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Brutus Magnier acquitté à Paris, renvoyé à Rennes pour y être jugé comme dilapidateur.

Il brave et insulte la Convention.

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Brutus Magnier acquitté à Paris, renvoyé à Rennes pour y être jugé comme dilapidateur. Il brave et insulte la Convention.

C'est le 6 ventôse que l'ancien président parut devant ses juges. Au commencement des débats, le substitut Chatrier abandonna le premier chef d'accusation (dilapidations de fonds publics), qui n'était pas de la compétence du Tribunal ; restaient les deux autres : la lettre à Gâtelier, les rapports avec Villambre.

Malgré tous ses efforts, Magnier ne put donner une explication satisfaisante de sa lettre. Il reconnut l'avoir écrite à Gâtelier, « homme de confiance de la maison de justice » ; mais voici comment il essaya d'en atténuer l'odieux :

Defiennes, accusateur militaire, seul chargé de la poursuite des prévenus de brigandage, était absent (dit-il dans son interrogatoire), il faisait les fonctions d'accusateur, et le Tribunal l'ayant chargé d'envoyer chercher des prévenus à la prison, ne sachant lesquels faire venir, n'en connaissant aucun, il chargea Gâtelier de dicter à l'huissier, porteur de réquisitions, les noms de ceux qu'il enverrait au Tribunal ; à l'égard de la dénomination de gibiers de guillotine, il entendait par là les brigands de la Vendée, entassés confusément dans les prisons de Rennes, et contre lesquels il n'existait pas de pièces ; quant aux notes quelconques qu'il demandait à Gâtelier, c'étaient des renseignements que cet homme seul pouvait se procurer, et sur-lesquels l'acte d'accusation verbal était porté, sauf aux prévenus à justifier de leur innocence (Interrogatoire de Magnier. Archives nationales, V 1 b, 497 - 64).

Magnier oubliait de dire que, lors des fréquentes absences de Defiennes, c'était toujours lui Magnier qui le remplaçait ; il était donc aussi bien renseigné que Defiennes sur les noms et la culpabilité des prisonniers, ou plutôt il l'était aussi mal, car ni l'un ni l'autre ne s'inquiétaient de cette partie de leurs fonctions. Il leur fallait deux fois le jour une provision de « gibiers de guillotine » ; peu leur importait le reste.

Sur ses relations avec Villambre, sa défense valut mieux., Il avoua que, d'après ses ordres, les geôliers avaient eu pour ce prisonnier des attentions particulières ; qu'il l'avait visité souvent, soit seul, soit accompagné d'un ou de plusieurs de ses collègues ; mais il prétendit avoir eu de sérieuses raisons d'en agir ainsi, car « ce Villambre, scélérat de haute volée, qui paraît avoir été l'agent des puissances coalisées, pouvait lui donner d'utiles renseignements. ». Il avait même été jusqu'à lui offrir sa grâce « s'il voulait rendre quelques services à sa patrie ». En agissant de la sorte, il n'avait fait qu'imiter les représentants Dubois-Crancé et Alquier (Interrogatoire de Magnier. Archives nationales, V 1 b, 497 - 64).

Ce tribunal que Brutus Magnier avait tant injurié, ces loups devant lesquels il disait être un agneau sans défense, se montrèrent fort indulgents à son égard.

Ils l'acquittèrent, bien que l'accusation d'abus d'autorité parût justifiée ; mais « parce qu'il n'était pas convaincu de s'en être rendu coupable avec des intentions criminelles ». Sur la réquisition du substitut Chatrier, il fut retenu en prison et renvoyé devant le Tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine pour dilapidations de fonds publics.

Revenu dans sa prison du Plessis, chaudement félicité par les amis qu'il y retrouva, Magnier recommença, le 10 ventôse, la publication du Démocrite. Laissons-le dire lui-même quels étaient alors ses sentiments :

« D'après le système qui est aujourd'hui en vigueur, d'après la connaissance que les bons patriotes ont de la moralité du Tribunal révolutionnaire actuel et de la mienne, sans doute ils auront été autant surpris que charmés que je n'aie point été immolé. Hélas ! mes amis, ils n'ont fait que reculer mon supplice, ou plutôt ils en ont doublé la rigueur pour me punir de mon zèle pour la liberté de ma patrie.

…… Ils me renvoient pour être jugé pour un objet de dilapidations par les chouans, oui, par les chouans mêmes ; car le Tribunal criminel du département d'Ille-et-Vilaine n'est composé que d'outrés fédéralistes, de nouveaux élargis, de ces scélérats qui recelaient et nourrissaient les chouans. Au reste, c'est Boursault qui a organisé cet étal de bouchers par devant lequel on me renvoie…. Mais tranquillisez-vous, mes amis, je suis toujours le même ; je souffrirai, mais je ne mollirai point » (Démocrite, n° 12. Supplément).

L'idée de reparaître en accusé dans cette ville de Rennes où il comptait tant d'ennemis, avait tout lieu d'inquiéter Magnier ; il ne pouvait espérer rencontrer là l'indulgence qu'il avait trouvée près du Tribunal révolutionnaire. Il le comprend ; aussi fait-il tous ses efforts pour hâter, presser une insurrection qui devait ramener les Montagnards au pouvoir.

