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LE FIEF DE LA VILLE-JAGU (autrefois VILLE-JEGU)

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LE FIEF DE LA « VILLE-JAGU » (COMTÉ DE PORHOËT- BAILLIE DE PLOËRMEL).

La « Ville-Jagu » était, au XIIIème siècle, un domaine appartenant en propre aux comtes de Porhoët, ainsi que cela ressort d'actes importants, qui ont été conservés parmi les rares documents anciens concernant cette région.

Le hameau actuel de la « Ville-Jégu » (autrefois Ville-Jagu), placé aux confins des départements des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor) et du Morbihan, à égale distance de la Chèze (Côtes-du-Nord) et de Josselin (Morbihan), les deux anciens chef-lieux de châtellenies du Porhoët au XIIIème siècle, est situé sur les bords du Lié (autrefois Hellier) affluent de l'Oust (out) — canal de Nantes à Brest —. Ce village, qui comptait en 1955 une soixantaine d'habitants et une vingtaine de maisons, était à l'origine, avec son manoir fortifié, une position stratégique non loin de la forêt de Lanouée, à 5 km environ du confluent du Lié et de l'Oust. Cette dernière rivière arrose Josselin et Rohan, lieux principaux au XIIIème siècle du comté de Porhoët et de la vicomté de Rohan. La vicomté de Porhoët, créée en 1008 au profit de Guéthénoc, avait été démembrée, une première fois, vers 1120, en vue de la création de la vicomté de Rohan (qui deviendra en 1603 le duché-pairie de Rohan).

La construction d'un canal destiné à amener les eaux du Lié, depuis le moulin de la Ville-Jagu jusqu'aux Forges de Lanouée, donna lieu à un important contentieux, qui retarda quelque temps la construction de cet ouvrage [Note : Il existe aux archives du Morbihan à Vannes un dossier J 747 concernant une requête de 1757 du duc de Rohan au subdélégué de Ploërmel, au sujet de la construction du canal, et oppositions faites à ce projet]. On s'explique ainsi que le Lié se divise à la Ville-Jégu en deux bras, qui vont se rejoindre à 5 km environ de là, au confluent de l'Oust.

C'est non loin de ce confluent, sur la lande de Cadoret, qu'eut lieu en 1345, pendant la guerre de succession de Bretagne, un important combat, entre une armée anglaise soutenant Jean de Montfort, et celle de Charles de Blois.

La vallée du Lié présentait, à l'époque féodale, un intérêt stratégique et économique certain.

On trouvait dans l'ancienne châtellenie de la Chèze — qui comprenait le territoire de l'actuel canton de la Chèze, plus (au sud) deux communes du Morbihan (Saint-Samson et Bréhand-Loudéac), et (au nord-ouest) la forêt de Loudéac, Uzel, etc. — plusieurs seigneuries, dont le Cambout, le Gué-de-l'Isle, Coëtlogon.

On peut relever leurs noms dans divers actes, tels que : hommages rendus et serments prêtés aux ducs de Bretagne, aux comtes de Porhoët, et aux vicomtes de Rohan, aveux, déclarations, etc. On y relève aussi Le Tertre et la Tronchaie-en-la-Prenessaye, Estuer, Coëtuhan, Glécouët (en Brehand), etc.

Les vieux châteaux ou manoirs, ou leurs ruines, existent encore.

Tous ces noms figurent sur la carte officielle au 100.000ème (feuilles Loudéac et Ploërmel).

On retrouve encore le souvenir de ces anciens organismes militaires dans les actes notariés du XVIIIème siècle, la plupart de ces seigneuries ayant haute ou moyenne justice. Ces juridictions seigneuriales subsistèrent jusqu'en 1789. La pièce maîtresse de cette organisation était au XIIIème siècle, le château-fort de La Chèze — chef-lieu de la deuxième châtellenie du comté de Porhoët — dont on peut voir encore les ruines près du Lié. On ignore la date exacte de construction de ce château-fort ; certains disent qu'il fut construit au XIIème siècle par Eudon II de Porhoët, pendant que celui-ci était duc (plus exactement comte) de Bretagne du fait de son mariage. Eudon II avait fondé en 1149 une abbaye à Lantenac.

