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District de Dinan durant la Révolution : la Chouannerie et la Conspiration de la Cour-Porée.

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Depuis la tentative des Vendéens vers Dol, puis vers Pontorson et Granville, le département des Côtes-du-Nord n'avait à peu près pas été inquiété. Mais l'idée ne pouvait manquer de venir aux Chouans, qui occupaient les districts avoisinants, d'y pénétrer, lorsque se préciserait leur désir de posséder un point sur la mer, de manière à entretenir des relations constantes avec les émigrés de Jersey.

Deux routes, tout au moins, leur étaient indiquées dans la région orientale du département, à travers les forêts et les petits bois qui s'étendaient en lignes presque parallèles de la forêt de Loudéac à la côte de Saint-Quay-Portrieux par la forêt de Lorges, Quintin, Chatelaudren et Plouha ; et des forêts de Lanouée et de Paimpont à Pléboulle par la forêt de la Hardouinais, le bois de Bosquen et la vaste forêt de la Hunaudaye. Enfin, tout à l’est du département, pourvu que les districts occidentaux d'Ille-et-Vilaine leur fussent favorables, par le bois de Coëtquen, ils atteignaient immédiatement l'embouchure de la Rance [Note : Or ces divers chemins, les Chouans les ont suivis à des époques différentes. En l'an II Boishardy s'empare de Jugon, entre les bois de Bosquen et la forêt de la Hunaudaye. Un peu plus tard, au moment du désastre des émigrés à Quiberon, une bande plus importante, après avoir pillé Quintin et Chatelaudren, s'acheminait vers la côte lorsque les nouvelles du Morbihan et les efforts des troupes républicaines lui firent rebrousser chemin, une fois parvenue aux environs de Plélo. — Quant à la route de Coëtquen, qui déjà avait été tentée par les Vendéens, quand ils se demandérent s'ils ne devaient pas se jeter dans la Basse-Bretagne par Dinan plutôt que de se diriger vers Granville, si elle ne put être suivie, la raison en provient sans doute de la découverte de la conspiration de la Cour-Porée en Saint-Hélen].

Le district de Dinan, ainsi flanqué à l'est par le bois de Coëtquen, à l'ouest par la forêt de la Hunaudaye [Note : District de Lamballe. — Boishardy tenait non loin de là son quartier général], limité au sud par le district de Broons, le premier en proie et le plus violemment à la Chouannerie, avait tout à redouter des incursions des rebelles [Note : Les insurgés étaient au reste assurés de trouver des intelligences dans les cantons du sud et de l'est : St-Méloir, Plumaudan, Tréfumel, Evran et Pleudihen. Déjà ils avaient pu s'en rendre compte, dès les mois de ventôse et de germinal, où ils avaient suscité de graves difficultés pour la levée des 300.000 hommes et celle de la première réquisition].

Ce n'est cependant que le 17 floréal an II (6 mai 1794) que, dans une lettre au représentant Jean Bon Saint-André, le Directoire du Département signale l'irruption, dans les districts de Loudéac et de Broons, des Chouans qui tenaient alors les districts de Montfort, Josselin et Ploermel. L'on en aurait vu 400 à Bédée sur la grande route de Rennes à Broons [Note : Le représentant Alquier donna, de Rennes, ordre au district de St-Brieuc de faire rétrograder les chevaux qu'il avait demandés et qui se trouvaient à Guingamp. L'on dut prendre sérieusement garde à la partie « fanatisée » du district de Broons, voisine de celui de Montfort. « Il y a des communes dont on n'a pu obtenir la réquisition ». Enfin on avertissait Le Carpentier. L'on a peu de troupes : on les enverra néanmoins vers Loudéac et Moncontour bien que le général Laborde en ait aussi besoin dans le « district de Port-Brieuc pour exécuter les ordres de Dubois-Crancé relatifs à l'incarcération des pères et mères des déserteurs assez nombreux qui sont sortis des communes entre Port-Brieuc et Quintin, ..... ». A. d. C.-N. 1 L 6/3, ff. 175-176]. Informé des mêmes nouvelles, le directoire de Dinan s'inquiéta de prendre des mesures de précaution [Note : « Les nouvelles officielles que nous recevons de Bécherel et de Jouan [Note : Saint-Jouan-de-Lisle, à cinq lieues environ de Bédée], écrivait-il à la municipalité de Dinan, nous annoncent que les brigands sont dans la commune de Roumillé [Note : Romillé] distante de Bécherel de deux lieues, qu'il y avoit à craindre qu'ils ne se portent sur Dinan. Il convient d'employer les moyens les plus actifs pour leur opposer une force dans le cas de leur en imposer. C'est pourquoi nous vous prions de nous marquer quel nombre d'hommes de la garde nationale peut être mis à la disposition de l'administration pour partir sous deux heures à Evran. Nous attendons votre réponse sur le champ ». A. d. C.-N. 7 L15 f. 36]. La municipalité promit cent cinquante hommes qui obéiraient aux ordres du chef de légion Charles Beslay [Note : Charles-Hélène-Bernardin Beslay était né à Dinan le 1er septembre 1768. Son père était notaire ; il devint avocat. Sous l'influence de son parent Néel de la Vigne, alors maire de Dinan, il fut nommé chef de légion de la garde nationale. Boursault devait l'appeler à l’agence nationale du District. Membre du Corps Législatif sous l'Empire, il demeura député jusqu'en 1830, époque à laquelle il eut l'idée de fonder une association pour le refus de l'impôt. Sous l'Empire il avait obtenu l'entreprise d’une partie du canal d'Ille-et- Rance. En 1830 il se retira à Dinan où il mourut (Juillet 1840)]. Le Directoire demanda aussitôt au commissaire des guerres, Raffray [Note : Ancien maire de Loudéac et ancien administrateur du département qui avait pris part à la défense de Nantes], de lui accorder cinq chevaux « pour monter des vedettes », de manière à être constamment renseigné sur les mouvements des « brigands » et cent cinquante fusils pour les gardes nationaux que l'on allait cantonner à Evran. Raffray accorda les chevaux, mais pour les fusils se retrancha derrière le commandant de la place.

