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Le château de Dinan : sa fondation, son architecture et ses détails historiques.

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I.

Tout près du Champ, cette place historique que décorent plusieurs rangs d'arbres verdoyants et touffus dont le feuillage semble se complaire à former un berceau frais et ombreux à la statue en pied du plus grand capitaine qu'enfanta le XIVème siècle, l'immortel Du Guesclin, s'élève fier et grandiose le donjon superbe du Château de Dinan, qui sortait des entrailles de la terre au même temps où l'invincible guerrier, las de tant de luttes sanglantes, et vaincu lui-même par la parque inflexible, demandait à la terre le dernier repos.

Ce monument, par son aspect guerrier, était digne de l'époque du héros et digne de veiller, comme une sentinelle puissante et vigilante, à la sûreté de cet autre monument élevé à la mémoire de ce grand homme dont le nom et les hauts faits vieilliront avec le monde, sans jamais s'effacer des pages de l'histoire.

Le château de Dinan (Bretagne).

Le Château de Dinan s'annonce au loin par une impression de force et de grandeur qui lui donne un caractère de supériorité sur tous les édifices qui l'environnent. N'était-ce pas aussi au temps des guerres une puissante vigie affrontant les vexations belliqueuses de l'ennemi, et un tutélaire veillant au salut de la ville rangée à ses pieds. Jamais enceinte de murailles ne fut munie d'un contour plus gracieux ; jamais les mâchicoulis d'un donjon ne furent supportés par des contreforts plus étranges à la fois et plus élégants ; jamais, enfin, les regards des guerriers ne furent enchantés par un paysage plus ravissant ; admirable architecture militaire, et que l'on pourrait dire sans exemple et sans imitation dans notre vieille et héroïque Bretagne.

En somme, ce monument, d'une très belle construction et d'une conservation entière, semble être destiné à résister encore pendant des siècles à l'effort du temps. Quelques soins de l'administration, quelques sommes convenablement employées à son entretien, le maintiendront dans toute sa beauté. Il restera le témoin muet des événements passés, pour les générations qui se succéderont aux pieds de ses murailles.

Les fenêtres, partagées par une croix de pierre, la forme des créneaux, des machicoulis, le plan même de l'édifice, tout annonce cette architecture mauresque née dans des climats plus doux, et qui paraît comme étrangère sous notre ciel humide. C'est là qu'étaient les habitations de ces guerriers qui faisaient une prison de leur demeure, et qui ne se croyaient en sûreté que lorsqu'ils étaient inaccessibles.

Nous recommandons surtout aux étrangers et aux voyageurs de monter sur le point élevé de la forteresse, le soir, quand la nuit commence à envelopper l'horizon d'un voile mystérieux, et le matin, au moment où l'orient jette ses premiers feux sur le vaste tableau qui s'étale auprès et au loin dans toute sa magnificence.

Si l'architecture de ce monument est curieuse dans ses détails, son principal intérêt est dans les traditions qui se rattachent à ses antiques murailles et dans les souvenirs historiques dont il a été le théâtre : séjour des gouverneurs de la ville, demeure des ducs et princes de Bretagne pendant leurs voyages, forteresse de la ville contre l'ennemi étranger, prison d'Etat ; enfin, aujourd'hui, maison d'arrêt, asile de la peine, et peut-être du remords, et les gémissements, les pleurs et les soupirs ont succédé au fracas des armes et à la voix rude et sèche du guerrier. Tout vous annonce une prison, ces grilles ces verrous, ces guichets, ces portes massives s'ouvrant bruyamment les unes sur les autres, ces cachots souterrains que le jour n'éclaire que par pitié d'une lueur, lente et faible, les murs en sont noirs, et l'on y pénètre encore qu'avec une certaine horreur, le jour n'arrive point jusqu'au fond de ces abîmes.