Ajoutons que la Ville-Jégu fait actuellement partie de la commune du Cambout, démembrement relativement récent de la vaste commune de Plumieux, paroisse fort ancienne (le plou de Mieux, ou de saint Mieux). La situation géographique ainsi définie ne fait aucun doute, mais on pourrait hésiter à première vue, car il existe plusieurs écarts du nom de Ville-Jégu dans le département des Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor).

On notera que le nom de Jagu était anciennement fort répandu en Bretagne centrale. Il provient du saint Jagu du Vème siècle (frère de Guéthénoc et de Guénolé), qui fonda l'abbaye de Saint-Jacut (ou Jagu)-de-la-Mer, dans un lieu situé entre Matignon et Plancoët, abbaye dont parle Dom Lobineau [Note : Dom LOBINEAU, Les saints de Bretagne. Lobineau finit ses jours en cette abbaye]. Des historiens de la Bretagne lui ont consacré une intéressante notice [Note : G. DE BOURGOGNE et A. DE BARTHÉLÉMY, Les Evêchés de Bretagne, Diocèse de Saint-Brieuc, t. IV, p. 251 et s., et p. 295. L'abbaye de Saint-Jacut-de-la-Mer était une enclave de l'évêché de Dol, dans celui de Saint-Brieuc. Il ressort d'un document de 1163 que l'abbaye de Saint-Jacut possédait dans l'évêché de Saint-Malo (qui couvrait une partie du comté de Porhoët), les prieurés de la Trinité-Porhoët, le prieuré de Bodieuc (en Mohon) et aussi celui de Saint-Leau (en Plumieux), l'église de Saint-Jacut-du-Mené. Un abbé de Saint-Jacut assista en 1092 aux funérailles d'une vicomtesse de Porhoët]. Il existait aussi, en plus des diverses « Ville-Jagu », un « Bois-Jagu », un château de la Roche-Jagu (sur le Trieux), etc.

Il est probable que le lieu qui nous occupe tenait son nom des moines de Saint-Jagu ; ceux-ci avaient, en effet, à une lieue de là, des biens ou des intérêts, notamment à la Trinité-Porhoët et à Mohon (Morbihan).

On notera, encore que toute cette région, en plein pays « Gallo », a été contrairement à une opinion courante, très anciennement habitée, et occupée par des bretons « bretonnants ». Il est question de Lanouée et de Mohon dans les chartes de Redon. Il existe dans le pays de nombreux toponymes d'origine bretonne (les Bod, les Quilli, les Coët, etc.). Enfin, des voies romaines passaient à proximité de la Ville Jagu et traversaient l'actuel canton de La Chèze.

On a dit que la « Ville-Jegu » est actuellement un écart de la commune du Cambout. Avant la Révolution, et depuis les débuts de la féodalité, le Cambout était une importante seigneurie de la châtellenie de La Chèze (comté de Porhoët), mais la Ville-Jagu n'a jamais dépendu de cette seigneurie. Le moulin de ce lieu fut bien concédé, à une certaine époque, aux seigneurs du Cambout, mais il fut repris par le duc de Rohan, comte de Porhoët, au XVIIIème siècle. Le plus ancien document actuellement connu qui cite le château-fort de la Chèze, est l'un des actes de partage du comté de Porhoët, datant de 1241.

On trouvait aussi sur le Lié divers moulins à eau, dont certains existent encore. Enfin, la châtellenie de La Chèze disposait de la forêt de Loudéac et était limitée au sud par celle de Lanouée. Ces forêts jouaient un rôle précieux au temps d'une économie assez rudimentaire (bois de construction, élevage de porcs et de chevaux, et plus tard bois de chauffage pour les forges de Vaublanc et de Lanouée).

On comprend, dans ces conditions, que les comtes de Porhoët se soient intéressés à leur domaine de la Ville-Jagu.

C'était un fief modeste, sans doute, mais il a joué un rôle historique, fort peu connu d'ailleurs, même dans le pays.

 

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Les partages du comté de Porhoët au XIIIème siècle. - Actes passés au manoir de la Ville-Jagu en 1248.