Toute la soirée du 17 fut employée en pourparlers qui aboutirent enfin. Pendant ce temps Beslay avait donné des instructions les plus urgentes aux gardes nationales des communes voisines d'Evran. Ce n'était heureusement qu'une alerte. Au moment du départ, le 18 au matin, un exprès de la municipalité de Bécherel informa le Directoire que les Chouans, qui étaient le 16 au soir à Gévezé, paraissaient se porter du côté de Fougères. [Note : L'on se borna dés lors à féliciter Beslay des dispositions qu'il avait prises, et, sans rapporter absolument l'arrêté du 17, on lui donna quelques instructions de prévoyance. « ... Les dispositions que vous avez prises, les moyens que vous avez employés sont on ne peut plus prudens. Tenez toujours en haleine les gardes nationales ; prévenez celles qui avoisinent les districts de Montfort et de Dol d'être toujours sur leurs gardes et de surveiller activement ces bandits qui cherchent à désoler nos campagnes, en pillant et ravageant tout ce qui se rencontre sur leur passage... ». A. d. C.-N. 7 l. 15. f. 37 — D'autre part Corseul et Barthélemy Auffray étaient envoyés en mission dans les cantons de Tréfumel et d'Evran pour surveiller l'opinion publique et « purifier » les communes « de l'aristocratie »].

L'on resta cependant sur la défensive jusqu'au milieu de prairial [Note : Le 13 prairial (1er juin), un peu rassuré, l'on demandait à Beslay s'il n’y avait pas inconvénient à renvoyer un certain nombre d'hommes. Cette lettre est intéressante car elle montre le cas que les administrateurs faisaient du jeune chef de légion. « La garde nationale est debout. Il falloit prendre un parti actif contre le rassemblement des Chouans qui n'étoit autre que celui d'une première réquisition égarée par des prêtres et des nobles. Aujourd'hui la tranquillité ou du moins les risques ne paroissent plus désirer la même levée en masse. D'un autre côté l’ensemencement du blé noir est pressant. Il faut des bras à l'agriculture. Nous te demandons s’il ne seroit pas possible de concilier ces deux besoins. Il ne faut pas d'ailleurs fatiguer à un travail inutile des hommes appelés par la saison à un travail aussi impérieux que celui de l'agriculture et qui mérite la prévoyance de tous les bons citoyens ». A. d. C.-N. 7 L 15 f. 46]. A cette époque seulement la plupart des hommes furent licenciés, réclamés par les besoins de l'agriculture. Mais, avec un effectif réduit, l’on continua de surveiller les frontières. Des corps de garde restèrent organisés sur les points les plus importants [Note : Ces mesures devaient d'ailleurs avoir pour résultat d'empêcher le moindre soulèvement dans les communes travaillées par les prêtres réfractaires et les embaucheurs].

La tranquillité paraissait s'être complètement rétablie, lorsque le 25 thermidor an II (12 août 1794), l'administration reçut un courrier extraordinaire de la municipalité de Bécherel qui l'informait que « cet endroit [pouvait] être attaqué au premier instant par une horde de brigands qui [semblait] diriger sa marche vers cet endroit » [Note : A. d. C.-N. 7 L 15 f. 61]. L'on priait immédiatement le commandant temporaire de la place, Robineau, de lui envoyer « de la force armée et vingt-cinq livres de provision de guerre ». Ce n'était encore qu'une alerte ; mais qui donna l’occasion de redoubler de vigilance. Aussi, le 1er fructidor (18 août), au reçu par Robineau d'une lettre de l'agent national du district de Port-Malo, Beslay se trouvait-il prêt à faire surveiller « dans les communes riveraines les étrangers qui pourroient y aborder » [Note : « … Nos ennemis se déguisent sous toutes les formes... ». A. d. C.-N. 7 L 15 f. 64]. Le chef de légion ne devait pas avoir longtemps à exécuter de tels ordres. Le 8 (25 août), en infotmant le Directoire que les Chouans s'éloignaient, il déclarait résilier ses fonctions par suite de la suppression de son service [Note : A. d. C.- N. 7 L 15 f. 69].

C’est vers ce moment qu'éclata l'affaire à laquelle fut donné le nom de Conspiration de la Cour-Porée, du nom de la ferme de Saint-Hélen où la majeure partie des documents, qui la révélèrent, avaient été saisis.

L'on s'est assez souvent demandé si cette conspiration avait véritablement existé, et si les administrateurs n'avaient pas eu intérêt à exagérer le péril qu'ils avaient couru, pour obtenir un plus grand bénéfice de la découverte, au moment surtout où s'accentuait la réaction thermidorienne et où l'on pouvait leur reprocher de s'être fait les séides de Le Carpentier. L'examen des faits permettra d'en tirer la conclusion nécessaire.

Le 11 fructidor (28 août 1794), le Comité de Surveillance de Dinan faisait arrêter aux portes de la ville un commissionnaire manchot et boîteux, Joseph Jan. On saisit dans la doublure de son habit divers documents en écriture chiffrée, les uns signés Ricelieta, les autres non signés. Certaines parties de trois lettres étaient écrites à l'encre sympathique. L'on parvint assez rapidement à saisir la clef de l'écriture, tandis qu'on lisait les parties en blanc à l'approche du feu.

