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Anciennes circonscriptions paroissiales du Morbihan

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La publication des Répertoires archéologiques et des Dictionnaires topographiques de nos départements n'offrirait, croyons-nous, qu'un intérêt assez restreint, si de la description minutieuse des monuments divers, de l'exact relevé de tous les lieux-dits, anciens et modernes, de chaque pays, ne se détachait un ensemble d'enseignements moins locaux, un certain nombre de lois générales qui constituent, pour ainsi dire, la valeur extrinsèque de ces ouvrages. C'est parce que nous étions imbu de cette vérité que nous avons abordé, quant à nous, des travaux dont l'attrait, il faut bien le reconnaître, n'est pas irrésistible à première vue ; c'est pour la rendre sensible à tous les yeux que nous avons précédemment apporté aux séances de la Sorbonne, une série de monographies dont les matériaux étaient puisés dans le Répertoire du Morbihan, et que nous avons formé le projet d'emprunter au Dictionnaire topographique du même département les éléments d'études analogues dont nous présentons aujourd'hui la première, et non la moins importante, relative aux anciennes circonscriptions paroissiales.

L'institution des paroisses étant nécessairement postérieure à l'établissement des évêchés, nous n'aurons pas à remonter, pour la majeure partie du territoire que nous envisageons, au-delà de la fin du Vème siècle et de saint Patern, premier évêque de Vannes. A cette époque, la population de ce pays était un mélange de Celtes, de Romains, de Bretons émigrés, auxquels vinrent s'ajouter les Francs trois siècles plus tard ; c'est au milieu de ces éléments disparates que se fondèrent le diocèse de Vannes et les diocèses limitrophes, que s'implanta peu à peu le système de divisions et de subdivisions ecclésiastiques calqué sur l'ancienne organisation politique romaine et modifié par l'influence de la colonie bretonne toujours grossissante. Ce travail dut être, on le conçoit, lent et progressif ; sans parler des archidiaconés, des doyennés et des territoires dont l'établissement en Bretagne éprouva quelque retard, la création des paroisses fut nécessairement subordonnée, là comme ailleurs, à la double extension du christianisme et de la population. Ainsi que le fait observer avec raison M. l'abbé André (Cours de droit canon), auquel nous empruntons quelques-unes des considérations générales qui suivent, il n'y a point de canon prescrivant l'institution des paroisses ; elle varia suivant les lieux. Dans le principe, les évêques seuls étaient chargés du soin de tout leur diocèse ; pour les groupes de fidèles éloignés de leur résidence, ils déléguaient temporairement quelques-uns des prêtres qui les entouraient, et qui, leur mission terminée, revenaient auprès d'eux. Plus tard, lorsque la population s'accrut et que des églises se furent élevées sur divers points, des prêtres sédentaires furent attachés à ces églises pour l'administration des sacrements.

Telle fut évidemment l'origine des premières paroisses, composées d'une quantité plus ou moins considérable de villages réunis autour de la maison de Dieu ; et, comme le noyau primitif de chrétiens se forma auprès des évêques, il en résulte que le mot parrochia désigna longtemps le diocèse, avant de s'appliquer aux agglomérations éloignées pourvues d'une église et d'un prêtre fixe. En Bretagne particulièrement, la paroisse rurale ne semble pas avoir porté la qualification de parrochia avant le XIIème siècle ; jusque-là elle est appelée plebs (en breton plou et toutes ses variantes), plebs condita, quelquefois vicaria. D'après M. J. Desnoyers (Topographie ecclésiastique de la France, dans l'Annuaire historique pour 1853), plebs et condita plebs seraient deux termes à peu près équivalents, le second se rapportant toutefois à une paroisse d'un ordre supérieur. M. A. de Courson (Prolégomènes du Cartulaire de Redon), d'accord avec du Cange, voit dans la plebs condita un établissement romain et militaire, une sorte de magasin de ravitaillement. Quant à la dénomination de vicaria, généralement considérée comme synonyme de plebs ou de parrochia, nous y reviendrons plus loin. 

Si nous relevons, à l'aide du Dictionnaire topographique du Morbihan, les noms des paroisses mentionnées dans les textes les plus anciens, en nous arrêtant, par exemple, à la fin du XIIIème siècle, nous formerons les tableaux suivants :

VIème siècle.

Kervignac, plebs (Archives de l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé) ; appelée aussi parrochia au XIIIème siècle (abbaye de la Joie).

Plouhinec, plebs (abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé).

IXème siècle.

Allaire, plebs (Cartulaire de Redon).

Arzon, plebicula (Id.)

Augan, plebs condita (Id.)

Caden, plebs (Id.)

Campénéac, plebs (Id.)

Carentoir, plebs condita (Id.)

Caro, plebs (Id.)

Cléguérec, plebs (Id.)

Guer, plebs condita (Id.)

Guillac, plebs (Id.)

Lanouée, plebs (Id.)

Locmariaquer, plebs (Id.)

Malansac, plebs (Id.)

Marzan, plebs (Id.)

Molac, plebs condita (Id.)

Peillac, plebs (Id.)

Pleucadeuc, plebs condita (Id.)

Ploërmel, plebs (Id.)

Pluherlin, plebs (Id.)

Ruffiac, plebs condita (Id.)

Serent, plebs (Id.)

Tréal, plebs (Id.)

Xème siècle.

Elven, plebs (Cartulaire de Redon).

XIème siècle.

Camoël, plebs (Cartulaire de Redon).

Guiscriff, plebs (Dom Morice).

Loyat, plebs (Cartulaire de Redon).

Ménéac, plebs  (Id.) ; dite aussi vicaria, même siècle (D. Morice).

Mohon, vicaria (D. Morice) ; appelée aussi parrochia au XIIIème siècle (Duché de Rohan-Chabot).

Neulliac, plebs (Cartulaire de Redon).

Nivillac, plebs (Id.)

Noyal (Pontivy), plebs (Id.)

Saint-Démétre, plebs (Vie de Saint-Gildas par le moine anonyme de Rhuys). Cette paroisse, aujourd'hui inconnue, est mentionnée par M. l'abbé Luco, dans son histoire de saint Gildas de Rhuys. L'auteur en place le siége principal au village de Penvins situé actuellement dans la paroisse de Sarzeau.

XIIème siècle.

Béganne, plebs (Cartulaire de Redon).

Bieuzy, parrochia (Id.)

Crédin, parrochia (Prieuré de Saint-Martin de Josselin).

Melrand, parrochia (Cartulaire de Redon).

Missiriac, parrochia (Prieuré de la Magdeleine de Malestroit).

Noyai (Muzillac), plebs (Cartulaire de Redon).

Ploemeur, plebs (D. Morice).

XIIIème siècle.

Baud, parrochia (Abbaye de Lanvaux).

Billiers, parrochia (D. Morice).

Bourg-Paul-Muzillac, parrochia (D. Morice).

Brech, parrochia (Abbaye de Lanvaux).

Bréhan-Loudéac, parrochia (D. Morice).

Bubry, parrochia (Abbaye de la Joie).

Buléon, parrochia (Id.)

Cléguer, parrochia (Id.)

Cruguel, parrochia (Abbaye de Lanvaux).

Inguiniel, parrochia (Abbaye de la Joie).

Langoelan, parrochia (Abbaye de Bon-Repos).

Languidic, parrochia (Abbaye de la Joie).

Malguénac, parrochia (Duché de Rohan-Chabot).

Mencon, parrochia (Abbaye de Lanvaux).

Moréac, parrochia (D. Morice).

Naizin, parrochia (Duché de Rohan-Chabot).

Pleugriffet, parrochia (Id.)

Ploërdut, parrochia (Abbaye de Bon-Repos).

Plouay, parrochia (Abbaye de la Joie).

