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CAHIER DE DOLÉANCES DE CUGUEN EN 1789

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Subdélégation d'Antrain. — Département d'Ille et-Vilaine, arrondissement de Saint-Malo, canton de Combourg.
POPULATION. — En 1793, 1.556 habitants (Arch. d'Ille et-Vilaine, série L).
CAPITATION. — Total en 1770, 1.150 l. 8 d., se décomposant ainsi : capitation, 1.030 l. 10 s. ; 21 d. p. l. de la capitation, 90 l. 3 s. 4 d. ; milice, 137 l. 8 s. ; casernement, 251 l. 19 s. 4 d. ; frais de milice, 40 l. (Ibid., C 3981). — Total en 1778, 1.726 l. 9 s. 3 d. ; 373 articles, dont 159 inférieurs à 3 l. et 64 avecc domestiques (Ibid., C 3982). — Total en 1788, 1.724 l. 17 s. 10 d. (Registre des délibérations de la Commission diocèsaine de Dol, Ibid., série C).
VINGTIÈMES. — En 1787, 1.996 l. 11 s. 4 d.
FOUAGES. — 20 feux 3/4 1/30. — Fouages extraordinaires, 415 l. 6 s. 2 d.
OGÉE. — A 3 lieues au S.-E. de Dol, à 8 lieues de Rennes et à 2 lieues 1/2 d'Antrain. — 1.100 communiants. — Ce territoire, couvert d'arbres et buissons, renferme des terres labourables, fertiles en grains et en lin, le marais du Mesnil et beaucoup de landes.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 5 avril, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence d'Augustin-François Noury de Mauny, avocat à la Cour, sénéchal et seul juge civil, criminel et d'office de la juridiction de l'ancienne châtellenie de la Roche-Thierry, assisté de Pierre-Julien Guélé, notaire et procureur de plusieurs juridictions, attendu l'absence, pour cause de maladie, du greffier ordinaire. — Comparants : Pierre Vigeon  ; Julien Mottay ; Mathurin Papeil ; Mathurin Gaucher ; Joseph Corvaisier ; Bertrand Garçon ; Jean Bonhour ; Julien Lanne ; Julien André ; Jean Clément ; Pierre Rouaux ; Joseph Gautier ; Jean Gaucher ; François Jourdan ; Julien Mottay fils ; Mathurin Picot ; Mathurin Maignan ; Jacques Papeil ; Mathurin Jourdan ; Julien Fantoux ; Joseph Vigour ; Laurent Vigour ; Julien Mottay père ; Bertrand Pellé ; Jean Bréal ; Jean Hodebourg ; Pierre Mottay ; Jean Plihon ; Pierre Plihon ; J. Masson ; Julien Johier ; F. Couillaux ; Jean Valleris ; Mathurin Plihon ; P. Lunello. (?). — Députés : Pierre Vigeon et Pierre-Julien Guélé.

 

Cahier des doléances de la paroisse de Cuguen, arrêté ce jour cinq avril mil sept cent quatre-vingt-neuf par les délibérants composant le corps politique de ladite paroisse et les autres notables habitants d'icelle ....

ARTICLE PREMIER. — Nous adhérons en général aux arrêtés de la maison de ville de Rennes du vingt-deux et autres jours de décembre mil sept cent quatre-vingt-huit et aux arrêtés des dix paroisses de la même ville du dix-neuf janvier dernier pour le redressement général des griefs du Tiers Etat de celle province de Bretagne par les raisons solides qui y sont établies.

ART. 2. — Nous nous plaignons en particulier de ce que, quoique nous payions tous les ans une taxe à Sa Majesté par addition aux rôles des fouages de la paroisse pour le droit d’usage des landes, communs et gallois qui sont dans les enclaves d’icelle, cependant les seigneurs de fiefs se sont ingérés et s’ingèrent tous les jours d'usurper à leur profit les dites landes, communs et gallois et de les afféager pour des rentes considérables à des vassaux ambitieux, à la ruine et à l'opposition des pauvres habitants des campagnes, qui, faute d'avoir où nourrir leurs bestiaux et où prendre des litières pour engraisser leurs petits héritages, ne peuvent plus subsister, d'où provient la misère publique et la mendicité. Pourquoi nous demandons qu'en conformité des anciennes ordonnances nous soyons maintenus et réintégrés dans l'usage et possession immémoriale des landes communs et gallois de cette paroisse et qu'à cet effet tous enclose et afféagements faits depuis les quarante ans derniers soient annulés et démolis et les terrains restitués à la communauté des habitants des villages circonvoisins (voir la note qui suit).

