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LA MORT DE CHARLES DE BLOIS.

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NOTICE SUR LA MORT DE CHARLES DE BLOIS
ET QUELQUES FAMILLES DE BRETAGNE PEU CONNUES.

Charles de Blois, aussi appelé Blois ou bienheureux Charles de Blois est né en 1319 à Blois et mort le 29 septembre 1364 à Auray. Fils de Guy Ier de Châtillon, comte de Blois, et de Marguerite de Valois, sœur de Philippe de Valois, il fut baron de Mayenne, seigneur de Guise et, par mariage, comte baillistre de Penthièvre et duc baillistre de Bretagne. Il a été béatifié.

Charles de Blois (Bretagne).

Depuis longtemps déjà j'avais la conviction intime que l'infortuné Charles de Blois avait été tué par un chevalier breton nommé Lesnérac.

Un document inédit, qui vient confirmer les dires de « quelques mémoires », selon l'expression de M. de Courcy, vient d'être mis au jour par l'infatigable chercheur qui nous préside, et enlève tout doute à cet égard.

Aussi, loin de combattre sa thèse, je viens, à l'aide d'autres documents, qui malheureusement ne sont pas inédits comme il est inscrit par erreur à l'ordre du jour, mais que jusqu'à présent n'ont été ni juxtaposés ni coordonnés, apporter de nouvelles preuves, tantôt morales, tantôt positives, à l'appui de sa thèse.

Il me faut tout d'abord écarter l'objection que, selon dom Lobineau et selon dom Morice, il fut tué par un anglais et non par un breton ; en ce cas, à cette époque, j'en prends Froissart à témoin, qui d'ailleurs en cette circonstance ne donne ni un nom ni un autre, — les chroniqueurs pour se faire comprendre appelaient anglais quiconque soutenait le Cte de Montfort et français ou bretons les partisans de Charles de Blois.

Ainsi, Froissart dit à propos du combat des Trente : « les trente compagnons que nous appellerons anglais, à cette besogne, attendirent longuement les autres que nous appellerons français ».

Or, de tous ceux qu'il appelle français, pas un ne l'était, Beaumanoir, breton, commandait 8 chevaliers et 22 écuyers, bretons les uns comme les autres.

Bembro, d'autre part, n'avait sous ses ordres que 20 anglais, accompagnés de 4 bretons et 6 allemands ou flamands, un tiers de sa troupe n'est pas anglaise.

Et il n'y a pas à arguer d'ignorance de la part de Froissart, car ce qu'il dit en ce chapitre VII de son livre premier, partie II, est précédé de ces réflexions au chapitre CCCXXV (livre I, partie 1ère), sur Croquart « qui avait été en son commencement un pauvre garçon et longtemps page du sgr d'Ercle, en Hollande ..., il avait le renom d'être le plus appert homme d'armes qui fût au pays. Et fut élu pour être à la bataille des Trente, et fut tout le meilleur combatant de son côté, de la partie des anglais, où il acquit grand grâce, et lui fut promis du roi de France, que s'il voulait revenir français, le Roi le ferait chevalier et le marierait bien et richement [Note : Voilà donc Croquart, hollandais ou flamand, invité à revenir français !], et lui donnerait 2.000 livres de revenu par an, mais il n'en voulut rien faire et depuis lui meschey-il (lui arriva malheur), ainsi que je vous dirai ».

Ceci est péremptoire. Dans l'usage, à moins de specifications contraires, Froissart, comme ses contemporains, appelait en termes génériques, soit anglais, soit français, les combattants de la succession de Bretagne, selon la cause qu'ils soutenaient.

J'en arrive au texte inédit publié par M. de l’Estourbeilion :
« Vers 1603, Gabriel Gaulterot, escuyer, descendant de Robert Gaulterot et d'Agnès de Lesnérac, déclare : l'association avec Jean Chandos et messire Huc de Caverley, capitaines anglais, pour le fait de la bataille d'Auray, pour chasser cette truandaille et moyse (mauvaise) engeance de français, car ainsi l'appelaient-ils, qui si longtemps avaient pillé et guerroyé le pays et terre de Bretagne (comme ils firent) ; ledit de Lesnérac ayant tué de sa propre main en bataille rangée le comte de Blois, ainsi que tous trois (Chandos, Caverley et Lesnérac) l'avaient voué et juré de ce faire sur la sainte hostie, qu'à cette fin ils prirent, l'ayant fait répartir en trois ; et se voit encore aujourd'hui près d'Auray le tombeau dudit de Lesnérac, et sa statue élevée ; ce que le suppliant (Gabriel Gaulterot) vérifia en la présence du Roi, de ses princes et chevaliers, lorsqu'il plût à sa majesté faire manifester par ses lettres patentes à attacher l'honneur de chevallerye qu'il lui avait donné à la journée d'Arques, et depuis à la bataille d'Ivry ».

On voit par ce serment à quelle ardeur de haine contre la « truandaille et mauvaise engeance de français » en étaient arrivés les partisans du comte de Montfort ; ceux de Charles de Blois n'étaient pas moins exaspérés. N'avaient-ils pas autant souffert pendant ce long temps où l'anglais « pilla et guerroya le pays et terre de Bretagne ? ».

Froissart, l'écrivain soldé par l'Angleterre, nous l'apprend lui-même dans ce chapitre CCCXXV qu'il consacre « au brigand appelé Croquart » ; se sentant libre de parler, parce que comme il nous l'apprend et comme je l'ai dit plus haut, ce Croquart était allemand ou flamand ! mais, dans ce chapitre immortel, comme il fait bien le procès des saxons et autres étrangers ! et, au moment où l'écrit sa plume, devenue à la fois satirique et vengeresse, la guerre ne durait que depuis 9 ans (1341-1350, ancien style).

Il vient de parler, des atroces exploits du brigand Bacon en Languedoc, et il s'écrie :

« En autelle maniere se maintenait-on au duché de Bretagne, car si faits brigands conquéraient villes fortes et bons châteaux et les robaient et tenaient et puis revendaient à ceux du pays bien et chèrement. Si en devenaient les aucuns, qui se faisaient maîtres par dessus les autres, si riches que c'était merveille...