[Note : Nous en donnons l'alphabet :

District de Dinan (Bretagne) : Clef de l'écriture de la Chouannerie (alphabet)..

Tous ces documents avaient trait à l'organisation de « l'armée catholique et royale » et donnaient certaines instructions sur la manière d'obtenir des enrôlements. L'un d'entre eux, sans signature, mais que l’on supposa émaner de Puisaye, attira surtout l'attention du Comité de Surveillance. Il y était question d'organiser le pays en divisions et en cantons. On comptait sur Boishardy pour propager cette méthode, et la lettre se terminait par les ordres suivants : « ... Faire venir de St-Maden, Flaut, sans rémission, tâcher de le remplacer par Le Ray et l'employer à Rosternen et pays environnans. Donner les fonds aux uns et aux autres. On trouvera Flaut par le moyen de Dargentière et Le Ray par celui de Flaut. Tenir registre de tous les arrêtés et des notes très succinctes de la correspondance. Traiter acec activité et profusion l'affaire de Dinan [Note : C'est nous qui soulignons]. Faire veuir Monnier de Dol, en faire un chef de canton capitaine. Ménager des correspondances dans les villes et faire travailler les garnisons... » [Note : Les dossiers des A. d. C.-N. concernant la Conspiration de la Cour Porée portent les cotes L (m5) liasses 71-72].

Interrogé, Jan déclara tenir ces documents d'une veuve Guitton, ci-devant noble, domiciliée à la Cour-Porée, dans la commune de Saint-Hélen. Le Comité de Surveillance se dessaisit immédiatement de l'affaire, qui lui parut grave, entre les mains du Directoire du District. Celui-ci poursuivit l'enquête et se rendit compte que se trouvaient compromises des personnes des districts de Dinan, Montfort, Ploërmel et Josselin, assurément des comparses, mais au moyen desquelles l'on parviendrait peut-être à se saisir des chefs du mouvement.

Sur ces entrefaites, le représentant Pierre-Joseph Lion [Note : Pierre Joseph Lion, élu premier suppléant par la Guadeloupe, remplaca le 2ème député Guillermin, mort en route. Il était né le 19 mars 1757], ayant rempli la mission dont il était chargé à St-Malo, se dirigeait vers Brest. Le 13 (30 août), il fut arrêté à Dinan par le Comité de Surveillance et les administrateurs du district qui, craignant les indiscrétions, si l'on instruisait tous les directoires de cette affaire, demandaient à être chargés de la poursuivre seuls. Lion leur accorda l’objet de leur réclamation, sous réserve de se concerter avec le juge de paix du lieu dans les cantons qui ne dépendaient pas de leur district et de faire ratifier son arrêté par son collègue Tréhouart [Note : Bernard Thomas Tréhouart, sieur de Beaulieu, était né à St-Malo, le 14 janvier 1754. Colonel de la garde nationale, puis maire de St-Malo, enfin 4ème député suppléant à la Convention Nationale, il y siégea en remplacement de Lanjuinais, à partir du 4 août 1793, (Cf. G. Saint-Mleuæ. op. cit. p. 93, en note). — Tréhouart confirma purement et simplement l'arrêté de Lion] qui passait le lendemain par Dinan [Note : Il en rendait compte, de Brest, le 15 fructidor (1er septembre) au Comité de Salut Public, et ajoutait : « ... J'espère, citoyens collègues que vous ne désapprouverez pas une mesure que le bien public m'a suggérée ; le complot étoit évidemment prouvé et les coupables connus par une lettre trouvée entre la doublure de l'habit d'un mendiant détenu dans les prisons de cette commune. Cette lettre, écrite en style énigmatique, contenait entre les lignes des caractères blanes et invisibles qui ont pris couleur en les approchant du feu et qui ont prouvé un complot existant entre les particuliers qu'on a dû arrêter, des émigrés et même des prisonniers de Dinan... ». A. Aulard. Actes du Comité de Salut Public].

Le Directoire, de concert avec le Comité de Surveillance, s'empressa de nommer dix-huit commissaires, parmi lesquels Bullourde et Corseul étaient chargés de « l'affaire de Dinan », Jean Herpin et l'ancien régent du collège, Jacques Opportun Sergent, étaient envoyés à St-Hélen, pour perquisitionner à la Cour-Porée ; Bouttier et Auger, à Mauron, dans le Morbihan, pour procéder conjointement avec le juge de paix Joseph Bonamy, à l'interrogatoire de Mlle du Noday, impliquée dans le complot ; le marchand Charpentier. à Bédée et à St-Gilles, en Ille-et-Vilaine, sur la grande route de Rennes à Brest [Note : Parmi les autres, nous citerons Turpin, Mazurier, Le Nouvel, La Boixière, Moncoq, etc... ].

Bullourde et Corseul parvinrent à se rendre compte que « l'affaire de Dinan » qu'on recommandait de « traiter avec activité et profusion » consistait en un « plan de corruption concerté par nos ennemis pour faire insurger les prisonniers anglois ». Diverses lettres leur avaient déjà été écrites, et, dans une dernière, du 30 août, signée Théobalde, nom de guerre d'un noble français dont on ne put dévoiler l'anonymat, on les exhortait à la rébellion, dans la pensée « qu'ils aimeroient mieux se battre pour la liberté que de rester en prison », que le moment était proche « parce qu'on attendoit en peu leurs compatriotes sur les côtes de France ». On avait joint à l'envoi une certaine somme en assignats et en écus. Le tout avait été remis à un nommé Jean Lanfeley, de Guernesey, « par une fille ou femme d'environ 30 ans, d'assez bonne mine, vêtue d’une camisole ou casaquin de coton bleu et blanc rayé », Fanchon Lainé ou Piquet [Note : Les commissaires ordonnérent la mise au cachot de Lanfeley et firent arrêter Fanchon et son mari ou son amant Piquet].