Malgré tous ces drames, un château qui a possédé un personnage comme Anne de Bretagne est un château illustre, et ce n'est pas sans intérêt que l'on visite la résidence d'une femme aussi célèbre, duchesse de Bretagne et deux fois reine de France. Anne de Bretagne ! ce nom, doux comme un rêve céleste, frais comme la verdure des champs, reste toujours attaché à ces murailles !

Ne vous semble-t-il pas la voir encore, dans la grande pièce dite la Salle au Duc, après un sommeil doux et tranquille, quitter son lit de satin rouge étoilé d'hermines, orné de franges d'or, faisant sa parure, ensuite, franchissant avec une démarche pleine de grandeur, de noblesse et de modestie, les degrés de la chapelle, pour aller s'agenouiller dans son oratoire ; puis, assise dans le fauteuil de ses pères, cette chaise inamovible, vieillissant avec le monument, vous la voyez fixer ses yeux d'ange vers l'autel, unissant sa prière à celle du prêtre vénérable offrant le sacrifice suprême.

Comment attacher ses regards sur ces lieux sans se sentir pénétré d'un respect religieux ? L'esprit est plein d'émotion et de souvenirs, l'âme la plus froide y éprouve des sentiments d'admiration !.. Qu'ils sont glorieux ces souvenirs, pour le monument, et pour les générations qui s'en transmettront la possession !.

Dinan (Bretagne) : le château de la duchesse Anne.

 

II.

Nous citerons quelques-uns des événements les plus importants dont le Château de Dinan fut le théâtre, et les personnages les plus notables qui l'ont habité ou visité.

Jean IV, duc de Bretagne, et sa seconde femme, Jeanne de Navarre, visitèrent, en avril 1387, le Château de Dinan, d'où ils partirent pour le château de l'Hermine, à Vannes.

En 1406, le comte de Richement, frère de Jean V, duc de Bretagne, venant de Saint-Brieuc, fut reçu au Château de Dinan.

Deux personnages illustres et bien connus dans l'histoire ont dû aussi visiter cette résidence, nous voulons dire le malheureux prince Gilles de Bretagne, et sa douce et belle compagne, Françoise de Dinan. Si l'on doit croire les annales de l'histoire, ce Château fut la première prison du prince Gilles, après que ce prince eut été saisi à son Château du Guildo par les ordres de son frère, l'inexorable François Ier, duc de Bretagne (en 1446).

En 1469, le duc de Bretagne François II, étant en voyage, vint passer deux jours à Dinan et fut fêté au Château.

La duchesse Anne, dans ses voyages, a résidé plusieurs fois au Château de Dinan, notamment en 1507, lorsqu'elle vint nommer la cloche de l'horloge dont elle avait fait présent à Messieurs de la communauté de ville de Dinan : c'est cette même cloche qui sonne encore les heures maintenant.

En 1570, Charles IX, roi de France, arrive au Château de Dinan, et se rend le lendemain à Saint-Malo, par une jolie barque préparée pour la circonstance.

Le duc de Mercœur a longtemps siégé à Dinan durant les troubles de la Ligue. Il fit sa première entrée en 1590, le 6 mars, après midi. Les habitants, qui le considéraient comme leur souverain, à son approche, sortirent au-devant de lui, pour lui présenter les clefs de la ville, et dévouèrent leur vie et leurs armes à son service. Le duc accueillit en prince débonnaire leurs offres, promettant de les bien sauvegarder dans leur ville close. Il se rendit au Château et y reçut les seigneurs bretons qui vinrent reconnaître son autorité et lui proposèrent de se charger de la garde de la place. Il était accompagné de cinq cents arquebusiers, de trois cents lances, et d'une illustre escorte, toute brillante de belles armures, et remplie de nobles seigneurs et d'écuyers portant des pennons armoriés, et montés sur des palefrois bardés de fer et richement harnachés.

