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Abel LÉVENAS, prêtre guillotiné à Lorient
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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272. — M. Abel LÉVENAS naquit à Damgan, frairie d’Ambon, le 12 janvier 1753, du légitime mariage d’honorable homme Abel Lévenas, capitaine de navire, et de demoiselle Jeanne Nyo. Sa famille comptait parmi les plus honorables du pays.

Abel fit ses études au collège de Vannes et, quand il les eut achevées en 1772, il suivit la fortune de son père, entra dans la marine et fit un voyage en Espagne. Mais il s’était trompé ; Dieu le voulait ailleurs. Entré au Séminaire de Vannes, il y reçut la tonsure et les mineurs le 21 septembre 1776, le sous-diaconat le 15 mars 1777, le diaconat le 20 septembre suivant. Enfin, il fut ordonné prêtre par Mgr Amelot, son évêque, le 4 avril 1778. Après avoir été quelque temps vicaire à Noyal-Muzillac, il revint à Damgan l’an 1780 et se dévoua à desservir dans cette frairie la chapelle Notre-Dame.

273. — C’est là que la Révolution le trouva. Comme tous ses confrères d’Ambon, la paroisse-mère, il refusa le serment à la Constitution civile, auquel du reste, à l’origine, la loi ne l’obligeait pas. Survint la loi du 26 août 1792 qui, par son article VI, donnait en réalité aux autorités le pouvoir de déporter qui leur déplaisait. Aussi l’abbé Lévenas, obligé de choisir entre l’exil et sa vie errante, se décida-t-il peut-être à prendre un parti mitoyen. Si l’on en croit certaines traditions, il se serait embarqué vers la fin de septembre ou les premiers jours d’octobre, afin de donner le change, à destination d’Espagne, puis une fois à la Corogne, il revint en France avec le navire qui l’avait amené. Quoi qu’il en soit, M. Lévenas dut dès cette époque commencer de suite cette vie crucifiante de prêtre réfractaire, caché le jour, travaillant la nuit, célébrant la messe dans les greniers, dans les granges, au fond des étables, dans les îlots qui bordent la côte, dans d’introuvables, mais pénibles cachettes, défiant, espionné, qu’un mot ou une démarche pouvait perdre et finissait par perdre trop souvent [Note : L’on a montré longtemps à Ambon le grenier et l’autel où M. Lévenas célébrait la messe dans la maison de Mlle Bouillan].

Deux ou trois familles se dévouaient à recéler M. Lévenas ; c'était peu, mais encore trop. La discrétion est difficile et les secrets les plus essentiels trouvent toujours la fissure par laquelle ils s’échappent, tant et si bien que l’administration républicaine de Vannes finit par apprendre sa présence au pays, grâce à un dénonciateur de Damgan.

Un jour, à la fin du mois de mai 1794, on vint annoncer à M. Lévenas qu’il était porté sur la liste des émigrés ; c’était un mauvais son de cloche. Une autre fois, une personne mystérieuse, frappant à la porte du prêtre, jeta ces mots à sa mère : « Dans quelques heures, la police va venir ». C’était la fin.

274. — Le 25 septembre 1794, six cavaliers et un brigadier du 16ème dragons sortaient de Vannes dès l’aube, aux ordres du citoyen Jéhanno, menuisier, chargé la veille par le Comité de surveillance de cette ville de faire des visites domiciliaires et de s’emparer d’un prêtre réfractaire caché à Damgan. Un autre personnage, ancien notaire, qui s’appelait aussi Jéhanno, se joignit à l’expédition. Il avait été condisciple de Lévenas au collège de Vannes, c’était un cousin du menuisier et l’agent national du district. Vers sept heures, les révolutionnaires arrivèrent à Ambon où ils saisirent quelques vases sacrés à l’église. A dix heures, ils se présentèrent à Damgan. Immédiatement les perquisitions commencèrent. Chez Mme Quistrebert, les dragons grimpent au grenier rempli de paille et Jéhanno, le menuisier, les suit. Avec son sabre, il sonde la paille amoncelée, rencontre de la résistance et appuie : « Je dors », cria une voix. C’était M. Lévenas qui, surpris en plein sommeil, croyait n’avoir à faire qu’à des habitués de la maison. En une minute on le découvre et on l’arrête.