D'autre part, les perquisitions de Sergent et de Herpin à la Cour-Porée avaient été des plus fructueuses. Trente-cinq pièces y avaient été saisies, à l'aide desquelles on put reconstituer au début de vendémiaire an III le « Précis de la Conspiration contre la République ».

[Note : Nous croyons devoir le reproduire entièrement : « Précis de la Conspiration contre la République. Un des messagers de l'aristocratie fut arrêté le 15 fructidor (28 août 1794) aux portes de Dinan, il avoit cousu dans ses habits les dépêches dont il étoit porteur. Quoiqu'étrangères à la conspiration, elles aidérent à en découvrir le fil.

L'administration rechercha tout à la fois les auteurs et ceux auxquels s'adressoit cette correspondance. Les noms étoient défigurés mais le zèle sçut tout éclaircir, et une visite dans la maison où les lettres devoient être portées a fourni des renseignemens précieux et intéressans sur une conspiration affreuse ourdie contre la République.

Un commissaire de l'administration et un détachement de la garde nationale de Dinan allèrent entourer le repaire des conspirateurs. A leur apparition la frayeur saisit ces scélérats qui, vigoureusement chargés, abandonnèrent dans leur fuite précipitée les papiers du Conseil qui dirigeoit cette conspiration. Un d'eux, sur lequel on tira un coup de pistolet, tomba, se releva aussitôt et parvint à s'enfuir. Il est probable que c'étoit le baron de Cormartin, major général de l'armée : car nous avons la certitude que seize jours après il n'avoit pas rejoint ses camarades. Bientôt des recherches suivies sur l’azile de ces infâmes ennemis nous livrèrent la correspondance du Comité central.

L'examen de ces papiers a offert les renseignemens dont on présente le tableau.

Les opérations des armées catholiques et royales sont dirigées par un conseil militaire.

Le 26 août 1794 (vieux stile), 9 fructidor dernier, il prit un arrêté pour l'organisation d’un comité central revêtu de tous les pouvoirs et d'un état-major général et pour la composition d'une armée.

Cette armée sous les ordres du général comte de Puisaye étoit divisée en six commandemens principaux.

Lamballe sous les ordres de Boishardy, Lominé, Bignan et Boulainvilliers.

Rochefort sous les ordres de Des [ils] [Note : De Silz].
Fougères sous les ordres de Boisguy.
Saint-Hélen sous les ordres de Solliliac [Note : Solilhac].
Guipry sous les ordres de Tomelin.
La Bourdonnaye, en outre, commandoit dans le Morbihan.

Quelque espoir que le conseil parût fonder sur la protection du gouvernement britannique, il crut nécessaire d'envoyer le comte de Puisaye près de ce gouvernement et des princes français.

Deux lettres indiquent les dispositions du ministre anglois.

« ....... L'une, du ministre Dundas, en datte du 22 février 1794, annonce que Georges persiste dans les intentions que manifeste sa déclaration d'octobre 1793, et qu'on ne peut compter sur des secours efficaces qu'après que les brigands se seroient emparés d'un port fortifié ; elle témoigne le regret que la retraite forcée des brigands des côtes de la Manche ait rendu inutile la campagne de Lord Moira qui attendoit à Guernezey l’occasion de jetter des secours.

L'autre, du marquis de Du Dresnay, en datte de Jerzey, 20 mai 1794, annonçoit la présence de l'armée de lord Moira à Guernezey et ses bonnes dispositions, et invitoit à établir une correspondance suivie.

On étoit parvenu à établir cette correspondance par Saint-Coulomb, près Port-Malo. La communication dans l’intérieur étoit servie par des habitans des pays intermédiaires.

Il paroit que le comité central de l'armée de Bretagne devoit prendre quartier dans les environs de ce District, afin de réunir le double avantage de correspondre facilement avec l'Angleterre, et d’être au centre des forces qu'il devoit diriger. Il avoit choisi la commune d'Hyroduar [Note : Irodouër], près Bécherel, district de Montfort.

Le projet étoit d'organiser la guerre civile dans une grande partie de la ci-devant Bretagne et de protéger une descente sur nos côtes.

Occupés seulement à préparer les esprits, à recruter et enrôler sous les étendards de la relligion et du roi, à lier principalement à leur parti les campagnes, à mettre à profit l'influence dangereuse des prêtres, à réveiller le fanatisme et l'aristocratie, en distribuant des brefs supposés et annonçant l'existence d'un légat sur le siège de Dol, occupés enfin dans le silence à multiplier leurs moyens par les insinuations les plus perfides, les conspirateurs préparoient une explosion simultanée dans la plus grande partie de la Bretagne et recommande (sic) à leurs complices la plaus grand discrétion et le plus grand soin de feindre une tranquilité trompeuse qui peut leurs (sic) ménager une surprise avantageuse contre les républicains, et assurer le succès des mesures concertées avec le tyran d'Angle. « Le 30 aoust (stile esclave), 13 fructidor, le Comité central, sur les rapports et les renseignemens donnés par Boishardy, avoit arrêté de les transmettre à Puisaye, afin de combiner les opérations avec le gouvernement britannique. Il assuroit que tous les habitans de la côte depuis Le Légué jusqu'à Iffiniac protègeroient un débarquement et la garde du fort des Rosseliers étoit disposée à jetter les canons à la mer à l'approche des Anglois. Il annonçoit qu'on allait travailler les campagnes sur la côte de Saint-Cast et que les côtes étoient dépourvues de troupes républicaines. « Puisaye, général en chef, occupé des moyens de passer en Angleterre et qui avoit trouvé à son passage moins de facilité qu'il n'avoit espéré adressoit au Commité central des avis successifs.