Pluméliau, parrochia (Duché de Rohan-Chabot).

Radenac, parrochia  (D. Morice).

Réguiny, parrochia (Id.)

Remungol, parrochia (Id.)

Saint-Tugdual, parrochia (Abbaye de Bon-Repos).

Theix, parrochia (Eglise paroissiale de Saint-Patern de Vannes).

Bien que cette liste puisse paraître déjà assez étendue, il est malheureusement certain que, vu la rareté de nos anciens documents, elle ne saurait avoir la prétention d'être complète. C'est à dessein que nous n'y faisons point figurer la parrochia Venetensis de la Vie de saint Melaine (VIème siècle) qui, ainsi que nous l'avons dit plus haut, ne saurait désigner autre chose que le diocèse de Vannes. Nous avons également rejeté quelques localités comme :

Silfiac (IXème siècle).

Saint-Malo-de-Beignon (XIème siècle).

Guern (XIIème siècle), 

Auxquelles est accolée la dénomination d'ecclesia, ce mot n'impliquant pas nécessairement l'existence d'une paroisse correspondante ; et d'autres encore, fournies par la charte de Conan IV (1160), sous le nom d'eleemosina ou hospitale, comme de simples établissements de chevaliers de Saint-Jean, à savoir :

- Hôpitaux :

Locmalo,

Pontivy,

Sulniac,

- Aumôneries :

Cléguer,

Cléguérec (?), dans le doyenné ou la seigneurie de Guémené-Guégant,

Gourin (Roudouallec en),

Languidic,

Malansac,

Molac,

Nostang,

Noyal-Muzillac (Le Guerno en),

Noyal-Pontivy (Kerfourn en),

Ploërmel,

Priziac,

Questembert,

Quistinic,

Sulniac (Le Gorvello en),

tout en faisant remarquer cependant que, plusieurs de ces localités figurant déjà sur la liste des paroisses anciennes, il serait sans doute permis d'y comprendre aussi les autres.

Nous serons moins scrupuleux en ce qui concerne un certain nombre de paroisses non mentionnées dans les vieux titres, mais dont le nom, si l'on s'en rapporte à nos tableaux, trahit unie origine antérieure au XIIIème siècle ; nous voulons parler de toutes celles (et nous en avons déjà cité plusieurs) qui ont emprunté leur appellation au mot plebs lui-même transformé dans la langue bretonne en ple, pleu, plo, ploe, plou, plu, et nous joindrons résolument à notre nomenclature :

Péaule  (corruption de Pléaule),

Plaudren,

Plescop,

Ploemel,

Ploeren,

Plougoumelen,

Plouharnel,

Plouray,

Plumelec,

Plumelin,

Plumergat,

Pluneret,

Pluvigner,

Nous serions peut-être autorisés à compter encore au rang des paroisses primitives certaines communautés d'habitants dont l'ancienneté nous est révélée soit par la tradition, soit par les données de l'histoire ou de l'archéologie. Qui peut douter, par exemple, de l'antiquité de Saint-Patern comme paroisse érigée au centre même du diocèse de Vannes en l'honneur de son premier évêque ? D'après le Propre des Saints de ce diocèse (1660), la première église de Saint-Patern remonterait au moins au VIème siècle. Mais il faut savoir se borner et ne pas altérer par des hypothèses plus ou moins ingénieuses un ensemble de faits puisés à des sources irrécusables ; aussi bien nous ont-elles fourni prés de quatre-vingts noms, c'est-à-dire environ le tiers du nombre des communes dont se compose aujourd'hui le département du Morbihan.

Reprenons maintenant cette précieuse liste, et tâchons d'en tirer tout le parti possible ; elle va donner lieu à plusieurs observations intéressantes. Tout d'abord, dressons une carte muette à une échelle convenable ; aux indications invariables des hauteurs et des cours d'eau ajoutons le tracé des forêts que le temps a fait disparaître, par exemple celles de Brécilien, de Rhuys et de Quiberon, le contour des l'Andes immenses que les siècles ont peuplées et défrichées en partie, comme celle de Lanvaux ; puis, représentons sur cette carte, par des signes conventionnels, les monuments celtiques et romains, ainsi que les restes du moyen-âge antérieurs au XIVème siècle ; disposons enfin au milieu de cet ensemble les noms des paroisses signalées ci-dessus, en nous aidant de la géographie moderne ; nous posséderons ainsi, grâce au concours du Répertoire et du Dictionnaire, un document topographique de la plus haute importance pour l'intelligence des vieux textes et l'histoire de notre passé.

En ce qui concerne spécialement la question dont nous nous occupons, devra-t-on essayer de donner sur cette carte à chacune de nos paroisses une délimitation exacte ? Nous ne le pensons pas ; car, bien que nos plus anciens titres relatent presque toujours la paroisse dans laquelle sont situés les lieux dont ils parlent, ces titres sont trop peu nombreux pour fournir sur ce point des éléments précis et suffisants, et l'on s'exposerait à commettre de graves erreurs. Il sera donc plus prudent de se borner à indiquer la position respective des différents groupes, en tenant compte des transformations plus ou moins considérables qu'ils ont subies aux époques postérieures, transformations signalées encore au Dictionnaire.

Malgré cette incertitude dans les circonscriptions primitives, on ne tardera pas à découvrir deux lois générales qui ont présidé à leur établissement et qui sont, d'ailleurs, la conséquence logique des circonstances au milieu desquelles les paroisses se sont fondées. Du petit nombre des fidèles dispersés sur toute la superficie du diocèse et de celui des prêtres envoyés au milieu d'eux à l'origine devait résulter une étendue considérable des paroisses. D'autre part, elles trouvaient des limites naturelles et presque infranchissables dans les forêts que ne traversait aucune route praticable, dans les cours d'eau dont les rives n'étaient reliées que de loin en loin par quelque grossier pont de bois ; quelquefois, à défaut d'accident de terrain, la délimitation était indiquée par le tracé de l'antique voie romaine, ainsi qu'on peut le constater encore aujourd'hui pour plusieurs paroisses. Chemins, bois, ruisseaux, telles furent les limites adoptées dans le principe pour le débornement des diocèses, et plus tard pour celui des archidiaconés et des doyennés ; telles sont celles qu'on recherche de nos jours pour la formation des communes modernes.

La loi d'étendue une fois admise pour la plupart des agglomérations primitives, nous demanderons la permission d'en tirer un argument en faveur de l'ancienneté de certaines paroisses non signalées par les vieux titres ; c'est-à-dire que : plus une paroisse sera grande, plus il y aura de probabilité pour qu'elle soit ancienne ; plus, au contraire, elle sera petite, plus il faudra douter de son ancienneté. Cette théorie peut sembler spécieuse au premier abord : la suite de cette étude va, nous l'espérons, en démontrer l'évidence.

Tandis que s'affermissait peu à peu l'organisation ecclésiastique séculière de chaque diocèse, les monastères et les châteaux s'élevaient de toutes parts, et leur influence sur cette organisation ne devait pas tarder à se faire sentir, par suite des déplacements qu'ils occasionnèrent parmi les populations. Moins réels peut-être pour les monastères autour desquels étaient réservés de vastes terrains nécessaires à l'alimentation et aux travaux obligatoires des moines, ces déplacements ne sauraient être contestés en ce qui regarde la plupart des châteaux. Si nous dressons la liste de ces derniers dans le département du Morbihan, en nous bornant aux plus anciens et aux plus importants, nous en trouvons un certain nombre d'isolés, tels que les résidences ducales de l'Isle, en Marzan, de Plaisance, près de Vannes, de Sucinio, en Sarzeau, et les demeures seigneuriales du Bois-de-la-Roche, de Châteautro, d'Elven, de Kaer, de Penmeur, de Trécesson, de Tréfaven, etc. Peut-être faut-il chercher la cause de leur isolement dans leur situation même sur des sommets inaccessibles, au milieu des forêts ou des eaux. Quoi qu'il en soit, ce ne sont là que des exceptions ; car, si nous complétons notre liste, nous aurons à leur opposer des noms dont l'autorité suffira sans doute pour affirmer le principe général : tels sont ceux de

Auray,

Castennec,

Guémené,

Hennebont,

Josselin,

Malestroit,

Ploërmel,

Pontivy,

Port-Louis (le),

Rieux,

Roche-Bernard (la),

Rochefort,

Rohan,

Vannes.