Quand Croquart commença à devenir grand il eut congé et s'en alla ès guerre de Bretagne et se mit à servir un homme d'armes. Si se porta si bien que, à un rencontre où ils furent, son maître fut tué : mais pour le vasselage de lui, les compagnons l'élurent à être capitaine au lieu de son maître, et y demeura.

Depuis, en bien peu de temps, il gagna tant et acquit et profita par rançons, par prise de villes et de châteaux, qu'il devint si riche qu'on disait qu'il avait bien la finance de soixante mille écus, sans les chevaux, dont il avait bien en sont étable vingt ou trente, bons coursiers et doubles roncins » (Roncin, grand cheval).

Froissart, après l'avoir signale (voir ci-dessus) comme le plus vaillant des anglais au combat des Trente, termine ainsi cet admirable portrait d'aventurier du XIVème siècle :

« Ce Croquart chevauchait une fois un jeune coursier, fort embridé, qu'il avait acheté 300 écus, et l'éprouvait au courir. Si l'échauffa tellement que le coursier outre sa volonté, l'emporta ; si bien que, à saillir un fossé, le coursier trébucha et rompit à son maître le cou. Je ne sais (ce) que son avoir devint, ni qui eut l’âme ; mais je sais que Croquart finit ainsi ».

Ah ! pauvre et chère Bretagne, il n'y avait que neuf années que cette terrible guerre civile durait, et déjà, « en bien peu de temps », un seul aventurier avait amassé 60 mille écus en finance et une valeur de plus de 3.000 écus en coursiers.

Et pour se rendre compte de la valeur de l'argent à cette époque, je mentionne seulement que 17 ans plus tard (1367), la rançon de du Guesclin fixée par lui-même à 100.000 fr. [Note : Froissart, la chronique d'Ayala, histoire de du Guesclin], fut par le prince de Galles lui-même reconnue une grosse somme. Plus tard, en 1387, c'est encore la somme de 100.000 fr. que le duc de Bretagne exige du connétable de Clisson pour le remettre en liberté, et Clisson était l'un des plus riches seigneurs du royaume.

Ces châteaux, ces manoirs, pris, repris, vendus et revendus, pillés et brulés si le pauvre gentilhomme ne peut payer la rançon, voilà, et j'atténue l'histoire, le sort d'une grande partie de l'Armorique pendant 23 ans.

Et alors on fait ce serment terrible qui peut-être va jusqu'à la limite du sacrilège.

Je dis limite, car dans le cœur du breton qui le prêtait, il ne pouvait servir qu'à assurer l'indépendance de la patrie bretonne au prix d'un meurtre légitime. Ruiné, lui et tous ceux de son parti si Charles de Blois triomphe, il se considère en état de légitime défense et au lieu de se laisser tuer par le loup (blei, Blois, loup en breton), il le tue.

Je ne dois, pourtant pas être suspect de partialité pour Montfort. Tout jeune, je ne sais pourquoi, j'aimais bien mieux son doux et fier rival ; je n'ai jamais cessé de reconnaître que le droit successoral était pour lui et jusqu'aujourd'hui, mes poésies sont en faveur de Charles de Blois et de ses chevaliers.

Plus tard, fouillant mes papiers de famille, je vis que plusieurs de mes ancêtres ou de mes parents suivirent sa cause et si l'on veut me permettre cette digression je dirai ceci :

Lorsque je communiquai à M. de l'Estourbeillon les actes de ma famille qui lui ont permis de faire paraître une notice sur elle dans son premier volume des Généalogies bretonnes, je n'avais pas cru devoir lui indiquer une note assez informe trouvée sur un papier tellement atteint par l'humidité qu'il est tombé en lambeaux entre mes mains la première fois qu'il me fut donné de le lire — j'avais seize ans alors.

Mais j'en pris la copie :

L'acte est écrit par Pierre III. Le Gall seigneur de Kerlinou et dit « j'étais jeune, quand un jour j'entendis un gentilhomme du Léonais fort expert en généalogie, dire à mon père que l'origine de notre race était Alain Le Gall, époux d'Amice de Léon (ici quelques mots illisibles), veuve du sire de Lohéac ».

Il est bien évident qu'à la Chambre de la réformation de 1668, ni les Le Gall de Ménéguen et de Kerlinou, ni les Le Gall du Plessis et de Kermorgan n'auraient pu se servir d'une désignation aussi vague et qui de plus n'était appuyée sur aucune preuve écrite.

Cependant cette note n'était pas perdue de vue par moi, mais je croyais à une confusion de la part de ce gentilhomme du Léonais, ma famille ayant eu une alliance antérieure à Pierre III Le Gall, avec une autre famille Lohéac dont les armes sont d'argent à la macle de sable, et n'ayant alors à ma disposition, pour étudier la maison des sires de Lohéac, que la note incomplète donnée sur elle par M. Bizeul dans la Biographie bretonne de Paul Levot, parue en 1852. Aujourd'hui, à la suite de recherches nouvélles, faites de toutes parts par les travailleurs de Bretagne : M. l'abbé Le Mené, que je remercie ici de la complaisance avec laquelle il mit à ma disposition ses précieux manuscrits, mais où Amice de Léon n'était indiquée que comme épouse de Bernard, seigneur de la Roche-Bernard, ce qui est fort exact, mais ne me suffit pas à me mettre sur la voie, n'ayant pas fait attention qu'à la baronnie de La Roche-Bernard, il avait signalé ce Bernard comme seigneur de Lohéac ; M. Léon Maître, auteur de l'Ancienne baronnie de la Roche-Bernard, où Bernard, fils d'Eudon, est qualifié seigneur de Lohéac du chef de sa mére, époux d'Amice de Léon et mort sans hoirs en 1306 ; et M. Urvoy de Portzamparc, qui vient de publier dans la Revue historique de l'Ouest une généalogie de la maison de Léon ; je viens dis-je, à l'aide de tous ces renseignements, essayer de donner une explication qui me semble très vraisemblable, d'autant plus qu'elle paraît concorder avec un texte de Froissart, complété par Dom Morice.