L'année précédente, le duc de Mercœur avait transféré à Dinan le présidial de Rennes et la cour des monnaies. Le présidial fut établi dans une des grandes salles du Château, puis la cour des Monnaies dans la tour Coëtquen, et ensuite transférée rue de l'Horloge, dans l'hôtel de l'évêque de Saint-Malo, situé au nord de l'ancienne église des religieux Dominicains. Voici un extrait de ses lettres :

« Considérant que la ville de Dinan est assise en un lieu proche des meilleures villes de cette province, et qu'elle s'est toujours maintenue et conservée en la sainte union sous notre aide, et que, pour cette raison, elle doit être grandement décorée et augmentée, comme nous l'en connaissons très digne, avons transféré et établi, transférons et établissons en la dite ville de Dinan la monnaie qui soulait travailler en ladite ville de Rennes pour y être dorenavant tenue et exercée par vingt maîtres et autres officiers, tout ainsi et à l'exemple des autres monnaies du royaume ». « Le 12 septembre 1589. Ainsi signé - EMMANUEL DE LORRAINE ».

Le Château de Dinan a été occupé par une suite de gouverneurs très distingués, entre autres : les sires de Châteaugiron, de Coëtquen, de Rohan, d'Avaugour, seigneur de Saint-Laurent et du Bois de la Motte ; Guillaume Marot, comte de La Garais, baron de Blaison, seigneur deTaden, etc.

Nous ne pouvons aussi passer sous le silence les fréquentes visites au Château de Dinan de deux personnages illustres, dont le souvenir restera immortel, M. le comte de la Garais et sa digne compagne, ne respirant le jour que pour s'occuper à soulager l'infortune et la misère ; leur devise était caractérisée sur leurs lèvres par ces mots : Bienfaisance et charité. Chaque jour ils portaient des consolations et des secours aux prisonniers de guerre anglais qui furent entassés dans le Château à la suite de la guerre de 1744. Leur agglomération fit naître parmi eux une maladie contagieuse qui les décima d'une manière désolante.

A plusieurs reprises, le Château de Dinan a servi à renfermer des prisonniers anglais ; du reste, les murs l'attestent encore par les noms et monogrammes de familles anglaises que l'on voit gravés sur les pierres dans toutes les salles de l'édifice.

Pendant la révolution de 1793, le Château de Dinan fut une prison d'Etat, particulièrement affectée aux prêtres non assermentés ou trop infirmes pour être déportés. Des marins anglais prisonniers de guerre y furent aussi enfermés. Dans la nuit du 18 juillet 1793, trois d'entre eux parvinrent à s'évader. L'évasion ayant jeté quelque soupçon sur leur interprète, le sieur Barret, prêtre irlandais, on l'incarcéra lui-même provisoirement.

Dinan (Bretagne) : le château de la duchesse Anne.

 

III.

Ce fut lors de son passage à Dinan, au 3 août 1380, que Jean de Montfort, revenant d'Angleterre, conçut le projet de construire le Château de Dinan, projet qui ne tarda pas d'être mis en exécution, comme nous l'atteste la pièce suivante :

« A touz ceulx qui ces présentes lectres verront et orront, Patry (Patrice) sire de Chasteau-Giron chevalier commissaire quant ad ce de très puissant N. souverain seigneur le duc certifie que jay veu les lectres et commission de mon dit seigneur contenant la forme qui en suyt :