Nous laissons de côté les fortifications modernes de Belle-île et de Lorient.

Ces divers châteaux, dont la construction révélait des préoccupations purement militaires, avaient emprunté aux établissements romains du même genre non-seulement leur système de défense, mais aussi, pour la plupart, leurs emplacements, qui répondaient à des besoins identiques, sur des hauteurs, dans le voisinage des cours d'eau, des vallées et des routes. Il en résulta que, le plus souvent, le château se trouva d'abord éloigné du centre de la paroisse, assis de préférence au milieu de vastes plaines plus favorables à l'agriculture. C'est ainsi que s'élevèrent le château d'Auray sur les bords escarpés du Loc, à l'extrémité de la paroisse de Brech ; celui de Castennec sur les flancs arides de la pointe de ce nom formée par une sinuosité du Blavet, en la paroisse de Bieuzy ; celui de Guémené, près du Scorf, en Locmalo ; celui de Malestroit, dans le petit flot de la Saudraye, sur l'Oust, aux confins de la paroisse de Missiriac ; ceux de La Roche-Bernard, près de la Vilaine, en Nivillac ; de Rochefort, sur la grée de Pluherlin ; de Rohan, sur l'Oust, en Saint-Gouvry.

Quelle que soit l'ancienneté de la paroisse de Saint-Caradec, où est aujourd'hui située la Vieille-Ville d'Hennebont, il est présumable que, lorsque le château de ce nom fut construit en ce lieu d'où il dominait le Blavet jusqu'à son embouchure, ces rivages alors déserts faisaient partie de la paroisse de Caudan ; c'est, du reste, l'opinion de l'abbé Cillart qui écrivait au milieu du XVIIIème siècle (Notice manuscrite sur les bénéfices du diocèse de Vannes, aux archives départementales du Morbihan).

La position de Josselin, à l'extrémité des deux vieilles paroisses de Guillac et de Lanouée, nous induit également à penser que son château, baigné par la rivière d'Oust, appartenait au territoire de l'une d'elles ; mais nous n'avons aucun titre à citer à l'appui de celte opinion.  Il n'en est pas de même pour Pontivy. Personne n'ignore que l'ancien château des Salles, bâti sur la rive gauche du Blavet, dépendait de Noyal.

Tout le monde sait aussi que le Fort-Louis ou Port-Louis, bien avant les constructions du maréchal de Brissac, au commencement du règne de Louis XIII, était une place forte connue sous le nom de Locperan ou de Blavet, défendant l'entrée de ce qui devint plus tard la rade de Lorient, sur une pointe avancée de la paroisse de Riantec. On ne saurait dire au juste aujourd'hui où s'élevait le château de Ploërmel, mais les auteurs qui en ont parlé le mettent au centre de la ville actuelle, tandis que la tradition fixe au faubourg de Saint-Nicolas le siége principal de l'antique paroisse du IXème siècle.

On chercherait de même en vain la première église de Rieux dans les environs du château de ce nom, au bord de la Vilaine, celle de Saint-Melaine qui en tient lieu de nos jours ayant été nécessairement à l'origine la chapelle particulière du prieuré de ce vocable, membre de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys. Nous ne pouvons la placer qu'à Saint-Jean-des-Marais à présent enclavé dans la commune de Saint-Jean-la-Poterie distraite récemment de celle de Rieux. Quant au vieux château de la Motte, à Vannes, bâti sur l'enceinte gallo-romaine de cette ville, il n'en était pas moins quelque peu éloigné de l'église paroissiale primitive élevée au faubourg de Saint-Patern. A part ce dernier cas, dont l'exception est suffisamment justifiée par l'importance même des moyens de défense préexistants, on peut conclure de ce qui précède qu'en règle générale les châteaux furent isolés à l'origine ; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, leur établissement devait bientôt entraîner le déplacement d'une partie de la population. Tout d'abord se groupèrent autour d'eux les nombreux ouvriers qui travaillaient à leur construction ; plus tard ce furent les différents officiers, les journaliers, les fournisseurs des châtelains ; sous le patronage de ces derniers, le commerce et l'industrie prirent un développement que favorisèrent l'érection des halles ou cohues, la création des marchés et des foires. A l'ombre du château et sur ses dépendances se constituait ainsi le bourg ou la petite ville ; ce fait n'a pas besoin d'être démontré pour les châteaux que nous avons mentionnés en dernier lieu ; tout au plus aurons-nous à le certifier pour Castennec. Qu'il nous suffise de dire que le village situé près de cette forteresse, siège primitif de la vicomté de Rohan, était considérable au XVème siècle, ainsi que cela résulte de l'examen des archives de cette seigneurie, bien que le château eût été, dès cette époque ; abandonné depuis longtemps ; et qu'il portait encore la qualification de bourg au commencement du XVIème siècle. Mais d'autres transformations allaient se produire. Amenés et retenus par le soin de leurs intérêts autour des châteaux, les habitants des villes y trouvèrent d'abord une retraite assurée contre les incursions des gens de guerre fréquemment attirés par la présence de leurs puissants voisins. Puis, sans doute à l'instigation des seigneurs, les villes sentirent bientôt le besoin de s'enclore elles-mêmes ; mais il est à remarquer que, dans ce cas, leur enceinte, rapprochée le plus possible de celle du château, en resta cependant toujours distincte, de telle sorte que, forcés dans leur premier retranchement, les habitants pouvaient se réfugier, soit par des ponts-levis, soit par des conduits souterrains dont le souvenir s'est perpétué jusqu'à nos jours, à l'intérieur des fortifications du château, qui remplissait ainsi, à l'égard de la ville, un rôle analogue à celui que jouait le donjon par rapport au château lui-même. Telle fut, dans le Morbihan, l'origine des villes closes d'Hennebont, de Josselin, de Malestroit, de Ploërmel, du Port-Louis, dont les enceintes existent encore, plus ou moins complètes ; nous nous contenterons de les signaler ; quant aux autres, moins connues, il est nécessaire d'entrer à leur sujet dans quelques développements.

Nous avons douté longtemps que la partie de la ville d'Auray comprise aujourd'hui dans la paroisse de Saint-Gildas eût été défendue par des murailles ; cependant une note extraite par l'abbé Cillart des archives de Kerantré, nous apprend qu'au milieu du XVIIIème siècle on voyait encore à plusieurs issues de la ville des restes de portes ; la Commanderie du Saint-Esprit aurait été en dehors de l'enceinte.

Quoique nous n'ayons point relevé de traces semblables à Guémené, nous ferons observer que les titres nombreux que nous possédons pour cette localité y révèlent l'existence de faubourgs ; de barrières, d'un droit de papegault, enfin d'un capitaine et gouverneur de la ville et château, toutes choses qui ne se rapportent d'ordinaire qu'aux places fortifiées.

On a écrit à diverses reprises que Pontivy n'avait jamais été une ville forte, qu'elle était tout au plus à l'abri d'un coup de main ; nous ignorons sur quelles preuves on s'est appuyé pour avancer cette assertion, peut-être sur la médiocre apparence de la porte toute moderne qu'on y voit encore, sur quatre que l'on comptait autrefois. Nous pouvons affirmer, à l'aide de documents positifs, qu'il y avait à Pontivy de vieilles murailles au milieu du XVème siècle, c'est-à-dire après la ruine du château des Salles et avant la construction du nouveau château, toujours en dehors de la ville close. Ces murailles existaient encore en partie au XVIIème siècle.

