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CANONISATION DE SAINT-YVES

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saint Yves, patron des Avocats et de la Bretagne

Je ne puis laisser paraître ce travail strictement historique et admirablement rédigé sur la canonisation de saint Yves, sans mettre en tête de la brochure l'expression très sincère et très émue de ma profonde gratitude envers le cher moine de Solesmes, Dom Yves Ricaud, qui s'est appliqué avec ferveur à décrire la glorification de son saint patron et qui a parfaitement atteint son but. 

Je suis bien assuré que les fidèles dévots de saint Yves, mais surtout les prêtres, les séminaristes, les avocats, les juges, les hommes de loi liront cette notice si intéressante avec un grand charme et une vive émotion. 

Elle nous reporte à la fête grandiose qui eut lieu à Avignon le 19 mai 1347, quand un pape français, Clément VI (Pierre Roger, du diocèse de Limoges), « représentant visible sur terre du chef invisible de la Sainte Eglise Catholique, Notre Seigneur Jésus-Christ, prononça solennellement la sentence infaillible qui plaçait Yves Hélory de Kermartin, du diocèse de Tréguier, au nombre des saints »(Louis Lainé - curé-archiprêtre de Tréguier - 1er mai 1947).

   

AVANT L'ENQUETE DE 1330

Yves Hélory mourut le 19 mai 1303, à l'âge de 50 ans, en son manoir de Kermartin, au Minihy et fut triomphalement inhumé le lendemain dans la cathédrale de Tréguier. Il avait brillé durant sa vie par ses vertus et par ses miracles. Le souvenir de ses vertus ne devait pas disparaître et ses miracles, allèrent se multipliant. Le peuple le regardait comme un saint. Sa réputation de sainteté se répandit vite dans toute la Bretagne, puis en France et même au-delà, et les foules ne tardèrent pas à accourir à son tombeau. L'Eglise allait-elle, par son magistère infaillible, sanctionner le jugement spontané du peuple chrétien et décerner à Yves les honneurs des autels ? 

Ce fut là le plus intense désir de tous ceux qui, clercs ou laïcs, vénéraient Yves et pouvaient, de par leur haute situation, avoir quelque accès auprès du Saint-Siège. Nous ne connaissons pas le détail des multiples interventions opérées dans ce dessein auprès de la Cour des Papes. C'est avec piété qu'il convient de recueillir toutes celles que l'histoire nous atteste. 

Le 5 juin 1305, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux, avait été élu pape et prenait le nom de Clément V. Il fut le premier d'une série de papes français et c'est lui qui devait installer la papauté en Pro­vence. A partir de 1308, en effet, les Papes y résidèrent et se fixèrent bientôt à Avignon. Fut-ce un bien ou un mal pour l'Eglise ? Les historiens en discutent encore. Ce fut du moins une circonstance favorable pour la cause d'Yves. D'Avignon à Tréguier, la distance était moindre que de Rome, et les relations plus aisées. Au surplus, les Papes d'Avignon, tous français, étaient naturellement bien disposés envers un saint de la Bretagne armoricaine, fief de la France ; d'autant que les difficultés aiguës qui avaient opposé durant de longues années les ducs de Bretagne et le Saint-Siège étaient maintenant aplanies. Les visites des ducs de Bretagne à la Cour des Papes n'étaient pas rares désormais. Clément V reçut lui-même trois des ducs de Bretagne. Le duc Jean II vint assister à son couronnement à Lyon, le 14 novembre 1305 et y mourut accidentellement. Son successeur, Arthur II (1305-1312), qui fit le voyage d'Avignon, y fut comblé de privilèges par le pape. Le bon duc Jean III, dont le long et tranquille règne (1312-1341) marqua pour la Bretagne la fin d'un siècle de paix, s'y rendit. Ce fut durant ce voyage que le duc parla au pape d'Yves Hélory : il lui raconta la sainteté de sa vie et les nombreux miracles opérés sur son tom­beau, le suppliant humblement d'ordonner une enquête officielle sur la vie, les vertus et les miracles d'Yves en vue de sa canonisation. C'est la première démarche qui fut tentée pour cette cause. Nous savons que beaucoup de hautes personnalités joignirent leurs instances à celles du duc et que plusieurs délégations et lettres furent adressées par la suite à Clément V. Mais celui-ci mourut en 1314, sans que rien n'eut été fait pour la cause de saint Yves. 

Après une longue vacance de deux ans et trois mois, les cardinaux élurent au trône pontifical Jacques Duèse de Cahors, cardinal-évêque de Porto, qui prit le nom de Jean XXII (7 août 1316). Sous son pontificat, la cause de saint Yves devait faire un grand pas. On connaît la fine diplomatie du nouveau Pontife. Une munificence rendue possible par sa parfaite administration et son esprit d'économie, lui permit de mettre au rang de ses obligés tous les grands d'Europe, depuis les rois jusqu'aux moindres seigneurs. La cause de saint Yves devait bénéficier de ces bonnes relations entre la Cour d'Avignon et les princes. Les démarches tentées par le duc Jean II et d'autres personnes de considération — soit sous forme de missions, soit par lettres — attestant que le nombre des miracles opérés au tombeau d'Yves ne faisait que croître, et demandant l'ouverture prochaine d'une enquête en vue de sa canonisation, furent plusieurs fois renouvelées par eux auprès de Jean XXII. Les interventions les plus marquantes furent les lettres adressées au pape par Philippe VI de Valois, roi de France de 1328 à 1350 et par la reine Jeanne de Bourgogne, par les évêques de la province (l'évêché de Tréguier était alors rattaché à la métropole de Tours, qui englobait en outre les six diocèses suivants : Angers, Dol, Le Mans, Nantes, Quimper, Rennes, Saint-Brieuc, Saint-Malo, Saint-Pol de Léon et Vannes) ; par beaucoup d'archevêques, évêques, abbés et prélats de France ; enfin par l'illustre Université de Paris, qui se souvenait d'avoir compté Yves Hélory parmi ses étudiants durant dix années, de 1267 à 1277. 

Mais la plus décisive de ces démarches fut l'ambassade solennelle envoyée en décembre 1329 par le duc de Bretagne à la Cour d'Avignon. L'ambassade fut confiée à l'évêque de Tréguier, Yves de Boisboissel, muni d'une procuration du chapitre de Tréguier en date du samedi 9 décembre 1329 et au frère du duc, Gui de Bretagne, comte de Penthièvre et de Goëllo, accompagnés de plusieurs gentilshommes bretons. 

Yves de Boisboissel avait été élu évêque de Tréguier le 7 octobre 1327 et ne devait y rester que trois ans à peine pour occuper ensuite les sièges de Quimper (1330-1333) et de Saint-Malo (1333-1348). Il sera élu évêque de Quimper le 31 août 1330, quelques semaines après la clôture de l'enquête sur la vie et les miracles de Yves Hélory, qui se fera du samedi 23 juin au samedi 4 août 1330, comme si la Providence ne l'avait élevé sur le siège de Tréguier que pour cette unique et glorieuse affaire. 

Quant au comte Gui de Penthièvre, dont la fille épousera Charles de Blois le 4 juin 1337, il ne devait pas survivre au succès de sa mission, puisqu'il mourut dès 1331, pour le plus grand malheur de la Bretagne. 

Nous ne savons rien du voyage, si ce n'est que Jean XXII reçut les ambassadeurs avec son affabilité et sa bienveillance accoutumées et fit bon accueil aux lettres dont ils étaient les porteurs, mais nous en connaissons l'heureux et immédiat résultat. Dès le 26 février 1330, le pape, après avoir pris l'avis des cardinaux donnait la Bulle Exultant et gaudent in cœlis décrétant l'ouverture d'une enquête sur la vie, les vertus et les miracles d'Yves Hélory et nommant pour commissaires de l'enquête Roger Le Fort, évêque de Limoges, Aiglin de Blaye, évêque d'Angoulême et Aimery, bénédictin de Saint-Martin de Troarn au diocèse de Bayeux. 

L'Ordo Romanus XIV, oeuvre de Jacques Cajétan Stefaneschi, cardinal-diacre de Saint-Georges au Vélabre (1296-1343), publié par Dom Mabillon au tome II de son Museum Italicum et par Raynaldus, Annales Ecclesiastici, 1347, n° 34-39, précisément à l'occasion du récit de la canonisation de saint Yves, indique la procédure suivie au XIVème siècle pour les canonisations. Il porte que le pape n'ouvre une enquête en vue d'une canonisation que « lorsque la renommée d'un saint est parvenue jusqu'à ses oreilles et que des personnes, honorables et dignes de foi, lui ont soumis l'affaire et l'ont supplié à de fréquentes reprises et avec une instance croissante, de le canoniser ». Nous venons de voir que ni le nombre ni la qualité des suppliques adressées au Saint-Siège en faveur d'Yves ne firent défaut. Nous ne connaissons rien sur l'abbé de Troarn. 

Quant aux deux évêques enquêteurs, il se trouve qu'ils étaient les neveux de deux professeurs qui avaient enseigné le droit à Yves Hélory à Orléans entre 1277 et 1280. Aiglin de Blaye, évêque d'Angoulême depuis le 27 juin 1328, devait y rester jusqu'à sa mort survenue vers 1363 ou 1368. Il était neveu, par son père, de Guillaume de Blaye, qui avait enseigné les Décrétales pontificales à Yves Hélory et avait été, lui aussi, évêque d'Angoulême (1273-1309). 