Note : Voyez à ce sujet la supplique des habitants de Trans, Bazouges-la-Pérouse, Noyal-sous-Bazouges, Cuguen, du 22 février 1793, au sujet des terres vagues, afféagées par les seigneurs depuis 25 à 30 ans, malgré les droits d’usage des habitants, qui leur donnaient le droit de communer sur ces terres (Arch. Nat., D III 107). A l’époque de la Révolution, la lutte continue entre les afféagistes et les habitants ; Julien Marion, de Cuguen, a vu son bétail saisi par l'afféagiste Maingant. En outre, « ledit Marion et les autres riverains, ayant déjà voulu, conformément à la loi ci-devant citée [du 15 mars 1790], rentrer dans leurs anciennes possessions audit commun, ont essuyé un procès par le district de Dol, dont les membres étaient alors raconnus presque tous aristocrates et afféagistes, ont condamné lesdits riverains contre la loi et, les frais étant considérables, jettent ces malbeureaux dans la détresse et presque dans le désespoir.... ».

ART. 3. — Nous nous plaignons des infidélités, des friponneries des meuniers, qui, non contents de moudre mal nos blés, perçoivent le triple, double, quelquefois le quadruple du droit de mouture que la Coutume leur a accordé, et que même, quoique leurs moulins ne soient pas en état de moudre nos blés noirs, exigent de chaque mouteau au-dessus de l'âge de dix ans, vingt, trente, quarante sols et quelquefois plus pour leur laisser la liberté de moudre leurs blés noirs à des petits moulins (voir la note qui suit). Pourquoi nous demandons qu'il nous soit permis de suivre tel moulin, tel qu'il nous semblera, comme le seul moyen de mettre un frein à la cupidité vexatoire des meuniers, de les rappeler à leurs devoirs, s’ils veulent conserver leurs mouteaux.

Note : Dans l’inventaire après décès des biens mobiliers de Jacques Mée, en la paroisse de Cuguen, on note ; « un petit moulin à bras avec son pillet » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, fonds de la Vieuville, 1 H 3/37).

ART. 4. — Nous nous plaignons de ce que les pigeons des fuies, des colombiers, les lapins des garennes dévorent nos semences et levées, sans que nous ayons la liberté de tirer dessus, sans courir risques de payer de grosses amendes aux seigneurs et d'essuyer des procès ruineux. Pourquoi nous demandons que les dits fuies, colombiers et garennes soient démolis et détruits, et qu'il soit permis à chaque habitant des campagnes et bourgeois faisant valoir leurs terres, en défendant leurs propriétés, de s'armer et tirer sur les loups, renards, sangliers, lièvres, lapins et autres animaux nuisibles, même sur les corbeaux, pigeons et autres volatiles.

ART. 5. — Nous nous plaignons de ce que les seigneurs, leurs gardes-chasse, leurs valets chassent avec chiens courants au milieu de nos terres emblavées et détruisent nos plus belles espérances et nous menacent de tirer sur nous si nous osons nous en plaindre. Pourquoi nous demandons la suppression entière pour qui que ce soit, si ce n'est la liberté demandée à l'article précédent, pour qu'on puisse défendre sa propriété.

ART. 6. — Nous nous plaignons des exhaussements de chaussées et bardeaux des étangs et rivières, qui occasionnent l'inondation de nos terres qui les avoisinent et les rendent pour nous de nulle valeur. Pourquoi nous demandons que les dits chaussées et bardeaux soient réduits à l'ancien niveau, qu'il soit fait défense aux meuniers et propriétaires des moulins de faire, en quelque temps que ce soit et sous quelque prétexte que ce puisse être, de boucher les anciens écoulements des eaux pour faire leurs étangs et rivières.