Voici ce que dit Dom Morice : (Tome I, page 248) « De Goy, le Comte se rendit à Carhaix où l'évêque de Quimper s'était renfermé. C'était Alain Le Gal qui était, vraisemblablement, dans le cours de ses visites » [Note : Dans son catalogue historique des évêques de Bretagne Dom Morice écrit : « Alain Le Gal, natif de Riec, fut ordonné l'an 1336 et mourut en 1358. Les troubles qui affligèrent le pays pendant son pontificat ne servirent qu'à faire éclater sa vertu, les Anglais, venus au secours de Jean de Montfort, assiégèrent Quimper le 11 août 1345 et la réduisirent à la dernière extrémité ; mais elle fut miraculeusement délivrée de leurs attaques par les prières de l'évêque et du clergé. »].

Au début de la guerre, selon Froissart Hervé de Léon et son oncle, Alain Le Gal, étaient dans le parti de Montfort.

Hervé de Léon, mécontent de reproches qu'il considérait comme injustifiés, le quitta assez vite, puisque dès 1342 il était du parti de Charles de Blois qu'il suivit jusqu'à sa mort arrivée en 1343 ou 1344.

L'évêque de Quimper essaya, sans succès, d'être fidèle à Jean de Montfort, mais sa ville fut emportée d'assaut, les troupes de Blois exercèrent des cruautés horribles, tuant plus de 1400 personnes de tout âge et de tout sexe. Charles fit cesser le carnage, protéger les gens d'église dans leur corps et dans leurs biens et comme la moitié de la ville appartenait au duc et l'autre à l'évêque, il fit démanteler les fortifications qui lui appartenaient et laissa intactes celles qui étaient à l'évêque.

Celui-ci dut prêter un serment de foi et hommage à Charles de Blois et y resta fidèle jusqu'à sa mort.

Je regrette la longueur de ces citations, mais je les crois nécessaires pour montrer combien, malgré l'abondance des détails et peut-être même à cause de cette prolixité, combien il faut parfois se méfier des textes qui semblent les plus précis dans Froissart, et ici j'en trouve un exemple frappant :

Après avoir indiqué la parenté d'Hervé de Léon et d'Alain Le Gal : « Cet évêque était oncle audit Hervé de Léon... il s'accorda bonnement par l'admonestement et sermon dudit Mgr Hervé de Léon son neveu ». Il ajoute « L'évêque de Carhaix fit ouvrir les portes de la bonne ville et du châtel de Carhaix, qui sied sur la mer ».

Carhaix, évêché ! Carhaix, port de mer ! Je n'insiste pas.

Dom Morice se borne à dire « Froissart ajoute qu'Alain le Gal était l'oncle d'Hervé de Léon : mais il ne nous apprend point d'où venait cette parenté ».

Je vais essayer de l'établir, en faisant des réserves, bien entendu, en l'absence de tout document formel.

Froissart avait eu certainement des renseignements précis sur la généalogie des seigneurs de Léon. Ainsi, ayant à parler du même Hervé de Léon dans tes chapitres CLXXVI et CLXXVII il dit : « Il advint que messire Guy de Léon que était oncle de messire Hervé de Léon... parla un jour audit messire Hervé son neveu etc. » et « Le dit messire Hervé (de Léon) si emmena son oncle, ledit évêque (Guy de Léon), à messire Louis d'Espagne qui le reçut à bon gré et liement ».

Il est curieux de constater comme les mêmes termes sont répétés par Froissart pour donner les liens de famille entre Hervé de Léon et les évêques Guy de Léon et Alain Le Gall. Cette précision, justifiée en ce qui concerne Guy et Hervé, ne peut-elle s'appliquer à Guy et Alain ? En ce la généalogie s'établirait de la façon suivante :

Liens de famille entre Hervé de Léon et les évêques Guy de Léon et Alain Le Gall

Cette interprétation mettrait d'accord Froissart et Dom Morice : Hervé est bien le neveu propre de Guy de Léon et serait le neveu, à la mode de Bretagne, comme on dit aujourd'hui, d'Alain Le Gall.

Il reste à rétablir le texte que j'ai vu, dans ses parties déchirées ou illisibles ; ne disait-il pas : « Alain Le Gall, époux d'Amice de Léon (marraine ou tante, d'autre Amice), veuve du sire de Lohéac ? ».

Car il est impossible d'admettre Amice de Léon, veuve du seigneur de la Roche-Bernard et de Lohéac, comme étant la mère d'Alain Le Gall, évêque de Quimper, et voici le texte formel qui s'y oppose :

Cathédrale de Quimper, chapelle Saint-Corentin actuellement chapelle de Saint-Paul. « Cette chapelle fut construite en 1336 ou fort peu de temps avant cette date par Alain Le Gall, évêque de Quimper ». — « Un acte du vendredi avant la Madeleine 1312, nous apprend que ce prélat était à cette date chanoine de Quimper et de Kerahès (Carhaix) et recteur de la paroisse de Bothoua [Note : Quittance délivrée à Alain Le Gall par Guillaume de Goézec, receveur des décimes. — Il y avait à Carhaix, dans l'église de Saint-Trémeur, une collégiale composée de quatre canonicats ou prébendes. (M. Le Men)]. Il remplissait en 1329, les fonctions de vicaire général de l'évêque Alain Gonthier [Note : Le mercredi après la Quasimodo 1336, il (Alain Le Gall) fit de nouveaux statuts pour sa cathédrale. Cart. Capit. Corisopit. N° 56, fol. 53. (M. Le Men)], auquel il succéda au commencement de l'année 1336. L'époque présumée de sa mort est 1355 ou 1356 ». (Monographie de la cathédrale de Quimper, par M. Le Men, pages 91 et 99).

Chanoine et recteur dès 1312, Alain Le Gall ne peut être fils d'un second mariage d'Amice de Léon, veuve en 1206 de Bernard de la Roche-Bernard, et, comme il est excessivement peu probable qu'elle eût contracté un mariage antérieur, il faut bien remonter d'une génération l'alliance qui créa la parenté d'Hervé de Léon et de l'évêque de Quimper ; mais ainsi s'explique en même temps la réflexion de Dom Morice, qui, connaissant la généalogie des seigneurs de Léon, n'y voyait figurer Alain comme oncle propre d'Hervé.

