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Les Sœurs de charité, « monstres prêts à égorger les patriotes au premier signal ».

Huit femmes condamnées à mort en une seule audience.

Fête « bien agréable en l'honneur de la prise de Toulon ».

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Les Sœurs de charité, « monstres prêts à égorger les patriotes au premier signal ». Huit femmes condamnées à mort en une seule audience. Fête « bien agréable en l'honneur de la prise de Toulon ».

La journée du 9 nivôse eut cela de particulier que sur quinze personnes qui furent amenées devant la Commission, douze étaient des femmes. La séance du matin fut occupée par le jugement de deux Sœurs de charité : Bonne Montagnier et Ursule Migot.

Les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, communément appelées par le peuple Sœurs Grises de la Marmite, étaient depuis plus d'un siècle établies à Rennes, dans leur maison de la rue du Griffon ; elles étaient rapidement devenues très-populaires ; le peuple entourait d'un pieux respect ces saintes filles dont le dévouement ne lui faisait jamais défaut aux heures de gêne et de maladie. Malgré leur haine pour les ordres religieux, peut-être aussi à cause de l'impossibilité où l'on était de les remplacer dans leur mission de dévouement, les autorités de Rennes avaient usé envers elles d'une modération relative. On ne voulait point d'ailleurs froisser trop directement la population qui manifestait hautement son attachement pour les Sœurs, et qui, on avait lieu de le craindre, s'opposerait à des vexations trop ouvertes.

Les Sœurs purent donc, pendant presque toute la tourmente révolutionnaire, conserver leur costume religieux et porter le crucifix sur leur poitrine. Comme par le passé, elles visitèrent les pauvres et les malades ; on n'osa même pas leur fermer les portes des prisons. On peut penser si, là surtout, leur présence était désirée, bénie par ces malheureux dénués de tout, malades pour la plupart, rudoyés par les geôliers, les municipaux et les juges que leurs fonctions appelaient près d'eux.

Le 9 nivôse au matin, une Sœur de charité, nommée Catherine Migot, était à la prison de la porte Marat (porte Saint-Michel) occupée à visiter les prisonniers ; un guichetier lui remit de la part d'une prisonnière une bague d'or ; on la priait d'employer l'argent qu'elle retirerait de la vente de cet objet au soulagement des pauvres. Le concierge en chef, Gâtelier, grand ami de Brutus Magnier, eut connaissance de ce fait, à coup sûr, bien simple ; espérant y trouver une occasion de nuire aux religieuses, qu'il détestait, il accusa la Sœur Migot, de « s'approprier les effets des prisonniers ». Celle-ci expliqua comment la bague était venue en sa possession, et, pour mettre fin à un débat aussi ridicule, elle la remit au concierge. Mais Gâtelier ne l'entendait pas ainsi, et, sans désemparer, il conduisit la Sœur devant son ami Brutus.

La supérieure du couvent, Bonne Montagnier, qui depuis plus de quarante années, exerçait à Rennes son ministère de charité, ne voulut pas que sa Sœur se présentât seule devant ses juges ; elle l'y accompagna. Peut-être espérait-elle qu'on hésiterait à soutenir devant elle, que le peuple connaissait si bien, une si niaise accusation ; mais les autorités révolutionnaires espéraient jeter le discrédit sur le seul ordre religieux qu'elles n'eussent pas osé supprimer, rien ne pouvait les arrêter. De simple spectatrice, Bonne Montagnier allait devenir accusée.

Il fut impossible de découvrir la moindre base à l'accusation portée contre la Sœur Migot ; il aurait donc fallu relâcher les religieuses, si Magnier, à la fin de leur interrogatoire, n'eût eu l'ingénieuse idée de leur demander « si elles avaient prêté le serment de maintenir la Liberté et l'Egalité, et dans le cas où elles ne l'auraient pas fait, si elles le feraient ». Elles répondirent « qu'elles ne l'avaient pas fait et qu'elles ne le feraient pas ». La Sœur Montagnier ajouta avec beaucoup d'à-propos : « Il n'y a aucun décret qui l'ordonne ». A quoi il ne fut rien répondu, parce qu'il n'y avait rien à répondre.