Il récommandoit aux forces des Chouans de Chateaubriand d'établir une correspondance suivie avec eux, de leur faire part des dispositions prises par le Commité, d'écrire à Charette, de ménager des correspondances dans les villes, de travailler les garnisons, de propager l'insurrection de proche en proche dans les Côtes-du-Nord, d'activer le service des chefs de canton, de lever une compagnie de deux cens hommes de cavalerie légère et presser avec activité et profusion l'affaire de Dinan (cette affaire a été traitée dans nos murs par une femme de Pleudihen qui servoit d'émissaire auprès des prisonniers anglois détenus à Dinan, pour préparer dans les prisonniers une insurrection ; les moyens employés étoient une distribution d'argent).

Puisaye annonçoit qu'il devoit arriver de la poudre, qu'il enverroit en peu de jours de l'argent, feroit passer des officiers et chargeroit d'envoyer moitié dans le Morbihan. Il marquoit de leur faire espérer des brevets et des croix de Saint-Louis, de fixer sans économie leurs appointemens, et de leur demander la liste des hommes qu'ils commandoient, distribués en compagnies de cinquante hommes, tous les ordres de correspondance (sec).

Il écrivoit enfin le 27 aoust que dans vingt jours il seroit de retour en Angleterre où il s'est rendu avec l'espérance de décider le gouvernement à faire une descente sur nos côtes.

En même tems que le Commité déféroit à ses principaux complices les grades dans l'état-major de l’armée royalle, il faisoit en son nom une proclamation à l'armée républicaine et promettoit aux traîtres des récompenses et des avancemens.

Il répandoit la nouvelle que huit à douze mille Normands s'étoient insurgés et emparé de dix-huit communes patriotes, mais que n'ayant ni officiers, ni plan, ni l'audace d'égorger les patriottes sans l'autorisation du roy, cette horde avoit dépêché vers lui un officier qu'il avoit renvoyé avec quelque fonds et la permission de massacrer les patriotes. Il vantoit le service des chouans et invitoit au moins les braves à se réunir à eux et aux Normands pour former un corps d'élite et estre en mesure de recevoir ses secours promis ou du moins s'emparer d'une position assez favorable pour si (sic) fortifier avant l'hiver.

Les pièces de comptabilité trouvées dans les papiers du Commité aprennent la distribution d'argent qui a été faite aux chefs de division et de canton ; il paroist que ces scélerats ont eu le moyen de se procurer de faux assignats, et il est plus probable que l'Angleterre fournit en ce genre à leurs besoins. Tous les fonds paroissent reçus et distribués par le Commité central.

Il paroist que les conspirateurs étoient encore loin d'avoir formé un noyau d'insurrection dans nos cantons et qu'ils avoient trop compté sur la facilité d'attacher nos campagnes à leur parti. Ils avoient fait annoncer que le 20 fructidor (6 septembre 1794), l'Anglois feroit un débarquement, que l’insurrection éclateroit en même tems que Dinan seroit attaqué et le soir du 20, soit accident, soit malveillance, la maison de la commune dont l’incendie pouvoit mieux servir de signal aux campagnes et aux prisons, fut incendiée aux dix heures du soir.

D'autres feux furent apperçus dans le lointain. Les effets de la malveillance furent inutiles. On [n'] a point appris qu'aucun rasemblement se fut effectué ; les prisons furent tranquilles »].

De son côté, Charpentier saisissait à Saint-Gilles, sur un certain Jean-Baptiste Lambart, 14 pièces compromettantes et 4.000 l. de faux assignats.

Dès lors l'on n’eut plus d'autre idée que de s'emparer de Puisaye et des autres chefs des chouans, et, le 20 fructidor (6 septembre), le Directoire nommait Herman, membre de la municipalité de Dinan, commissaire à Saint-Enogat et à Pleurtuit, pour se rendre à La Vicomté-sur-Rance, où l'on supposeit que le commandant en chef était caché. Les recherches entreprises pour retrouver les chefs de la conspiration ne furent point couronnées de succès. L'on n'en arrêta pas moins 55 personnes prévenues de complicité à des titres différents :