« Je tonnerai, sans-culottes (dit-il dans son numéro du 17 ventôse), je tonnerai contre vous, je vous accuserai de lâcheté, jusqu'à ce que vous soyez déterminés à courir sur vos ennemis. Non, non, il n'y a que la lâcheté qui puisse vous tenir dans l'indécision. Serait-ce l'envie de bien combiner vos forces ? Mais pensez donc que plus vous tardez) plus elles diminuent, parce que le gouvernement incarcère chaque jour les plus zélés d'entre vous. Serait-ce le doute ? Mais c'est vous faire injure que de soupçonner que vous hésitez à croire que la contre-révolution est à l'ordre du jour………» (Démocrite, n° 19. Supplément).

A cette chaleur, on voit aisément que l'auteur plaide pour sa propre cause ; mais ce pressant appel fut sans effet, et le 6 germinal Magnier arrivait à Rennes où on l'enfermait dans la prison de la porte Marat (Lettre à Pomme du 21 germinal, an III. Archives nationales, W 2, 548).

Brutus Magnier n'était point homme à rester inactif dans sa nouvelle prison ; il résolut de nouer des relations avec ses amis de Paris restés au Plessis, et avec les montagnards rennais écroués à la Tour-la-Montagne. Il intéressa sans beaucoup de peine à son sort une de ces Sœurs de charité, qu'il représentait naguère comme des monstres prêts à égorger les républicains. La sainte fille oublia que Magnier avait emprisonné sa supérieure, Bonne Montagnier, qu'il avait été l'ennemi actif, acharné de son ordre ; elle ne vit en lui qu'un prisonnier dont elle pouvait adoucir la captivité ; elle consentit à se charger de ses nombreuses lettres pour ses amis. Sa correspondance était en effet active, surtout avec les prisonniers du Plessis. Cette touchante charité arracha à Julien ce cri d'admiration : « Une Sœur grise être aussi serviable envers un terroriste, quelle sublime pratique de la divine morale de Jésus ! » (Lettre de Varlet, Lebatteux et Julien d Magnier. Ibid.)

Toutefois, le mois de germinal s'avançait, et il n'était point question du jugement de Magnier. Il perdit patience et écrivit, le 28, à l'accusateur Lemoine Defforges [Note : Lemoine Defforges avait remplacé Pointel comme accusateur près le Tribunal criminel d'Ille-et-Vilaine] une lettre où il demande à être jugé, se déclare terroriste et ajoute « qu'il s'honorera d'un châtiment qu'il n'a point mérité ». Cette lettre demeura sans réponse ; la procédure resta au même point.

Alors le 14 prairial, perdant toute mesure, il lança ce défi au Comité de sûreté générale, qu'il nomme l'infâme Comité de dévastation générale :

« O monstres, vomis par les démons du fanatisme et de la cruauté, votre triomphe est donc complet aujourd'hui ! C'en est fait de la liberté de ma patrie. Eh bien ! sachez que j'ai fait serment de ne pas lui survivre. Je livre donc à votre rage dévoratrice et inextinguible une nouvelle victime. C'est moi : frappez, frappez, bourreaux ; j'ai le noble orgueil de vous dire qu'il n'est pas un Français qui ait plus justement mérité de tomber sous vos coups que moi, qui' ai présenté au Comité d'insurrection un plan de réveil du peuple, qu'on a suivi de point en point ».

Il ajoute qu'il eût été à la tête de l'insurrection du 1er prairial, si le tribunal, qui a eu « l'impéritie de l'acquitter le 6 ventôse », ne l'avait renvoyé devant le tribunal d'Ille-et-Vilaine. Il exprime tous ses regrets de ce que les tentatives insurrectionnelles des terroristes n'aient pas réussi, et qu'on n'ait pas fait « main basse » sur Fréron, Tallien, Legendre, etc. « Je voue à l'exécration, dit-il en terminant, la bande usurpatrice et contre-révolutionnaire qui ose encore se nommer Convention nationale. En est-il assez de cette lettre, cruels tyrans, pour diriger sur moi toute votre colère ? ».

Qui poussa Magnier à cette étrange algarade ? En partie sans doute le désespoir, après l'échec du 1er prairial. En plus grande partie probablement son incurable vanité, qui souffrait outre mesure de l'obscurité où il était réduit. Voyant tout perdu, il voulut une dernière fois forcer l'attention publique par l'orage qu'il allait exciter.

L'émoi fut grand chez les autorités de Rennes, quand cette lettre leur fut remise. On envoya de suite deux officiers municipaux, Texier et Auffray, interroger Magnier. Il ne fit dans ses réponses qu'aggraver sa situation. Il se reconnut auteur de la lettre, se déclara partisan de Carrier, et se vanta d'être l'inventeur du plan d'insurrection du 1er prairial. « Il est, dit-il, tout au long exposé dans un journal écrit de ma main et qui est en ma possession. ». L'affaire, venue à ce point de gravité, dépassait la compétence des autorités de Rennes. On se borna à saisir les papiers de Magnier et à les expédier à Paris.

Dans sa séance du 25 prairial, la Convention, sur le rapport de Pierret, et après les observations de Boursault, « ce maladroit pantin, gêné comme Jean Bart dans ses culottes de drap d'argent, » rendit un décret qui ordonnait d'amener à Paris, pour y être jugé devant la Commission militaire, près le Comité de salut public, Louis-Antoine-Bernard Magnier. Le 4 messidor, le pauvre président prenait de nouveau, entre deux gendarmes, la route de Paris ; il y arrivait le 15, et fut écroué à la prison des Quatre-Nations.

(Hippolyte de la Grimaudière).

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