Quoi qu'il en fût, la Commission rendit, contre les Sœurs Montagnier et Migot, l'un de ses jugements les plus odieux, et il faut bien ajouter les plus grotesques. Le voici dans son entier :

« Pourquoi notre sainte Révolution n'est-elle pas encore achevée ? C'est que ses plus cruels ennemis existent encore, c'est que nous avons encore parmi nous des monstres prêts à nous égorger au premier signal pour raviver les infâmes préjugés et les fatras immondes d'absurdités qui ont fait depuis tant de siècles le malheur des nations.

Le peuple français, trop longtemps le jouet des monstres qu'il nourrissait, a par une sainte insurrection renversé le trône, banni les nobles et déclaré une guerre à mort au fanatisme. Quiconque aujourd'hui n'est pas zélé révolutionnaire, ne doit pas avoir la liberté de distiller, dans la société, le poison de ses préjugés.

Bonne Montagnier et Catherine Migot, toutes deux Sœurs hospitalières du ci-devant couvent de la Charité, ont eu l'effronterie de déclarer hautement à la face du peuple, qu'elles n'avaient point prêté le serment de l'Egalité et de la Liberté, et bien plus, que rien n'était capable de le leur faire prêter.

N'est-ce point dire au peuple : Tout ce que tu as fait est contre notre gré, et nous le désavouons totalement.

En conséquence, la Commission Militaire Révolutionnaire, ouï les conclusions de l'accusateur militaire, déclare qu'elles sont violemment soupçonnées d'être les ennemies de la souveraineté du peuple ; que si elles se rendaient dans les prisons, sous prétexte de secourir les malades, c'était par envie d'y propager leur erreur, et aussi, par un vil motif d'intérêt, puisque Catherine Migot est convaincue d'avoir reçu des effets appartenant aux prisonniers sous le coup de la loi, et par conséquent à la République, et afin de les mettre hors d'état de nuire à l'avenir, ordonne qu'elles seront toutes deux mises en arrestation dans une maison de force, et qu'elles y resteront jusqu'à ce que la Convention en ait autrement ordonné, sauf pourtant à encourir de plus grandes peines, si on découvre de leur part quelque délit.

Ainsi prononcé révolutionnairement, d'après les opinions, sur les conclusion de Defiennes, accusateur militaire, par Brutus Magnier, président, Rémacly, Coulon et Lefébure, juges ».

Il fallait vraiment bien compter sur la sottise publique pour transformer en ennemies de la souveraineté du peuple les servantes dévouées des classes populaires, et pour oser dire dans un jugement que les religieuses auxquelles on n'avait pas osé interdire l'entrée des prisons, tant leur dévouement y était utile et nécessaire, ne s'y introduisaient que pour s'enrichir.

On n'avait pas perdu l'espoir de trouver matière à une nouvelle accusation, aussi le soir même fit-on une perquisition dans la rue du Griffon ; mais, après bien des recherches, on n'y trouva que les comptes des fournisseurs de la Marmite des pauvres ; et il fallut bien, comme par le passé, laisser les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul soigner les malades et les prisonniers. Magnier, prisonnier aussi quelques mois plus tard, eut occasion d'apprécier lui-même leur inépuisable charité ; peut-être ne croyait-il plus alors qu'elles étaient des monstres prêts à tout égorger au premier signal.

A la séance du soir, trois Vendéens : René Nicolas, Joseph Malinge et Louis Sebron, et neuf femmes : Marguerite Gaudreneau, veuve Meaugrin ; Emilie Meaugrin, sa fille, âgée de 15 ans ; Françoise Baudry, âgée de 14 ans ; Marie Goussai ; Jeanne Devaux, âgée de 17 ans ; Jeanne Ouillaux, femme Nicolas ; Mathurine Ouillaux, sa sœur ; Perrine Pineau ; Marie Perroteau, comparurent devant la Commission. Tous ces malheureux furent condamnés à mort, à l'exception d'Emilie Meaugrin et de Françoise Baudry qui, à cause de leur jeune âge, furent condamnées à la réclusion dans une maison de force jusqu'à vingt ans.