ART. 7. — Quoique notre Coutume, au titre des prisages et appréciations, fasse une estimation différente des moulins sur les grandes rivières, grands étangs, petits courants d'eau, et des moulins à vent (voir la note qui suit), en raison des réparations qu'il convient de leur faire et que les seigneurs et les propriétaires les possèdent qu'à la même raison, cependant les seigneurs poussent l'injustice et la vexation d'exiger de leurs vassaux à grands frais qu'ils voiturent sans aucune rétribution les pierres et les plâtres nécessaires pour la façon de leurs meules, et qu'ils curent les ruisseaux et bieds qui aboutissent à leurs étangs et rivières, malgré que tout ça leur incombe à eux-mêmes, suivant l'esprit de la loi et de l'équité naturelle qui charge indistinctement tout propriétaire des réparations et améliorations de leur propriété, étant injuste d'ailleurs que ces objets retombent à la charge des mouteaux, qui ne suivent les moulins qu'en payant un fort droit de mouture.

Note : Il s'agit de l'article 256 (titre XIV) de la Coutume de Bretagne, dont voici le texte : « Les moulins seront prisés et estimés, à raison desdites années, en faisant une commune, le tiers du revenu de ceux qui sont sur la mer, rivières et grands étangs, rabattu, et le quart de ceux qui sont sur ses ruisseaux et autres étangs. Et quant aux moulins à vent, sera rabattu le tiers dudit revenu ».

ART. 8. — Les biens devant tous être dans la disposition générale du commerce, et des qualités nobles ou roturières n'étant que des qualités idéales et chimériques et n'ajoutant rien à leur valeur intrinsèque, il paraîtra toujours injuste et révoltant, et comme une suite du gouvernement féodal, que les gens du Tiers Etat ne puissent acquérir et posséder des biens nobles sans payer à Sa Majesté un droit de franc-fief. Pourquoi nous demandons encore que ce droit, purement fiscal et tyrannique, soit entièrement supprimé.

ART. 9. — L'ouverture et l'entretien des grandes routes est plus profitable aux grands seigneurs, aux évêques, prieurs, décimateurs et riches fonciers de l'ordre de la Noblesse qu'aux petits colons et habitants des campagnes ; cependant ces grandes routes n'ont été ouvertes, perfectionnées et entretenues qu'aux dépens de la classe indigente des laboureurs, qui n'a cessé d'être vexée journellement par ces travaux sur ces grandes routes, mais encore par des contraintes de cavaliers de maréchaussée pour assouvir l'avidité des ingénieurs des ponts et chaussées. Pourquoi nous demandons que la dite corvée sur les grands chemins soit supprimée en nature et que les nobles, les ecclésiastiques et le Tiers Etat y contribuent chacun en proportion de leur faculté réelle et mobilière (voir la note qui suit).

Note : La tâche de Cuguen, sur la route de Dol à Antrain et Fougères, était de 1.425 toises, et son centre se trouvait à 1 lieue 1/2 du clocher ; en 1788, elle était considérée comme « mal réparée » (Arch. C 4883). La partie la plus difficile à entretenir était la chaussée de l'étang du Breil, très étroite, et qui avait été toujours réparée en commun, « c'est-à-dire mal », déclare l'ingénieur Piou ; sur la demande de ce dernier, en 1783, l'intendant ordonne que la réparation de la chaussée sera répartie entre tous les corvoyeurs, au marc la livre de la capitation. La même année, les corvoyeurs Joseph Collichet, Jean Gouvé, Jean Marion et Michel Rondin ont injurié de la façon la plus grossière, « traîné par les cheveux et blessé » le député de la paroisse de Cuguen, Pierre Gailliard, pendant qu'il faisait sa tournée sur la route d'Antrain à Dol : l'intendant ordonne à l'ingénieur de les faire arrêter par les cavaliers de la maréchaussée et de les faire détenir quinze jours dans les prisons d'Antrain (Ibid., C 2412).