Quant au pays d'origine d'Alain le Gall, cité par Courcy, sans attribution de famille, Dom Morice indique la paroisse de Riec. Il est certain qu'en cette commune existe encore un village portant le nom de Kergall ; d'autre part le château de Reulliec ou Rulliec en Plouay, a appartenu jusqu'à sa destruction vers 1488, à la famille Le Gall de Cunfiou. N'y-a-t-il pas eu confusion entre ces deux noms ? C'est possible, je n'insiste nullement, me bornant à faire remarquer que le 2ème fils de Nicolas Le Gall, l'auteur de la branche du Plessis, se nommait Alain comme celui que je crois son oncle (Voir Potier de Courcy et l'arrêt de la réformation de 1668).

Toujours est-il que Quimper est pillé et ravagé de la façon la plus abominable par les troupes de Charles de Blois ; voilà le pays de Ploërmel mis à rançon et ruiné par Croquart, le partisan de Montfort ; que s'est-il passé dans le malheureux pays de Guérande dont Lesnérac était originaire ? Il n'est que trop facile de le présumer.

Quelques lignes du plus ancien de nos historiens, Pierre Le Baud, et une montre de 1382 citée dans les recherches sur la chevalerie du duché de Bretagne, apportent la lumière nécessaire à nos recherches.

Qui ne se souvient de la mort d'Olivier III de Clisson auquel le roi de France fit trancher la tête le 2 août 1343, exposer le corps aux fourches de Montfaucon et placer la tête sur une des portes de Nantes, et de la sublime colère de la douce Jeanne de Belleville, devenue une bête fauve (Biographie bretonne de Levot, article Clisson).

L'héroïque mère du futur connétable de Clisson surprend plusieurs châteaux et ne laisse après elle que la désolation et la mort. Enfin, frappée sur terre, Jeanne vend ses joyaux et équipe un ou plusieurs vaisseaux ; c'est ici que je crois voir apparaître le rôle des Guérandais.

Ce sont eux qui ont dû lui fournir des subsides et des équipages. Et avec eux, parcourant les côtes, Jeanne « coule bas tous les vaisseaux français qu'elle rencontre, égorge les équipages, opère des descentes et met les campagnes à feu et à sang ». (Levot).

Mais contre cet intrépide corsaire et contre tous ceux du pays de Guérande qui l'aidaient dans ses sauvages exploits, quelle vengeance plus sauvage encore s'il est possible, n'exerçaient pas les troupes de Charles de Blois unies à cette « truandaille et mauvaise engeance de Français ? ».

Voilà expliqué le serment de ne laisser survivre qu'un seul des prétendants à la journée d'Auray, car ce qui s'est passé dans le camp de Montfort a dû avoir son équivalent du côté de Blois ; les deux troupes étaient en relations continuelles quand ce ne serait que par les démarches faites par le sire de Beaumanoir la veille et le matin du combat.

Et Froissart, peut-être mieux informé qu'il ne veut le dire, écrit : « Et me semble qu'il avait été ainsi ordonné en l’ost des anglais au matin, que, si on venait au-dessus de la bataille et que messire de Blois fût trouvé en la place on ne le devait point prendre à nulle rançon, mais occire. Et ainsi, en cas semblable, les français et les bretons avaient ordonné de messire Jean de Montfort ; car en ce jour ils voulaient avoir fin de bataille et de guerre ».

Comment les trois conjurés du côté de Montfort s'y prirent-ils pour tenir leur serment ? Ici j'en viens à des textes.

Je ne crois pas, comme l'a supposé M. de l'Estourbeillon, que Lesnérac fit partie de la division de Caverley, qui d'ailleurs n'a su que le matin même de la bataille que Jean Chandos lui réservait le commandement de l'arrière-garde (Froissart, livre I, partie chapitre CLXXXV), qu'il n'accepta qu'à grand'peine et qui cependant décida de la victoire.

Non, chacun d'eux voulait combattre en face dans une division différente, mais la nouvelle disposition fit donner, et ici je cite textuellement Pierre Le Baud : « La première bataille à missire Robert Knolles, missire Gaultier Huet et missire Richart Brullé (Burley). ... En la seconde, missire Olivier de Clisson, le sire de Kaër, Hustache d'Aubrencourt et Mathieu de Gournay et grand nombre de chevaliers et d'écuyers de Bretagne :
Et la tierce, retint le comte à soy, avec lui messire Jean Chandos, par lequel il traitait son affaire (c'est-à-dire à qui il laissait la direction), et foison d'autres chevaliers et écuyers
bretons »
.

Et maintenant, étudiez bien ce passage :

« Aussi avait le comte, les GUÉRANDAIS avec lesquels il s'était le plus tenu, et qui toujours l'avaient défendu par mer et par terre, à leur puissance.
Et bailla le comte à missire Huc de Caverley, son arrière- garde avec cinq cents combattants.
Et cependant cuida le sire de Beaumanoir retourner en l'ost du comte, ainsi qu'il avait fait le jour précédent ; car il taschait toujours y trouver paix. Mais missire Jean Chandos qui en avait été prié par, aucuns des chevaliers du comte, lesquels voulaient combattre, qu'ils ne souffrist nul accord être fait, s'avança vers le dit sire de Beaumanoir et luy dist qu'il ne chevauchât plus avant ; car l'exercite du comte estoient délibérez de l'occire, s'ils l'entreprenaient entre eux »
.

A moins de nommer Lesnérac par son nom, il était, je crois, bien difficile à Pierre Le Baud de mieux indiquer le rang, et la place qu'il occupait ce jour-là dans l'armée. Il est dans la division de Chandos et celui-ci, général des troupes, est chargé de diriger l'action, il est avec foison d'autres chevaliers et écuyers bretons, il a un poste d'honneur, et les GUÉRANDAIS, nommés à part, sont la ; ils forment une sorte de garde du corps au jeune Jean de Montfort et Lesnérac est là, qui veille à l'accomplissement du terrible serment.

