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CAHIER DE DOLÉANCES DE CHÂTEAUBRIANT EN 1789, de l'assemblée tenue dans l'église des Trinitaires.

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A l'assemblée, tenue dans l'église des Trinitaires, le 1er avril, ont comparu les personnes suivantes, dont les noms nous sont fournis par les signatures du cahier (voir la note qui suit) :

Note : Dès le 2 avril 1789, les échevins de Châteaubriant adressèrent à Laurent de Villedeuil une supplique, dans laquelle ils exposaient, à leur manière, les événements (Arch. Nat., BA 26). En voici la substance :

Conformément aux règlements pour la convocation des Etats Généraux, la communauté, réunie le 30 mars, afin d' « éviter le tumulte, la confusion, empêcher les effets de la cabale, de la haine et de l'animosité des citoyens ambitieux et ennemis de plusieurs des suppliants », arrêta que l'assemblée des habitants se tiendrait dans l'église des Trinitaires, « lieu vaste, commode et éloigné des cabarets ». Le lundi 31 mars, « le maire et les sieurs Dubois et Bruneau eurent la hardiesse de protester contre la délibération du jour précédent, de notifier au syndic leur protestation et d'annoncer contre le vœu unanime de la communauté que l'assemblée se tiendrait à l'Hôtel de Ville... ». Les suppliants ont écrit à l'intendant et au sénéchal de Rennes, qui ont répondu, le 1er avril, qu'il fallait se conformer à la délibération du 30 mars. Le maire ne voulut pas s'y conformer. « Les suppliants l'attendirent le 2 de ce mois jusqu'à 9 heures du matin à l'hôtel de ville. Il y vint sept à huit particuliers d`un air menaçant et avec des yeux courroucés, présage certain de leurs sinistres projets. Le sieur Delourmel eut la complaisance de leur indiquer de nouveau le lieu de l'assemblée et de les inviter à s'y rendre : « Non, s'écrièrent-ils avec audace, nous resterons à l'hôtel de ville ».

Les suppliants rédigèrent à la Trinité le cahier des charges et nommèrent quatre députés pour assister à l'assemblée générale fixée à Rennes. De leur côté, le maire et les sieurs Dubois et Bruneau firent à l'hôtel de ville la même opération.

… L'assemblée de l'hôtel de ville, composée de plusieurs personnes turbulentes, destitua de leurs fonctions les suppliants au nombre d'onze. Les sieurs Merle, Fresnais et Jamin furent nommés syndic et échevins ; rien de plus naturel que de revêtir de ces dignités ceux qui les avaient si justement méritées. On créa presque un nouveau corps de ville. Des personnes à peine domiciliées furent choisies pour le composer ; on y voit aussi un maître de billard continuellement soumis à la police ; on sollicita des artisans dans leurs boutiques, les passants, même les gens de la campagne, pour grossir cette assemblée ; on eut la hardiesse, l'assemblée finie, de cadenasser la porte de l'hôtel de ville, de sorte que toutes les affaires vont rester en suspens... ». Ils n'ont rien fait pour mériter cette destitution injurieuse. « ... Si des officiers publics étaient exposés aux instances et aux caprices d'une populace animée par des citoyens jaloux, quel est l'homme honnête et vertueux qui voudrait remplir sans profit des emplois si faciles à perdre, dont néanmoins la perte entacherait sa réputation et son honneur ?..... ». — Signatures de : Guibourg, avocat ; de Lourmel, bourgeois et marguiller en charge ; Guérin, maître ès arts et en chirurgie ; Guibourg-Dupin, bourgeois ; Calvet, bourgeois ; Guibourd, médecin ; Cathelinays de la Mostière, procureur fiscal de plusieurs juridictions ; Ernoul de la Provôté, avocat ; Barbarin, marchand de vins en gros ; Laumaillé, orfèvre ; Dupin de la Ferrière, bourgeois et trésorier de l'hôpital de Châteaubriant.

On sait qu'à l'assemblée de la sénéchaussée la réunion de l'Hôtel de Ville fut seule jugée légale et que les députés nommés par elle furent seuls validés.