ART. 10. — Il est de l'équité naturelle que tous les ordres de l'Etat, ecclésiastiques, nobles et roturiers, contribuent également chacun en proportion de ses facultés à tous impôts, qui sont accordés par la Nation assemblée pour le maintien et la gloire du Roi et de l'Etat. Ainsi nous demandons que cette contribution égale et proportionnelle ait définitivement lieu et qu'à cet effet les ecclésiastiques, nobles et roturiers soient collectivement et dans un même rôle taxés en chaque paroisse.

ART. 11. — Les troupes entretenues pour les besoins de l'Etat ne doivent sans doute être logées et transférées avec leurs bagages d'un endroit à l'autre qu'aux frais communs des trois ordres, puisque c'est pour la défense de tous qu'elles sont armées. Ainsi nous demandons que la Noblesse, l'Eglise et le Tiers Etat contribuent également et proportionnellement à leur transport et casernement.

ART. 12. — Les milices par le sort enlèvent aux campagnes, arts et métiers les hommes les plus utiles, sans que les domestiques et ayant en grand (sic) des archevêques, évêques, abbés, prieurs, recteurs, ecclésiastiques du bas ordre, grands seigneurs et simples gentilshommes soient sujets au tirage du sort, quoiqu'ils ne soient que des hommes ostensibles pour la vanité des grands qu'ils servent et nullement utiles à l'Etat (voir la note qui suit). Ainsi nous demandons la suppression des milices en nature, et que, si les besoins de l'Etat exigent un renforcement de troupes pour sa défense, il soit fait à frais communs et proportionnellement aux trois ordres par la voix des engagements volontaires.

Note : Durant la période 1781-1786, Cuguen a fourni 6  miliciens : 1 en chacune des années 1781, 1180, 1783 et 1784, et 2 en 1785. En 1781, sur 122 jeunes gens appelés au tirage, 112 ont été exemptés ou réformés ; en 1784, sur 111, 100 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4704).

ART. 13. — La tyrannie féodale a forcé les anciens habitants de cette paroisse et autres circonvoisines de n'avoir de maisons fumantes qu'en payant une somme d'avoine, une poule et six deniers par argent par chaque cheminée fumante ; d'autres vassaux, ne posséderaient-ils qu'un quart de journal de terre ou même moins, sont tenus à faucher, faner, et ramasser les foins des prairies dépendantes de ces seigneuries et même à scier les blés de leurs domaines et les ramasser et entasser sans autre rétribution qu'une mauvaise écuellée de lait mêlé d'eau et un quartier de la plus mauvaise galette. Ainsi nous demandons qu'il nous soit permis de franchir à prix d'argent ces rentes de fumage, ces corvées exorbitantes et même toutes autres rentes féodales, désirant ne reconnaître pour souverain fieffeux que Sa Majesté dans son Royaume (voir la note qui suit).

Note : La seigneurie de la Chalopinaye possédait, dans la paroisse de Cuguen, le fief du Basquay, dont une partie s'étendait aussi dans celle de Combourg ; ce fief lui rapportait : en argent, 3 l. 6 s. 7 d.  en avoine grosse, mesure de Combourg, 6 godets, d'une valeur de 2 l. 8 s. ; en avoine menue, 4 boisseaux, d'une valeur de 17 l. 8 d. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds de la Chalopinaye, E 96). La seigneurie de Trans possédait en Cuguen le fief du Mesnil-Hardouin, dont les rentes seigneuriales s'élevaient à 9 l. 12 s., et le fief du Coudray, qui rapportait 2 l. 14 s. (Ibid., Etat et grand de la seigneurie de Trans, fonds de la seigneurie de Trans. E 628). A l'abbaye de la Vieuville appartenait le bailliage de la Peignerie, qui lui rapportait 2 l. 10 s. (Déclarations du bureau des domaines de Dol).