Roger Le Fort était, par sa mère, le neveu de Pierre de La Chapelle, qui expliqua à Yves, à Orléans, les Institutes de Justinien. L'oncle, par la suite, fut promu cardinal du titre de Saint-Vital par le pape Clément V le 15 décembre 1305 et en décembre 1306, évêque de Palestrina. Il mourut en 1312. La carrière du neveu est assez semblable à celle de l'oncle. Lui aussi, il enseigna la jurisprudence à Orléans, après l'avoir étudiée dans la même célèbre faculté. Mais, né vers 1268, il ne put y connaître Yves Hélory. Archevêque de Bourges depuis le 18 août 1343, il le resta jusqu'à sa mort (1er mars 1367). Ce fut d'abord un écrivain abondant. Ce fut surtout un saint. L'exemple et l'intercession de saint Yves lui valurent-ils cette faveur ? Toujours est-il qu'il imita merveilleusement, tout le reste de sa vie, la charité compatissante d'Yves envers les pauvres et que des miracles se produisirent sur son tombeau. Les Bollandistes lui donnent le titre de Bienheureux et ont inséré dans leurs Acta Sanctorum, au 1er mars, une notice sur lui.

Le Pape porta sans doute intentionnellement son choix sur l'évêque de Limoges pour cette affaire qui intéressait à un haut point la Bretagne. En 1277, Arthur II, qui devait succéder en 1302 à son père Jean II comme duc de Bretagne, avait épousé en premières noces la fille unique et l'héritière du vicomte Gui de Limoges, Marie, qui mourut en 1291, laissant à la, Bretagne la vicomté de Limoges. Durant deux siècles, les rapports entre la Bretagne et le Limousin furent nécessairement fréquents. Le duc Jean III, qui conserva le pouvoir effectif sur la vicomté durant tout son règne de 1312 à 1341, et qui eut souvent affaire dans le Limousin, connaissait personnellement, selon toute vraisemblance, Roger Le Fort, évêque de Limoges, devenu ainsi son sujet depuis 1328. La désignation de Roger pour procéder à l'enquête sur Yves Hélory, semble donc avoir été une attention délicate du pape.

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L'ENQUETE DE 1330

Dès son retour d'Avignon, l'évêque de Tréguier commença les préparatifs de l'enquête. Il réunit ses curés en synode. On y décida que tous les fidèles du diocèse, qui en avaient l'âge et la force, jeûneraient le 6 juin, mercredi après la Trinité et que ce même jour, on chanterait dans toutes les églises une messe du Saint-Esprit, pour obtenir de Dieu « de nouveaux miracles par l'intercession de monseigneur Yves, fils d'Hélory »

Le choix et la convocation des témoins durent se faire rapidement : on avait eu le loisir, durant les longues années d'attente, d'en établir minutieusement les listes. 

Enfin le jour si ardemment désiré se leva, Ce fut le 23 juin 1330, veille de la Nativité de saint Jean-Baptiste et du 4ème dimanche après la Pentecôte, que débuta l'enquête. Les trois commissaires étaient descendus au manoir de Guillaume de Tournemine, ancien trésorier de l'église de Tréguier. 

Les séances de l'enquête se tinrent chez lui, ce qui suppose une dispense accordée par le Saint-Siège ; car, selon le droit, une enquête de canonisation doit se faire dans un lieu sacré. 

Lors de la première séance qui eut lieu en présence des notaires et de la foule des témoins, l'évêque de Tréguier remit aux commissaires trois documents : deux bulles de Jean XXII, et la procuration au chapitre de Tréguier dont il a été parlé ci-dessus. L'une des bulles, ouverte, était celle qui désignait les enquêteurs et qui a été également mentionnée plus haut. La seconde était une bulle secrète, fournissant aux commissaires des instructions sur la façon de mener l'enquête. Le texte ne nous en a pas été conservé. Mais nous pouvons, en partie soupçonner son contenu par la façon dont l'enquête fut conduite. 

Les commissaires prirent connaissance des bulles et de la procuration. Puis l'évêque de Tréguier fit le serment de dire toute la vérité et rien que la vérité, et produisit les témoins. Ceux-ci, après avoir de même prêté serment sur les saints Evangiles, furent interrogés séparément et secrètement, au cours des jours suivants, sur toutes les circonstances de la vie, des vertus et des miracles de Dom Yves. L'on voit que tout se passe selon les formes juridiques les plus strictes. Un interprète pour chaque dialecte breton avait été prévu, qui traduisait en français les dépositions des témoins ne sachant que le breton, après avoir prêté le serment de faire une traduction véridique. C'étaient Dom Auffray, abbé du monastère cistercien du Bon-Repos, alors au diocèse de Quimper, actuellement en Saint-Gelven, au diocèse de Saint-Brieuc ; puis maître Hervé de Ploerzmet (recteur de Nostang au diocèse de Vannes jusqu'au 8 avril 1317, puis chanoine des églises de Vannes et de Saint-Brieuc), et maître Olivier de la Cour, clerc du diocèse de Léon, tous deux notaires apostoliques, enfin Jacques, recteur de Mesquer, au diocèse de Nantes. 

Les noms, âges, qualités et les dépositions des témoins étaient aussitôt consignés par écrit par trois notaires : l'un apostolique, maître Jean Dalamant, du diocèse de Limoges ; les deux autres impériaux : Pierre de Clouselle, clerc du diocèse d'Angoulême, et Roger Polin, du diocèse de Bayeux ou de Saint-Brieuc. 

Cinq autres personnages les assistaient en qualité de témoins garants : Jacques de Bresfort, chanoine d'Angoulême ; Guillaume Sambuci, personnage important, si l'on en juge par le nombre des bénéfices qu'il cumulait ; Barthélémy de Celle, qui avait obtenu, le 20 février 1318, le prieuré séculier de Notre-Dame de Grâcay (Cher), au diocèse de Bourges, le canonicat de Saint-Sylvain de Levroux (Indre), dans le même diocèse et, le 21 mars 1328, un canonicat à Orléans ; Jacques Labetre, ancien vicaire général de l'évêque de Tréguier, recteur de l'église d'Azas (Haute-Garonne) au diocèse de Toulouse et témoin 231 au cours de l'enquête ; enfin Raoul de Fayolle, archiprêtre de Chirouze, au diocèse de Limoges. 

Deux cent quarante-trois témoignages individuels furent ainsi recueillis ; 52 portaient plus spécialement sur la vie et les vertus d'Yves ; les 191 autres sur ses miracles. Il ne faut cependant pas compter autant de témoins que de témoignages, car un certain nombre de personnes déposèrent plusieurs fois. Il y eut tout au plus 213 témoins, peut-être moins, car quelques noms présentent entre eux des différences si minimes qu'ils désignent sans doute un seul et même témoin, tels Guillelmus de Quaranson et Guillelmus de Karanzan : l'on faisait alors peu de cas de l'orthographe des noms propres. 

Ce fut ensuite l'enquête « de fama », sur le renom de la sainteté d'Yves. D'après l'Ordo XIV, le pape, ayant appris la renommée de sainteté d'un serviteur de Dieu, confie à quelques évêques compatriotes du candidat à la sainteté, le soin d'enquêter d'abord sur le renom de sa sainteté. Les commissaires font au pape un rapport sur les résultats de leurs demandes et lui disent s'ils jugent à propos de faire une enquête détaillée et portant sur la vérité des faits. Si telle est leur opinion, le pape confie par une bulle aux mêmes commissaires ou à d'autres le soin de procéder à une seconde enquête sur la vie, les vertus et les miracles du serviteur de Dieu. Les commissaires remettent au pape le procès-verbal de cette seconde enquête, scellée de leurs sceaux. Les deux enquêtes eurent, par un privilège spécial, lieu simultanément pour Yves. Peut-être est-ce un des points sur lesquels portait la bulle secrète. 

L'enquête « de fama » débuta par l'imposant témoignage collectif de plus de 500 personnes du diocèse de Tréguier ou des pays avoisinants qui, après s'être concertées, jurèrent, les mains levées vers l'église de Tréguier où repose le corps d'Yves, que celui-ci possédait universellement la renommée d'avoir vécu comme un saint et d'avoir, durant sa vie et après sa mort, opéré de nombreux miracles et d'en opérer encore beaucoup. Puis, pour donner plus de poids à cette attestation solennelle, Dom Mérien, abbé des Augustins de Sainte-Croix de Guingamp mandaté par cette foule, après avoir prêté serment en touchant le livre des Evangiles, jura sur sa vie et sur celle de toutes les personnes présentes qu'il en était bien ainsi. 

D'ailleurs, beaucoup des témoins interrogés individuellement avaient été questionnés expressément sur le sujet du renom de sainteté d'Yves et l'avaient, eux aussi, solennellement attesté. 

Les enquêteurs eux-mêmes purent y joindre leur témoignage : ils avaient eu l'occasion de constater de leurs yeux, au cours de leurs fréquentes visites à la cathédrale, la foule des pèlerins accourus pour prier Yves ou obtenir de lui leur guérison et le grand nombre d'ex-voto déposés ou suspendus autour de son tombeau. Une tradition rapportée par l'abbé France, curé-archiprêtre de Lannion, raconte même qu'ils auraient été mêlés à un miracle d'Yves, dès le jour de leur arrivée à Tréguier ; la voiture qui les amenait aurait écrasé un enfant qui fut ensuite guéri instantanément sur le tombeau du saint. Près de l'endroit de l'accident, dans une niche creusée à l'encoignure d'une maison, on mit une statue du thaumaturge qui au XIXe siècle, fut placée contre un pilier de la cathédrale. 

Les compagnons des enquêteurs, à leur tour, purent déposer sous la foi du serment que, depuis leur arrivée à Tréguier, la pierre du tombeau d'Yves s'était élevée de plus de deux doigts : c'était d'ailleurs un fait de notoriété publique. 