Rappelons tout d'abord qu'Eudon II, vicomte de Porhoët avait épousé en 1146 Berthe, fille du duc Conan III et veuve d'Alain le Noir comte de Richemont. Il prit en 1147, au décès de Conan III, et suivant les volontés de celui-ci, le titre de duc de Bretagne et en exerça les fonctions. Mais il eut aussitôt comme ennemis déclarés Hoel, fils désavoué de Conan III, puis un autre Conan, fils du premier mariage de Berthe. Une guerre civile s'ensuivit ; puis ce fut l'invasion anglaise avec le roi Henri II Plantagenet. Celui-ci ravagea le Porhoët et détruisit la forteresse de Josselin en 1168 et 1175. La guerre dura longtemps. Finalement, le roi anglais Henri II, après avoir marié son fils Geffroy à Constance, fille de Conan IV, plaça ledit Geffroy sur le trône ducal de Bretagne [Note : Voir ce qu'en dit Alain Bouchart dans ses Grandes Croniques de Bretagne composées en l'an 1514, tiers livre]. (On l'appelait d'ailleurs comte — « L'assise au comte Geffroy »).

Au décès d'Eudon II, son fils, Eudon III, devint comte de Porhoët ; on l'appelait Eudon (ou Eon) « fils le comte », en raison du rôle joué par son père. On trouve cette expression dans les actes de l'époque et sur son sceau personnel.

Après un « règne » moins troublé que celui de son père, Eudon III trépassa en 1231 à l'âge de 89 ans. Il n'avait pas d'héritier masculin. Le comté de Porhoët tombait en « quenouille ». On procéda donc au partage entre les filles, assistées de leurs époux, et leurs ayants droit. Ces opérations soulevèrent entre les héritiers de nombreux litiges ; elles se terminèrent seulement en 1248, par un acte passé précisément au manoir de la Ville-Jagu, douaire de la veuve d'Eudon III de Porhoët. Cet acte, qui confirmait d'ailleurs et résumait les précédents, fut expressément approuvé par le duc de Bretagne, la même année 1248 [Note : Un accord préliminaire avait été conclu en 1235, avec l'intervention du roi de France (saint Louis), entre Raoul de Fougères et Guy Mauvoisin, seigneur de Rosny, époux d'une fille d'Eudon II].

On ne peut s'attarder à analyser dans le détail tous ces documents, qui comportent au surplus beaucoup de répétitions. Ils ont été extraits au XVIIIème siècle par Dom Morice des archives des Rohan à Blain ; l'illustre bénédictin signale que certains d'entre eux sont tirés du « cartulaire d'Alençon, Chambre des Comptes de Paris » [Note : Ces divers actes ont été publiés par Dom MORICE, t. 1 des Preuves, l'acte de 1248 figure aux col. 933 à 935. Le célèbre jurisconsulte Hévin (à propos des « arrêts de Frain ») s'y intéressa au XVIIème siècle, ainsi que Dom Morice le fait observer].

Cette source s'explique comme suit — La principale part de l'héritage d'Eudon III de Porhoët, avec Josselin, la forêt de Lanouée, Mohon, revint à Raoul, comte de Fougères, dont le père avait épousé la fille aînée d'Eudon III. — Il eut dès lors les prérogatives et le titre de comte de Porhoët. On verra qu'il reçut également le fief de la Ville-Jagu (paroisse de Plumieux). La châtellenie de la Chèze, avec la forêt de Loudéac, et la Trinité-Porhoët revint à la seconde fille d'Eudon III, Aliénor de Porhoët, vicomtesse de Rohan, remariée à P. de Chemillé, seigneur de Brissac ; son fils, Alain VI de Rohan, recueillera cette succession. Ainsi, les vicomtes de Rohan reçurent l'importante châtellenie de la Chèze, avec son château-fort, ce qui complétait leurs domaines déjà considérables. Cette châtellenie relevait d'ailleurs toujours, au point de vue féodal, du comté de Porhoët, et il en sera ainsi jusqu'en 1603, date de la création du duché de Rohan.

La part du comte de Fougères devait subir beaucoup de vicissitudes. Elle passa successivement (par mariage) aux Lusignan, comtes de la Marche, puis, par confiscation, au roi de France Philippe le Bel. Finalement, le comté de Porhoët fut acquis, en 1370, par le connétable Olivier de Clisson grâce à un échange avec le duc d'Alençon prince du sang, d’un fief normand des environs de Falaise.