Les indications contenues dans le Cahier de doléances sur le fonctionnement du régime seigneurial à Cuguen sont utilement complétées par un mémoire de Dubreil Le Breton, avocat à Rennes, mémoire adressé le 25 décembre 1789 au Comité des droits féodaux de l'Assemblée constituante :

« .... Parmi cette variété étonnante de droits, dit-il, je connais une seigneurie (La Roche-Thiéry ou Monbourcher, située paroisse de Cuguen, diocèse de Dol), où l'esprit du conquérant a été d'éloigner de son champ le propriétaire ; en effet, l'usement ou la loi de ce fief est que chaque maison fumante est assujettie à un devoir annuel en avoine et poule, mais, si le propriétaire habite sa maison, la rente est double ; si, au contraire, la maison est occupée par tout autre que le propriétaire, alors la redevance en avoine et poule est de moitié moins considérable. Au premier cas, il est dû au seigneur deux boisseaux avoine, mesure de Combourg, et une poule ; au second, il n'est dû qu'un boisseau et une demie poule... ». De là, des difficultés peuvent naître pour le remboursement de la rente — « .... Nous ne pouvons nous dissimuler qu'un grand nombre de seigneurs de fief de notre province, souffrant avec impatience la régénération, mais ne pouvant l'empêcher, se préparent à faire naître une foule de contestations... » ; il est donc, nécessaire de faire là-dessus des lois claires et précises. « .... Il est également nécessaire que vous soyez instruits que grand nombre de seigneurs sont disposés à laisser arrérager les rentes ; il est vrai qu'au moyen de la suppression des corvées personnelles sans indemnité, les vassaux qu'on a voulu depuis le mois d'août dernier assujettir à la cueillette des rentes féodales s'y sont refusés. Les seigneurs se flattent, non sans raison, qu'un grand nombre de vassaux sera hors d'état de franchir ; les seigneurs résolus à laisser accumuler les arrérages se pourvoiront après un certain laps d'années par saisie exécutoire. En Bretagne, les arrérages de rentes féodales ne se prescrivent que par 30 ans, et il est tel fief si chargé que, quand le seigneur laisse accumuler trente années, le vassal ne peut se libérer que par la vente de son fonds... Le peuple espère que l'assemblée nationale trouvera le moyen d'allier le droit de propriété des seigneurs de fief avec la sûreté et tranquillité des vassaux... ». Il conviendrait d'appliquer aux arrérages des rentes féodales la même prescription qu'aux arrérages de rentes constitués. « ... Les possesseurs actuels des fiefs n'en sont pas les usurpateurs ; au contraire, ils possèdent sur la foi de principes reconnus et avoués... » (Arch. Nat., D XIV, 4).

ART. 14. — Nous nous plaignons des formes trop longues et trop coûteuses de la procédure civile et criminelle ; il est affreux que l'homme puissant abuse de ces formes pour prolonger pendant cinq ou six générations des procès qu'il sait se nénager dans des cours souveraines, ce qui n'arrive, surtout en Bretagne, que parce que le Parlement n'est composé que de nobles, que les nobles se soutiennent entre eux à l'oppression des roturiers. Pourquoi nous demandons :

Premièrement. — Que le Parlement soit formé mi-partie de nobles et de roturiers.

Secondement. — Qu'il soit fait de nouvelles ordonnances pour l'abréviation de la procédure et la diminution des frais, sans que, dans les justices royales supérieures, il soit prélevé au profit du Roi aucuns droits sur les pièces de procédure, sentences, arrêts et exécutoire de dépens.

Troisièmement. — Que les droits des chancelleries soient diminués, ainsi que les privilèges des officiers des dites chancelleries abrogés, comme refoulant, sur le peuple.

Quatrièmement. — Que les juridictions seigneuriales soient supprimées ou établies de manière qu'en tout procès il n'y ait que deux instances, l'une en la juridiction d'instruction et l'autre en cause d'appel (voir la note qui suit).

Note : L'état de 1766 ne mentionne en Cuguen que la juridiction de la Massue, qui y exerçait la haute, moyenne et basse justice (Arch. C 1818) ; mais il y faut joindre la juridiction de la Roche-Thierry ou de la Roche-Montbourcher, dont le sénéchal a présidé l'assemblée de Cuguen.