Tout le monde connaît l'origine antique de Rieux : établissement romain sous le nom de Durecie, résidence des comtes de Vannes au IXème siècle, ce lieu n'a conservé de son illustre passé que la dénomination de ville revendiquée encore aujourd'hui par la pauvre petite bourgade groupée au pied du château. Ce que l'on sait moins, c'est que la vieille ville était jadis entourée de murs ; Ogée en parle dans son Dictionnaire de Bretagne ; les notes de l'abbé Cillart en font également foi.

Nous dirons la même chose de Rohan. Près du château, bâti au commencement du XIIème siècle, ainsi que nous l'apprend un titre de Saint-Martin de Josselin, s'était formé un bourg du même nom avec enceinte, si l'on s'en rapporte à cette description fournie par l'acte d'inféodation du duché de Rohan en 1682 : « La ville était autrefois cernée de murailles et fossés dont on voit encore les vestiges ». Mais nous serons moins affirmatif en ce qui concerne Rochefort et la Roche-Bernard. Pour la première de ces villes, nous ferons simplement observer que les portes modernes qu'on y remarque ont bien pu, là comme ailleurs, en remplacer de plus anciennes ; et, quant à la seconde, où l'emplacement du château nous est inconnu, nous nous appuierons uniquement sur la concession qui lui avait été faite du privilège du papegault. Ainsi, sous l'influence des châteaux, les villes s'étaient établies et encloses ; mais les choses ne devaient pas en rester là. Le temps et une sécurité plus grande amenèrent dans chaque ville un accroissement de population tel que l'enceinte, généralement assez exiguë, finit par ne plus pouvoir la contenir ; elle se répandit alors au-dehors et se déploya tout à son aise dans les faubourgs. Alors aussi s'opéra naturellement cette révolution dans l'organisation des paroisses primitives dont nous parlions plus haut, et pour l'intelligence de laquelle il nous a fallu entrer dans les digressions qui précèdent. On comprend, en effet, que les agglomérations nouvelles, eu égard au nombre des habitants, au rang de bourgeois qu'ils devaient à leurs remparts, aux divers services qu'ils étaient appelés à rendre en cette qualité, avaient tous les titres nécessaires pour être érigées elles-mêmes en paroisses, titres auxquels venait s'ajouter au besoin la puissante influence du seigneur voisin. Ces érections s'effectuèrent pour nos villes à des époques variables et que nous ne saurions préciser exactement pour chacune d'elles ; du moins pourrons-nous faire ressortir quelques principes généraux qui semblent avoir présidé à ce remaniement des circonscriptions paroissiales. Constatons d'abord que, sans parler de Ploërmel qui garda le nom de la paroisse sur laquelle elle s'était élevée, tout en en devenant le noyau, ni de Castennec qui ne porta le titre de paroisse que jusqu'au XVème siècle, les villes d'Auray, Hennebont, Josselin, Malestroit, Pontivy, Rieux, Rohan, Vannes (cette dernière pour la partie enclose) devinrent, en effet, paroisses, au détriment des circonscriptions rurales primitives. Il y a plus : quelques-unes de ces villes s'étant développées sur les deux rives du cours d'eau près duquel avait été bâti le château, chacune des deux agglomérations forma une paroisse distincte, et l'on eut à Auray, par exemple, la paroisse de Saint-Gildas prise sur Brech, et, de l'autre côté du Loc, celle de Saint-Goustan distraite de Pluneret ; à Hennebont, la paroisse de Saint-Caradec, taillée dans celle de Caudan et comprenant le château, sur la rive droite du Blavet, tandis que la ville close, construite sur la rive gauche, devenait la paroisse de Saint-Gilles enlevée au territoire de Languidic. De même à Josselin furent érigées, d'un côté de l'Oust, la paroisse de Sainte-Croix prise sur Guégon dans le diocèse de Vannes ; de l'autre, dans l'évêché de Saint-Malo, celle de Notre-Dame-du-Roncier composée de la ville close et du château, avec celles de Saint-Martin et de Saint-Nicolas pour les faubourgs, détachées celle-ci de Guillac, celle-là de Lanouée. A cheval également sur la rivière d'Oust, au milieu de laquelle s'élevait son château, Malestroit se vit, elle aussi, scindée en deux paroisses ; d'une part, la ville close, bâtie sur le territoire de Pleucadeuc, forma la paroisse de Saint. Gilles ; de l'autre, la Magdeleine, comprise à l'origine, ainsi que le château, dans les limites de Missiriac, devint à son tour une paroisse distincte pendant plusieurs siècles. Quant à Pontivy, si la ville close donna naissance à une paroisse distraite de Noyal, il est moins certain que son faubourg d'Outre-l'eau (aujourd'hui Tréleau), situé sur la rive opposée du Blavet, ait jamais constitué une paroisse particulière ; il paraît avoir toujours dépendu de celle de Malguénac.

On remarque, en outre, dans cette nouvelle distribution des paroisses, deux faits assez curieux. Si l'on s'explique aisément que la délimitation naturelle d'une rivière ait, à Hennebont et à Malestroit, amené la répartition, entre deux paroisses différentes, de la ville close et du château, on se demande pour quels motifs cette répartition se produisit à Pontivy où le château, même celui du XVème siècle bâti tout auprès des murs de la ville, resta toujours enclavé dans la paroisse de Noyal. On se demande surtout pourquoi ce principe de séparation fut appliqué à Vannes où, lors de l'érection de la ville close en paroisse sous le vocable de Sainte-Croix, le château de la Motte, quoique construit dans l'enceinte elle-même, fut, par une exception flagrante en pareil cas, annexé à la paroisse extérieure de Notre-Dame-du-Mené (ou du moins on l'y trouve annexé plus tard), avec la rue Notre-Dame (aujourd'hui de la Préfecture) et les impasses qui en dépendent. Cet état de choses se perpétua aussi pour Vannes jusqu'à la Révolution ; on voit, en effet, dans les déclarations modernes fournies au Roi par les évêques de Vannes établis, comme on sait, au manoir de la Motte depuis le XVème siècle, que la paroisse du Mené comprenait, dans la ville close, non-seulement le palais épiscopal, mais encore tout le terrain limité d'un côté par les murailles, de l'autre par une rue qui a disparu et qui, sous le nom de rue aux Anes, reliait la cour dudit palais à la porte de Saint-Salomon.