1. Joseph JAN, d’Illifaut (district de Broons), convaincu d'avoir porté des lettes suspectes.
2. ANSQUER, Veuve GUITON, de Saint-Hélen (dist. de Dinan) convaincue de correspondance avec des chefs et agens de la conspiration et de les avoir logés.
3. Jeanne LORRE, femme LE ROUX, de Dinan, convaincue d'avoir servi d'intermédiaire pour la correspondance qui a eu lieu entre les prisonniers anglois et les chefs de la conspiration.
4. Thérèse LEGRAND, de Dinan, prévenue d'avoir logé et d'avoir des intelligences avec Jeanne Périniaux, de la commune de Pleudihen, agente des conspirateurs.
5. Veuve AROT, de Dinan, prévenue d'avoir fait communiquer la femme Le Roux et Jeanne Périniaux pour faciliter la correspondance avec les prisonniers anglois.
6. Jeanne SÉRET, de Dinan, prévenue d'intelligence avec Jeanne Périniaux, de l'avoir logée et d'avoir participé à la correspondance, avec les prisonniers anglois
7. Olive GUITON, de Saint-Hélen (dist. de Dinan), âgée de plus de 80 ans, étoit présente quand les étranger trouvés chez la Guiton y arrivèrent.
8. René JÉGOU, de Saint-Hélen, prévenu d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
9. DUFOUR, de Saint-Père-Marc-en-Poulet (dist. de Port-Malo), prévenu d’avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
10. Olive BUSNEL, veuve Le PORT, de Saint-Suliac (dist. de Port-Malo), prévenue d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
11. Julienne LE PORT, de Saint-Suliac (dist. de Port-Malo), prévenue d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
12. Thérèse VINCENT, femme DUBUAT [Note : Cf. JULES HAIZE. Un lieutenant du marquis de la Rouerie : Julien Vincent, 1906], de Saint-Malo. Cause inconnue ayant été arrêtée par ordre du district de Port-Malo.
13. FAUCHON, de Saint-Coulomb (dist. de Port-Malo). Prévenu de favoriser la campagne avec l'Angleterre. Renvoyé sous caution par le district de Port-Malo.
14. Joseph GLARD, de Saint-Coulomb, prévenu d'avoir conduit ou porté les messages des conspirateurs.
15. DURAND, de Saint-Coulomb. Cause inconnue, ayant été arrêté par ordre du district de Port-Malo.
16. Pierre LE PORT, de Saint-Suliac (dist. de Port-Malo), prévenu d’avoir conduit ou porté des messages des conspirateurs.
17. Olive Le PORT, de Saint-Suliac (dist. de Port-Malo), prévenue d’avoir conduit ou porté des messages des conspirateurs.
18. Julien Le PORT, de Saint-Suliac (dist. de Port-Malo), prévenu d'avoir conduit ou porté des messages des conspirateurs.
19. Marie A.-N. DUNODAY, de Mauron (dist. de Ploërmel). prévenue de correspondance avec la veuve Guiton et avec son frère émigré.
20. LE GUENEC DUNODAY, mère, prévenue du projet d'émigration.
21. Pierre PELLOUAS, de Pleudihen (dist. de Dinan), prévenu d’avoir conduit chez la Guiton les conspirateurs qui y furent trouvés.
22. François JUHEL, de Pleudihen (dist. de Dinan), prévenu d'avoir conduit ou porté les messages des conspirateurs.
23. Pierre CHANTREL, de Cardroc (dist. de Montfort), soupçonné d'être agent de la correspondance des conspirateurs.
24. Anne MESLÉ, du Guillier (dist. de Ploërmel), prévenue d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
25. Joseph LECHAT, de Saint-Ouen (dist. de Ploërmel), prévenu d’avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
26. Ambroise LECHAT, de Saint-Ouen (dist. de Ploërmel), prévenu d’avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
27. Veuve LECHAT, de Saint-Ouen (dist. de Ploërmel), prévenue d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
28. Guillaume BOUCHER, de Guenroc (dist. de Dinan), prévenu d’avoir conduit et porté les messages des conspirateurs et avoir reçu une lettre de la fille Dunoday.
29, Louise BÉNAZÉ, de Guenroc (dist. de Dinan), prévenue d'avoir lu la lettre de la fille Dunoday.
30. Jeanne GUÉRIN, de Guenroc (dist. de Dinan), prévenue d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
31. Jean OLLIVIER, de Pleudihen (dist. de Dinan), prévenu d’avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
32. François RAULT, de Saint-Thélo (dist. de Loudéac), prévenu d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
33. Jean HAMON, de Saint-Thélo (dist. de Loudéac), prévenu d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
34. Mathurin JÉGO, de Saint-Thélo (dist. de Loudéac), prévenu d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
35. Angélique SAMSON, d'Illifaut (dist. de Broons), prévenue de favoriser les brigands.
36. Pierre GOURDEL, de Saint-Père (dist. de Port-Malo), prévenu de favoriser les brigands et d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
37. Mathurin CHALMEL, d'Illifaut (dist. de Broons), prévenu de favoriser les brigands et d'avoir conduit et porté les messages des conspirateurs.
38. Jean COURTEL, de Saint-Méen (dist. de Montfort), prévenu d'avoir conduit et protégé les messagers des conspirateurs.
39. Jean-Baptiste LAMBART, de Mordelles (dist. de Rennes), convaincu d'être enrôlé dans l’armée royale et porteur des dépêches des conspirateurs.
40. François GRANDVALET, de Plumieux (dist. de Loudéac), prévenu d'avoir porté des dépêches des conspirateurs.
41. Julienne Le BRUN, de Saint-Gilles (dist. de Rennes), prévenue d'intelligence avec les conspirateurs.
42. Michel RASTEL, de Saint-Gilles (dist. de Rennes), prévenu d'être agent et caissier des conspirateurs.
43. François PERSECHAIS, de Saint-Gilles (dist. de Rennes), prévenu d’être agent et caissier des conspirateurs.
44. Alexandre PERSECHAIS, de Saint-Gilles (dist. de Rennes), prévenu d'être agent et caissier des conspirateurs.
45. Baptiste ROUGEU, de Mordelles (dist. de Rennes), prévenu d'être enrôlé dans l'armée royale.
46. Pierre ROUGEU, de Mordelles (district de Rennes), prévenu d'être enrôlé dans l’armée royale.
47. Jean ROUGEU, de Mordelles (district de Rennes), prévenu d’être enrôlé dans l'armée royale.
48. René-Narcisse BÉCHENEC, de Brignac, prévenu d'intelligence avec les conspirateurs.
49. Mathurin BOUCHARD, de Brignac, prévenu d'intelligence avec les conspirateurs.
50. Pierre BRIEUC, d'Illifaut, prévenu d'intelligence avec Les conspirateurs.
51. Jean TRAMELEUC, d'Illifaut, prévenu d'intelligence avec les conspirateurs.
52. Julien BECDELIÈVRE, d'Illifaut, prévenu d'être chef de la conspiration.
53. Pierre Le CONTE, d'Illifaut, prévenu d'être chef de la conspiration.
54. Pierre-François RESTIF, d’'Illifaut, prêtre sujet à la déportation arrêté à Port-Malo.
55. Femme BÉCHENEC, prévenue d'intelligence avec les conspirateurs.