Guibourg, syndic [peut-être avocat] (9) (voir la note qui suit) ; Guérin, échevin en exercice ; Guibourg-Dupin, échevin en exercice (9 ; 1 servante, 1,10) ; Barbarin, échevin en exercice, [petit-être Victorien, marchand de vins en gros] (18 ; 2 domestiques, 3) ; Dupin de la Ferrière, échevin en exercice (capité avec ses deux sœurs, 24 ; 2 domestiques, 3) ; Guibourd, échevin en exercice, [peut-être docteur-médecin] (9) ; Calvet, échevin en exercice (24 ; 2 domestiques, 3) ; Laumaillé, orfèvre, échevin en exercice (8) ; Ernoul de la Provôté, avocat, échevin en exercice (21; 1 servante, 1,10); Cathelinays de la Mostière, échevin en exercice (12 ; 1 servante, 1,10) ; de Lourmel, échevin et marguillier ; Thuillier de la Coquerie, ancien bourgeois et échevin (24 ; 1 servante, 1,10) ; Bernard de la Molière, bourgeois (capité avec sa sœur, 56 ; 1 servante, 1,10) ; Lejeune, ancien marguillier et administrateur de l'hôpital (18 ; 1 servante, 1,10) ; J. Monnier, ancien marguillier, [peut-être Jean, marchand tanneur (15 ; 2 compagnons ou apprentis et 1 servante, 4,10)] ; P. Guérin, ancien marguillier ; Piffard, marchand, ancien échevin et ancien marguillier (6 ; 1 servante, 1,10) ; Bernard de la Clouchelière, procureur (6) ; Pierre Menet, marchand boulanger ; Jan Chevalier, sergent de la baronnie de Châteaubriant ; Baguet de la Rolandière, marchand tanneur (3 ; 1 servante, 1,10) ; Salmon le jeune, fabricant d'étoffes ; Charles Aubin, fabricant d'étoffes (2) ; V. Aubin ; Jean Langouet, peigneur ; Jean Aubin, marchand peigneur ; Pierre Began, entrepreneur ; Joseph Regnier, fabricant d'étoffes, marchand peigneur (3) ; Jean Menet ; Pierre Juhel, maître serrurier (1,10 ; 2 compagnons, 3) ; Jacques Le Feuvre, menuisier (1 ; 1 compagnon, 1,10) ; Aubin, garde général des eaux et forêts du Roi.

Note : Un autre Guibourg, sans qualité indiquée, est capité 9 l., et 1 servante, 1,10.

 

Charges de doléances arrêtées par la communauté de ville et habitants de Châteaubriant, le 1er avril 1789.

[ASSEMBLÉE DES TRINITAIRES]

Un Roi juste et bienfaisant nous procure les moyens d'abolir les usages, les coutumes, les entraves, les servitudes et les lois qui grèvent nos personnes et nos propriétés. Nous devons remédier aux abus, aux malheurs dont nous sommes victimes et opérer une régénération qui repose sur des bases solides.

Quelles sont nos doléances et les charges qu'il faut donner à nos députés ? Tâchons de les établir avec un concert, avec une union, présage heureux de leur succès.

1° — Messieurs, les députés seront chargés de conserver les droits, franchises et liberté de la province, leur laissant néanmoins le droit de consentir aux nouvelles impositions qui peuvent être utiles pour éteindre les dettes de l'Etat et faire face au remboursement proposé pour améliorer l'adininistration actuelle.

2° — Ils demandent que les Etats généraux prononcent sur les arrêtés pris par l'ordre du Tiers Etat à l'hôtel de ville de Rennes, les 22, 24, 25, 26 et 27 décembre 1788 et mois de février dernier [Note : Les mots « et mois de février » ont été ajoutés après coup, en interligne] ; et que, de plus, aux prochains Etats de la province, les droits sur les boissons, qui causent des procès funestes et la ruine de tant de familles, soient diminués.

3° — La police sera rendue à toutes les municipalités de la province, suivant le voeu unanime des trois ordres manifesté en 1786, parce que les juges ordinaires, surchargés d'une multitude d'occupations, n'ont ni le loisir, ni le temps de veiller à cette partie d'administration, de laquelle découlent des avantages infinis et précieux, sans frais de réception de juge (voir la note qui suit).