Jehan duc de Bretaigue compte de Montfort et de Richemont à nostre bien amé et féal sire Patry de Chasteau-Giron garde de nostre ville et pays de Dinan salut, comme soit chose utille et nécessaire que pour l'augmentation et édifice de nostre meson que nous avons ordonné en commencer puix naguyeres en nostre dite ville que aucunes places et mesons à aucuns de nos subguetz appartenantes ils soient mises et emploieez, lesquelles ne voullons que ilz soient mises se n'est pas en dedomageant ceulx à qui elles sont ainsi comme par l'avisement de nous et de nostre conseil sur ce gardé et délibéré que ce doibt être, pour ce vous mandons et commandons nommer si mestier est que vous appelliez nostre procureur de nostre dite ville et Estienne Le Tur maistre de nostre dite œuvre et aultrez que vous verres qui devront estre appelez, vous faictes les dites choses prisés tant en fond que édifice de present et aussi tant par meuble que par heritaige, par vous choissizans gens dignes de foy, maistres charpentiers et aultres loyaux gens en ce eux cognoessans et du dit prisaige tout ce que en ferez nom faites, voir bon soubz vostre sceau et autorité ou aultre affin que nous en ordonnions en la manière et comme dessus est dit et de ce faire avec aveques toutes les choses et chacunes ad ce necessaires et leurs dépendances, vous avons donné et donnons plain povoir et mandement espret, mandons et commandons à touz et chacuns nos subjectz en ce faisant vous obeir et diligemment entendre. Donné en nostre ville de Vennes le IIIe jour de novembre l'an mil IIIcc quatre vingt et deux. Ainsi signé par le duc de son commandement. R. ROLLAND.

Par lecture desquelles lectres ge dit commissionné ay esleu Raoul Moucet, Jehan Prestessaille, Raoul Chaismel, Guillaume Constuance bourgeois de Dynan, Pierre Jubin charpentier et Jehan Lepine maczon en la presente et lavissement et estimation de Jehan de la Chapelle procureur de Monseigneur et Estienne Le Tur maistre de la dite œuvre et d'aultres gens et officiers et jurez de mon dit Seigneur quant affin de prisez toutes et chacunes les places terres mesons et heritaiges qui necessaires estaient et sont à prendre pour estre mys et emploieez au dit edifice quelx prisageurs jurerent et recorderent par leurs serments avoir prisaigé bien duement et loyaument les choses contenues den une relacion selé de leurs sceaux et soubs le sceau des cours de mon dit Seigneur à Dynan qui pour ceste relacion est annexce a ce que en suit par ces presentes scellées soubz mon sceau le XXe jour de mars l'an (mil) CCC IIIIxx et deux.

Item ensuit coppie de la dite relation, par nostre cour de Rennes furent presens devant nous Raoul Chaismet, Guillaume Constuance bourgeoys de Dynan, Pierre Jubin cherpentier, Jehan Lepine maczon demeurant en la dite ville prisageurs esleus de noble homme sire Patry de Chasteaugiron garde de la ville et pays de Dinan pour très puissant et très redoubté Seigneur Monseigneur de Bretaigne et son commissaire quant affin de priser les terres mesons e heritaiges qui nécessaires estaient et sont à prendre pour l'édifice et maison de nouveau commencée par mon dit Seigneur en icelle ville, nommés et esleuz du dit commissaire en cours presente a l'assentiment et nomination de Jehan de la Chapelle procureur de mon dit Seigneur, Estienne Le Tur maistre de ladite œuvre, d'autres officiers jurez de mon dit Seigneur lesquelx prisageurs dessus dits avaient prisés les choses qui en suyvent en la manière qui en suit c'est essavoir la meson courtil et tenue qui a present est Jehan Le Maistre et sa femme et Geoffroy Malconvinar et sa femme, laquelle tenue tient par le rapport des dits prisaigeurs en long et en leze cent piez de long et quarante piez de leze ou environt en contribuant le bout d'icelle tenue plus large au bout, prisé à la somme de V livres et demye de rente pour toutes rentes et devoir sauff l'obeissance qui en ce nest pas comprise et oultre Monseigneur en son conseil vouldroient que lheritaige et le meuble par meuble tous les prix diceluy heritaige en commun  que dit est à quatre livres de rentes et les faisiances ainsy comme elles sont en édifice et sus bout, à la somme de cinquante livres (50 livres) dor monnoye, lesqueulx prisageurs dessus dits recognoissent par leurs serments avoir fait iceluy prisaige et rendu bien deuement et loyaument à leurs consciences sans  fraude ne malangin, temoin de ce le sceel estably et contractz de nostre dicte cour, ensemble les sceaux des dits Moucet, Prestessaille et Chaismet mis à ces lectres pour eux et les aultres en nostre présence le XXe jour de janvier l'an mil IIIcc IIIIxx et deux ».