Les premiers résultats avaient encouragé les administrateurs. Les esprits étaient, d'autre part, singulièrement surchauffés à Dinan. Aussi l'on décida d'envoyer des commissaires au Comité de Salut Public pour lui rendre compte de la découverte de la conspiration, obtenir des félicitations et demander que l'on envoyât un représentant en mission. L'on avait choisi les plus beaux parleurs du Directoire, l'ancien régent Dubos et l'avoué Hédal, auxquels l'on avait adjoint « le brave Aubry », commandant de la garde nationale.

Ils furent reçus le 22 fructidor (8 septembre 1794), par Treilhard, Bréard et Carnot [Note : Jean-Baptiste Treilhard, député de Seine-et-Oise, ancien membre de la Constituante ; Jean-Jacques Bréard, député de la Charente-Inférieure, ancien président du département ; Lazare Carnot. ancien officier du génie, ancien membre de la Législative, député du Pas-de-Calais] qui rendirent hommage à leur zèle, mais ne parurent guère croire à la gravité de la conspiration. Les envoyés de Dinan insistèrent et finirent par obtenir du Comité qu'il nommât en mission les représentants Leyris et Bouret [Note : Augustin-Jacques Leyris, député du Gard, ancien membre de la Législative et vice-président du district d'Alais. — Il avait alors 32 ans. — Henri-Gaspard-Charles Bouret, élu premier suppléant par le département des Basses-Alpes. Il remplaça, le 3 juin 1793, le député Verdolin, mort à Paris, au mois d'avril. Bouret était né le 16 juillet 1752. Il devait faire partie du Conseil des Anciens] (27 fructidor — 13 septembre) [Note : Entre temps, l’on avait eu une vive alerte à la réception d'un billet des administrateurs du district de Port-Malo, daté du 24 fructidor (10 septembre), à 11 heures du soir : « Vous trouverez de l'autre part copie de l'avis que nous recevons de l'apparition d'une flotte angloise devant les côtes de Pospoder. Il y a à craindre de voir se réaliser l'avis que vous nous avez donné des projets de nos ennemis. Volez à notre secours et jetez au plus tôt dans notre place des subsistances ». Le général Chabot s'était empressé de faire l'un et l'autre, mais l'on en avait été quitte cette fois encore pour la peur. — Enfin, le 29 fructidor (15 septembre), ordre était donné à Beaugrand, ingénieur de l'arrondissement de l'Est, de démolir « de jour à autre » le château de Coëtquen, près la Cour-Porée « dont la force et la proximité avec la forêt du même nom peut servir de refuge aux ennemis de la République » et d'en combler les douves. — A. d. C.-N., 7 L 15, f. 72].

Leur premier compte-rendu, daté de Dinan, le deuxième jour des sans-culottes an II (18 septembre 1794) ne contient guère que des renseignements sur l'esprit public. Les représentants ne semblent pas avoir été beaucoup frappés du péril couru, et, en tout cas, ne le jugent-ils pas imminent [Note : « Vous savez que dans tous ces départemens, il y a beaucoup d'ignorance et de fanatisme, et que les malheurs viennent de là. Ce sont des lumières à répandre d'un côté, des mesures sages et prudentes à employer, la conviction enfin, pour ceux qui, étant de bonne foi, mais remplis de préjugés et entourés de pièges, se trouvent coupables sans le savoir et contrarient ainsi la marche de la Révolution ; quant à ceux que la raison et la vérité ne peuvent gagner, il n'y a d'autres moyens que les mesures de la plus grande sévérité ; les ennemis de la Révolution doivent être aussitôt frappés qu'ils sont connus... » A AULARD. Actes du Comité de Salut Public, t. XVI, p 782]. Ils n'en confirmaient pas moins à l’administration du district (8 vendémiaire, an III — 29 septembre 1794) les pouvoirs qui lui avaient été provisoirement conférés par Lion et par Tréhouart, dans un arrêté où ils rendaient hommage à son courage et à son zèle, mais où ils ne s'expliquaient que très vaguement sur les moyens à employer [Note : ... Continuer « de prendre les mesures les plus actives et les plus efficaces pour déjouer tous les efforts de la malveillance et parvenir à la découverte des conspirations qui pouvoient se former... pour assurer... la paix et la tranquillité publique », enfin achever de recueillir des renseignements sur la conspiration de la Cour-Porée].

Au reste, toutes recherches devaient être vaines désormais. Le complot que l'on avait découvert et qui avait causé tant d'émotion, était connu depuis longtemps par le Comité de Salut Public, tout au moins dans ses grandes lignes : la conspiration de la Cour-Porée se réduisait à de plus exactes proportions ; elle ne menaçait pas de devenir le « foyer d'une nouvelle Vendée », elle était uniquement un « foyer » d'embauchage.

Dès le 13 vendémiaire (4 octobre), l'administration constatait que la situation politique du District était bonne, la tranquillité générale, et arrêtait d'inviter « le commandant du bataillon » de la commune de Pleudihen « à faire supprimer le poste établi à la Cour-Porée, en la commune de Hélen », le remerciant d’ailleurs de son activité et de son zèle [Note : A. d. C.-N., 7 L 15, f. 76. — Le 28 vendémiaire (19 octobre), Leyris et Bouret, alors à Ploërmel, ordonnaient l'élargissement de la veuve Lechat et de ses enfants, Ambroise et Joseph, contre lesquels rien n'avait été relevé. A. d. C.-N. L (m5), liasse 75]. En brumaire, la sécurité était telle que le Directoire ordonnait de rendre les routes plus praticables et de restaurer les ouvrages qui avaient été démolis, il y avait plus d'un an, à l'approche des Vendéens [Note : Dans une lettre de l'administrateur du département Hello à son ami Vistorte, agent national du district de Guingamp, à la date du 15 brumaire (5 novembre 1794), il écrit : « Le commandant de la place de Port-Brieuc vient de nous apprendre que le représentant Leyris à manqué d’être assassiné sur la route de Ploërmel à Vannes. Ces B… là se remuent encore ». A. d. C.-N., L (m5), liasse 76]. Jamais la situation ne devait être meilleure qu'au cours de ce mois et du mois qui suivit, jusqu'au jour où, peu après l'épuration, par Boursault, des administrations constituées, elle allait devenir particulièrement critique.

