3 s. 2 d. et 9.721 l. 17 s. 1 d. ; — de celles de 1793, 252.243 l. 11 s. 3 d. et 43.688 l. 14.8 d. ; ce qui implique, pour un espace de neuf mois, une perception globale de 412.923 l. 15 s. 11 d. — De frimaire an III au 30 floréal (19 mai 1795), date du dernier compte des administrateurs nommés par Boursault, la perception s'élevait seulement, pour une période d'à peu près égale durée, à 212.498 l. 9 s. 11 d., alors que l'on se trouvait favorisé par les retards de la mise en recouvrement des contributions de 1793. Les perceptions à effectuer encore atteignaient 142.429 l. 12 s. 1 d et l'on ne parlait ni des contributions de l’an III, ni de celles de l'an II.

Ce sont ces faibles ressources qui permirent à l'Etat de faire face en partie aux besoins du moment, si multipliés et si urgents, ressources qui, à la vérité, furent accrues dans des proportions assez notables, par les ventes des domaines nationaux.

Ces aliénations opérées sous le régime des lois des 3 juin et 13 septembre 1793 comprennent à peu près toutes celles qui furent effectuées depuis l'exposition en vente des biens des émigrés jusquà l'application de la loi du 27 prairial an III (15 juin 1795), qui fixait le montant de la mise à prix à 75 fois le revenu [Note : Nous renvoyons pour l'étude générale des aliénations à notre ouvrage : La Vente des Biens Nationaux dans le département des Côtes-du-Nord]. Pendant cette période de dix-huit mois environ, le district de Dinan procéda à 258 ventes (57 de première, 211 de seconde origine), tandis que, pour le département, le total s'élevait à 2.202. Pour la valeur de ses opérations, il se place au quatrième rang des districts : le total des estimations atteint 875.114 l. 10 s. 4 d. ; celui des enchères, 2.283. 400 l., avec une valeur globale réelle de 671.510 l. .. s. 5 d., par suite de l'extrême dépréciation des assignats. Il est certain que les paiements s'élevèrent à moins encore, pas même à la moitié de la valeur de l'estimation.

Les biens du clergé, déjà soumis aux aliénations, depuis le commencement de 1791, ne présentaient plus guère de propriétés importantes. Leur évaluation en capital n'atteint en effet que 58.791 l. 44 s., c'est-à-dire à peine une valeur moyenne d'environ 4.000 l. par domaine. Les uns et les autres devaient être enchéris dans des proportions identiques, de manière à ce que le total des enchères réalisât environ deux fois et demie le total des évaluations [Note : De ventes imporlantes de première origine, nous n'avons guère rencontré que celle de la communauté des Capucins de Dinan, dont les logements, l'église, le cloître, la cour, le jardin, les vergers couvraient 4 jx. 75 c. (2h. 40 a. 096). Elle fut acquise, le 21 floréal an II (10 mai 1794), moyennant 21.500 l. par le négociant Jean Herpin, de Dinan, sur une mise à prix de 10.200 l. Si on y ajoute la vente consommée le 26 thermidor (13 août), pour 13.650 l., à François Mars, propriétaire-cultivateur à Lanvallay, de quatre pièces de terre situées à Dinan, et provenant de la fabrique St Malo, le clos Fourré, la Noë Bagot, la Noë Gourdel et la Jouxte (4 h. 35 a. 808), l'on se rend compte du peu de valeur des cinquante-cinq autres aliénations. Ce n'est que pour mémoire que nous citerons la vente de l'église et du cimetière de la Magdelaine, à Lanvallay, consentie au même Mars, le 29 fructidor (15 septembre) pour 4.250 l. sur une mise à prix de 500 l., et celle de la maison des Sœurs Grises de Plouër, consentie à Mathurin Collichet, greffier de la justice de paix du canton, le 21 floréal (10 mai) pour 3,600 l. sur une mise à prix de 1.200 l.].

Mais si nous n'avons à peu près pas rencontré de ventes importantes de biens de première origine, il en a été bien différemment pour les domaines des nobles, plus considérables, mieux constitués, formés, pour la majeure partie, de manoirs, de retenues et de fermes.

Dinan était, en effet, avec Lamballe, une des villes favorites de la noblesse. Beaucoup de ses membres y avaient leurs maisons, tandis que leurs manoirs, véritables résidences d'été, et leurs fermes s'en trouvaient plus ou moins éloignés. Ce n'est pas sur moins de quarante cinq émigrés, condamnés et déportés, dont quelques-uns étaient très riches, que des biens furent exposés en vente [Note : Il convient de citer parmieux Mme de Guéhenneuc de Boishue ; Jean-Marie Picot de Plédran ; le marquis Baude de la Vieuville, condamné à mort par le tribunal révolutionnaire ; Le Forestier de Boisfrouger ; Le Bourigan Dupè d’Orvault ; Vaucouleurs de Lanjamet ; Prévost de la Tourandais ; Mme de Gouyon de Beaufort, etc.].