Un aveu que la fabrique de Saint-Sauveur de Dinan fait au duc de Bretagne, le 8 janvier 1420, nous a paru assez intéressant pour en donner ici un extrait. Il est d'autant plus curieux qu'il fait mention des propriétés qui occupaient le sol où est placé le Château, et qu'il relate en même temps l'époque de l'érection de la juridiction de la Trinité, par Charles de Blois, l'an mil trois cent quarante-quatre.

« Un baillaige juridiction et seigneurie ayant cours partye en ceste ville de Dinan, nommé le Baillaige de la Trinité de Dinan quel donna autrefoy Charles de Bretaigne, lors duc de Bretaigne compte de Limoges et de Guisse, du château et chaudière de Lehon et compte du Maine, affin destre aux prières et oraisons et recommandations qui a jamais es temps advenir seront dictes et cellebrées en la dicte église de St-Sauveur de Dinan quel fié baillaige juridiction et seigneurie est prinze soubz la juridiction de Rennes et prochement tenue du duc en sa barre et court de Rennes quelle juridiction n'est aucunement tenue ni subjette à debvoir d'armes si non pour denommer à prieres oraisons et suffraiges en icelle église que seront faites à jamais en temps advenir comme dit est et les hommes et subjectz d'iceluy estre tenuz bailler lors advoirs et tenue à la dicte église et y faire obéissance et aultre voullut et consentit celuy duc et prinse que les dicts thesoriers et fabriqueurs lors presentz et advenir usent de sceau et faire lectres par le sceau de court, portant caractere de lymaige de la Trinité enfin que lon a trouvé par vieil enseignement et même usent encore a present et en sont en possession. — Aussi ne sont les hommes et subgietz diceluy Baillaige et juridiction subgietz a auchun debvoir de guet ni debvoir de pavaige ny de bouteillaige auquel sont tenuz les beritaiges mesons et choses heritelles qui en suyvent.

Premier — lesglise et cymitière dicelle sise en ceste ville de Dinam comme ils se poursuyvent tant edifices que sont dicelle esglise le primitère et jardrin et deport dicelle parouesse sis en ceste ville de Dinam jouegnante audict cymitière ung chemin entre deux servant à aller sur la muraille de ladicte ville. — Lemplacement fons et deport où est à present esdiffié les Chasteau porte muraille coulombier et belle du dict Chasteau de ceste ville jouxte le champ comme il se poursuyt o le debvoir dobeissance quel esdiffice de Chasteau muraille porte et coulombier et belle ont esté esdiffié dempuys le dict dom en faict par le dict duc. Un petit jardrin meson et tenue sise et estante jouxte le belle du dict Chasteau jouegnant à la rue du Champ, quelle maison doibt de rente à la dicte fabrique au jour de la Trinité trois souls de rente avecques ung chappeau de bouctonz de rozes ou pareilles flors aux vespres du jour d'avant la Trinité. — Une aultre meson et jardrin quel Messire Guille Dufeil sieur du Placy et Desfosses, capitaine de Dinam princt pour faire augmentation au belle et pourprinz du dit Chastel laquelle meson et jardrin debvait dix souls de rente à la dicte fabrique ».

 

IV.

Abordons maintenant le Château pour le voir et l'examiner dans ses détails. — Bien des gens, dans leurs recherches scientifiques, bien des amateurs se bornent à un coup-d'œil superficiel en présence des monuments, mais beaucoup d'autres prennent plaisir à se rendre compte des moindres détails qui se rattachent à leur histoire. C'est dans le but de complaire à tous que nous réunissons ici tous les documents que nous avons pu découvrir.

Avant d'arriver au portail du Château, vous trouvez quelques rares tilleuls précédant une longue et haute rampe en pierre, qui vous prive d'aspecter les anciennes douves et un beau pont en pierres de taille de trois arches que vous ignorez être sous vos pieds, jolie construction pourtant, qui date de la fin du XVIIème siècle.