Une autre observation non moins curieuse que la précédente, c'est qu'à l'origine de l'érection de nos villes en paroisses, un certain nombre des nouvelles églises paroissiales furent prises ou construites en dehors de l'enceinte, quelquefois même à une distance assez considérable, soit que la place manquât à l'intérieur, soit qu'on trouvât, plus avantageux de transformer simplement la chapelle seigneuriale. Rappelons, par exemple, que la première église d'Hennebont (partie enclose), connue sous le vocable de Saint-Gilles, s'élevait jadis en dehors des murs, en face de la porte de Broërec. A Josselin, Notre-Dame-du-Roncier ne fut longtemps qu'une chapelle ; elle avait été substituée à l'église de Saint-Michel, qui elle-même avait remplacé l'église de Saint-Martin ; c'était du moins une tradition très vraisemblable rapportée par Ogée, et que confirmerait pleinement l'existence simultanée à Josselin, encore au XVIIIème siècle, de trois recteurs de Notre-Dame fonctionnant comme tels chacun à son tour, savoir le recteur particulier de Notre-Dame et ceux de Saint-Michel et de Saint-Martin. Il faut aller jusqu'au village de Cohazé, aujourd'hui en Saint-Thuriau, pour voir l'ancienne église de Pontivy appelée, jusqu'au XVIIIème siècle, paroisse de Cohazé-Pontivy. C'est de même à Saint-Martin, dont le cimetière a été conservé, au-delà du château, qu'il faut chercher l'emplacement de la première église de Rohan, qui ne céda ce titre à Saint-Gobrien qu'à la fin du XVIIème siècle. Vannes suivit encore à cet égard la règle commune. Nous avons dit que, dans la ville close, à part la réserve que nous avons signalée, avait été établie la paroisse de Sainte-Croix ; hors des murs s'étendaient les petites paroisses de Saint-Salomon et du Mené, puis la vaste paroisse de Saint-Patern enveloppant le tout et se répandant sur la campagne. La construction par le duc Jean IV du château de l'Hermine, à la fin du XIVème siècle, ayant eu pour résultat la démolition d'une partie de l'enceinte primitive et l'extension de cette enceinte, la paroisse de Sainte-Croix s'agrandit dans la même proportion ; aussi renfermait-elle, au commencement du XVème siècle, la chapelle des Lices bâtie par Jean V en vue du château sous le vocable de Notre-Dame de Chartres. Mais on sera peut-être étonné d'apprendre où était située, vers cette époque, l'église paroissiale. Si nous fussions sortis de la ville close, il y a une plusieurs centaine d'années environ, par la porte de Notre-Dame, après avoir longé la place du Grand-Marché et pris la rue Saint-Yves, nous eussions rencontré à l'extrémité de cette rue, entre l'enclos des Visitandines et le couvent de Nazareth, une petite chapelle en ruines entourée d'un cimetière ; c'étaient les restes de la chapelle Saint-Michel, c'étaient les derniers souvenirs de l'antique église des paroissiens de Sainte-Croix. Pour s'en convaincre, il suffit de lire les statuts de la confrérie des Trépassés fondée à Vannes en 1543 ; le premier article porte que le service divin de ladite confrérie sera célébré " en l'église et chapelle de Monsieur Sainct-Michel située aux faubourgs de Vennes, laquelle au temps jadis avoict esté la parrochialle église des nobles bourgeois, mannans et habitans de la ville de Vennes " (Archives départementales du Morbihan). Quant à la cathédrale, élevée à l'origine en l'honneur de saint Pierre à l'intérieur de la ville close, bien que la paroisse de Sainte-Croix soit devenue au XVIIIème siècle la paroisse de Saint-Pierre, bien qu'elle eût déjà usurpé cette dénomination au XVème et au XVIème siècle ; il est certain qu'elle ne cessa, en tant que cathédrale, d'appartenir au Chapitre depuis sa fondation ; seulement on y concéda de bonne heure aux paroissiens de Sainte-Croix un autel de ce vocable pour leur usage particulier. Mais les inhumations continuèrent d'avoir lieu à Saint-Michel jusqu'au milieu du XVIIIème siècle ; à cette époque, la chapelle Saint-Michel ayant été démolie, le cimetière fut transféré auprès de celle des Lices.

Indépendamment de l'influence des châteaux sur les circonscriptions de paroisses, nous avons signalé plus haut, mais avec quelque réserve, l'influence analogue exercée par les monastères. On ne la reconnaît, en effet, sans doute pour la raison que nous avons donnée, que sur un petit nombre de points ; mais là, du moins, elle est aussi évidente que pour les châteaux. L'abbaye de Saint-Gildas, par exemple, fondée, au VIème siècle, sur la plage déserte de Rhuys, et relevée au XIème siècle, vit se grouper autour d'elle quelques villages qui formèrent plus tard la paroisse de Saint-Goustan, non loin d'Arzon et de Saint-Démètre. Le monastère de Locminé, créé dès le VIIIème siècle et rétabli de même au XIème siècle dans la paroisse de Moréac, devint le centre d'une nouvelle paroisse à laquelle il donna son nom. A côté du château de Josselin, et grâce à la généreuse initiative ou au patronage de ses habitants, s'étaient fondés jusqu'à six prieurés qui ne contribuèrent pas peu au développement de la ville et des faubourgs et donnèrent naissance aux diverses paroisses que nous avons ci-dessus mentionnées. Enfin le prieuré de la Trinité-Porhoët, membre de l'abbaye de Saint-Jacut, en se fixant à l'extrémité du territoire de Mohon, à la limite des diocèses de Saint-Malo et de Saint-Brieuc, détermina plus tard la formation de la petite ville et paroisse de la Trinité. Quand on examine les plans actuels des communes qui renferment nos anciennes villes, on est frappé de leur peu d'étendue en général ; quelques-unes même, en ne tenant pas compte des additions récentes qui y ont été faites, ne sont guères composées que de la ville ; telles sont : Auray, Guémené, Josselin, le Port-Louis, la Roche-Bernard, Rochefort, Rohan et la Trinité. Si l'on songe maintenant que la commune fut, à peu d'exceptions près, calquée sur l'ancienne paroisse, on en concluera que les villes ne furent jusqu'à la Révolution que de très petites paroisses, et il est facile de vérifier que, pour les villes closes particulièrement, la paroisse ne s'étendit pas, en elle le plus souvent au-delà de l'enceinte, les faubourgs faisant partie de la ville, mais non de la paroisse. Parmi les raisons qui peuvent expliquer ce fait ; les deux principales sont, croyons-nous, d'une part l'importance de la population intra muros, d'autre part la résistance que ne manqua pas d'opposer jusqu'à la fin à l'extension de la paroisse urbaine la paroisse rurale primitive déjà dépossédée d'une partie de son territoire. Cette résistance dont nous allons rechercher tout-à-l'heure les motifs réels, fut telle que le concile de Trente lui-même (1545-1563) ne put la briser complètement. Un article de ce concile enjoignait aux évêques de diviser en paroisses déterminées, avec un curé particulier pour chacune, les villes où cette opération n'avait pas encore été faite ; il ordonnait également que, dans les villes et autres lieux où il n'existait point de paroisse, il en fut créé au plus tôt, " nonobstant tous priviléges et toutes coutumes même de temps immémorial ". Malgré cette décision, quelques-unes de nos villes ne devinrent jamais paroisses ; ainsi le Port-Louis dépendit toujours de Riantec, la Roche-Bernard de Nivillac, Guémené de Locmalo, Rochefort de Pluherlin. Peut-être faut-il attribuer ces exceptions, pour la première de ces localités, à son rôle tout militaire et à la date récente de son importance comme ville, pour la seconde à l'influence qu'y exerça longtemps le protestantisme, pour les deux dernières à l'existence de collégiales qui rendaient moins urgente l'érection de nouvelles paroisses. Mais ces diverses raisons ne nous satisfont qu'à demi ; nous allons donc en proposer une autre qui nous semble d'autant plus acceptable qu'elle a l'avantage d'être plus générale. Remarquons, d'abord, en ce qui concerne les quatre villes en question, que deux d'entre elles, Rochefort et le Port-Louis, si elles ne furent pas érigées en paroisses, devinrent du moins succursales ou, comme on disait en Bretagne, trèves des paroisses dans lesquelles elles avaient grandi ; les deux autres, au contraire, la Roche-Bernard et Guémené, n'ont jamais été même succursales et firent toujours partie intégrante de Nivillac et de Locmalo. Constatons ensuite, que ces deux dernières paroisses étaient les sièges des doyennés de la Roche-Bernard et de Guémené. Ce simple rapprochement non-seulement nous fournit l'explication que nous cherchions, mais il éclaire cette étude d'un jour nouveau qui nous permettra, nous l'espérons, de la conduire jusqu'à la fin sans encombres.