Je passe sur tous les incidents de la bataille, pour en arriver à la mort de Charles de Blois, car je n'admets pas un instant que l'on puisse prendre au sérieux les assertions d'un historien anglais que j'avais consulté pour la circonstance ; je transcris, à titre de curiosité tout ce qu'il dit pour l'année 1364 :

« Jean (le roi de France) s'embarqua pour l'Angleterre où il fut reçu avec la plus parfaite cordialité, et comme les rois d'Ecosse et de Chypre se trouvaient à Londres dans le même temps la cour d'Edouard fut des plus magnifiques. Le roi de France logea au palais de Savoye, un des plus beaux alors de toute l'Angleterre, il y tomba malade au commencement du printemps et mourut le 8 avril.

Charles de Blois, roi de Navarre, regarda la mort de ce prince comme une occasion favorable pour faire valoir ses prétentions sur le duché de Bourgogne et il déclara la guerre à son successeur ; mais on finit par conclure un accommodement et on rendit les prisonniers faits de part et d'autre » (Histoire nouvelle et impartiale d'Angleterre, traduite de l'anglais de I. Barrow, 1771, tome V, page 163).

Il me reste à étudier les circonstances de la mort de Charles de Blois, et je trouve les deux récits les plus opposés dans un des récents écrivains et dans le plus ancien de ceux qui en ont parlé :

Voici ce que dit Dom François Plaine dans la Revue historique de l'Ouest, année 1886 :

« Le duc de Bretagne toujours intrépide s'étant alors avancé trop hardiment dans l'espoir de ranimer par son exemple le courage de ceux qui avaient faibli et lâché pied, ne fut pas suivi et se vit bientôt, au contraire, entouré par tout un groupe d'anglais, qui l'ayant reconnu à son armure, n'eurent d'autre ambition que de se saisir de sa personne ou de lui donner un coup mortel. Au bout de quelque temps, voyant que toute résistance était impossible, le duc Charles en vint à remettre son épée et à se constituer prisonnier de guerre sur parole ; mais en ce moment même, un soudoyer, lâche et traître, s'approcha et le frappa a froid d'un coup si bien dirigé que le prince tomba pour ne plus se relever.

On l'entendit s'écrier d'une voix entrecoupée: ha ! ha ! ha ! Deus meus ! et il rendit le dernier soupir [Note : Enquête de canonisation]. Telle fut la fin de Charles de Blois. Les récits contraires ne sont que fausseté ou calomnie ».

Voilà qui semble formel, malheureusement c'est beaucoup trop vite jugé.

Dans l'enquête qu'invoque Dom Plaine, c'est bien là le sens de la déposition du médecin de Charles, mais il ne dit pas que son confesseur, le seul témoin qui l'eût vu mourir, dépose au contraire qu'il était sur le champ de bataille au moment où il quitta ce monde (M. de La Borderie cité par M. de l'Estourbeillon).

Pour savoir lequel de ces témoins dit la vérité, je vais, après une courte citation de Froissart, émettre mon avis appuyé sur la vraisemblance des faits et les usages de l'époque :

« Et se tint le dit messire Charles de Blois et ceux que velez (près) de lui étaient une espace de temps en eux défendant et combattant ; mais finalement ils ne se purent tant tenir qu'ils ne fussent déroutés par force d'armes ; car la plus grande partie des anglais conversaient celle part.

Là fut la bannière de messire Charlet de Blois conquise et jetée par terre et celui occis qui la portait. Là fut occis en bon convive messire Charles de Blois, le visage sur ses ennemis et un sien fils bâtard qui s'appelait messire Jean de Blois, appert homme d'armes durement et qui tua celui que avait tué Mgr Charles de Blois et plusieurs autres chevaliers et écuyers de Bretagne ».

Ah ! enfin, voici Froissart qui vient parler des bretons du parti anglais, et à quel moment les nomme-t-il ? Au moment où le parent (je ne tiens nullement à établir ou à nier la bâtardise) du vaincu le venge, et il le venge en tuant celui qui l'a tué et en tuant plusieurs autres chevaliers et écuyers de Bretagne.

N'est-ce pas les Guérandais qui sont là, qui entourent, Charles de Blois et Lesnérac, l'un d'eux, leur chef vraisemblablement, qui lui traverse la gorge d'un coup d'épée qui sortit d'un demi-pied par derrière ?

Il ne reste plus qu'à savoir si Charles de Blois s'est rendu, s'il a pu se rendre.

Non ! mille fois non !

Car il faut savoir rendre un juste hommage à sa bravoure extrême et à son courage indomptable. Il ne pouvait pas se rendre, parce que personne ne lui criait de le faire, ses ennemis voulaient sa mort et non sa captivité, et il se serait cru déshonoré s'il s'était, contrairement à l'usage de son temps, rendu avant d'avoir épuisé tout espoir et trouvé aussi un adversaire d'assez haut rang ou bon parage pour pouvoir lui remettre son épée ducale.

Une fois il a été fait prisonnier, mais dans quelles circonstances ? Elle sont héroïques celles-là.

La bataille est sous les murs de la Roche-Derrien : Charles fit des prodiges de valeur ; animé, dit un auteur anglais, comme une lionne à qui l'on enlève ses petits, environné d'un monceau d'illustres morts tombés sous ses coups, adossé par une troupe d'ennemis contre un moulin à vent, percé de 18 plaies en son corps, d'où le sang ruisselait de toutes parts, il se défendit encore deux heures et se rendit enfin au chevalier breton, Robert ou Evrard du Chastel, dont la famille possédait la forteresse de Châteaugall, en Landelleau, et qui fut, d'après la tradition, le berceau de la famille Le Gall.

Et c'est ce héros qui combat comme un Rolland à la Roche-Derrien qui va, quand quelques-uns des siens tiennent encore, se rendre ! et à qui ?... pour se laisser égorger comme un mouton !

Non, encore une fois, il est mort vaillamment, face à l'ennemi, luttant en désespéré, soit, mais luttant toujours.

Lesnérac ne fut pas un lâche assassin, et ce qui le prouve, c'est qu'aux côtés de Charles on combattait encore, puisque sa mort fut vengée sur Lesnérac et sur plusieurs autres chevaliers.

Ce n'est pas un « soudoyer lâche et traitre » qui donna la mort à l'époux de Jeanne de Penthièvre, et c'est avec raison que l'éminent héraldiste, M. Potier de Courcy, indique que Pierre de Lesnérac tua de sa main, selon quelques mémoires, Charles de Blois à la bataille d'Auray.