Le château de Dinan (Bretagne).

Arrivé au portail, vous n'avez plus le pont-levis à franchir, vous entrez dans la première cour ; à droite se trouve un long corps de logis qui était anciennement affecté partie en caserne et partie à l'infirmerie du Château ; au-devant, s'ouvrent deux cours divisées par une rampe en pierre, surmontée d'une grille. A la gauche du portail, en entrant, vous avez l'ancien corps-de-garde suivi de la courtine qui conduit à la tour Coëtquen. Cette tour, l’une des plus fameuses de l'enceinte de la ville, renferme de vastes et belles salles, dans l'une desquelles on remarque encore des traces de peintures et quelques signes symboliques de la première loge franc-maçonnique qui s'établit à Dinan. Au fond de la tour, dans une salle à moitié remplie d'eau, on découvre l'embouchure d'un souterrain que la tradition populaire fait communiquer avec le château de Léhon ; tout le monde doute de la chronique, mais personne n'a encore osé s'assurer de la véracité du fait. Revenant vers le Château, vous passez un joli pont d'une seule arche, qui a été échangé il y a quelques années contre un pont de bois qui était à moitié pourri, puis vous entrez dans le Château.

Descendez dans la basse cour, vous vous trouvez environné d'une haute murette qui a été élevée en 1822, lorsque le Château fut constitué en maison d'arrêt ; à côté de vous le puits, au fond duquel est une chambrette voûtée en ogive, dans laquelle se trouve l'orifice d'un second puits plus étroit que le premier, c'était celui qui alimentait d'eau vive la grande cuisine du Château : on voit encore l'aqueduc qui envoyait les eaux dans la cuisine.

Devant vous se trouve l'ancienne porte d'entrée du Château, qui se distingue par des moulures et quelques rinceaux de feuillage que le ciseau de l'artiste a passablement exécutés ; dans le fronton est un encadrement où figuraient anciennement les armes de Bretagne ; le marteau du vandalisme les a entièrement fait disparaître. En levant la tête, vous apercevez, au-dessus de l'entrée de la porte principale, une large meurtrière qui était destinée à faire pleuvoir sur les assiégeants une grêle de pierres, etc.

En outre de la porte massive fermant cette entrée, se trouvait la porte de fer qui s'engrenait dans les coulisses pratiquées dans les côtés du mur ; en dedans règne encore une meurtrière moins grande que la précédente.

En face de vous est le corridor correspondant à l'autre porte du Château dont nous avons déjà parlé ; la voûte en pierre est percée de plusieurs meurtrières ; à gauche, une petite chambre à feu voûtée en pierre était affectée aux factionnaires chargés de la garde des portes ; sous le corridor, au bas de l'escalier, est une chambre obscure qui était la prison du Château ; en remontant, avant de prendre l'escalier principal, vous avez sur votre gauche une salle basse, voûtée en pierre ; elle est tellement obscure qu'on a peine à distinguer une énorme cheminée qui vous annonce que c'était là l'une des principales cuisines du Château, où l'eau du puits s'y rendait par un aqueduc que vous voyez encore dans la muraille.

De cette profondeur où vous êtes, pour atteindre le sommet du donjon, vous avez 148 marches à gravir, ou autrement une hauteur de 110 pieds.

Donjon du château de Dinan (Bretagne).

Montant l'escalier en spirale, au premier cours, vous trouverez sur votre gauche une chambre voûtée en pierre, où se tenait la sentinelle d'observation pour l'entrée principale ; dans le corridor, à droite, la salle d'office, munie d'une belle cheminée : c'est là que se préparaient les mets pour les hauts personnages du Château ; à l'autre extrémité du corridor était la grande salle du service de table.

C'est dans cette vaste salle que se donnèrent ces fêtes et ces banquets splendides aux passages des ducs, où ils comptaient leurs formidables vassaux de la contrée, tels que les sires de la Hunaudais, Montafilant, du Guildo, du Bois de la Motte, de Coëtquen, de Montmuran, de Tinténiac, de la Motte-Broons, de la Hardouinais, etc., etc.