Nous avons successivement exposé de quelle manière s'étaient formées à l'origine les grandes circonscriptions paroissiales, et comment cette première organisation fut modifiée peu à peu sur plusieurs points par l'établissement des châteaux et des monastères, établissement qui eut pour résultat la création d'un certain nombre de nouvelles paroisses. Il nous reste à faire voir que cette transformation prit bientôt le caractère d'une mesure générale, et à démontrer de quelle façon elle s'opéra le plus fréquemment.

Tandis que les villes poursuivaient leur développement normal, les populations rurales, de leur côté, ne restaient point stationnaires ; il arriva, pour elles aussi, un moment où, pour répondre aux demandes qui affluaient de tous les villages éloignés des églises primitives, il fallut multiplier les centres, ce qu'on fit tout en respectant les anciennes divisions du diocèse ; mais cette multiplication, au lieu de se traduire, comme pour la plupart des villes, par des érections de paroisses, eut surtout pour effet la formation d'un nombre considérable de succursales ou trèves ; on n'en comptait pas moins de quatre-vingts dans le Morbihan à la Révolution, c'est-à-dire autant que de vieilles paroisses. La liste de ces trèves ayant été publiée dans la préface du Dictionnaire topographique, il est inutile de la transcrire ici ; nous ferons seulement remarquer que nos vastes paroisses primitives en ont produit naturellement plus de la moitié ; quelques-unes, comme Carentoir, Sérent, Noyal-Pontivy, en fournirent jusqu'à trois ou quatre chacune. Nous ne serions pas en mesure d'affirmer que la décision du concile de Trente, rapportée ci-dessus, ne donna naissance en Bretagne aucune paroisse nouvelle , mais à coup sûr le nombre de ces paroisses, s'il en existe, doit être assez minime. Nous pensons, au contraire, que celui des trèves dut s'accroître sensiblement à cette époque, car nous en connaissons peu qui soient antérieures.

Pour bien comprendre les motifs qui firent ainsi adopter le système des trèves au lieu de paroisses dont la création était imposée par le concile, il est nécessaire d'entrer dans quelques détails relativement à l'organisation du clergé lui-même. Nous avons dit, au début de ce travail, qu'aux prêtres temporairement délégués par les évêques dans le principe avaient succédé, au fur et à mesure des besoins, toute une colonie de prêtres résidant au milieu des paroisses nouvellement érigées. L'entretien de ces prêtres  désignés sous le nom de curés ou de recteurs (ce dernier seul a persisté en Bretagne), était à la charge des populations qui les avait demandés ; ce fut l'origine des dîmes d'abord volontaires, puis rendues bientôt obligatoires par un capitulaire de Charlemagne de 799. Ces dîmes étant devenues avec le temps considérables ne tardèrent pas à exciter les convoitises, et, comme elles représentaient des revenus certains, le bas-clergé s'en vit enlever peu à peu la jouissance sous différents prétextes. Evêque, Chapitres, communautés religieuses, seigneurs même, se les disputèrent à l'envi. Ainsi furent unies à l'évêché de Vannes, dont la mense avait été reconnue insuffisante, les dimes de Cléguérec, Sarzeau, Sulniac, Surzur et Theix. Ainsi furent annexées successivement au chapitre de la cathédrale, avec l'autorisation des Papes et pour un semblable motif, en 1287 la paroisse de Ploemeur, en 1451 celles de Béganne, Brech, Crash, Plaudren, Pluherlin et Séné, en 1459 celle de Treffléan, en 1495 celle de Plougoumelen, en 1501 celle de Guéhenno, en 1524 celles de Saint-Allouestre et de Buléon ; plus celles de Saint-Salomon et de Noyalo pour lesquelles nous ne pouvons indiquer de date précise.

Enfin, l'ignorance et les dérèglements du clergé séculier ayant contraint les évêques, à partir du XIème siècle, à mettre à la tête des paroisses, pour y exercer les fonctions curiales, les religieux des monastères de l'ordre de Saint-Benoît, les abbayes et les prieurés qui en dépendaient se virent à leur tour pourvus, soit régulièrement, soit par acquisition d'avec les seigneurs, d'un grand nombre de bénéfices. Mais il parait que les religieux eux-mêmes se relâchèrent de leurs devoirs, car le second concile de Latran (1139) leur prescrivit de rentrer dans leurs monastères et d'abandonner de nouveau les fonctions curiales au clergé séculier. Si nous trouvons plus tard, et jusqu'à la Révolution, des religieux à la tête de quelques paroisses portant le titre de prieurés-cures, c'est qu'une autorisation spéciale leur avait été accordée par une bulle d'Innocent III, comme étant assujettis à une règle moins sévère en leur qualité de chanoines de Saint-Augustin ; ils furent même contraints, par une ordonnance royale de 1770, à desservir leurs cures en personne. Nous citerons dans ce cas, pour le Morbihan, les paroisses de Brignac, Coëtbugat, la Croix-Helléan, Guer, Guillac, Guilliers, Loyat, Mohon, Pommeleuc, Saint-Brieuc-de-Mauron, Saint-Samson et Tréhorenteuc, dont les prieurs-recteurs appartenaient aux abbayes de Paimpont et de Saint-Jean-des- Prés.

Quant aux prieurs de l'ordre de Saint-Benoît, réintégrés dans leurs monastères au XIIème siècle, ils n'en conservèrent pas moins les bénéfices qui leur avaient été précédemment concédés ; seulement, dans l'impossibilité où ils étaient d'exercer à l'avenir les fonctions curiales, ils les confièrent à des clercs de leur choix, désignés sous le nom de vicaires, et à qui ils abandonnèrent, pour leur rétribution, une portion des dîmes, par exemple celles qui se percevaient sur les novales (Terres nouvellement défrichées, gagnées sur les bois, les landes et les prairies), se réservant pour eux-mêmes tous autres droits utiles et honorifiques, particulièrement les grosses dîmes et le droit de présentation du vicaire. Pour des motifs analogues, les évêques et le Chapitre agissaient de même dans les paroisses unies à leurs menses. Ajoutons que les uns et les autres, pour se distinguer de leurs vicaires, prirent le titre de gros-décimateurs et de recteurs ou curés-primitifs de leurs paroisses.

Il est bon de remarquer en passant que les termes de curé-primitif et de vicaire impliquent nécessairement l'idée d'un état de choses assez ancien, car ils rappellent d'une part l'organisation première des paroisses, de l'autre la dénomination de vicaria donnée, dès le XIème siècle, aux paroisses de Ménéac et de Mohon ; et disons à ce propos qu'on a eu tort, suivant nous, de considérer cette dénomination comme l'équivalent de plebs ou de parrochia ; il serait plus exact de dire que la paroisse a pu devenir, à l'occasion, vicairie par le fait seul de la présence d'un vicaire y fonctionnant, au lieu et place du recteur-primitif, peut-être pour un temps déterminé. L'existence des vicaires, déjà au XIème siècle, n'a rien qui doive surprendre, si l'on songe que, dès l'année 666, le concile de Mérida permettait aux évêques de rappeler auprès d'eux les prêtres qu'ils avaient envoyés dans les paroisses, et décidait que les prêtres ainsi rappelés pourraient retenir pour leur subsistance une partie de leurs anciens revenus, laissant le reste à ceux qu'on mettrais à leur place. N'est-ce pas là l'origine même du vicariat et du curé-primitif ?