Enfin, la même renommée de sainteté d'Yves fut attestée, toujours sous la foi du serment, par les témoins les plus autorisés qui fussent : à savoir le clergé de Tréguier : Pierre Hernon (sans doute le même, que Pierre Arnon, témoin 7 et 173), Jean Rachal, Guillaume du Mont Saint-Michel, Dérien de Trégrom (témoin 47 et 154), Alain de Porcelet (témoin 230), Yves du Cimentier (témoin 24), vicaires ; Hamon Nicolas et Yves Nicolas, clercs. Depuis la mort d'Yves Hélory, ils avaient vu une quantité littéralement innombrable de miracles s'accomplir à son tombeau. 

L'enquête se termina le 4 août 1330, samedi après la fête de saint Pierre aux Liens. Les dépositions des témoins, recueillis par les notaires, s'étendaient sur 81 pièces de parchemin, réparties en 26 rouleaux. Les pièces composant chaque rouleau étaient cousues bout à bout dans l'ordre. Les notaires apposèrent leur ruche à chaque couture et à la fin du document, leur signature et leur ruche de nouveau. Le tout formait un énorme rouleau fermé par des cordes auxquelles étaient suspendus les trois sceaux de cire verte et de forme oblongue des trois commissaires. Une lettre cousue avec le rouleau était recouverte, elle aussi, des ruches des notaires et entourée de cordes auxquelles étaient de nouveau appendus les trois sceaux des commissaires.

Puis la commission d'enquête se dispersa. L'évêque d'Angoulême, Aiglin de Blaye, était de retour dans sa ville épiscopale avant la Saint-Gilles (1er septembre 1330) puisque ce jour-là, il reçut l'hommage d'un certain Guillaume de Villars.

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ENTRE L'ENQUETE DE 1330 ET LA CANONISATION DE 1347

Selon les instructions que leur avait données le pape dans sa bulle du 26 février 1330, les commissaires devaient faire porter à Avignon par des gens sûrs le précieux manuscrit de l'enquête. L'évêque de Limoges, qui semble d'ailleurs avoir tenu le rôle principal dans l'enquête, s'en chargea lui-même. Nous le trouvons en Avignon un samedi 4 de l'année 1331. Les historiens de saint Yves disent unanimement que c'était au mois de juin. Mais en 1331, le seul mois dont le quatrième jour tombât un samedi fut le mois de mai. Sera-t-il permis de corriger la tradition et de remplacer juin par mai ? 

L'évêque était accompagné de trois des membres secondaires de la commission d'enquête : Barthélémy de Celle, Raoul de Fayolle et maître Guillaume Sambuci. Les deux derniers étaient ses diocésains et Barthélémy appartenait au diocèse voisin de Bourges. 

Ce jour-là donc, au cours d'un consistoire plénier, l'évêque Robert Le Fort présenta au pape Jean XXII le manuscrit du procès-verbal de l'enquête. 

Selon l'Ordo Romanus XIV, le pape avait coutume, quand il recevait un procès-verbal d'enquête en vue d'une canonisation, d'en confier l'examen à quelques-uns de ses chapelains ou à d'autres personnes sûres, discrètes et habiles, qui mettaient en ordre, dans différentes rubriques, le contenu du procès-verbal, en le résumant. Un second examen du tout, procès-verbal de l'enquête et grosse, était ensuite confié à une commission de trois cardinaux pris dans les trois ordres : un évêque, un prêtre, un diacre. Pour cette fois, le pape qui semble, dans toute l'affaire de Saint Yves, avoir eu le souci d'abréger la procédure, désigna du premier coup verbalement la commission des trois cardinaux, sans qu'il fut question de la première commission. Le rôle des cardinaux consistait « à recevoir le procès-verbal de l'enquête, à l'ouvrir, à le voir, à l'examiner et à le dresser comme on a coutume de le faire dans Eglise romaine. Ils présenteraient ensuite à Sa Sainteté un rapport sur tout ce qu'ils y trouveraient »

Les cardinaux désignés étaient : Jean, cardinal-évêque de Porto ; Jacques, cardinal-prêtre de Sainte-Prisque et Luc, cardinal-diacre de Sainte-Marie in Via Lata. En cas d'empêchement de ce dernier, Arnaud, cardinal-diacre de Sainte-Marie in Porticu, alors absent d'Avignon, le remplacerait. 

Jean-Raymond de Cominges avait été créé cardinal par Jean XXII le 18 décembre 1327. D'abord cardinal prêtre du titre de Saint-Vital, il avait opté en 1329 pour l'ordre épiscopal et l'évêché de Porto-Ercole et Sainte-Rufine. Ecrivain assez abondant, il se distingue surtout par les vertus mêmes qui avaient la prédilection d'Yves Hélory : l'amour de la paix, la pauvreté, la piété, l'humilité. Il mourut le 20 novembre 1344 (ou 1348). 

Jacques Fournier, créé cardinal-prêtre du titre de Sainte-Prisque, lors de la même promotion que Jean de Cominges, deviendra le pape Benoît XII le 20 décembre 1334 et mourra le 25 avril 1342. 

Luc de Flisco, moins connu, était beaucoup plus ancien dans la dignité cardinalice que les deux précédent. Il avait été créé cardinal-diacre du titre de Sainte Marie in Via Lata par le pape Boniface VIII le 2 mars 1300 et devait mourir le 31 janvier 1336. 

Quant à Arnaud de Pellegrue, c'était lui aussi un vieillard, presque un agonisant ; il allait mourir quelques mois plus tard en août 1331. Neveu du pape Clément V, il fut comblé de faveurs par celui-ci dès son avènement; il en obtint la pourpre cardinalice, dès la première promotion de cardinaux faite par lui en la fête de sainte Lucie, le 15 décembre 1300. 

La commission des trois cardinaux se réunit le 11, huit jours après sa désignation par le pape. L'évêque de Limoges et ses trois compagnons y furent convoqués. Roger Le Fort, afin de faire foi de la mission que le Saint-Siège lui avait confiée en même temps qu'à l'évêque d'Angoulême et à l'abbé de Troarn, produisit devant la commission les deux lettres apostoliques remises naguère par l'évêque de Tréguier aux commissaires de l'enquête — ainsi que le manuscrit contenant le procès verbal, de l'enquête. Il affirma reconnaître comme sien l'un des trois sceaux apposés sur le rouleau, ainsi que l'un des trois sceaux fixés sur la lettre jointe au rouleau. Ses trois compagnons affirmèrent de leur côté, sous la foi du serment, l'authenticité des deux autres sceaux, comme ayant été témoins de leur apposition. Après avoir constaté l'intégrité des sceaux, les cardinaux prirent possession du manuscrit, l'ouvrirent et l'inspectèrent. Ils conclurent à l'authenticité de toutes les pièces et à la régularité du procès-verbal. 

Leur premier soin fut ensuite de faire transcrire le texte de l'enquête sur un registre de 126 feuillets, plus maniable que l'interminable rouleau venu de Tréguier. Puis ce fut, conformément aux usages, la confection du sommaire méthodique ou grosse, dont on fit une copie pour chacun des cardinaux présents à la curie. Celui qui concerne saint Yves est appelé habituellement « Rapport des cardinaux » non pas que ceux-ci en aient été les auteurs, mais parce que ce furent eux qui le présentèrent au pape. La présentation se fit en deux étapes. En une première audience, ils fournirent au Souverain Pontife un compte rendu bref, sans entrer dans le détail, des dépositions, de tout ce qu'ils avaient trouvé dans le procès-verbal de l'enquête et dans le sommaire de ce procès-verbal. Puis, au cours de plusieurs consistoires, en présence du pape et des cardinaux, on lut en détail les dépositions des témoins, du moins des témoins les plus probants. Les dépositions sur la vie d'Yves d'abord : à la suite de quoi, après délibération avec les cardinaux, le pape jugea que l'excellence de la vie d'Yves était ainsi pleinement démontrée. Ensuite, les dépositions sur les miracles. Pour la vie comme pour les miracles, chaque témoignage était discuté minutieusement, et l'avis de chaque cardinal demandé, afin de déterminer si oui ou non, le témoin avait bien prouvé ce qu'il avançait. 

La lecture et la discussion terminées, le pape, sur avis favorable des cardinaux, jugea que les preuves apportées étaient assez convaincantes pour que l'on pût en toute sécurité procéder à la canonisation. La proclamation de ce jugement donnait lieu à une cérémonie impressionnante. Le pape, qui était en tenue de consistoire, c'est-à-dire en chape rouge et en mitre précieuse, quittait la mitre, se mettait à genoux, cependant que les cardinaux, eux aussi, s'agenouillaient à leur place, et il définissait solennellement « par son autorité apostolique, pour l'honneur de la Très Sainte Trinité, de la Bienheureuse Vierge. Marie, des Saints Apôtres Pierre et Paul et de tous les saints et pour l'exaltation de la foi catholique, que tant et de si grandes choses avaient été prouvées touchant la vie et les miracles du Bienheureux Yves Hélory qu'elles suffisaient pour qu'il soit canonisé ». Le pape demanda le secret pour cette définition. Un cardinal spécialement désigné par lui rédigea un procès-verbal de cet important consistoire. 

Après avoir consulté le Sacré Collège, le pape prit aussi l'avis de tous les prélats présents à la Curie, dans une autre réunion plénière et publique cette fois, où il leur exposa l'affaire en détail. 