Note : En 1786, le pouvoir royal avait soumis aux Etats un projet de règlement, qui devait modifier l'organisation municipale de 33 villes de Bretagne (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3319). Mais les Etats de 1786 demandèrent qu'il fût sursis à l'exécution du règlement jusqu'à la prochaine assemblée (Ibid., C 2703. p. 690). En ce qui concerne la police municipale, l'article 19 du projet de règlement déclarait : « dans les villes où la police appartient aux corps municipaux par titres ou concessions, les maires, conjointement avec les autres officiers municipaux présidés par le sénéchal, connaîtront de tout ce qui regarde la police suivant et aux termes de notre édit du mois d'octobre 1699 et de celui de décembre 1706 ». — Depuis plusieurs années, la Commission Intermédiaire recevait des mémoires des diverses municipalités bretonnes, relatifs à leur organisation et aux charges qui pesaient sur elles. Le mémoire de la municipalité de Châteaubriant, du 24 avril 1786, insistait longuement sur la question de la police ; il disait notamment : « la justice civile et criminelle est exercée à Châteaubriant par des officiers qui tiennent leurs charges de S. A. S. Monseigneur le prince de Condé. Ces officiers ont su, par le crédit que leur donnent dans le peuple les charges qu'ils occupent, se perpétuer dans le mairat et dans le sindicat ; en même temps juges et maires, ils ont préféré exercer la police comme juges, plutôt qu'en qualité de maires, et la ville a perdu par le non usage, son droit de justice et de police. Il n'est cependant guère possible de trouver des juges plus conformes à la constitution d'une province libre que ceux que le peuple s'élit pour un temps, et qu'il serait libre de ne pas continuer, s'il en éprouvait des injustices ». Et le mémoire énumère tous les avantages qui résulteraient pour les habitants de la restitution de la police aux municipalités (Ibid., C 3932).

4. — Comme il faut effacer les entraves du commerce, source du bonheur public, ils demandent l'extinction des traites, des barrières, des droits de passage et de marque sur l'or et le cuir, l'abolition de la gabelle relative au tabac, qui sera vendu un prix modique, et que les droits de coutume, sous quelque dénomination, perçus par les seigneurs seront privatifs aux villes pour frayer à l'entretien des ponts, ou que ces dépenses resteront à la charge des seigneurs (voir la note qui suit).

Note : Le prince de Condé, baron de Châteaubriant, possédait les droits de coutumes dans la ville de Châteaubriant, d'après la pancarte du 28 août 1610 : voy. un état de 1754 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 2445). Nous n'avons pu retrouver dans le dossier cette pancarte, mais un aveu de 1786 nous donne des renseignements sur la nature de ces droits : « les vendants vin, depuis la halle de la dite ville [de Châteaubriant] jusqu'à une grosse pierre étant entre la maison du Lion d'Or appartenante aux sieur et dame Hochedé de la Pinsonnais et autre maison située au-dessous, doivent le droit de bouteillage, qui consiste en six pots de vin dus par chaque pipe de vin vendue en détail entre la susdite étendue » ; le prince « a droit d'ételonage, mesurage et de marque sur les vaisseaux à vin et cidre, sur les boisseaux et autres mesures à grain et autres denrées, et sur celles à draps et autres marchandises... ; le droit de prévôté sur toutes marchandises et denrées entrantes et sortantes de sa terre, et, à cet effet, de mettre des billettes par les passages et branches de sa prévôté... ; droit de banc et étanche sur tous les vendants vin et cidre par détail en la ville et faux-bourgs de Châteaubriant, qui est que tous les ans, pendant le temps de quinze jours naturels, du mardi précédant la Pentecôte au mercredi, veille de la Fête-Dieu, le seigneur a droit de vendre ou faire vendre par son châtelain ou fermier vin et cidre pendant la dite quinzaine, franc et quitte de tous devoirs, impôts et billots », et il accorde le même privilège aux Trinitaires (COUDÉ, Histoire de Châteaubriant, pp. et 211 et 212. Voy. aussi GUILLOTIN DE CORSON, Les grandes seigneuries, 3ème série, p. 62). Le 27 avril 1769 le Conseil du prince de Condé, faisant droit à une requête des marchands de chevaux, moutons, etc., les exempta, pour une période de six années, de tous droits de prévôté et de coutume sur les chevaux et les moutons qu'ils amèneraient à la foire de Châteaubriant, sur la place voisine de la place d'Aiguillon, le premier mercredi de chaque mois (Arch. du musée Condé, à Chantilly, F1). — Au faubourg de Béré, le prieuré de Saint-Sauveur, dépendant de l'abbaye de Marmoutier, avait droit de foire et prévôté lors de la fête de Sainte-Croix, le 14 septembre (Arch. de la Loire-Inférieure, H 128).