D'après l'acte inédit publié par M. de l'Estourbeillon, ce n'est pas Pierre, mais Jean qu'il faut lire, et je le crois d'autant plus volontiers que Pierre vivait encore en 1385, et tous s'accordent à dire que le vainqueur de Charles de Blois, ou devint fou, ou fut tué. Pour moi, je crois, avec Froissart, qu'il fut tué à la fin de la bataille.

Reste à savoir où fut mise sa sépulture.

Gabriel Gaulterot, un de ses descendants, nous a appris que l'on voit encore aujourd'hui (1603), près d'Auray, le tombeau dudit Lesnérac, et sa statue élevée.

A moins que Jean IV, duc de Bretagne qui avait fait transporter à Guingamp la dépouille mortelle de Charles de Blois, n'ait fait élever un tombeau à Jean de Lesnérac à Saint-Michel du Champ, aujourd'hui la Chartreuse d'Auray, je crois qu'il faut placer sa sépulture à Notre-Dame de Locmaria, en Plœmel.

En effet, la famille de Broërec qui fit élever un si remarquaable tombeau à Pierre de Broërec dans cette chapelle, en 1340, semble tomber en quenouille à cette époque, car pendant toute cette guerre où peu de familles marquantes ne sont pas nommées, elles reste introuvable, et comme Courcy, dans sa 3ème édition, indique Jeanne de Lesnérac, dame de Locmaria, en Plœmel, comme épouse de Jacques de Trévégat, fils d'Olivier, j'ai fait des recherches aux archives départementales du Morbihan, et dans les manuscrits de M. Galles j'ai trouvé qu'effectivement Jeanne de Lesnérac était dame de Locmaria, et poursuivant cette piste j'ai constaté qu'avant elle, son père, Charles de Lesnérac, avait comparu aux réformations de 1426 et 1448 en qualité de seigneur de Locmaria.

Je n'ai pu remonter plus haut, mais Jean de Lesnérac dont on s'occupe n'aurait-il pas épousé la fille de Pierre de Broërec, laquelle lui apportait la seigneurerie de Locmaria.

Alors, après 24 ans (1340-1364), la tombe de Pierre de Broërec aurait été rouverte et près de lui aurait été enterré son beau-fils, Jean de Lesnérac.

Et que l'on ne vienne pas m'objecter que Gaulterot dit : « statue eslevée », ce peut, ce doit être mis pour « tombe élevée », portant une figure en creux comme celle de Pierre de Broërec ; les documents fournis par les familles sont si souvent erronés, de très bonne foi certes, mais enfin erronés, et demandent à être passés au crible de la critique historique ! Je n'en veux qu'une preuve, tirée de cette famille même : en 1683, un descendant de Jeanne de Lesnérac, René-François de Trévégat, chevalier, sgr de Locmaria, de Limoges et autres lieux, déclare que « de ladite maison de Locmaria, il dépend une chapelle de Notre-Dame, située audit lieu (de Locmaria), dans le chœur de laquelle il y a une tombe enlevée (élevée), où a été autrefois inhumé le corps d'Alain de Broërec, duc de Bretagne, et défunt messire Jean de Trévégat, vivant seigneur dudit lieu de Locmaria, ayeul dudit seigneur, avec leurs armes dans la principale vitre de ladite chapelle, et qui est prohibitif à toute personne quelconque ».

Il n'y a pas lieu de discuter un instant le titre de duc de Bretagne, donné à Pierre de Broërec, par René-François de Trévégat, et cependant, il était seigneur de Locmaria même ; Gabriel Gaulterot, domicilié ailleurs, sachant son ancêtre enterré là, est beaucoup plus excusable en disant que c'était sa statue, son image, qui était représentée, tandis que c'était celle d'un de ses prédécesseurs, mais ce qui est certain, par exemple, c'est que le tombeau de Pierre de Broërec était un véritable caveau de famille, car nul ne songera à mettre en doute l'inhumation en cet enfeu de Jean de Trévégat, non pas aïeul cependant, mais bisaïeul de René-François.

Il n'a pas connu son bisaïeul, et c'est peut-être ce que cause son erreur, mais la deuxième femme de celui-ci, Françoise du Bois de la Salle, vécut très vieille et put le conduire elle-même sur cette tombe ; ainsi, personnellement, j'ai connu très bien mon arrière-grand'mère, et j'avais vingt ans quand elle est morte. Ses souvenirs sur la Révolution à Quimper étaient très précis, elle y était venue avec son oncle, l'abbé de La Fage, prédicateur célèbre, aumônier de Louis XVI, et si je n'avais quitté à l'âge de dix ans la capitale de la Cornouailles, j'aurais pu, grâce à elle, conserver le souvenir de plusieurs événements de cette époque troublée.

Il est vrai que parfois elle faisait des erreurs que j'ai reconnues depuis, comme cela arrive toujours dans les traditions de famille, mais elle m'a conduit sur le tombeau de mon bisaïeul, et j'en connais encore aujourd'hui l'emplacement ; de même, René-François de Trévégat, mené à la dernière demeure de son ancêtre, ne pouvait faire d'erreur sur le lieu où il reposait.

Il reste à examiner la situation de la famille de Lesnérac avant et après la mort de Charles de Blois.

Avant :

Elle est des plus honorables et fournit un chevalier croisé en 1248 (Potier de Courcy).

Après :

Les documents recueillis, la montrent en haute situation : Jouan de Lesnérac, gouverneur des villes et pays de Nantes, est père d'Agnès de Lesnérac qui épouse Robert Gaulterot, garde des ville et pays de Nantes, dont Geoffroy Gaulterot, époux de Duralle de la Charmoye (M. l'Estourbeillon).