Frapper de malheureuses femmes sorties de leur pays par crainte des soldats républicains qui brûlaient, dévastaient tout sur leur passage, tuant les enfants aussi bien que les femmes auxquelles ils infligeaient les derniers outrages, cela était tellement odieux que la Commission semble en avoir conçu une certaine honte. On sent dans le jugement comme un secret besoin d'excuser, d'expliquer au moins une pareille condamnation.

« Ils sont aux abois les monstres qui ont contre nous armé nos semblables, nos frères même ; il ne leur reste plus que la honte et le désespoir ; c'en est fait d'eux et des féroces machines qu'ils faisaient mouvoir contre nous, en mous accusant de rébellion, d'immoralité, d'irréligion.

Est-il besoin de nous justifier ? Non ! La postérité répétera sans cesse : Un peuple qui réclame ses droits est point rebelle, un peuple généreux et bon n'est point sans morale, un peuple qui a proclamé et proclame sans cesse les lois de la justice éternelle et les principes immuables de toute société humaine, n'est point sans religion.

Quelle excuse pourrait-on alléguer en faveur des scélérats qui, malgré notre équité, malgré notre bonté même, se sont insurgés contre nous ? Aucune ! Il faut que l’arrêt de mort prononcé par la nature même contre les ennemis de la souveraineté du peuple soit mis à exécution ; trop longtemps il a dormi dans le cœur des timides mortels. Détruisons ceux qui ont voulu nous détruire, et que le peuple soit vengé ».

De pauvres femmes fuyant la mort et le déshonneur ne pensaient à détruire personne, et des juges qui prononçaient de semblables sentences ne proclamaient, à coup sûr pas « les lois de la justice éternelle ». Le croyaient-ils eux-mêmes ? Evidemment non.

L'exécution eut lieu le 10 à 11 heures du matin ; elle fut comme le premier acte de la fête qui se célébrait ce jour-là, à l'occasion de la prise de Toulon.

On avait appris à Rennes, dès le 7 nivôse, ce succès des armées républicaines, et « vu cette bonne nouvelle accueillie au tribunal par des applaudissements aussi nombreux que sincères, on avait pris congé le soir. La municipalité décida qu'une fête publique aurait lieu le décadi suivant ; et tandis « qu'un repas frugal dont chacun faisait les frais » réunissait sur la place le commun des patriotes [Note : Procès-verbaux de la section Marat. Archives départementales d'Ille-et-Vilaine], « les trois tribunaux militaires terminaient cette fête par un repas fraternel, où était invité à se trouver le représentant du peuple, ainsi que le vengeur du peuple. (Vive l'Egalité) ».

Le bourreau s'asseyant à un banquet public entre des juges et des représentants de la France, c'est un spectacle qui n'était point rare ; plus d'un représentant en mission tenait à honneur d'avoir pour commensal habituel ce fonctionnaire utile ; Magnier et les représentants Esnue-Lavalée et La Planche ne faisaient donc que se conformer aux habitudes de l'époque. Un bal dans la grande salle du Palais, en vue et à deux pas de la guillotine qui avait si activement fonctionné depuis quelques jours, fut le couronnement de cette journée.

Elle eut un lendemain pour les tribunaux militaires, et on trouve la trace de l'extrême satisfaction qu'ils avaient éprouvée de ces deux jours de liesse dans la note qui suit, inscrite au registre particulier, sous la date des 10 et 11 nivôse :

« Il n'y a point eu de séance le 11 nivôse, parce qu'il n'est point de bonne fête sans lendemain. D'ailleurs les représentants du peuple Lavalée et La Planche, qui avaient assisté au repas, avaient voulu en rendre un ce jour-là. Ces deux jours furent bien agréables, car c'était la fête du cœur ».

Le contentement est complet, on le voit. Deux jours de bombance, de fêtes, de danse, de discours ampoulés et de harangues grotesques, c'était bien pour de telles gens la fête du cœur ! On l'a déjà vu lors de leur voyage à Saint-Aubin-du-Cormier, Magnier et ses collègues éprouvaient toujours une satisfaction extrême à banqueter sans que leur bourse eût à s'ouvrir.

(Hippolyte de la Grimaudière).

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