5° — Ils solliciteront que la vénalité des charges soit abolie (voir la note 1 qui suit), la suppression des juridictions seigneuriales, pour le contentieux [Note :  Les mots « pour le contentieux » ont été ajoutés en interligne] (voir la note 2 qui suit) ; qu'à cet effet il soit créé des barres royales, qui seront exercées par des juges gradués et après cinq années de fonction d'avocat, et que toutes les charges de judicature se donneront au concours ; qu'au cas de non suppression des juridictions seigneuriales, l'appel des sentences et jugements rendus par les juges des seigneurs soit porté directement aux sièges présidiaux dans le cas de l'édit ou au Parlement, lorsque l'objet contentieux ne pourra être jugé en dernier ressort par les présidiaux..

Note 1 : Le Conseil du prince de Condé avait décidé en 1778 de rembourser aux officiers de justice des seigneuries bretonnes appartenant au prince les finances de leurs offices « parce que les gages et les vacations qui sont à la charge du domaine du prince se portent beaucoup au-delà de l'intérêt du prix des finances » (Arch. du musée Condé, à Chantilly, F7). De fait, semblables rachats avaient été effectués dès 1769, et l'on procédait encore à des opérations de ce genre en 1787 ; le 12 décembre de cette dernière année, le prince rachetait l’office de Cotelle, procureur fiscal de la baronnie de Châteaubriant, que ce personnage excerçait depuis le mois de juillet 1759 et qu’il avait payé 8.800 l. (Arch. du musée Condé, F7).

Note 2 : Il y avait à Châteaubriant de nombreuses juridictions seigneuriales, dont la liste nous est donnée par des états de 1766 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1819) : la baronnie de Châteaubriant y possède la haute justice et une maîtrise particulière des eaux et forêts ; la seigneurie de Bœuves, Chauvelière et Marzelière, ainsi que la seigneurie de Boisbriand, ont la haute, moyenne et basse justice ; la seigneurie de la Grée et Courpéan, de la Coquerie et Monjounet, de Villeneuve, les prieurés de Saint-Michel-des-Monts et de Béré ont la moyenne et basse justice ; la seigneurie du Boisvert y exerce la basse justice ; on peut citer encore la justice seigneuriale de Chambalan, qui s'exerce en Saint-Jean-de-Béré.

6° — Qu'à l'avenir les offices de la Chambre des Comptes et des notaires secrétaires ne puissent conférer la noblesse.

7° — Que les servitudes de moulins, fours et pressoirs soient supprimées (voir la note qui suit), ainsi que les droits de fuies et de garennes.