A la revue du sire de Clisson, baron, faite à Ploërmel le 1er juillet 1380 : « Escuyers : Jean Harpedane, Éon de Lesnérac, Guillaume de Lesnérac. » (Collection Clérembaut à la bibliothèque nationale ; Oscar de Poli, Montres inédites de gens d'armes bretons), et dans le même ouvrage : « Jean, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, à notre bien aimé conseiller, Richard de Lesnevez, notre trésorier de la chevance de notre chambre, salut : nous vous mandons et commandons que vous païez à... Macé Souxfait pour un cheval que nous eûmes de li, quarante livres ; à Thomas de Lesnérac que nous li devons pour certaines causes [Note : On ne saura probablement jamais quelles sont ces certaines causes, mais puisque dans les autres cas le duc spécifie le motif de ces dettes, ne peut-on présumer que celles-là se rattachent à une mission de confiance remplie par Thomas de Lesnérac ou sa famille, à cette époque même ou antérieurement ?], quarante livres ; à Jelequin de Lebest, que nous lui devons de prêt, cent livres, etc.
Donné en notre ville de Venn., le 26 mars 1387 »
(ancien style).

Eon de Lesnérac, cité à la montre de 1380, a rapidement monté en grade, car il est écrit ce qui suit dans le traité de la noblesse d'André de La Roque : « Dans la montre qu'Eon de Lesnérac, capitaine de Clisson, un des grands seigneurs de Bretagne, passa à Paris le 31 janvier 1382, il ne prend que la qualité d'écuyer, quoiqu'il eût dans sa compagnie quatorze chevaliers bacheliers, au nombre desquels étaient Amaury de Clisson, Robert de Beaumanoir, Robert de Guitté avec quatre-vingt-cinq archers, et il ne prit la qualité de chevalier qu'il ne l'eût reçue en effet ».

Le nom de Lesnérac revient plusieurs fois dans l'important travail intitulé : Encore un armorial breton, publié par M. le Vicomte de Pontbriant. On y lit : « Agnès de Lesnérac (c'est la fille de Jouan, déjà cité) et Robert Gautret — ou plutôt Gautrot, — mariés dès 1384, époque où le duc leur afféagea une île nommée l’ile de Saint-Martin, près Saint-Martin de Savenay, pour une paire d'éperons d'or. — En 1387, Pierre de Lesnérac était connétable de Nantes ; son sceau était une espèce de buste de dragon ailé ; — 1395, Guillaume de Lesnérac (fils de Ne de Kermadiou) cède au duc les biens meubles et acquets qui lui étaient venus de Typhaine de Kermadiou, sa sœur de mère, autrefois mariée avec Adrien Moesan. — En 1457, messire Charles de Lesnérac eut une sauvegarde du duc.

Et coïncidence curieuse, cette sauvegarde mentionnée par l'auteur anonyme de l'ancien armorial breton, qui pourrait bien n'être autre que messire David de Cléguennec, seigneur de Meslien, mort à Hennebont en 1695, savant généalogiste et héraldiste, et qui sera l'objet d'une autre étude, cette sauvegarde est également indiquée dans le traité de la noblesse d'André de La Roque, où il dit : « Messire Charles de Lesnérac figure dans une cause appelée au parlement général en 1450 », et il ajoute : « on lit dans les registres de la chancellerie, année 1457: Sauvegarde pour Messire Charles de Lesnérac ».

On le voit, tous les écrivains qui ont à parler de la noblesse bretonne semblent se donner le mot pour indiquer le grand rôle rempli par les Lesnérac au XIVème et au XVème siècles.

Ainsi, M. de Couffon de Kerdellech, dans ses recherches sur la chevalerie du duché de Bretagne, écrit : « En 1430, Jeanne de Lesnérac est demoiselle d'honneur de la reine de Sicile ».

Si l'on compulse les précieux manuscrits de M. Louis Galles, conservés aux archives du Morbihan, on établit facilement que la demoiselle d'honneur de la reine de Sicile, Jeanne de Lesnérac, épousa Jacques de Trévegat, fils d'Olivier de Trévegat, seigneur dudit lieu, et lui apporta la terre de Locmaria en Plœmel, étant fille unique de Charles de Lesnérac que nous voyons mentionné dans les paragraphes ci-dessus en 1450 et en 1457, et qui était déjà propriétaire de cette seigneurie en 1426 comme en 1448 (Registre des anciennes réformations de Bretagne).

Il est invraisemblable que tant d'honneurs soient donnés, à une date si rapprochée du crime, à la famille et aux descendants d'un vil assassin.

Jeanne de Lesnérac, sa petite-fille, est demoiselle d'honneur d'une reine en 1430 ; Eon de Lesnérac, probablement l'un de ses fils, en tout cas l'un de ses plus proches parents, est en 1382, capitaine du sire de Clisson, et l'on ne dira pas que Clisson ne savait pas la vérité sur ce qui s'était passé à la bataille d'Auray. Eon, simple écuyer, commande à des chevaliers, en attendant qu'il le devienne lui-même, et parmi ceux qui lui obéissent se trouve Robert de Beaumanoir, ce même Robert de Beaumanoir qui se trouvait aux côtés de Clisson lors de l'attentat du duc de Bretagne contre le connétable dans le château de l'Hermine, à Vannes, ce Robert de Beaumanoir, ce chevalier sans peur et sans reproches que défia et vainquit Tournemine sur la place du Bouffay, à Nantes, le 20 décembre 1386 ; ce Robert de Beaumanoir, enfin , fils du héros du combat des Trente, frère de Jean qui combattit pour Charles de Blois à la bataille d'Auray où il fut fait prisonnier, et qui lui-même fut toujours hostile, comme tous les siens, à Jean de Montfort, aurait consenti à être sous les ordres d'un Lesnérac, si un Lesnérac avait lâchement et traîtreusement assassiné son prince legitime !

Non, la preuve est faite : Jean de Lesnérac fut un chevalier loyal et fidèle, combattit vaillamment, servit son prince, mit fin, à ses risques et périls, à la guerre de la succession de Bretagne et paya généreusement de sa vie sur le champ de bataille même celle qu'il venait de ravir à Charles de Blois.

Le rôle des Lesnérac dans l'histoire fut aussi court que brillant ; leur maison après avoir jeté ce vif éclat s'est éteinte depuis longtemps, et je n'ai pu en dresser une généalogie complète, mais la famille de Trévégat sortie de Jeanne de Lesnérac laissa de nombreux descendants qui prouvèrent leur noblesse à la réformation de 1668, et si, par leurs alliances ou celles des Gaulterot, il reste aujourd'hui, en Bretagne, comme il est probable, des personnes ayant de ce sang dans les veines, j'estime qu'elles ont le droit d'être fières de leurs glorieux ancêtres : les Lesnérac.