Au second cours, sur votre gauche, est la salle au Duc, très vaste et bien éclairée ; vous y remarquerez, dans l'embrasure des fenêtres, l'épaisseur des murs , qui n'a pas moins de 10 pieds ; la hauteur de l'étage est d'environ 20 pieds ; une énorme cheminée qui a près de 15 pieds de largeur. Toutes ces proportions grandioses semblent avoir été destinées à une habitation de géants.

Dinan (Bretagne) : le château de la duchesse Anne - la salle au Duc.

Les murailles de cette salle des grandes solennités ont reçu successivement la confidence de la gloire et de la crainte, de la joie et de la douleur, mais nul ne verra, nul n'entendra ce qu'elles ont entendu. Ce qu'elles savent, tout le monde l'ignore, en y pénétrant, on sent qu'il y a là bien des secrets, et l'on écoute comme si l'écho allait parler pour nous les raconter ; mais il reste muet et insensible à vos désirs ambitieux.

Entre cette chambre et la chapelle se trouve la salle des Gardes, dont le poste était dans une petite chambre à feu voûtée en pierre, qui se trouve à l'autre extrémité, sur la gauche ; montez quelques degrés, et vous entrez dans la salle du Serment, qui était la chapelle : c'est là que les ducs de Bretagne recevaient de leurs grands vassaux du pays Dinannais le serment de foi et hommage. Cette chapelle était sous le vocable de Saint-Martin. Elle est petite, mais d'un bel effet ; son plafond en pierre, supporté par des arrêtes en ogives, est admirablement exécuté ; les encaissements formés par les arrêtes ont dû anciennement être enduits et ornés de peintures à fresque représentant des sujets religieux ou allégoriques.

Pendant que vous êtes dans la chapelle, on ne manquera pas de vous montrer la pièce curieuse : l'oratoire des ducs de Bretagne et le siège (dit le fauteuil de la duchesse Anne) où ils se plaçaient pour entendre la messe. Cette petite pièce, voûtée en pierre, est munie d'un foyer qui devait entretenir une température assez chaude, eu égard aux saisons.

Dinan (Bretagne) : le château de la duchesse Anne - l'oratoire.

Reprenant le grand escalier, vous arrivez au troisième cours ; vous avez la grande salle, dite chambre du Connétable, qui était occupée par le gouverneur du Château et de la ville ; aux deux côtés de cette salle sont deux petites chambres voûtées en pierre, servant de postes d'observation.

Continuant l'escalier, au quatrième cours, vous avez sur votre gauche le poste du Guet (servant aujourd'hui de chapelle) ; il correspondait avec la sentinelle de la galerie par un judas qui est percé dans le mur donnant sur l'escalier. A quelques pas au-delà, sur la gauche, est la salle d'Armes, très spacieuse et couverte d'une belle voûte en pierre sans arrêtes.

Encore quelques degrés, et vous atteignez la galerie du donjon : là vous commencez à respirer, un air pur et frais vient ranimer vos sens ; faisant le tour de la galerie, vous regardez au-dessus de vous ces énormes gargouilles qui déversent les eaux pluviales de la plate-forme ; sous vos pieds sont ces terribles mâchicoulis faits par la main de l'homme pour exterminer l'homme ; à côté de vous, dans la muraille, sont les guérites des factionnaires qui faisaient le guet jour et nuit pour la sûreté de la place. On vous ouvre enfin la porte d'un étroit escalier qui vous conduit sur la plateforme, le plus haut point du donjon.

 

V.

Aucune description ne peut donner une idée de l'admirable pompe du paysage qui s'offre aux regards, du haut de cette montagne de pierre élevée par la main de l'homme.

D'ici, votre œil parcourt à loisir un aspect sans borne, l'horizon est immense : vous voyez beaucoup de choses, et vous ne fixez rien d'abord, tant la vue se confond dans l'immensité de sujets variés qui vous apparaissent sous toutes les formes, au loin et auprès.