Note : D'après l'aveu de 1786, cité plus haut (GOUDÉ, op. cit., pp. 211-212), le prince de Condé possédait à Châteaubriant « droit de four banal, distroit de moulins, et moutaux sous la banlieue » ; en ce qui concerne le four banal, il est fait défense « à toutes personnes de cuire en leur maison, sans permission de mon dit seigneur, auquel four à ban tous les habitants de la ville de Châteaubriant sont obligés d'aller cuire leur pain et de payer un droit par chacun boisseau, mesure de Châteaubriant ». Le bail de ce four, passé pour neuf ans le 26 mai 1784 à Nicolas Poirier, de Châteaubriant, moyennant 206 l. par an, contenait les clauses suivantes : « les preneurs devront bien et duement faire cuire le pain des habitants pour la cuisson duquel ils ne pourront exiger plus de 3 s. par chaque cent cinq livres de pain, poids de marc et au prorata, sans que leurs fourniers puissent prétendre ni exiger aucune pâte ni rétribution de ceux qui cuiront auxdits fours, parce qu'aussi les preneurs ne seront tenus de former ni mettre en forme le pain qui sera apporté à cuire audit four. — Lesdits preneurs demeurent autorisés à contraindre tous les habitants sujets auxdits fours d'y faire cuire leur pain, et, au cas qu'aucuns seraient refusants de suivre lesdits fours, les amendes, dommages et intérêts qui seront prononcés contre les contrevenants auxdits droits tourneront au profit desdits preneurs, lesquels seront obligés de tenir chaque jour et à chaque fournée un rôle de ceux qui devront cuire, lequel sera observé pour enfourner le pain d'un chacun dans l'ordre qu'il sera inscrit sans pouvoir l’intervertir qu'en cas d'absence. Les preneurs observeront de n'enrôler sur leur rôle qu'autant de pain que le premier four en peut contenir, et, s'il s'en trouve davantage qui veuillent boulanger le même jour et à la même heure, les preneurs les avertiront que leur pain sera cuit au second four, pourquoi ils tiendront églement un rôle de la fournée qui y sera destinée, et au cas que quelqu'un enrôlé pour cuire nombre de pains au premier four boulange plus grand nombre, le surplus sera enfourné au second four, à moins qu'il ne reste place au premier four après le turne du rôle ; lesquels preneurs ne pourront faire leurs fournées si grandes que le pain soit mal cuit et conditionné et touché de plus de deux côtés, à peine de payer le pain qui sera mal conditionné et mal cuit à dire d'experts ; convenu aussi que les preneurs n'auront aucunes autres personnes que leurs fourniers auxdits fours, sans pouvoir y faire trouver des femmes ou autres gens qui arrangent la pâte pour la mettre sur la pelle. — Pour prévenir les accidents du feu, les preneurs ne pourront faire provision et amas de bois pour l'entretien et service desdits fours pour plus de six mois à la fois, savoir pour les six premiers mois sur les deux côtés de la tour, sur l'un desquels ils prendront seulement et continueront jusqu'à la fin, et ensuite le rempliront pendant qu'ils prendront sur l'autre côté, et ainsi continueront alternativement jusqu'à la fin de leur bail. En cas qu'il surviendrait de grosses réparations à faire auxdits fours et que le temps nécessaire pour faire ces réparations les fit chômer pendant plus de six semaines qui commenceront à courir du jour que les preneurs auront averti par écrit le préposé de S. A. S., il sera accordé une indemnité pour le temps excédant lesdites six semaines proportionnellement au prix du bail... ». Les preneurs devront entretenir en bon état les bâtiments, qui demeurent soumis à la visite des préposés du prince (Arch. du musée Condé, à Chantilly, F5).

Les deux moulins à eau de la Torche et de Couéré, près de Châteaubriant, et le moulin à vent de la Justice ou de la Garenne étaient loués 1.350 l., en vertu d’un bail du 25 mai 1784 ; par un autre bail du même jour, les moulins à eau et à vent de Choisel, en Saint-Jean-de-Béré, étaient loués, avec la pêche, 1.240 l. ; les preneurs des premiers payaient un droit d'entrée de 324 l., et ceux des seconds, un pareil droit de 306 l. Par le bail précédent, passé le 1er janvier 1776, ces divers moulins avaient été loués ensemble 1.600 l. — Dans son article XIV, la formule imprimée pour les différents baux de la seigneurie portait cette clause relative aux moulins : « Les preneurs s'obligent de moudre bien fidèlement les grains qui leur seront confiés, d'avoir des poids et balances, aux termes des règlements, pour faire la pesée des grains en les recevant et faire également la pesée des farines, des sons et des retraits, lorsqu'ils les rendront, si les particuliers l'exigent ; ils se contenteront de percevoir les droits, tels qu'ils sont légitimement dûs, et demeureront garants et responsables personnellement de tous les événements, se soumettant à toutes les visites de la police et à tous les règlements qui pourront être faits ». Une description des seigneuries bretonnes du prince de Condé, rédigée entre 1776 et 1784, déclare que « les moulins sont en très mauvais état et demandent des réparations continuelles et très coûteuses » (Arch. du musée Condé, F5).

8° — Que les rentes seigneuriales soient franchissables (voir la note 1 qui suit) ; qu'en tout cas il soit libre aux vassaux de se libérer en espèce ; que les droits de retrait féodal et de lods et ventes soient supprimés par une indemnité qui sera réglée (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : Le prince de Condé percevait dans la ville de Châteaubriant les rentes seigneuriales suivantes : 91 l. 8 s. tournois ; 3 chapons ; 1 paire de gants blancs ; 8 boisseaux d’avoine grosse, mesure de Châteaubriant ; 60 boisseaux 4 godets d’avoine menue, même mesure (Etat des rentes de la baronnie de Châteaubriant, Arch. du musée Condé, à Chantilly, F1). En 1783, les rentes de la ville de Châteaubriant rapportaient au total 319 l. 3 s. 2 d. (Ibid., F7).