ART 15. — Les seigneurs devraient suivre l'exemple de leur souverain pour la réformation de leurs fiefs ; cependant telle et la tyrannie du gouvernement féodal en Bretagne que, si un vassal a le malheur de déplaire à son seigneur, il est poursuivi à grands frais par son procureur fiscal, tantôt pour rendre un aveu, tantôt pour en rendre un autre, tantôt pour les réparations des chemins que pour collecte de rôles des droits de la seigneurie, en sorte que le pauvre vassal paye souvent aux gens du seigneur et à lui-même plus que sa possession ne vaut, ce qui nous détermine de plus en plus à demander l'exécution de l'article précédent.

ART. 16. — Rien ne ruine davantage les pauvres laboureurs des campagnes que les grands frais qu'ils essuient journellement pour les dommages causés par leurs bestiaux et les rixes qu'ils ont ensemble. Pourquoi il serait encore utile qu'il fût établi en chaque paroisse des juges de paix, choisis par la commune parmi les plus intelligents et les plus intègres pour vider ces sortes d'affaires sans aucunes formalités de justice, en leur attribuant le pouvoir de faire les instructions, rendre les sentences et les mettre à exécution sur papier commun sans frais de contrôle, sauf à punir les coupables par une amende modérée qui vertirait premièrement au salaire du sergent et le restant au profit des pauvres de la paroisse.

ART. 17. — Nous nous plaignons que, par une innovation singulière et oppressive pour les colons de cette paroisse, les gros décimateurs se sont ingérés depuis plusieurs années de percevoir les dîmes vertes, quoique ces dîmes fussent insolites et n'eussent pas lieu au passé ; nous demandons donc que, comme c'est une usurpation évidente sur les sujets de Sa Majesté, contre lesquels ils n'ont jamais pu prescrire par une possession abusive, ils aient à montrer leurs titres primordiaux, faute de quoi la levée de cette sorte de dîme soit prohibée et supprimée (voir la note qui suit).

Note : Les principaux décimateurs étaient : l'abbé du Tronchet, qui possédait des portions de dîmes dans différents traits et les avait affermés, par bail du 4 septembre 1786, moyennant 400 l. et 3 demeaux de seigle (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série Q, district de Saint-Malo, déclaration de l'abbé commendataire du Tronchet, du 4 janvier 1790) ; le prieur de la Roche-Montbourcher ; l'abbé de la Vieuville, dont la dîme de Plancoët était affermée 250 l. (Ibid., série Q, Registre des déclarations reçues au bureau des contrôles de Dol, fol. 23) ; le recteur de Cuguen, qui jouissait de 5 traits de dîme, lui rapportant au total 1289 1. 4 s. 3 d. ; dans le trait du Petit-Guyoul, les dîmes vertes lui donnaient un revenu de 60 l. (Voy. la déclaration du recteur Perras, publiée par P. DELARUE, Le clergé et le culte catholique en Bretagne..., t. V, pp. 51-52).

ART. 18. — Au surplus nous chargeons nos deux députés, lors de l'assemblée à la sénéchaussée de Rennes, de proposer en leur honneur et conscience tous autres articles de doléances qui n'ont pas été prévus par le présent et d'adhérer en général à tous les autres articles de doléances qui seront arrêtés en la dite assemblée pour le bien commun du Tiers Etat, la gloire et le maintien du Royaume, privilège, franchise, liberté et immunité de notre province et d'appuyer surtout sur la contribution égale des trois ordres à toutes taxes royales, sous quelque dénomination qu'elle soit levée, à ce que les droits de péages, travers et trépas d'une province à l'autre soient supprimés et tous bureaux de gabelles, employés et commis des fermes générales soient renvoyés sur la frontière, et à ce que le Tiers Etat soit toujours représenté par un nombre égal de députés à ceux des ordres de l'Eglise et de la Noblesse réunis, et à ce que, dans le nombre des députés du Tiers, il y en ait la moitié des villes et la moitié des paroisses de campagne.

Fait et arrêté en délibération et assemblée des habitants de la dite paroisse de Cuguen sous les seings de ceux qui savent signer et les nôtres le dit jour et an.

[23 signatures, dont celles du président Noury et du greffier Guelé].

(H. E. Sée).

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