Il faut bien reconnaître que malgré le bon droit indiscutable des Penthièvre, le parti de Montfort était bien le parti national breton, et c'est cela qui fit, qu'en dépit des déprédations anglaises et malgré l'hostilité de la France et des plus puissants seigneurs de Bretagne, dont l'histoire répète sans cesse les noms, laissant de côté, dans l'ombre, les simples gentilshommes qui, avec moins d'éclat mais plus d'acharnement peut-être, le soutenaient, il parvint à lutter si longtemps et finalement à triompher.

D'ailleurs la race de Montfort sut user sagement de la victoire, et l'on trouve en haute situation, peu de temps après la guerre de succession, les parents ou les descendants de ses adversaires, et la preuve en est que deux petits-neveux de l'évêque de Quimper, partisans de Blois, Pierre Le Gall, seigneur de Cunfiou, et Alain Le Gall, seigneur du Plessis, sont l'un et l'autre, aux environs de 1430, qualifiés : gentilshommes du Duc.

C'est le souvenir de cette attitude et de ces bienfaits que se perpétua dans les familles et créa l'attachement inébranlable aux Montfort jusqu'aux deux règnes de la duchesse Anne.

Je crois devoir terminer cette étude en donnant la liste des propriétaires du château de Locmaria dont dépendait la chapelle de Notre-Dame de Locmaria, où ils firent construire le monument funéraire de Pierre de Broërec, dans lequel fut ensuite inhumé Jean de Lesnérac. Ce tombeau qui existe encore de nos jours, fut pieusement entretenu par eux et ils eurent souvent l'occasion d'y venir prier.

En voici la description d'après M. Rosenzweig (statistique archéologique de l'arrondissement de Lorient) : « Au milieu de la chapelle, sur une base en maçonnerie, pierre tombale remarquable et bien conservée de Pierre de Broërec (XIVème siècle), longue de 3 mètres et large de 1 mètre 50 ; elle présente, gravée en creux, l'effigie d'un chevalier en prières, entouré de huit personnages dans l'attitude de la douleur ; ses pieds reposent sur un lévrier, sa tête sur un coussin. Les huit personnages sont encadrés, quatre de chaque côté, dans les compartiments égaux de deux pilastres à pinacles, reliés, au sommet par un arc en cintre brisé surmonté d'un pignon à chou épanoui et crocheté ; au-dessus du pignon, deux anges tiennent des encensoirs. Toutes ces pièces d'architecture sont richement ornées de trilohes, trèfles et quatrefeuilles Les angles de la pierre, les pilastres sont, en outre, chargés de blasons. Enfin une inscription également en creux borde la pierre tout autour ; on y lit :

CI. GEIT. PRES. LE. FIVX. ALEIN DE BROEREC. DONT. DEUX. AEST. LAME. Q. TPASA. A. SAMVR. LE. lEVDI. AVAT LA. SAINT. MARTIN. DIVER. EN. VENET. DE. LA. GERE. DENT. LE ROI DE FRANCE. E. LE ROY DENGLETERE. E. FVT. LOT. DE. FRANCE. AV. PONT. DAVANDIN. E. LOT. DANGLETERRE. DAVANT. TORNAY. E. LE. FIT. ALES. SA. FAME. E. GVILL. SON. FRERE. APORTER. CEANT. LAN : (M) : CCC. E. XL.

Voici les noms des seigneurs de Locmaria d'après les manuscrits de M. Louis Galles (à partir de 1426) et quelques autres pièces des archives :

Alain de Broërec père de :

Pierre de Broërec, Sgr de Locmaria, époux d'Alix et frère de Guillaume, décédé en 1340 à Saumur, enterré à Notre-Dame de Locmaria, père de:

N. de Broërec, de Locmaria, épouse Jean de Lesnérac, tué à la bataille d'Auray en 1364, enterré à Notre-Dame de Locmaria, père et mère de :

Charles de Lesnérac, sgr de Locmaria, de 1426 à 1448 (Anciennes réformations de Bretagne), père de :

Jeanne de Lesnérac, en 1430 delle d'honneur de la reine de Sicile, épouse de Jacques de Trévégat, fils d'Olivier, père et mère de :

Jean de Trévégat, Sgr de Locmaria, père de :

Pierre de Trévégat, sgr de Locmaria, en 1536 et 1540, époux de Jeanne Le Roy, père et mère de :

Gilles de Trévégat, sgr de Locmaria, 1569, mort en 1587, époux de Michelle de Kerbervet, père et mère de :

Jean de Trévégat, Sgr de Locmaria dès 1593, épouse : 1° Marguerite Philippot, 2° Françoise du Bois de la Salle. Il eut de son premier mariage : Claude de Trévégat, Sgr de Locmaria, mort en 1638, époux de Jeanne de Botdéru, père et mère de :

François de Trévégat, sgr de Locmaria (1648-1668), époux de Françoise de Quélen, père et mère de :

René-François de Trévégat, Sgr de Locmaria (1679-1690), époux en 1669 de Françoise-Ursule de Francheville ; en 1709 il vendit la terre de Locmaria à Joseph Le Gouvello.

François de Trévégat exerça le retrait lignager, devint sgr de Locmaria et fut père de :

Vincent de Trévégat, Sgr de Locmaria, en 1715.

En 1719, Julien-François de Trévégat est seigneur de Locmaria ; il eut pour héritier :

Philippe-François Blévin, qui vendit Locmaria en 1738 à :

Delle Marguerite-Perrine Eudo, de Locmaria, morte en 1756 ; elle eut pour héritière sa sœur :

Louise-Marguerite Eudo, dame de Locmaria (1756), épouse de Jérôme-François Charpentier.

La famille de Lesnérac a possédé les seigneuries de Lesnérac, paroisse d'Escoublac ; de Pillet, paroisse de GUÉRANDE ; de la Haye-Mareil, paroisse de La Chapelle-Launay, et de Locmaria, paroisse de Plœmel.

Les armes sont : d'azur au buste de dragon ailé d'argent.

Armes de la famille Lesnérac (Bretagne).

(M. E. LE GALL DE KERLINOU).

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