Nous pourrions dresser ici la longue liste des recteurs-primitifs attachés à nos paroisses ; on y verrait figurer, à côté des évêques, du Chapitre et des prieurs, un certain nombre d'établissements importants, collège, hôtel-Dieu, séminaire, commanderie de Malte, auxquels furent concédées des annexions à diverses époques ; le tout comprenant plus de soixante-quinze paroisses, et non des plus petites, sur deux cents environ. Il serait curieux également de suivre jusqu'à la fin l'histoire des recteurs-primitifs et des vicaires ; on y apprendrait comment ces derniers, nommés d'abord directement par les recteurs, furent soumis ensuite à l'approbation de l'évêque ; comment, après être restés amovibles aussi longtemps que les recteurs purent les conserver tels, ce qui engendrait de fréquents abus coutre lesquels les conciles étaient impuissants, ils devinrent ensuite, grâce à plusieurs déclarations royales, entre autres celles de Louis XIV et de Louis XV, perpétuels et titulaires avec portion congrue fixée à 300 livres ; comment, malgré toutes les ordonnances civiles et canoniques, le payement de cette pension par les recteurs-primitifs occasionna de nombreux procès, surtout contre les prieurs commendataires, indépendamment de ceux que soulevait l'entretien du choeur et du chancel de l'église paroissiale, entretien auquel étaient assujettis les gros-décimateurs ; comment, enfin, à partir des dernières années du XVIIème siècle, les vicaires-perpétuels prirent eux-mêmes le titre de recteurs, sans que les curés-primitifs cessassent pour cela d'exister. Mais, outre que la question générale est traitée en détail par tous les auteurs qui se sont occupés des matières ecclésiastiques, Thomassin (La Discipline de l'Eglise), Gohard (Traité des bénéfices ecclésiastiques) et beaucoup d'autres, nous ne voudrions pas nous écarter davantage de notre sujet, et nous nous hâtons d'y rentrer pour clore par quelques mots sur les trêves cette étude déjà trop longue.

Le coup d'oeil que nous venons de jeter sur l'organisation du clergé était indispensable, et il est suffisant, croyons-nous, pour faire comprendre pourquoi, ainsi que nous l'avons constaté, le système d'érection de trêves prévalut, au moins en Bretagne, à l'époque où l'on réclamait le plus vivement la création de nouvelles paroisses. C'est que créer de nouvelles paroisses, c'eût été du même coup diminuer l'importance des anciennes ; c'eût été, par conséquent, amoindrir les dîmes et tous les droits honorifiques qui y étaient attachés ; or, messieurs les curés-primitifs n'entendaient pas de cette oreille. Toute la question est là. A la tête des paroisses où il n'y avait point de curés-primitifs se trouvaient des recteurs nommés au concours, non moins intéressés à défendre leurs droits acquis et tout aussi capables de le faire pour la plupart. La résistance fut donc générale ; c'est à elle qu'il faut attribuer, pour en revenir à ce que nous disions plus haut, le peu d'extension des paroisses urbaines ; c'est elle qui explique pourquoi les quatre villes que nous avons mentionnées ne devinrent jamais paroisses ; pourquoi deux d'entre elles particulièrement ne purent s'élever même au rang de succursales ; la lutte était-elle possible contre les puissants recteurs de Nivillac et de Locmalo, doyens de la Roche-Bernard et de Guémené ? Et les autres doyens ? Songea-t-on jamais à démembrer leurs paroisses, si vastes cependant pour la plupart, de Beignon, Guidel, Lanouée, Meudon, Péaule, Saint-Servant ?

Une seule, celle de Carentoir, put être morcelée, et l'on n'y tailla pas moins de quatre ou cinq trêves ; il est vrai que, si l'on en croit l'abbé Cillart, les gentilshommes de la contrée s'étaient emparés des dîmes du doyen, et probablement aussi de ses droits honorifiques ; que lui importait alors le morcellement ? La paroisse-doyenné de Gourin donna, à la vérité, naissance, elle aussi, à deux trèves ; mais y a-t-il lieu de s'en étonner, si l'on considère qu'il n'y avait la qu'un vicaire-perpétuel, et que le curé-primitif était l'évêque de Cornouaille à qui certes un pareil désintéressement était bien permis ?

Cependant les décisions du concile de Trente étaient formelles. Outre l'article que nous avons déjà cité, on y remarque cet autre règlement : « Lorsque, pour la difficulté et la distance des lieux, il se trouvera que les paroissiens ne pourront, sans grande incommodité, aller la paroisse recevoir les sacrements et assister au service divin, les évêques pourront en établir de nouvelles, contre la volonté même des recteurs. Et aux prêtres qu'il faudra préposer pour la conduite des églises nouvellement érigées sera assignée une portion suffisante, au jugement de l'évêque, sur les fruits et revenus qui se trouveront appartenir, de quelque manière que ce soit, à l'église-mère ; etc. ». Ainsi le concile demandait une augmentation du nombre des paroisses ; on lui répondit par une augmentation de trêves, là où il était possible d'en créer sans trop d'embarras, et il se trouva que c'était précisément le meilleur moyen de satisfaire à peu près tout le monde : le concile qui réclamait pour tous une participation plus commode aux diverses cérémonies religieuses, les populations qui bénéficièrent de ces institutions nouvelles, et les recteurs, primitifs ou non, qui, forcés de subir la loi, parvinrent à en atténuer de cette façon les rigueurs. En quoi donc consistait au juste la trêve ? En quoi différait-elle de la paroisse ?

La trêve, qui avait emprunté son nom au mot breton treb, trev ou tref, n'était, à l'origine, qu'une simple villa, comme on peut s'en convaincre en feuilletant le Cartulaire de Redon ; plus tard ce fut un village, puis une réunion de villages. Lorsqu'il fallut diviser les paroisses primitives, on fit, suivant leur étendue, un ou plusieurs groupes, composés chacun d'un nombre raisonnable des villages les plus éloignés de l'église paroissiale, et l'on conserva à ces groupes le nom de trèves ; mais en lui appliquant alors le sens particulier de succursales ; on les trouve aussi désignés quelquefois sous la dénomination de fillettes, par opposition à celle des églises-mères ou matrices, dont on les avait détachés. Chaque trève eut naturellement son église propre, dite église tréviale, au service de laquelle fut affecté un prêtre spécial avec le titre de curé ou sous-curé ; naturellement aussi, puisque c'était là le principal motif de cette institution, les cérémonies des baptêmes, des mariages et des sépultures se célébrèrent à l'église de la trève, tout comme à celle de la paroisse. Du reste, les registres d'inscription de ces différents actes existent encore dans chacune de nos anciennes trèves. Nous ne saurions donc partager l'opinion de M. Desnoyers, qui voit dans la trêve une paroisse ordinaire non baptismale.

Si maintenant nous ajoutons que le curé était à la nomination du recteur de la paroisse sur laquelle la trêve avait été érigée, que les droits honorifique restaient attachés à l'église-mère, que la pension congrue du curé n'était, conformément aux ordonnances royales, que de 150 livres à la charge du recteur ou du curé-primitif, lorsqu'il y en avait un, nous comprendrons alors pourquoi le système des trêves eut tans de succès ; c'était une sorte de compromis qui ménageait tous les intérêts.