Note 2 : Vers la fin de l'Ancien Régime, la perception des lods et ventes fut confiée à M. Jousselin de Haye, intendant général de la baronnie de Châteaubriant : la description de la baronnie postérieure à 1776 compte beaucoup sur le zéle de ce personnage pour faire rentrer ces droits avec plus d'exactitude que lorsque les procureurs fiscaux s'occupaient seuls de leur perception : « la quantité des fiefs qui relèvent de S. A. S. en Bretagne donne l'espérance d'un produit très considérable » (Arch. du Musée Condé, à Chantilly, F5). Les lods et ventes se percevaient, comme partout en Bretagne, au huitième. Mais certains tenanciers obtenaient des remises, le plus souvent du quart : par exemple, M. de Coniac, pour l'acquisition de la terre de la Robinais ; en 1781, un officier de la maîtrise obtient même la remise de la moitié des droits en 1786. La remise du quart était « accordée à tout acquéreur qui se présentait dans les trois mois », comme nous l'apprend le document relatif aux lods et ventes de la terre de la Robinais. Mais M. de la Haye Jousselin, dans une lettre du 23 octobre 1784, déclare : « l'usage de la remise du quart s'abroge insensiblement dans plusieurs terres, et les seigneurs ne l'accordent que par grâce et par des considérations particulières » (Ibid., F1).
M. Jousselin de la Baye, dont il est ici question, était sans doute le fils de Francois Jousselin de la Haye, mentionné comme procureur fiscal de la baronnie de Derval en 1747 et en 1753 (Arch. de la Loire-Inférieure, E suppl. 2265) et subdélégué de Derval en 1762-1767 (Arch. d'Ille-et-Vilaine. C 4). Il avait habité Rennes jusqu'en 1778 ; de 1778 à 1785, il fut capité à Derval, où il possédait une terre qu’il faisait exploiter par ses domestiques et dans laquelle il passait la belle saison ; depuis 1785, il fut inscrit au rôle de la capitation de Châteaubriant pour une cote de 100 l. ; en 1787, la Commission diocésaine de Nantes estimait que ses fonctions d'intendant du prince de Condé lui rapportaient environ 8.000 l. par an (Ibid., C 4377). Les documents conservés au Musée Condé, à Chantilly, montrent toute l'ardeur du zèle qu'il apporta dans son emploi, ce qui excita contre lui l'animosité des tenanciers de la baronnie : le 13 avril 1791, le Conseil du prince dut l'autoriser à fixer sa résidence où il le jugerait convenable, car, déclare-t-il, « la fermentation populaire est telle à Châteaubriant que M. de la Haye-Jousselin a été en danger de perdre le vie, que, pour se soustraire à fureur qui le poursuit, il a été obligé de quitter cette ville » (Arch. du Musée Condé, F).

9° — Que les communs et vagues qui se trouvent compris dans les débornements d'une tenue, masure ou fief solidaire soient jugés appartenir aux vassaux de ce fief ; qu'il leur soit libre de les partager entre eux au marc la livre de leurs autres propriétés dans le dit fief, et qu'en événement que les seigneurs en aient disposé par afféagement ou en les réunissant à leurs domaines depuis les quarante ans derniers, ils soient restitués aux dits vassaux avec rapport de fruits, qui sera fait par les dits seigneurs, à compter depuis les concessions ou clôtures jusqu'à l'entier abandon qu'ils seront tenus d'en faire.

10° — Que le bord ou extrémité supérieure des mesures qui servent à la perception des rentes seigneuriales n'ait tout au plus que quatre à cinq lignes de largeur, et que les dites mesures aient en hauteur le double de la largeur, de manière que le demeau aura les dimensions convenables au local.

11° — Qu'il soit enjoint aux propriétaires de bois et forêts de les rendre défensables par de bonnes clôtures, et qu'il soit permis de tuer les bêtes fauves et lapins qui sont un dégât considérable aux récoltes de toutes espèces (voir la note qui suit) ; que les gardes des seigneurs soient connus, qu'ils ne puissent rapporter sans témoins ni porter d'autres armes que la hallebarde, suivant l'ordonnance le 1669.