On ne sait à quelles dates ni à vrai dire sous quel pontificat eurent lieu ces multiples réunions. Etant donnés leur nombre et leur programme chargé, elles durent s'étendre sur un long espace de temps. Se tinrent-elles toutes sous le pontificat de Jean XXII, qui mourut le 15 décembre 1334 ? Et a-t-on le droit d'affirmer comme on l'a fait, que son successeur, l'ancien cardinal Jacques, de la commission des trois cardinaux, devenu pape sous le nom de Benoît XII, ne fit rien pour saint Yves ? Le contact intime qu'il avait pris, de par sa charge de commissaire, avec les vertus et la sainte vie d'Yves Hélory et le grand zèle qu'il manifesta pour la réforme du clergé eussent dû le porter à canoniser sans retard un saint prêtre qu'il aurait pu ensuite proposer en modèle au clergé du monde entier. Aussi, dans l'absence de documents, semble-t-il plus prudent de ne pas être trop affirmatif et de ne pas dénier tout rôle au pape Benoît XII dans l'affaire de la canonisation de saint Yves. Toujours est-il qu'il faudra désormais attendre le pontificat de Clément VI (7 mai 1342 - 6 décembre 1352), pour que cette affaire depuis si longtemps engagée soit enfin heureusement conclue. 

Entre temps cependant, un fait considérable s'était produit : la béatification d'Yves, par l'institution de son culte à Tréguier en 1334, sous l'épiscopat d'Alain Hélory. 

Alain Hélory, chanoine d'Orléans, docteur en l'un et l'autre Droit, avait succédé, le 31 août 1330, à Yves de Boisboissel sur le siège de Tréguier, où il devait demeurer jusqu'à sa mort survenue en 1337. Au synode de 1334, celui probablement où il loua les Statuts Synodaux, au nombre de plus de 26, promulgués par ses prédécesseurs, il édicta que tous les lundis non occupés par une fête solennelle et en dehors des temps de l'Avent, du Carême et de Pâques, on ferait l'office public du Bienheu­reux Yves Hélory ainsi que, avec les mêmes réserves, l'office du Bienheureux Tugdual, le jeudi et celui de la Très Sainte Vierge, le samedi. C'était équivalemment attribuer à Yves Hélory le titre de Bienheureux. 

Béatifier, en effet, c'est permettre le culte d'un serviteur de Dieu, donc concéder son office et sa messe dans un territoire limité, diocèse ou province ; la canonisation, elle, étend cette permission à l'Eglise universelle. Jusqu'à la Constitution Cœlestis Jerusalem du 5 juillet 1643, chaque évêque pouvait béatifier dans son propre territoire ; le pape seul pouvait canoniser. L'on voit donc que la béatification d'Yves fut régulière et légitime et que l'évêque de Tréguier put y procéder avec d'autant plus de sécurité que la cause d'Yves, pendante devant la Cour d'Avignon, y était en bonne voie. 

Mais les graves événements politiques, qui se préparaient, n'allaient-ils pas retarder indéfiniment la conclusion de l'affaire ? Tant à Avignon qu'en Bretagne, dans l'un et l'autre des deux endroits où l'on s'intéressait le plus à saint Yves, les soucis allaient devenir tels qu'ils eussent pu faire négliger complètement sa cause de canonisation. 

L'année 1337 vit le commencement de la guerre de Cent ans. Cette guerre devint pour les papes d'Avignon un très grave sujet de préoccupations, acharnés qu'ils furent à en atténuer le plus possible les effets par la négociation de trêves et à en hâter la fin, de façon à donner suite au projet de croisade qui les hantait depuis de longues années. 

En Bretagne, la mort du duc Jean III (30 avril 1341) fut le signal d'une longue et sanglante guerre civile. Le duc Jean, en effet, n'avait eu aucun enfant de ses trois mariages avec Isabelle de Valois, Isabelle de Castille et Jeanne de Savoie. D'autre part, ses deux frères Gui, comte de Penthièvre (qui fit partie, nous nous en souvenons, de l'ambassade d'Avignon en décembre 1329) et Pierre, étaient morts respectivement en 1331 et en 1312. Les deux seuls proches parents qui lui restassent, étaient sa nièce Jeanne, fille de son frère Gui, et qui avait épousé le 4 juin 1337, Charles de Blois, neveu du roi de France Philippe VI de Valois, et son frère consanguin Jean, comte de Montfort-l'Amaury. (Tandis que Jean III était né à Arthur II de son premier mariage avec Marie de Limoges, Jean de Montfort, lui, était né de son second mariage avec Yolande de Dreux, veuve d'Alexandre III, roi d'Ecosse, et héritière du comté de Montfort l'Amaury). 

Lequel des deux, de Jeanne de Penthièvre ou de Jean de Montfort, devait succéder à Jean III ? La loi salique ne s'appliquant pas alors en Bretagne, Jeanne de Pen­thièvre et par là même son mari, Charles de Blois, ne se, trouvaient pas automatiquement exclus de la succession du duché. D'autre part, nulle loi successorale n'avait prévu un cas aussi singulier. Aucun des deux compétiteurs, par ailleurs, ne s'imposait de par son origine bretonne, puisque l'un et l'autre étaient français, de souche capétienne. L'arrangement à l'amiable s'était avéré impossible dès avant la mort de Jean III. L'arbitrage du roi de France, qui eut été favorable à Charles de Blois, ne fut pas sollicité. La guerre, devenue inévitable, éclata dès mai 1341, un mois à peine après la mort du pacifique duc Jean III. Elle se compliqua de la guerre étrangère. La guerre de Cent ans était commencée depuis 1337 ; la guerre de succession de Bretagne s'y inséra étroitement, Charles de Blois prenant naturellement le parti de la France, Jean de Montfort s'alliant avec le roi d'Angleterre. Il ne fut pas un coin de Bretagne que ne visita la guerre avec ses néfastes conséquences. Elle ne s'achèvera que le 29 septembre 1364, par la mort de Charles de Blois à la bataille d'Auray, après des alternatives de luttes sans merci et de trêves, de succès et de revers pour chacun des deux partis. 

La Providence ne permit cependant pas que la glorification de saint Yves fût trop longtemps retardée par d'aussi graves événements. Le chef même d'un de ces partis qui mettaient la Bretagne à feu et à sang, Charles de Blois, sut conserver assez de sérénité d'esprit au milieu des camps et dans le gouvernement de son duché de Bretagne, pour travailler efficacement au triomphe de saint Yves. Et bientôt allait monter sur le trône de saint Pierre le pape qui canoniserait le Bienheureux Yves Hélory : Clément VI. 

La destinée de Clément VI fut prodigieuse. Né l'an 1291 au château de Maumont, dans le diocèse de Limoges, et par conséquent sujet du duc de Bretagne, à qui le comté de Limoges appartenait depuis 1277, Pierre Roger entra de bonne heure chez les Bénédictins de la Chaise-Dieu où il fit profession. Son goût pour les sciences, sa mémoire, son jugement, sa facilité d'élocution, lui permirent de faire de brillantes études et lui assurèrent un bel avenir. Docteur de la Faculté de Théo­logie de Paris à 30 ans et déjà orateur de renom, il devint proviseur, en Sorbonne. Puis il obtint successivement les prieurés de Saint-Pantaléon au diocèse de Limoges, de Savigny dans le Lyonnais, et de Saint-Baudille près de Nîmes. Le roi de France, Philippe de Valois, lui confia plusieurs missions dont il s'acquitta avec honneur. Abbé de Fécamp, puis de la Chaise-Dieu (1326), évêque d'Arras {1328), archevêque de Sens (1329), puis de Rouen (1330), il devenait cardinal du titre des Saints Nérée et Achillée le 13 décembre 1338, et le 7 mai 1342, il était élu pape. Son couronnement eut lieu le 19 mai suivant, jour de la Pentecôte et 30ème anniversaire de la mort de saint Yves, en l'église des dominicains d'Avignon. Choisi pour son amabilité, qui contrastait avec l'autorité rigide de son prédécesseur, et qu'il sut allier à une grande fermeté, il aimait la magnificence, l'éclat, le luxe et plus encore la munificence. Véritable humaniste, il fut un précurseur des grands papes de la Renais­sance. Ayant décidé de demeurer à Avignon, il y acheva le fameux pont et le Palais des Papes, et commença les remparts de la ville. Il désirait ardemment, comme ses prédécesseurs, lancer les princes chrétiens dans une croisade. Mais pareille entreprise exigeait l'union étroite de ceux-ci. Or, ils étaient presque tous en lutte les uns contre les autres. La diplomatie du pape mit tout en oeuvre pour amener leur réconciliation. Il arriva à des résultats substantiels, mais insuffisants pour que le projet de croisade pût se réaliser. Il mourut le 6 décembre 1352 et fut enterré dans l'église de la Chaise-Dieu, son monastère de profession. Il laissait de nombreuses oeuvres théologiques et oratoires. 

D'après Surius, Clément VI, quand il n'était encore que Pierre Roger, avait souvent sollicité des papes Jean XXII et Benoît XII, ses prédécesseurs, la canonisation de saint Yves. La chose n'a rien que de très vraisemblable. Le principal commissaire de l'enquête de 1330, celui qui en avait porté le texte au Souverain Pontife, avait été Roger le Fort, évêque de Limoges. Rien de plus normal que l'évêque de Limoges ait songé à provoquer, en faveur d'une cause qui lui était chère, la puissante intervention de Pierre Roger, l'une des gloires du Limousin et bien en cour à Avignon. 

Bien que Clément VI fût déjà favorablement prévenu en faveur d'Yves Hélory, il sembla cependant que son zèle ait eu besoin d'être de temps à autre excité. De nombreux princes et prélats s'en chargèrent, le priant à plusieurs reprises, avec une instance croissante, de hâter la canonisation de saint Yves. Deux interventions furent plus spécialement efficaces pour emporter la décision du pape. 