Et cependant on avait imaginé mieux encore. Si l'institution des vicaires-perpétuels avait donné naissance à de nombreux procès, relativement au payement de la portion congrue et à la réparation du choeur des églises paroissiales, celle des trêves ne pouvait que les rendre plus fréquents encore. Outre que les causes précédentes de différends se représentaient à l'égard des curés et des églises tréviales, il ne tarda pas à en surgir de nouvelles : tantôt c'était au sujet de l'entretien du presbytère, tantôt à propos de l'administration des sacrements, le plus souvent par rapport à la qualification même de trêve, à laquelle l'amour-propre et la jalousie des tréviens s'efforçaient de substituer celle de paroisse ; nos archives regorgent de ces procédures interminables. Pour prévenir tontes ces chicanes, ou pour y mettre un terme, on avait eu recours, dès le XVIème siècle, à un procédé qui l'emportait encore en habileté sur celui de la trêve et qui devait être tout-à-fait du goût des recteurs ; on avait inventé sur quelques points la paroisse annexée, c'est-à-dire qu'on avait accordé à certaines trêves le titre de paroisse qu'elles ambitionnaient, mais en les unissant avec l'église-mère sous la main d'un seul et même recteur. Celui-ci, pour faire face à tous les besoins du culte, avait auprès de lui ce qu'on appelait des prêtres habitués ; il avait aussi, dans les villes et les gros bourgs, des communautés de prêtres ; les uns et les autres, s'ils lui causaient quelquefois des ennuis, offraient du moins l'avantage de n'avoir aucune part dans les dîmes. C'était sur le casuel, c'est à dire sur le produit des messes célébrées en faveur des confréries autrefois si nombreuses, sur les services des fondations, sur le droit d'assistance aux processions et autres revenus du même genre, mis en commun pour être de temps en temps répartis entre eux, qu'étaient entretenus les prêtres formant communauté ; il en était de même pour les prêtres habitués.

L'institution de ces deux catégories de prêtres avait eu sans doute pour origine, ou au moins pour sanction, cet article du concile de Trente : « Dans toutes les églises paroissiales ou qui ont des fonts de baptême, et dans lesquelles le peuple est si nombreux qu'un seul recteur ne peut suffire pour administrer les sacrements de l'Eglise et pour faire le service divin, les évêques, en qualité même de délégués du siége apostolique, obligeront les recteurs, ou autres que cela regardera, de prendre pour adjoints à leur emploi autant de prêtres qu'il en sera nécessaire pour l'administration des sacrements et pour la célébration du service divin ». Il ne faudrait pas conclure de ce qui précède que, partout où il existait des communautés de prêtres, il y avait des paroisses annexées ; le nombre de ces dernières parait avoir été beaucoup plus restreint. Nous citerons dans le Morbihan : la Croix-Helléan et Helléan, Cruguel et Billio, Glénac et Cournon, l'Ile-d'Arz et Ilur, Locminé et Moustoirac, Malestroit et Missiriac, Remungol et Moustoir-Remungol, Rohan et Saint-Gouvry, Saint-Allouestre et Buléon, Saint-Marcel et Bohal, etc. Qu'on n'aille pas croire non plus que ces sortes d'annexions mirent fin, comme on pouvait l'espérer, aux procès engagés entre les populations ainsi réunies sous le même pasteur. Il n'en fut rien. Constatons d'abord que cette annexion, si elle était un fait, ne semble pas avoir jamais entraîné de changement quant à la dénomination même de la trève ; soit par la force de l'habitude, soit par malice dans quelques cas, le nom de trève persista ; celui de paroisse annexée se rencontre fort rarement. Encore fallait-il savoir, entre les deux paroisses réunies, laquelle était en réalité la trève, laquelle était la paroisse. Cette distinction, assez difficile à établir, vu le défaut de titres d'érection et les modifications apportées par le temps dans l'importance de certaines paroisses tombées au rang de trèves sous la pression de rivales plus heureuses, auxquelles souvent elles avaient donné naissance, cette distinction, disons-nous, était rendue plus difficile encore par les agissements des recteurs qui, peut-être par esprit de conciliation, mettaient alternativement en avant, dans les actes qu'ils signaient, le nom de l'une ou de l'autre des paroisses annexées. Suivant qu'ils résidaient, suivant qu'ils officiaient ici ou là, suivant aussi sans doute l'influence prédominante du moment, ou le résultat des conflits portés journellement devant les juridictions, ils s'intitulaient, par exemple, recteur de Cruguel-Billio ou de Billio-Cruguel, de Rohan-Saint-Gouvry ou de Saint-Gouvry-Rohan, etc. Ils allaient même parfois jusqu'à rapporter les actes des deux paroisses sur les registres de l'une ou de l'autre indistinctement. Nous avons relevé ce fait particulièrement pour Rohan et Saint-Gouvry, et nous devons avouer qu'aujourd'hui encore, après un long et minutieux examen des registres de ces deux localités, et en nous bornant à cet examen, il nous serait impossible de dire avec certitude où était, à la fin du XVIIIème siècle, le siège véritable de la paroisse. Ces agissements étaient-ils de nature à faire cesser les contestations ? Evidemment non, chacun pouvant apporter, à l'appui de ses prétentions, des arguments et aussi des sentences contradictoires.

Tous ces procès duraient encore lorsque éclata la Révolution qui les mit, comme on dit, dans le même sac, en faisant crouler, d'une façon malheureusement si sanglante, cet échafaudage, déjà chancelant, d'abbés et de prieurs commendataires, de curés-primitifs, de trèves, de paroisses annexées, de dîmes et de portions congrues.

Toutefois, qu'on me permette cette dernière remarque, il est une chose que la Révolution respecta. Sans doute il se produisit, à cette époque, un phénomène de réaction naturel ; sans parler des anciennes villes qui devinrent généralement, non-seulement paroisses lorsqu'elles ne l'étaient pas déjà, mais encore chefs-lieux de canton, on vit la plupart des simples trèves, dès la nomination des députés aux assemblées préparatoires pour les Etats-généraux de 1789, dès la rédaction des cahiers de, doléances, prendre spontanément le titre de paroisse, et, lors de la formation des districts, arriver, tout comme leurs anciennes rivales, au rang de municipalité. C'est peut-être aussi à cet esprit de réaction qu'il faut attribuer le changement qui s'opéra alors, en Bretagne, jusque dans la dénomination du chef de paroisse, lequel s'appela curé au siége principal du canton, et recteur dans les paroisses rurales. Mais quant aux circonscriptions ecclésiastiques, elles restèrent généralement intactes. Soit que certaines trèves ou même des paroisses eussent déjà disparu, soit, au contraire, qu'il se fût formé avec le temps plusieurs paroisses ou trèves nouvelles, ces diverses circonstances, réunissant en une seule quelques-unes des agglomérations premières, ou divisant en plusieurs parties une même agglomération, n'avaient pas altéré l'ensemble des délimitations primitives. Cette organisation que les siècles avaient épargnée, nous le répétons, la Révolution, elle aussi, la respecta ; si, d'après la Constitution civile du clergé, les limites des diocèses furent modifiées et se confondirent avec celles des départements, du moins le territoire de la paroisse ou de la trêve, tel qu'il existait en 1789, devint exactement celui de la commune, sauf cependant pour les villes où le nombre des paroisses fut réduit. Le Concordat de 1801 n'apporta non plus à cet égard, pour la Bretagne, aucune modification sérieuse à l'ancien système.

Hélas ! Il n'en est pas de même au XIXème siècle. Depuis un certain temps, chaque année voit éclore, dans le Morbihan, deux ou trois communes nouvelles, non pas, comme autrefois, taillées simplement dans les premières, mais formées de lambeaux arrachés, avec plus ou moins de violence, à toutes les communes environnantes. De son côté grandit également le nombre des paroisses, tantôt acceptant, tantôt repoussant la délimitation communale ; peu conformes, en tout cas, à ce qu'elles étaient autrefois. Il ne nous appartient pas d'examiner si ces transformations successives sont nécessaires, si dans un département qui, sous le rapport de l'étendue et de la population, équivaut à tous les autres, le nombre de 250 communes est, en réalité, suffisant pour les besoins. Nous constatons un fait, voilà tout ; mais nous ne serons certainement pas contredit, au moins par les membres des sociétés savantes, quand nous déplorerons les regrettables conséquences de ce fait au point de vue des études historiques, au point de vue particulièrement de nos Répertoires et de nos Dictionnaires dont tous ces bouleversements ne tarderont pas à rendre, dans peu d'années, l'usage assez difficile.

M. Rosenzweig - 1870.

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