Note : Le parc du château de Châteaubriant, qui appartenait au prince de Condé, comprenait « mille journaux de terre, clos de murailles, auquel il y a jardin et logis de plaisance, biches, daims, cerfs et grands refuges à connils » (Déclaration de 1680, citée par GUILLOTIN DE CORSON, Les grandes seigneuries, 3ème série, Loire-Inférieure, pp. 62-63). Le bail de ferme des propriétés des Condé en Bretagne, du 13 décembre 1718 (Arch. Nat., R3 56) déclarait que le parc de Châteaubriant et ses arbres demeuraient réservés ; il était seulement permis aux preneurs des métairies qui y étaient situées de mettre chacun 4 porcs à la glandée. Ce même bail contenait la clause suivante : « Le preneur ne pourra faire pacager que dans les taillis à lui accordés, et devant qu'ils soient coupés, les chevaux, mulets, bœufs, dont il se servira à l'enlèvement desdits bois et charbons, même ses vaches, et non d'autres, bien entendu que ce ne sera que dans les taillis âgés de six ans, néanmoins [?] s'ils se trouvent audit âge défensables et déclarés tels par les officiers chacune année par leur procès-verbal, qui sera à cet effet mis au greffe de la maîtrise, et au cas qu'ils soient déclarés défensables, lesdits bestiaux y pourraient pacager. — S'il arrive quelques délits ès dits bois par les bestiaux qui serviront à l'enlèvement d'iceux, les amendes en seront dès à présent fixées à dix livres par chacun cheval, quinze livres par chacun bœuf et vache pris en délit au profit de Leurs Altesses Sérénissimes ».
Les baux imprimée dont on se servait dans la baronnie de Châteaubriant un XVIIIème siècle, définissaient ainsi ces obligations dans leur article VIII : « Les preneurs ne pourront faire pacager leur bétail dans les bois et forêts que lorqu’ils auront été jugés défensables par les officiers de la maîtrise, ni faire aucun assens pour la glandée, ni ramasser le gland dans lesdits bois et forêts sans une permission expresse desdits officiers, aux peines de l’ordonnance ». — Assez fréquemment, des remises étaient accordées sur les amendes infligées pour délits de pâture ; ainsi, le Conseil du prince de Condé réduit, le 23 juillet 1778, à 24 l. une amende de 240 l. ; le 2 septembre de la même année, à 25 l. une amende de 200 l. ; le 10 mars 1779, à 50 l. une amende de 449 l. 10 s., aggravée de pareille somme de dommages et intérêts, à la charge pour le condammé de payer les frais du procès et 18 l. aux gardes (Arch. du musée Condé, F8). — Le produit des amendes forestières de la maîtrise de Châteaubriant, en 1783, s’élevait à 863 l. 2 s 10 d. (Ibid.).

12° — Que le prêt d'argent avec intérêt et à terme soit autorisé par une loi positive.

13° — Que les lois civiles et criminelles soient réformées ; que les mêmes peines soient infligées pour les mêmes délits, sans distinction de qualité et de rang, et qu'à l'avenir les gentilshommes cessent d'être dégradés avant d'être suppliciés.

14° — Qu'il soit établi dans toutes les petites villes de la province, et particulièrement dans celle-ci, des collèges pour l'instruction de la jeunesse (voir la note qui suit).

Note : Le collège de Châteaubriant fut fondé dès la seconde moitié du XVIème siècle ; mais, au XVIIIème siècle, sa situation paraît avoir été peu prospère : de 1741 à 1785, on n'y voyait qu'un seul maître, l'abbé Foucher, qui recevait un traitement de 200 livres. A la mort de ce dernier, le Conseil de ville désigna comme régent Joseph Le Leslé, sans tenir compte des protestations de l'intendant de la baronnie, qui prétendait disposer de cette nomination. Celui-ci cependant, par esprit de conciliation, proposa au prince de Condé de nommer le candidat présenté par la ville. La municipalité refusa alors le crédit, mais le rétablit, en 1789, en faveur de Le Leslé, qui s'engageait à enseigner le latin et le français aux enfants, sans exiger de chacun plus de 40 sous par mois. En 1792, le collège disparut. Voy. Léon MAÎTRE, L'instruction publique dans les villes et les campagnes du comté nantais avant 1789, Nantes, 1882, pp. 139 et sqq.