Il y eut d'abord celle de Charles de Blois. La dévotion de Charles envers saint Yves est bien connue. Les témoignages en sont abondants, et leur récit demanderait à lui seul une longue étude. La première manifestation connue de l'ardent amour de Charles de Blois pour saint Yves est aussi la plus importante. En 1345, il fit le voyage d'Avignon et y sollicita de Clément VI, en son nom et en celui de tous les seigneurs et prélats de Bretagne, la canonisation de saint Yves. Le pape réunit un consistoire à l'effet de l'entendre. Pour montrer que la puissance d'intercession du saint auprès de Dieu n'avait pas diminué, Charles de Blois fit au pape et aux cardinaux rassemblés le récit des deux nouveaux miracles attribués à Yves : le premier, une guérison merveilleuse, avait été opéré en sa faveur. Les barons qui l'accompagnaient attestèrent eux aussi le double prodige. Et le duc ajouta qu'il était convaincu, avec tout le reste de la Bretagne, que la paix suivrait de près la canonisation de saint Yves. Il versa 3.000 florins pour payer les frais de procédure, geste méritoire de sa part si l'on se souvient que la même année, probablement lors du même voyage, il dut emprunter 32.000 florins aux Malabayla, banquiers du pape. 

Un second avertissement fut secrètement donné à Clément VI par saint Yves en personne, l'année qui précéda la canonisation, c'est-à-dire entre le 19 mai 1346 et le 19 mai 1347. Clément VI lui-même a raconté comment saint Yves, tenant un sceptre en mains, lui était apparu durant son sommeil (en vision ou en songe, il n'eût su le dire), pour lui reprocher la lenteur qu'il apportait à sa canonisation et lui ordonner d'y procéder sans tarder. Le pape crut alors entendre retentir à ses oreilles le « Lamma sabactani », « Pourquoi m'as-tu abandonné ? » du Seigneur sur la croix. Cette intervention fut décisive. Clément VI fit aussitôt appeler le procureur de la canonisation de saint Yves, lui narra sa vision et lui affirma sa ferme résolution de poursuivre désormais activement cette grande affaire.

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LA CANONISATION 18-19 mai 1347

Une nouvelle commission de trois cardinaux, un de chaque ordre, fut chargée de revoir les pièces de la procédure. C'étaient Pierre, cardinal-évêque de Sabine, Adhémar, cardinal-prêtre du titre de Sainte-Anastasie et Galhard, cardinal-diacre du titre de Sainte Lucie in Silice.

Le cardinal Pierre Gomez de Barroso, surnommé « Hispanus », « l'Espagnol », du nom de sa patrie, ou Pierre de Tolède, du nom du diocèse qui le vit naître, et où il fut plus tard écolâtre, avait été élu évêque de Carthagène en Espagne, le 3 septembre 1326, puis élevé au cardinalat par le pape Jean XXII, le 18 décembre 1327. D'abord cardinal-prêtre du titre de Sainte-Praxède, il devint cardinal-évêque de Sabine en août 1341. Il devait mourir en Avignon le 14 juillet 1348. 

Adhémar Robert était originaire du Limousin et neveu de Clément VI. Docteur en l'un et l'autre Droit, notaire apostolique, pourvu de plusieurs canonicats et fréquemment mentionné dans les lettres des premiers papes d'Avignon, il devint cardinal-prêtre du titre de Sainte Anastasie, le 20 septembre 1342. Il mourra le 1er décembre 1352.

Galhard de la Motte, aquitain et petit-neveu du pape Clément V, était chanoine de Narbonne lorsque Jean XXII, lors de la première promotion des cardinaux qu'il fit, le 18 décembre 1316, le choisit comme cardinal-diacre de Sainte Lucie in Silice, le comblant en outre de nombreux bénéfices. Galhard mourra le 20 décembre 1356. 

La révision des pièces du procès de saint Yves terminée, les commissaires présentèrent leur rapport au pape et aux cardinaux réunis en consistoire. Vie et miracles de saint Yves furent de nouveau examinés et discutés. Et tout étant jugé prêt, il fut décidé que le pape, après avoir pris, le 18 mai 1347, l'avis d'un certain nombre d'évêques présents alors à Avignon, procéderait à la canonisation du Bienheureux Yves le 19 mai, mardi de la Pentecôte.

La guerre civile, hélas ! continuait à faire rage en Bretagne et précisément, en ce printemps de 1347, son foyer principal se trouvait concentré dans les environs de Tréguier. La mort de Jean de Montfort, le 26 septembre 1345, ne l'avait pas interrompue. Sa veuve, Jeanne de Flandre, qui avait incité Jean à commencer, puis à continuer la guerre coûte que coûte, se fit un devoir de l'achever elle-même avec l'aide des Anglais. Durant l'hiver 1345, qui suivit la mort de Jean de Montfort, le comte de Northampton, chef des armées anglaises de Bretagne, avait incendié les faubourgs de Guingamp (29 novembre) et pris d'assaut La Roche-Derrien, à 6 kilomètres de Tréguier (3 décembre). La nouvelle garnison de La Roche-Derrien, craignant que les habitants de Tréguier ne transformassent leurs églises en forteresses, saccagea et démolit partiellement celles-ci. Elle ne fit exception que pour la cathédrale, où l'on conservait le corps de saint Yves, tant était grande la crainte révérentielle que leur inspirait le saint prêtre. Plus tard (5 décembre 1346), les Anglais pillèrent Lannion. Et ce fut durant de longs mois une petite guerre épuisante de surprises et d'escarmouches. Désireux de frapper un grand coup pour en finir une bonne fois, Charles de Blois résolut d'aller, à la tête d'une nombreuse armée, assiéger La Roche-Derrien. Mais attaqué par les Anglais à la suite d'une trahison, il fut atteint de 17 blessures et, après avoir fait un vœu à saint Yves et réclamé sa protection, il se constitua prisonnier près de cette même ville qu'il avait voulu délivrer, le 15 juin 1347, un mois à peine après la canonisation de saint Yves.

Ainsi, tandis que saint Yves recevait à Avignon, de la plus haute autorité qui soit sur terre, le plus grand honneur auquel il soit permis ici-bas à un humain d'accéder, le pays où reposaient ses restes mortels, subissait une des plus cruelles humiliations de son histoire. Nous ne devons donc pas nous étonner, dans ces circonstances, de constater qu'à part Maurice Héluy, aucune personnalité de Tréguier, pas même l'évêque, ne se trouve mentionnée dans les témoins des fêtes de la canonisation.

Un récit détaillé de ces fêtes avait été rédigé sous le nom d'Acta canonizationis Sancti Yvonis et longtemps conservé. Le Père Papebroch, le Bollandiste qui fit la longue notice sur saint Yves dans les Acta Sanctorum, en possédait une copie manuscrite du XVème siècle, écrite en grands caractères très élégants, et que le R. P. Jacques Binet, provincial des Jésuites de France, lui avait donnée en 1644. Ce précieux manuscrit a disparu depuis sans laisser de trace et aucun autre exemplaire des Acta Canonizationis n'a jamais été signalé. Il faut remercier la divine Providence d'avoir inspiré au P. Papebroch l'heureuse idée d'en insérer, dans sa notice sur saint Yves, suffisamment d'extraits pour que nous puissions, en y ajoutant les données de l'Ordo Romanus XIV, nous représenter aujourd'hui encore avec quelque détail le déroulement des glorieuses fêtes des 18 et 19 mai 1347.

Trois semaines environ ou un mois avant la date fixée pour la canonisation du Bienheureux Yves, Clément VI désigna huit des prélats alors présents à la cour pontificale pour prendre la parole, la veille du grand jour, devant le Souverain Pontife et les cardinaux réunis en consistoire. L'ordre dans lequel ils parleraient était indiqué. C'était l'ordre de dignité : le patriarche d'Antioche d'abord, puis deux archevêques, enfin cinq évêques, et dans chaque catégorie, l'ordre d'ancienneté. Exception était faite pour l'évêque de Nantes, Olivier Saladin, qui parlerait le premier des évêques, avant même le vénérable évêque de Mirepoix, son aîné de beaucoup, sans doute en tant que représentant la Bretagne. Le sujet était imposé à tous les orateurs : ils devaient mettre en valeur les raisons pour lesquelles il convenait que la canonisation fût faite et supplier le Souverain Pontife d'y procéder.

Ordinairement, dans un consistoire qui suivait la désignation des orateurs, le pape confiait secrètement à deux cardinaux versés dans la Sainte Ecriture, des religieux de préférence, le soin de composer l'office du Bienheureux qui allait être canonisé : l'un des cardinaux rédigeait la légende, c'est-à-dire les leçons rapportant la vie et les principaux miracles du Saint ; le second, les répons, les antiennes et l'oraison. Ils devaient présenter leur travail dans un consistoire ultérieur. On ne sache pas que rien de tel ait eu lieu pour saint Yves. Peut-être l'office composé en 1334 à Tréguier fut-il jugé suffisant et adopté tel quel.

Le 18 mai 1347, lundi de la Pentecôte, se tint donc au lieu habituel l'ultime consistoire préparatoire à la canonisation, dit consistoire « in recitatione processus ». Le Pape y assistait, revêtu d'une chape rouge et portant une mitre précieuse, ornée de perles ; les cardinaux et les prélats étaient revêtus de tous leurs ornements, y compris la cappa magna de laine. Clément VI fit son entrée, assisté de deux cardinaux-diacres, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche, et accompagné des cardinaux présents à Avignon.