Enfin, à la mort de Clisson, et à la suite de mariages, le comté de Porhoët, avec Josselin, revint aux vicomtes de Rohan, qui avaient ainsi reconstitué l'antique comté de Porhoët.

De l'acte de partage de 1248, on retiendra surtout ceci, qui concerne spécialement la Ville-Jagu, où fut passé cet acte.

Bien que situé dans la paroisse de Plumieux, c'est-à-dire sur le territoire de la châtellenie de La Chèze, ce domaine devait revenir non pas à Aliénor de Porhoët. vicomtesse de Rohan, « dame de La Chèze », mais à Raoul de Fougères, comte de Porhoët. La veuve d'Eudon III devait résider jusqu'à sa mort à la Ville-Jagu, son douaire.

« Et quand il advendra » dit le document précité « que le doaire Margerite, qui fut femme Mgr Eun fils le comte escherra après la mort d'icelle, le hebergement de la Ville Jagu et le Plessix si comme il parssiet, revendra a celx Raoul de Fougeres et a ses ers, et toute ly autre terre que il tient par doaire sera repartie en trois parts... ».

Donc, le comte de Fougères et de Porhoët s'était formellement réservé en 1248, la Ville-Jagu. Ceci explique qu'un acte de ce seigneur soit daté de la Ville-Jagu en 1255 (voir Dom MORICE, Preuves, col. 960). Par cet acte, Raoul de Fougères accordait à Caro de Bodégat des concessions de droits d'usage dans la forêt de Lanouée.

La famille de Bodégat — dont le château était placé près de la rivière Ninian, affluent de l'Oust (paroisse de Mohon) non loin d'un lieu-dit Bodieuc où se trouvent des vestiges de retranchements préhistoriques — avait de nombreux intérêts communs avec les Porhoët. « Karou » c'est-à-dire Caro de Bodégat (et la « mère Karou », sa mère) sont cités dans l'acte de partage de 1248 [Note : On retrouve fréquemment le nom des seigneurs de Bodégat dans l'histoire de Bretagne. Cette seigneurie sera acquise plus tard par les Sévigné, famille des environs de Rennes, à laquelle s'allia l'illustre marquise, née de Rabutin-Chantal. Madame de Sévigné a parlé de Bodégat dans ses lettres à Madame de Grignan. — Dom Morice a publié divers actes concernant les Bodégat, jusqu'à leur disparition de la scène. — Caro de Bodégat, devenu veuf, avait épousé la veuve de Raoul III comte de Fougères, décédé en 1256 : c'est ce qui explique l'acte important de 1257 publié par MORICE (Preuves, t. I, col. 968, Extrait d'un registre de la Chambre des comptes de Paris, cote 25. Ce texte, intitulé « accord entre Hugues de Luzignan, comte de la Marche, et Charles de Bodégat, chevalier », attribue à la belle-mère du comte de Porhoët (Lusignan) et à son mari (Bodégat) la jouissance du Porhoët, sauf la forêt de Lanouée. Cette attribution était d'ailleurs provisoire. — Voir également, sur les Bodégat, un article de l'abbé PIÈDERIÈRE, curé de la Trinité-Porhoët, publié dans les Mémoires de l'Association bretonne (Session de Vitré, 1876), article donnant d'intéressantes références à des archives privées].

Les actes passés à la Ville-Jagu au XIIIème siècle sont intéressants pour l'histoire locale. Le Plessis — dont il est question dans le partage de 1248 — est à notre avis le Plessis-Jaulme, village situé près de la forêt de Lanouée, à proximité de la Ville-Jagu, du Cambout, de la Trinité Porhoët, et de Mohon.

On notera aussi, d'après l'acte de 1248, qu'il existait un moulin à Caussac sur le Ninian, rivière de la Trinité-Porhoët, de même que l'acte de fondation de l'abbaye de Lantenac, en 1149, par Eudon II de Porhoët, nous apprend qu'il existait un moulin sur l'Oust, à Trémuson. Ces documents s'ils étaient plus nombreux permettraient d'établir une carte économique assez précise de cette région au XIIIème siècle.

En définitive, l'étude de ce fief de la Ville-Jagu, malgré son caractère limité, permet d'apporter une petite contribution à l'histoire et à la géographie féodales de la Bretagne centrale, questions encore bien obscures à certains égards (publié avec l'autorisation de la famille de Fernand Bagot).

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