Cependant si l'on vendit couramment des métairies [Note : Le mot métairie est synonyme de celui de ferme], dont quelques-unes même purent être divisées en plusieurs lots, la plupart des beaux domaines échappèrent aux aliénations de l’époque. Les raisons en sont fort aisées à saisir. D'une part, il n'est pas de fortune qui n'ait ressenti le contre-coup de la crise économique générale que subissait la France, crise encore accrue par la misère dont souffrait le district de Dinan sous l'excès des réquisitions. D'autre part, la majorité des personnes demeurées aisées, se trouvaient, pendant la Terreur, matériellement ou moralement empêchées d'acquérir. Les parents ou les héritiers républicoles d'émigrés étaient généralement détenus par mesure de sûreté ; leurs biens étaient sequestrés ; ils avaient à supporter le poids des contributions somptuaires : contribution patriotique, emprunt forcé, contribution extraordinaire de guerre, paiement de l'équipement de deux volontaires par enfant émigré. En outre, dans un district, comme celui de Dinan, où le Fédéralisme avait réuni tant d'adhésions, il était fatal que l'on usât de la loi des suspects : un grand nombre de républicains — et des plus riches — se trouvaient donc également incarcérés.

Il ne leur était assurément pas interdit d'acquérir; mais bien qu'ils n'aient guère couru de risque dans leur prison, ils étaient en droit de tout redouter. Les événements arrivaien grossis et déformés à leurs oreilles. La « tyrannie de Robespierre » leur apparaissait plus sanglante, et l'on pouvait toujours se demander si Le Carpentier ne mettrait pas un jour ses menaces à exécution.

Il restait bien les cultivateurs, prêts, jusqu’à un certain point, dans leur amour de la terre, à oublier les craintes qui tenaillaient ex-nobles et modérés ; mais leurs désirs étaient bornés de même que leurs ressources, et ils redoutaient par dessus tout d'encourir les représailles des Chouans qui, après avoir littéralement assiégé le district, y pénétraient par les cantons méridionaux de Plumaudan et de Tréfumel.

Les principaux bénéficiaires des ventes [Note : Les biens ecclésiastiques furent acquis par vingt-neuf personnes et les biens d'émigrés par cent deux. Il est curieux de remarquer que seulement sept acquéreurs ont fait valoir indifféremment des biens de l'une et de l'autre origine : Pierre Laurent Vaugréna, que Le Carpentier avait conservé comme agent national près le tribunal du district, lors de son épuration du 3 ventôse an II (21 février 1794) [Note : Des juges, il n'avait conservé que Nicolas Faisant, le futur député aux Cinq-Cents. Les autres avaient été incarcérés et remplacés par Jean Postel, marchand de tabac et cabaretier ; Gabriel Guillemot, perruquier ; Julien forestier, clerc de procureur ; Francois Thomas, cultivateur et cordeur de terre, (Arch. Nat. D III. 56)], le négociant Yves Salmon-Basfrêne qui opéra sept acquisitions ; l'administrateur, Joseph Bullourde, propriétaire-cultivateur à Léhon ; un certain Pierre Rolland, de Dinan ; Guillaume La Boixière dont les seize acquisitions devaient être suivies de déchéances ; le marchand Jean Herman ; l'expert Jean-Baptiste Horvais. Parmi les acquéreurs de biens ecclésiastiques, il faut encore citer les négociants Jean Herpin et Gaultier ; Julien Moncoq, membre du Comité révolutionnaire ; le membre du Directoire Louis Barthélemy Anne Auffray, homme de loi à Plumaudan ; l'ancien constituant Toussaint Gagon ; parmi les acquéreurs de biens d'émigrés : les membres du Directoire, Louis Dubos aîné, Augustin Le Clerc-Gervezais et Hédal, l'agent national Corseul ; les juges Nicolas Faisant et Postel ; l'administrateur au département Jacques Olivier Ribault ; l'ancien curé constitutionnel de St-Solain, Cyr Bertrand Cardon le membre du Comité révolutionnaire Jean Louis Auger ; le chef de l'atelier du salpêtre Jean Denis Girard ; et, parmi ceux qui ont déjà joué un certain rôle ou seront appelés à en jouer lors de la réaction thermidorienne : Charles Beslay, Benjamin Delaunay, Joseph Delourmel, Guillaume Robinot, Pierre Berthelot, René Jean Bernard de Ponthoi, Guy André Fougeray. Deux nobles seulement interviennent dans les aliénations : Péan de la Villehunault, le 11 nivôse an III (31 décembre 1794), et Françoise Jourdain de Coutance, en association avec le cultivateur fermier Guillaume Gérou, le 1er germinal (21 mars 1795), nopérant avec évidence que six rachats. En admettant même que certains fermiers, comme René Merdrignac, Jean Riault et quelque autres, aient été personnes interposées, nous arriverions avec peine à une vingtaine d'achats] devaient être les négociants, les marchands, les hommes de loi, en un mot, sinon les plus ardents révolutionnaires [Note : L'un d’entre eux, l'aubergiste Julien Beslay devait être, dans la suite, assassiné par les Chouans. — Pendant l’incarcération de son mari, la sœur de Le Conte, épouse du pharmacien Fouque, fit, d'autre part, valoir une propriété, en association avec René Marteville, de St-Malo], du moins les plus fervents : les Lhermitte, les Benj. Delaunay, les G. Le Merle, les Beslay. L'Etat y gagnait assurément moins qu'eux ; mais si l'on veut bien remarquer que la mise en vente des biens des émigrés constituait moins une mesure fiscale qu'une disposition pénale, le produit de ces ventes était presque tout bénéfice et permettait de compenser, au moins dans une certaine mesure, le déficit qui résultait de la non-rentrée des contributions.

(Léon DUBREUIL).

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