Cependant le captif réussit à s’échapper et, sautant par dessus les clôtures de pierre assez basses qui bordent les jardins du village, gagna un peu de terrain. Il n’alla pas bien loin ; les dragons l’eurent bientôt rejoint, attaché, hissé sur un cheval et emmené avec eux dans la direction de Vannes. Sur la route, près de la vieille croix, dite Fong er Beleg, des enfants qui gardaient leurs troupeaux accoururent, dans leur ignorance, pour voir passer le prisonnier : « Mes enfants, leur cria le prêtre, allez dire à vos parents de prier pour moi, car ils vont me guillotiner ».

Au bourg d’Ambon, à l’auberge dite de la Croix verte, devant la population épouvantée, assis sur une grosse pierre et lié comme un criminel, M. Abel Lévenas attendit pendant deux heures que ses maîtres et gardiens aient assouvi leur faim et leur soif.

275. — Le soir, vers dix heures, il était écroué au Petit-Couvent, à Vannes.

Le 28 septembre, l’agent national Jéhanno, qui avait été son condisciple au collège de Vannes, fit comparaître M. Lévenas devant lui et, seul à seul, lui posa une foule de questions. Il y déclara sa qualité de prêtre réfractaire, insoumis aux lois d’exil qui frappaient le clergé catholique romain, mais, malgré des sommations impératives, il prit garde de compromettre qui que ce fût par ses réponses, que d’ailleurs, il refusa de signer. Ce fut son premier interrogatoire.

Après quelques jours, on l’expédia à Lorient, distant de douze lieues qu’il fit à pied et en une journée. M. Lévenas étant aux mains du tribunal criminel, le dénouement approchait. Le samedi 4 octobre, à quatre heures vingt-cinq minutes décimales de l'après-midi, eut lieu le second interrogatoire, de pure formalité, pour constat d’identité. M. Lévenas n'avait prêté aucun serment ; il n’avait obéi ni au décret du 26 août 1792, ni à la loi du 23 avril 1793, ni à celle du 30 vendémiaire an II : cela suffisait amplement pour déterminer son sort. Aux termes de la loi qui visait son cas, il méritait la mort et il y fut condamné.

L’exécution eut lieu le lendemain, dimanche matin 5 octobre 1794, avec les accompagnements ordinaires de la foule de jacobins avide du sang d’un prêtre, des insultes, des hurlements, et des couplets révolutionnaires.

276. — On raconte que trois marins d’Ambon, qui venaient de débarquer, attirés par le tumulte et ayant voulu voir, reconnurent leur compatriote. L’horreur les saisit et ils se jetèrent dans une maison voisine où tous les trois se mirent à sangloter comme des enfants.

L’acte de décès de M. Lévenas fait défaut sur les registres de l’état civil de Lorient ; mais nous ne pouvons douter de la réalité de son exécution. Dès le 3 novembre 1795, Marie-Anne Lévenas, sa sœur consanguine, adressait au directoire du Morbihan une pétition tendant à obtenir pleine et entière main-levée du séquestre qui pesait sur les biens meubles et immeubles à son frère « condamné révolutionairement ». Sa requête n’ayant pas obtenu de succès, sa mère, Mme veuve Lévenas, introduisit à son tour, le 8 décembre 1796, une nouvelle demande. Son fils, y dit-elle, ayant été condamné comme « convaincu d’être sujet à la déportation et de ne s’y être pas soumis ».

Ces deux actes prouvent péremptoirement que M. Lévenas avait bien été mis à mort à la suite de sa condamnation. Du reste, envers les prêtres réfractaires, on ignorait la pitié et ils n’avaient nulle grâce à attendre de personne, une fois condamnés à mort. La mémoire de M. Lévenas est demeurée à Ambon en grande vénération et la croyance à son martyre y est très répandue. Dès 1845, Tresvaux l’inscrivait parmi les victimes de la persécution.

BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne (1845), op. cit., II, p. 219. — P. Nicol, La Justice révolutionnaire et le Clergé in Revue Morbihannaise, juin, août 1903. — R. P. Le Falher, Les Prêtres du Morbihan victimes de la Révolution, op. cit. (1921), p. 114-123 ; a publié la plupart des actes de son procès.

(Sources : Archives départementales du Morbihan, L 1445, 1447, 1457, 1557, 1575, A 8, Z 500. P. Nicol : La justice révolutionnaire et le clergé, Revue Morbihannaise, juin août 1903 (trois articles).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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