Le Pape inaugura le consistoire par un long discours qui devait occuper 64 colonnes entières du manuscrit des Acta canonizationis ci-dessus mentionné. Selon le goût de l'époque, ce discours était farci de lieux communs et de jeux de mots et coupé par des divisions et des subdivisions multiples et factices. Il contenait cependant de nombreux et précieux renseignements historiques. Le thème du discours était : « Héloy, Héloy », « Mon Dieu, Mon Dieu » ! (S. Marc XV. 34). On y aperçoit de suite le jeu de mots sur le nom de famille de saint Yves : Hélory !

Dans une première partie, le Pape implorait le secours du ciel pour le grand acte qu'il se préparait à accomplir. Une seconde partie racontait l'histoire de la cause de saint Yves. En particulier, elle faisait le récit des nombreuses démarches entreprises par la Bretagne et par la France auprès de ses prédécesseurs et auprès de lui-même pour obtenir la canonisation de saint Yves, et, il indiquait les deux raisons de convenance pour lesquelles il lui semblait que la divine Providence lui avait réservé la conclusion de cette affaire : il était Limousin et avait donc été, lui, sujet du duc de Bretagne ; saint Yves était né en Bretagne ; il convenait donc qu'il fût canonisé par un pape, qui avait eu le même souverain que lui. Et puis, saint Yves avait été couronné au ciel un 19 mai, à l'âge de 50 ans ; Clément VI, lui, avait été couronné pape un 19 mai aussi, à l'âge de 50 ans. — La troisième partie du discours comportait un abondant résumé du procès de canonisation et racontait la vie et les miracles de saint Yves. Le Pape terminait en demandant aux prélats présents de lui donner leur avis sur l'opportunité de la canonisation du Bienheureux Yves.

Il n'était pas prévu par l'Ordo Romanus XIV, de discours du Pape pour le consistoire « in recitatione processus ». Il est permis de voir dans cette dérogation de Clément VI au cérémonial accoutumé, une marque spéciale de sa dévotion envers saint Yves et aussi une flatteuse usurpation (si toutefois il est permis de parler d'usurpation en parlant du Chef suprême de l'Eglise !) sur les droits du procureur à qui il revenait de parler le premier. De ce fait, le pape développa dans son discours plusieurs points qui rentraient normalement dans les attributions du procureur : ce qui explique que le discours de celui-ci fut relativement court et celui du Pape très long.

Le texte des neuf discours suivants ne nous est pas connu. Le P. Papebroch n'en a relevé que les thèmes et la longueur.

Le second orateur fut donc le procureur de la cause de saint Yves, Maurice Héluy. Une lettre de Jean XXII, du 11 avril 1332 et de nombreuses lettres postérieures le mentionnent comme étant chanoine de Tréguier. Ce dernier titre explique sa fonction de procureur de la cause de saint Yves. Il avait choisi comme thème de son discours, qui occupait 24 colonnes du manuscrit : « Sanctus sanctificetur adhuc ! » « Que le saint soit encore sanctifié ! » (Apocalypse XXII, 11). Son rôle de procureur l'incitait à parler de la cause de saint Yves et à supplier Sa Sainteté qu'elle daignât écouter les huit prélats qui avaient l'intention de prendre la parole sur le même sujet, et qu'il lui plût de définir que le Bienheureux Yves Hélory était saint, qu'il devait en conséquence être inscrit au catalogue des saints et être vénéré comme tel par tous les fidèles et que sa fête fût célébrée chaque année perpétuellement au jour qu'il semblerait bon au pape de fixer.

Les huit derniers discours furent ceux des prélats qui avaient reçu du Pape, quelques semaines plus tôt, l'invitation à prendre la parole en cette circonstance. Les rubriques demandaient que ces discours fussent brefs. De fait, leur transcription couvrit au total 118 colonnes du manuscrit des Acta canonizationis et le plus court, celui du vieil évêque de Mirepoix, occupait encore 10 colonnes. 

Le troisième discours, qui avait comme thème « Animadverto quod vir sanctus est iste ». « Je reconnais que cet homme-là est saint », (IV Rois IV, 9), fut prononcé par le patriarche d'Antioche. Le patriarcat d'Antioche, devenu titulaire depuis 1270, comme on le sait, fut occupé du 27 novembre 1342 au 30 mai 1348, date de sa mort, par Guiral Ot, personnage considérable, puisqu'il avait été 18ème Ministre général de l'Ordre des Frères Mineurs, de 1329 à 1343. En même temps que le patriarcat d'Antioche, le Pape lui avait confié l'administration de l'évêché de Catane en Sicile, qu'il assura également jusqu'à sa mort. Né à Carboulit dans le Lot, donc compatriote du Pape Jean XXII, qui le combla de faveurs, lui et sa famille, il avait pris l'habit franciscain au couvent de Figeac, de la province d'Aquitaine. Devenu maître en théologie de l'Université de Paris, et connu sous le nom de « Doctor Moralis », il laissa de nombreux ouvrages philosophiques, théologiques et scripturaires. Il fut inhumé dans la cathédrale de Catane. 

Quoi qu'il en soit des rapports entre saint Yves et le Tiers-Ordre de saint François, il est caractéristique de voir un ancien général de l'Ordre, devenu grand personnage de la Cour pontificale, intervenir ainsi activement en faveur de la canonisation de saint Yves. Quatre ans plus tard, dès 1351, le chapitre général des Frères Mineurs, tenu à Lyon sous le généralat de Guillaume Farinier (1348-1359), devait décréter que la fête de saint Yves récemment canonisé serait désormais célébrée chaque année dans l'Ordre. 

Le quatrième orateur devait être l'archevêque de Narbonne. Pierre de la Jugie, cousin du pape Grégoire XI et neveu de Clément VI, natif de La Jugie, sur la paroisse d'Eyren au diocèse de Limoges, avait fait profession dans l'Ordre de Saint-Benoît. Il devint le 2 mars 1345, évêque de Zaragoza en Espagne. Transféré à l'archevêché de Narbonne le 10 janvier 1375, il sera promu cardinal-prêtre du titre de Saint-Clément par son cousin Grégoire XI le 20 décembre de la même année et mourra le 19 novembre 1376. Le thème de son discours, qui occupait 21 colonnes des Acta, devait être : « Exaltate ilium quantum potestis : major est enim muni laude », « Exaltez-le tant que vous pourrez, car il est au-dessus de toute louange ! » (Eccli, XLIII, 30). Mais une grave maladie, qui le conduisit jusqu'aux portes du tombeau et le fit même être abandonné des médecins, l'empêcha de prononcer son discours. Sans qu'il y eut cependant accroc au cérémonial qui prévoyait 7 ou 8 orateurs, puisque, si huit avaient été désignés, sept parlèrent effectivement. Guéri peu après, miraculeusement, à la suite de prières à Dieu et d'un vœu à saint Yves fait par des amis, il rendit au Saint, par sa guérison, un témoignage plus éloquent et plus opportun que toute parole. Plein de reconnaissance envers son bienfaiteur, il institua dans son diocèse l'office de saint Yves de rite double. L'Eglise de Narbonne, jusqu'à sa disparition lors de la Révolution, l'a fidèlement conservé. L'archevêché de Narbonne est aujourd'hui absorbé par celui de Toulouse, dont le titulaire porte le titre d'archevêque de Toulouse et de Narbonne et évêque de Rieux et de Saint-Bertrand-de-Cominges. 

Vint en cinquième lieu l'archevêque de Bordeaux, Amanim de Cazes, chanoine de Bayeux, docteur ès lois, chapelain et familier du Souverain Pontife. Il était archevêque de Bordeaux depuis le 19 janvier 1347 et devait y rester jusqu'à sa mort survenue avant le 17 septembre 1348, date où fut élu son successeur. Le texte, de son discours qui s'étendait sur 19 colonnes des Acta, était : « Vere hic homo justus erat ». « Cet homme était véritablement un juste » (S. Luc XXIII, 47). 

Le sixième orateur, le premier par faveur, nous l'avons vu, de l'Ordre des évêques, fut Olivier Saladin, évêque de Nantes, Doyen de Paris et docteur en théologie, il avait été élevé sur le siège de Nantes le 14 juillet 1340. Il devait mourir en charge le 24 août 1354. Son discours, qui comprenait 15 colonnes des Acta, débutait par ce texte : « Laudans invocabo Dominum ». « Je louerai le Seigneur en l'invoquant » (Ps. XVII, 4). 

Le septième discours, s'étendant sur dix colonnes, fut prononcé par l'évêque de Mirepoix, Pierre de la Pérarède sur le texte : « Quemcumque elegerit Dominus ipse erit sanctus ». « Celui que le Seigneur aura choisi, c'est celui-là qui sera saint » (Nombres, XVI, 7). Né à Flauniac, près de Cahors, Pierre de la Pérarède se fit dominicain. Maître en théologie, puis maître du Sacré-Palais vers 1328, il fut choisi le 19 décembre 1327 par le pape Jean XXII, son compatriote, pour succéder sur le siège de Mirepoix à Jacques Fournier, le futur Benoît XII, promu cardinal. Il y restera jusqu'à sa mort (19 août 1348). Aujourd'hui, l'évêché de Mirepoix a disparu ; il a été absorbé par celui de Pamiers, dont l'évêque porte le titre d'évêque de Pamiers, Couserans et Mirepoix. Le huitième discours, comprenant 12 colonnes des Acta et débutant, par ce texte : « Dignus est ut hoc illi prœstes ». « Il mérite que vous fassiez cela pour lui » (St Luc, VII, 4), fut prononcé par l'archevêque de Sigüenza, dans la Tarraconaise, en Espagne. Consalve de Aquilar Hinojosa, maître en théologie et archidiacre de Salamanque, fut successivement évêque de Cuenca, le 10 janvier 1341 et de Compostelle le 14 août 1348 et le 4 janvier 1351, de Tolède, où il mourra le 25 février 1353. 