Vos regards se promènent avec ravissement sur les beaux sites qui se déroulent avec abondance sur tous les points de cette immense perspective. Avec quelle profusion la nature s'est-elle plue à embellir les alentours de cette vieille cité, à y réunir tant de beautés de tous les genres, beautés qui sont aussi de tous les âges, de tous les goûts, auxquelles personne ne peut être insensible. Tous ces objets, enfin, aussi variés par leur forme que par leur nature, présentent un tableau trop composé, sans doute, pour pouvoir rassembler dans un seul cadre cette abondance de sujets dignes d'être traités séparément.

Sous vos premiers regards se présente la ville, cette héroïque cité qui vieillit depuis dix siècles dans son épaisse cuirasse de remparts ; du milieu des toits décrépits et affaissés par le temps, s'élancent, sveltes et gracieux, ces beaux clochers ardoisés qui semblent se jouer avec orgueil de tout ce qui les environne.

Au pied de l'édifice qui vous élève sont ces vieilles tours et murailles d'enceinte qui vous montrent leurs flancs déchirés par les traits de l'ennemi, et leur tête découronnée et cicatrisée par les rigueurs du temps : à leurs pieds, les vigoureux arbres des promenades étalant leurs rameaux de feuillage sur leur front, leur donnent un aspect vraiment poétique.

Dans les alentours, de jolies collines se dessinant admirablement sous l'azur des cieux, les unes couronnées d'élégantes et coquettes villas qu'ombragent de frais bosquets ; les autres hérissées de rochers entassés les uns sur les autres, qui vous attestent les grandes secousses du globe et les puissants efforts de la nature. Au fond des collines et des ravins, des rideaux de peupliers élançant leur tête vacillante vers la nue ; de jolis villages, groupés en amphithéâtre parmi des masses de verdure, et le chêne étalant le luxe de son feuillage sur d'humbles chaumières ; çà et là de vieux châteaux, des ruines de monastères, révèlent quelque gloire éteinte, rappellent quelques vieux souvenirs du passé.

Non loin de votre vue est l'établissement monumental des Bas-Foins, qui s'annonce par ses vastes proportions comme une autre ville naissante : là vont chercher le repos et le calme ces esprits qui n'ont pu supporter les fortes impressions des rudes secousses de la vie.

Vos regards se portent naturellement sur les jolies villas de la Forêtrie, de la Nourais et de l'Echapt, qui vous apparaissent là comme trois sœurs vêtues de leur blanc costume d'été au milieu de la sombre verdure du mélèze et du sapin qui les couronnent de leurs rameaux touffus ; devant vous, sur la gauche, est l'élégant castel de Beauvais ; sur la droite, le vieux manoir du Chéne-Ferron, qui se montre avec orgueil au-dessus des plus hauts arbres qui lui prêtent leur ombrage ; au-delà, dans ces massifs de verdure qui apparaissent sur votre gauche, vous découvrez le château de Beaumanoir, berceau de cette famille si célèbre dans nos annales bretonnes.

Dans le lointain, ce clocher et ces toits qui apparaissent sur le haut d'une montagne, c'est la petite ville de Bécherel avec ses débris de tours et de murailles : elle faisait aussi l'héroïne au temps du bouclier et de la lance. Sur la gauche de Bécherel, cet objet qui blanchit sous les rayons du soleil, c'est le château de Montmuran, où jadis s'agenouilla pour recevoir l'épée de chevalier, l'intrépide Du Guesclin.

Maintenant, tournez-vous vers la ville et portez vos regards dans le lointain jusqu'aux dernières limites de l’horizon ; si l'atmosphère est favorable, vous découvrirez le Mont-Dol, puis le Mont-Saint-Michel, ce monument à jamais célèbre qui fait l'orgueil et la gloire des vieilles cités qui le regardent des rives de la Manche. (M. Mahéo).

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