Quant à la Conspiration de la Cour-Porée, on continuait à l'instruire et l’on se rendait compte que contre un grand nombre de détenus l’on n'avait pas « de preuves qui puissent les faire regarder comme conspirateurs », que « plusieurs sont des pères de famille, des journaliers, des laboureurs, des femmes et ayant peu de fortune, que depuis plus de trois mois ils sont en état d'arrestation et que la privation de leur liberté doit être regardée comme une punition assez forte pour la plus grande quantité, ... que les terres restées sans culture par l'effet de leur détention demandent leurs présences ». Leyris et Bouret, de retour à Dinan « voulant concilier la justice et l'intérêt de tous », par un arrêté du 3 nivôse an III (23 décembre 1794), ordonnaient la mise en liberté de vingt-quatre [Note : Le prêtre Restif avait été déporté. La veuve Lechat et ses enfants étaient déjà en liberté] des prétendus conspirateurs, dont le commissionnaire Joseph Jan. Les vingt-sept autres [Note : La veuve Guiton, la femme Le Roux, Dufour, la veuve Le Port, la veuve Dubuat, Julienne Le Port, Fauchon, Joseph Glard, Durand, Pierre Le Port, Marianne Dunoday et sa mère, Pierre Pellouas, François Juhel, Guillaume Boucher, Louise Bénazé, Angélique Samson, Mathurin Chalmel, Pierre Gourdel, Jean-Baptiste Lambart, François Grandvalet, Julienne Le Brun, Michel Ratel, François et Alexandre Persechais, René-Narcisse Béchenec, Pierre Le Conte] furent maintenus en prison et les pièces remises au Comité de Sûreté générale pour qu'il prit telles mesures qu'il jugerait convenables [Note : A. d. C.-N., L (m5), liasse 71].

Nous ignorons absolument ce qu'il décida : mais il est probable que les uns et les autres furent remis en liberté à une date plus ou mois éloignée, et, en tout cas, qu'ils bénéficièrent de la première amnistie accordée aux Chouans. [Note : Les papiers relatifs à la Conspiration de la Cour-Porée ne lui avaient été remis par les représentants qu'à la fin de pluviôse, comme le démontre une lettre de 26 (14 février 1795) adressée par Bouret à l'agent national Charles Beslay].

Dès le 7 nivôse (27 décembre 1794), par un nouvel arrêté, Leyris avait fait incarcérer le marchand Philippe Charpentier, « âgé de 27 ans », commissaire du Directoire à St-Gilles, accusé de s'être emparé d'une quantité d'assignats de 25 l. et 50 s. sur Lambart, assignats reconnus faux, et les avoir mis en circulation. Bientôt de nouvelles charges s'ajoutèrent aux précédentes : on l’accusa d'avoir excipé de son titre de commissaire pour s'emparer d'un cheval et violer une jeune fille. Dans son interrogatoire du 18 (7 janvier 1795), il nia l'essentiel des faits, et il semble bien qu'il fut élargi, en ventôse ou en germinal, sur l’ordre de Guezno et de Guermeur [Note : L'un et l’autre députés du Finistère. — Mathieu Guezno était négociant, membre du Directoire du Département. Il avait alors 30 ans et devait sièger au Conseil des Cinq-Cents. — Plus âgé, (il était né le 21 avril 1750), Jacques-Tanguy-Marie Guermeur, ancien commissaire national du tribunal de Quimperlé, allait faire partie du Conseil des Anciens].

En somme, lorsque le 24 frimaire an III (14 décembre 1794), l'administration nommée par Le Carpentier cessait ses fonctions, la tranquillité n'avait pas été sérieusement troublée dans le district de Dinan. Une alerte du côté de Bécherel, la « conspiration » de la Cour-Porée avaient été les seuls mouvements de la Chouannerie [Note : Le 22 frimaire (12 décembre), Boursault, venu à Dinan pour épurer les autorités constituées, annonçait au Comité de Salut Public que « l'armée catholique et royale [venait] d'éprouver un nouvel échec. La caisse de l'état-major est entre nos mains : 500.000 livres de faux assignats trouvés dans la commune de Quévert, à demi-lieue de Dinan, des armes ou pistolets d'une nouvelle fabrique angloise, 2.334 livres en écus, et le fameux Gilles Le Lièvre tué [Note : Le chevalier de Blondel, adjoint au Comité de l’armée catholique et royale] », et il se vantait de pacifier rapidement le pays : « Ils ont confiance en moi. Ça va et çà ira ». A. AULARD. Actes du Comité de Salut Public, t. XVIII, p. 66. — Son influence devait être assurément excellente, mais il en prévoyait les effets à beaucoup trop brève échéance]. Mais en dépit des affirmations de Boursault, la situation allait être pour le district de Dinan plus difficile que jamais. Après s'être emparés de Jugon, le 25 frimaire (15 décembre), les Chouans devaient, pour la première fois, envahir le district d'une manière sérieuse. Ce sera la tâche du représentant Boursault et des nouveaux administrateurs de chercher les moyens de rétablir la sécurité.

(Léon DUBREUIL).

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