Un second prélat franciscain, Jourdain Curti, évêque de Trivento, dans l'Abruzze, en Italie méridionale, avait accepté de faire le neuvième discours, long de 17 colonnes, qu'il commença par ce texte de saint Pierre : « In omnibus honorificetur Heloy ! ». « Qu'Héloy soit honoré par tous ! » (I. Petr., IV, 2) On y retrouve le même jeu de mots dont venait de se servir le pape. D'origine française, maître en théologie, Jourdain Curti avait été élevé le 28 février 1344 sur le siège de Trivento. Le 30 mai 1348, il sera transféré sur le siège archiépiscopal de Messine, où il mourra avant le 20 mars 1349, date de l'élection de son successeur. L'évêché de Trivento, qui appartenait autrefois à la métropole de Bénévent, est aujourd'hui directement rattaché au Saint-Siège. 

Le dernier orateur fut encore un religieux, Geffroy Grosfeld, ermite de Saint-Augustin, récemment élu évêque de Ferns, dans le comté de Wexford, en Irlande (5 mars 1347) et qui mourra en charge peu après (28 octobre 1348). Actuellement, l'évêché de Ferns est rattaché à la métropole de Dublin, mais l'évêque réside à Wexford, Ferns n'étant plus qu'un petit village. Peut-être le pape voulut-il, par le choix de ce prélat, associer les Celtes d'Irlande à ceux d'Armorique dans la glorification d'un de ces derniers. L'orateur avait pris comme texte : « Pater, venit hora, glorifica filium tuum ». « Père, l'heure est venue, glorifie ton fils » (S. Jean, XVII, 1). Son discours comprenait 11 colonnes des Acta.

Les discours achevés, le vice-chancelier, les notaires et les chapelains se levèrent et tous ensemble, ils supplièrent à leur tour le Souverain Pontife de vouloir bien canoniser le Bienheureux Yves. 

Le Consistoire se termina par la récitation du Confiteor que fit le cardinal-diacre placé à la gauche du pape, par la concession d'indulgences et par l'absolution et la bénédiction du Pontife. 

Ces discours prononcés par des orateurs appartenant à tous les pays : France, Italie, Espagne, Angleterre ; à tous les degrés de la hiérarchie : patriarches, archevêques, évêques ; et à tous les états de vie : séculiers, bénédictins, dominicains, franciscains, ermites de Saint-Augustin, furent comme une démonstration symbolique et puissante de l'unanimité du peuple chrétien, présent par ses pasteurs, dans sa conviction de la sainteté d'Yves et dans son désir de la canonisation du prêtre breton. Cette unanimité n'était-elle-même qu'une manifestation de l'action unifiante de l'Esprit-Saint, répandu dans le corps mystique du Christ tout entier et faisant l'unité des membres entre eux comme des membres avec la tête. C'est en effet, le même Esprit-Saint qui venait d'inspirer aux prélats des sentiments identiques de dévotion et de vénération à l'égard du Bienheureux Yves et qui inspirerait le lendemain au Souverain Pontife, représentant visible sur terre du Chef invisible du Corps mystique, la sentence infaillible plaçant le Bienheureux au nombre des saints et comblant ainsi les vœux des orateurs de la veille. Fort de cette unanimité de son troupeau, le pasteur suprême pouvait désormais, non seulement en toute sécurité, mais encore avec l'assentiment assuré d'avance du peuple chrétien, procéder à la canonisation du Bienheureux Yves : il donna rendez-vous pour le lendemain à l'auguste assemblée. 

Nous voici donc parvenus à cette glorieuse journée du 19 mai 1347, mardi de la Pentecôte, qui devait voir la canonisation d'Yves Hélory. Nous ne savons pas dans quelle église se déroula la cérémonie. Peut-être Clément VI choisit-il l'église des Dominicains, dans laquelle il s'était fait couronner pape cinq ans plus tôt jour pour jour. 

On devine que, dans un siècle de foi tel que le XIVème siècle, l'allégresse du peuple chrétien à l'occasion d'une canonisation ne pouvait être moindre que de nos jours. La solennité fut annoncée par toutes les cloches d'Avignon à l'heure de Complies la veille au soir et le jour même à l'heure de Tierce. La joie des âmes et le triomphe d'Yves trouvèrent leur expression dans la décoration festive de l'église : tentures, verdure, lumière y furent prodiguées. 

Donc, à l'heure fixée, le clergé de l'église vint en procession au-devant du pape qui arrivait revêtu des mêmes ornements que pour le consistoire de la veille et au-devant du cortège des cardinaux. Après une prière devant le maître-autel, Clément VI monta sur le trône préparé pour lui au milieu de l'église. Cardinaux et prélats en cappas de laine y vinrent lui faire la révérence, puis se revêtirent de leurs ornements blancs : les cardinaux-évêques, de chapes ; les cardinaux-prêtres, de chasubles, et les cardinaux-diacres, de tuniques et dalmatique ; le pape gagna alors une cathèdre disposée sur une estrade devant le maître-autel et de là, assis, mitre en tête, il prononça le panégyrique de saint Yves qui, s'étendant sur 98 colonnes des Acta, est l'un des plus élégants de ce pontife humaniste. Il débutait par ces paroles : Exulta et lauda, habitatio Sion, quia magnus in medio tui sanctus Israël ». « Réjouis-toi et chante des louanges, habitant de Sion, parce que le saint d'Israël qui est au milieu de toi est grand » (Isaïe, XII, 6). Le discours se poursuivait par une mention de la Bulle de Jean XXII du 26 février 1330, et une longue dissertation, sur les mérites et les miracles d'Yves, ainsi que sur l'autorité de l'Eglise en matière de canonisation, pour se terminer par une invitation à prier l'Esprit-Saint « qui illumine et dirige l'Eglise », afin qu'il ne permette pas que le Souverain Pontife puisse errer dans une affaire aussi importante. 

Et aussitôt Clément VII entonna le Veni Creator, qui fut continué par le chœur et suivi du Flectamus genua et de l'oraison du Saint-Esprit. 

Vint alors l'instant solennel depuis si longtemps attendu et la parole si souvent et si ardemment demandée aux Souverains Pontifes Clément V, Jean XXII, Benoît XII et Clément VI, où le pape allait affirmer infailliblement la sainteté d'Yves Hélory. Clément VI prononça assis et mitre en tête la sentence par laquelle il définissait qu'Yves Hélory, prêtre du diocèse de Tréguier, était saint et devait être tenu tel par tous, et qu'il l'inscrivait au Catalogue des Saints. Il y décrétait en outre que sa fête serait solennellement célébrée chaque année par l'Eglise universelle, au jour anniversaire de sa mort, le 19 mai, et que l'on ferait pour lui l'office d'un confesseur non pontife. De plus, il ordonnait une élévation et une translation du corps de saint Yves. La formule dont usa le pape et dont on trouvera le texte latin dans les Acta Sanctorum des Bollandistes, page 579, et la traduction française aux pages 276-277 de Ropartz, (Histoire de saint Yves), est, à quelques variantes près, la formule indiquée par l'Ordo Romanus XIV. Toutefois Clément VI daigna ajouter 7 ans et 7 quarantaines d'indulgences pour les fidèles qui assisteraient à la solennité de l'élévation et de la translation du corps de saint Yves ou à la première fête que l'on célébrerait à Tréguier en son honneur ; ainsi, que 100 jours d'indulgences, au lieu des 40 prévus, pour les fidèles qui visiteraient son tombeau durant les octaves de ces deux fêtes annuelles. 

Il faut bien interpréter cet ordre donné par le pape de fêter saint Yves chaque année dans l'Eglise universelle. Selon Benoît XIV, il ne s'agit en réalité que d'une permission ; pour qu'il y ait eu obligation de fêter saint Yves dans l'Eglise universelle, il aurait fallu un second décret du pape, indiquant le rite (double de 1ère ou de 2ème classe, double-majeur, double, simple), suivant lequel se ferait la fête : car on ne peut fêter un saint que selon un rite déterminé et seul, le Souverain Pontife peut imposer la hiérarchie à suivre dans les honneurs à rendre aux Saints, hiérarchie marquée précisément par ce rite. Et de fait, ni les livres liturgiques purement romains, ni ceux de la plupart des pays étrangers à la France, n'ont jamais contenu l'office ni la messe de saint Yves, tandis que la quasi-unanimité des diocèses de France ont fêté le saint prêtre durant plusieurs siècles, jusqu'à ce que, à la suite de réformes excellentes en soi, et nécessaires, mais faites trop rapidement à la suite en particulier du retour massif à la liturgie romaine au milieu du XIXème siècle, il ait disparu des Calendriers de la plupart des diocèses de France en dehors de la Bretagne. 