15° — Que la mendicité soit abolie et que, pour y parvenir, il soit fait des établissements pour y recevoir les pauvres, employer ceux qui seront en état de travailler et subvenir aux besoins de ceux qui seront infirmes (voir la note qui suit).

Note : Il y avait eu autrefois à Châteaubriant plusieurs établissements d'assistance ; mais la plupart avaient disparu ou étaient tombés en décadence au XVIIIème siècle ; en 1790, l'ancien hôpital de Saint-Antoine ne possédait plus qu'un revenu de 213 livres. En 1789, le seul établissement important était l’hôpital général, qui avait été fondé en 1680 ; il recevait des pauvres valides, des orphelins, des malades, et, depuis 1770, des enfants trouvés ; ses bâtiments venaient d'être agrandis en 1783. En 1789, l’hôpital contenait une quarantaine de lits ; les pauvres valides étaient employés au tissage de grosses étoffes de serge, au peignage et au filage de la laine. Les revenus de l'hôpital comprenaient le casuel (vente de la viande de carême, fabrication des cercueils, langueyage des porcs, quêtes, etc.) et des rentes fixes, provenant des fondations, dont le nombre s'accrut sensiblement au XVIIIème siècle. En 1789, le revenu de l'hôpital était évalué à 4.027 livres. Voy. Léon MAÎTRE, L'assistance dans la Loire-Inferieure avant 1789, Nantes, 1880, pp. 176 et 453-470. Cf. aussi Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1293 et Arch. de la Loire-Inférieure. C 149. — Il existait encore à Châteaubriant une école de charité, fondée en 1716 « pour enseigner gratuitement à lire aux filles pauvres du pays et porter des paroles de consolation aux malades pauvres et des instructions dans les campagnes aux vieillards qui ont peine à se transporter à la ville pour y profiter des instructions pastorales ». Cette école, qui versait aussi plus de 3.000 l. par an aux pauvres, était tenue par des dames charitables, qui, en 1785 et 1786, firent des démarches pour obtenir des lettres patentes leur reconnaissant la capacité de recevoir des legs, placer de l'argent, etc. Mais elles se heurtèrent à l'opposition de l’hôpital et du général de Saint-Jean-et-Beré, qui prétendaient que ces dames, par ignorance et malgré leur zéle, ne s'entendaient pas à soigner les malades (Arch. de la Loire-Inférieure, C 149).

16° — Qu'il soit fait des tables alphabétiques des registres de baptêmes, mariages et sépultures dans toutes les paroisses, afin de faciliter à la classe indigente et qui se trouve privée de titre les moyens de recueillir les successions qui leur adviennent.

17° — Que, pour prévenir de grands et funestes abus, les filles enceintes ne soient plus assujetties à déclarer leur grossesse à aucun greffe (voir la note qui suit) ; que, pour réparer des torts injurieux à l'humanité, les bâtards ne soient plus exclus de la succession mobilière de leurs mères ; que celles-ci héritent pareillement de leurs enfants ; qu'au cas que ces derniers meurent sans héritiers, leurs successions ne retournent plus aux seigneurs de fiefs, mais à l'hôpital le plus prochain, et que les dits bâtards soient habiles à posséder toutes les charges dont ils seront capables.

Note : En vertu de l’édit de 1556, les filles et les femmes veuves étaient tenues de déclarer leur grossesse ; cet édit déclarait que toute fille qui aurait celé sa grossesse ou son enfantement serait « réputée avoir homicidé son enfant », si celui-ci mourait sans baptême et sans sépulture. Une déclaration du 26 février 1708 ordonna aux curés de publier l’édit de 1556. Cet édit n’indiquait pas à qui les filles devaient s’adresser pour déclarer leur grossesse ; à Paris, les déclarations se faisaient entre les mains des commissaires ; ailleurs, au greffe ou par devant le juge ; elles devaient être recues sans frais. Voy. GUYOT, Répertoire de jurisprudence, art. Grossesse, t. VIII, pp. 534 et sqq.

18° — Qu'il soit fait un tarif plus simple et plus équitable pour la perception des droits de contrôle.

Telles sont les charges et doléances arrêtées dans l'église de Messieurs les Trinitaires de cette ville par MM. les officiers municipaux et habitants de la ville et communauté de Châteaubriant et autres qui ne savent signer, le deux avril mil sept cent quatre-vingt-neuf.

[Suivent 32 signatures].

(H. E. Sée).

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