La canonisation de saint Yves achevée, le pape déposa la chape rouge, et prit ses chirothèques précieux, son anneau pontifical, la chape blanche précieuse, ainsi que la mitre précieuse. Puis il entonna l'hymne d'actions de grâces, Te Deum, que le chœur poursuivit. Durant le chant du Te Deum, une procession avec des cierges s'organisa dans l'église ; au retour de la procession, le pape monta à la cathèdre placée devant le maitre-autel et d'où il avait pris la parole. Le cardinal-diacre, qui était à sa gauche, chanta le verset : Ora pro nobis, beate Yvo, alleluia. Auquel le chœur répondit : Ut digni efficiamur gratia Dei, alleluia. Et le pape chanta le Dominus vobiscum et l'oraison propre de saint Yves. Après le chant du Benedicamus Domino, le cardinal-diacre qui était à la gauche du pape, récita le Confiteor, dans lequel il inséra le nom de saint Yves, immédiatement après celui des Saints Apôtres Pierre et Paul. Le doyen des cardinaux-évêques accorda ensuite aux fidèles présents, au nom du pape, une indulgence de 7 ans et 7 quarantaines. Et Clément conclut en donnant l'absolution, puis sa bénédiction avec la formule habituelle : Precibus et meritis, dans laquelle il inséra à sa place le nom de saint Yves. 

Le Souverain Pontife revêtit ensuite les ornements pontificaux blancs et chanta la messe solennelle de saint Yves, à la fin de laquelle il accorda de nouveau une indulgence de 7 ans et 7 quarantaines. Puis il reprit les ornements qu'il avait lors de son arrivée dans l'église. 

La plupart de ceux qui avaient hâté la canonisation de saint Yves par leurs instances auprès du Saint-Siège, en particulier l'évêque de Tréguier et le roi de France, n'avaient pu assister à la cérémonie solennelle du 19 mai qui consacrait le succès de leurs efforts. Clément VI compensa le sacrifice que les circonstances leur avaient imposé en leur notifiant officiellement le joyeux événement. 

A l'évêque de Tréguier, il envoya la Bulle Almus siderum Conditor, annonçant à l'univers chrétien la canonisation de saint Yves et datée du jour même de la solennité. L'original de la Bulle fut très longtemps conservé dans le trésor de la cathédrale de Tréguier. Le texte latin en a été publié d'après la Bulle originale et d'après le manuscrit latin 1148, fol. 71 v. - 86, de la Bibliothèque nationale dans les Monuments originaux de l'histoire de saint Yves, pages 483-485. 

Au roi de France Philippe VI de Valois qui avait en 1329, on s'en souvient, demandé au pape Jean XXII l'ouverture du procès de canonisation de saint Yves, Clément VI adressa la lettre Ad spiritualis grandii, datée du 21 juin 1347 et dont le texte latin a été publié par Wadding, Annales Minorum, T. VII, p. 8-9 ; par Raynaldus, Annales Ecclesiastici 1347, n° 33 ; par Carolus Cocquelinus, Bullarum, privilegiorum ac diplomatum Romanorum Pontificum amplissima collectio, T. III., p. 310, pars sec., 1471 ; dans les Monuments, p. 486 ; et la traduction française par Ropartz, p. 278-280, qui reproduit la traduction, de Jacques de l'Oeuvre.

Bretagne : Saint-Yves,patron des avocats,patron des Juristes,patron des Bretons,saint de Bretagne

LA TRANSLATION (27-29 octobre 1347)

Quand l'Eglise, qui à l'origine n'honorait que les martyrs, se mit à vénérer aussi les saints confesseurs, le premier honneur public qu'elle leur rendait et qui inaugurait leur culte, consistait en l'élévation et en la translation de leurs corps. Cette cérémonie était l'équivalent de notre béatification actuelle ou de notre canonisation : aussi ne pouvait-elle avoir lieu que par ordre de l'évêque, à qui étaient réservées les béatifications ou du pape, qui seul pouvait canoniser.

Lorsque l'Eglise eut institué pour la béatification et la canonisation une cérémonie spéciale et distincte de l'élévation et de la translation, celles-ci perdirent leur signification première de béatification ou de canonisation équivalentes et une part de leur importance. Elles subsistèrent cependant en raison de leur symbolisme profond et continuèrent à être soumises à l'assentiment de l'autorité épiscopale ou pontificale. 

En ce qui concerne saint Yves, c'est le pape lui-même qui ordonna l'élévation et la translation de ses reliques. Le 19 mai 1347 déjà, dans la sentence solennelle qui élevait le saint prêtre sur les autels, Clément VI, nous l'avons vu, gratifiait d'indulgences ceux qui assisteraient à l'élévation et à la translation du corps de saint Yves dans la cathédrale de Tréguier, ainsi qu'aux fidèles qui viendraient dévotement visiter son tombeau durant l'octave cette translation ou le jour anniversaire ou durant l'octave du jour anniversaire. 

La Bulle de canonisation Almus siderum conditor, adressée le jour de la canonisation à l'évêque de Tréguier, renouvelait l'octroi de ces indulgences. 

Le Pontife y revint enfin une troisième fois dans la lettre Laudabilis et longœvœ adressée à l'évêque et au chapitre de Tréguier et dont on trouvera le texte dans Wadding, Annales Minorum (VII, 9-10), que reproduisent les Monuments, p. 487, - et, partiellement dans Raynaldus, Annales Ecclesiastici, an. 1347, n° 40 ; l'abbé France, saint Yves, p. 229-231, en donne une traduction française. L'unique objet de la lettre était d'ordonner à l'évêque et au chapitre de Tréguier de procéder à l'élévation et à la translation du corps de saint Yves. Elle exprime merveilleusement le symbolisme de cette cérémonie. Quand le blé, après le long travail des semailles et de la récolte, se trouve enfin amassé, c'est presque avec dévotion qu'on le monte dans le grenier pour l'y conserver. De même lorsque l'âme, par les longs travaux de cette vie, s'est enrichie de multiples mérites, Dieu l'élève au ciel pour l'éternité aux acclamations unanimes de la cour céleste. Il convient que, quand l'Eglise proclame solennellement que l'âme d'un de ses enfants est parvenue à ce bienheureux séjour, le corps, qui fut le compagnon de cette âme dans son labeur, soit élevé lui aussi et transféré de la bassesse du tombeau dans un lieu plus digne, au milieu de l'allégresse du peuple chrétien. C'est pour susciter ce concours de fidèles que le Saint Siège accorde des indulgences à ceux qui assistent dévotement à cette cérémonie.

L'évêque de Tréguier était alors Richard (d'autres disent Raoul) du Poirier, consacré à Tours par l'archevêque Pierre du Frétaud le dimanche 26 février 1338. Dès son arrivée dans le diocèse, vers 1338-1339, il avait jeté les fondements de la nouvelle cathédrale de Tréguier. Il devait mourir en 1353. 

Il se hâta d'exécuter l'ordre de Clément VI relatif à la translation des reliques de saint Yves. Les circonstances politiques étaient d'ailleurs devenues plus favorables. La paix était certes loin d'être revenue, mais une trêve d'un an, partant du 25 septembre 1347, la trêve de Boulogne, avait été négociée par les légats du pape entre Anglais et Français et par là même entre les deux partis qui divisaient la Bretagne. Un peu plus d'un mois après la signature de cette trêve, se déroulaient à Tréguier les fêtes de la translation des reliques de saint Yves, le premier pardon de saint Yves. L'évêque Richard n'avait pas perdu de temps. 

Ce fut un triomphe pour saint Yves et une source de nombreuses bénédictions pour les fidèles. Une foule immense se rendit à Tréguier : prélats et clergé de toute la Bretagne, seigneurs et bas-peuple, toutes classes de la société s'y étaient donné rendez-vous. Pour un instant, la Bretagne se retrouvait unie : ce fut le plus beau miracle de cette solennité. 

La présence la plus touchante fut celle du duc Charles de Blois, un grand dévot de saint Yves et un saint. Depuis quatre mois, il était aux mains des Anglais, qui devaient l'emmener en captivité dans leur pays, quelques semaines plus tard. Il obtint d'eux la faveur de venir assister aux fêtes. Ce fut sur les genoux, les bras et les pieds nus, qu'il descendit les six marches qui donnaient accès à la cathédrale et qu'il gagna dévotement le tombeau de saint Yves. 

Saint Yves ne se laissa pas vaincre en générosité. Sur cette terre, il avait été héroïquement bon, sans attendre une reconnaissance qui n'est pas monnaie courante. Comment, en réponse aux manifestations spontanées, ardentes, désintéressées de cette foule réunie en son honneur, n'aurait-il pas redoublé ses bienfaits ? De nombreux miracles, en effet, se produisirent en ces jours de fête par son intercession : de son corps, comme de celui du Seigneur, sortait une vertu qui guérissait tous les malades. 

A quelle date exactement eut lieu l'élévation du corps de saint Yves ? Certainement plusieurs jours avant la translation et la reposition, afin de laisser aux fidèles le loisir de le vénérer et de le prier. Or, la translation eut lieu le 29 octobre 1347 : c'est la date adoptée par tous les livres liturgiques des diocèses bretons. Baillet, dans sa Vie des Saints, estime que l'élévation dut avoir lieu le 27 octobre, car c'est la date qu'ont choisie les Franciscains et le Martyrologe de Saussaye pour la « Saint Yves d'hiver »

Les reliques de saint Yves furent-elles déposées dans le même tombeau d'où on les avait élevées ou dans un autre endroit ? Les textes n'en disent rien : la parole est à l'archéologie. Remarquons seulement que la translation n'implique pas nécessairement pour le corps élevé de terre un changement de lieu lorsque, — et c'est précisément le cas pour saint Yves, — le corps saint se trouve déjà inhumé dans un lieu honorable. 

Du moins, le corps de saint Yves ne regagna pas intact son tombeau. Avant la cérémonie de la reposition, on en détacha le chef qui fut mis dans un reliquaire à part. Cette insigne relique constitue aujourd'hui encore la gloire principale du trésor de la cathédrale de Tréguier et demeure le centre du pardon annuel de saint Yves et l'objet d'un enthousiasme populaire qui ne s'est pas démenti depuis plusieurs siècles (Dom Yves Ricaud).

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