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Funérailles de Rémacly, membre de la Commission, enterré au pied de l'arbre de la liberté.

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Funérailles de Rémacly, membre de la Commission, enterré au pied de l'arbre de la liberté.

Le typhus fit dans ce mois de pluviôse de terribles ravages à Rennes ; ce fut surtout dans les prisons, où l'encombrement était extrême, que ses atteintes devinrent funestes ; les prisonniers mouraient en grand nombre. Grand ennui et grande préoccupation pour les autorités : car c'était sur l'échafaud, non ailleurs, que devaient périr leurs ennemis.

Le prince de Talmond, général de la cavalerie vendéenne, avait été fait prisonnier et amené à Rennes. Ancien seigneur du pays [Note : Son frère aîné, le duc de la Trémoille, possédait en Bretagne la haute baronnie de Vitré, le comté de Montfort, la vicomté de Rennes, etc., et dans le Maine le vaste comté de Laval], il importait que lui surtout ne mourut pas en prison ; aussi , le 2 pluviôse, la Municipalité invite-t-elle la Commission à statuer sur le sort du prince dont l'état de maladie est fort grave. La Commission arrête : « d'écrire immédiatement au Comité de salut public, pour l'engager à prendre une détermination quelconque, et ce le plus promptement possible, d'autant que la maladie du soi-disant prince Talmond l'exigeait, et qu'il était urgent de le faire périr en bonne santé, pour au moins que l'exemple frappe ceux qui voudraient l'imiter ».

Autre preuve de la même préoccupation. Le 17 pluviôse, Gracchus Châlon propose d'amener devant la Commission « Olivier, dit Béleri, ci-devant chevalier de Saint-Louis et ci-devant garde du corps, aux fins d'être jugé promptement, et en ce qu'une ci-devant comtesse a pu échapper à l'échafaud, à cause d'une maladie qui l'a fait mourir, et qu'il est urgent de ne pas laisser mourir dans les prisons d'aussi gros personnages que ceux-là auparavant de connaître leurs crimes et bienfaits, si jamais ils ont su en rendre ».

Les juges étaient donc gens prévoyants, attentifs et très-désireux d'épargner aux prisonniers les longues souffrances de la maladie. Le typhus ne devait pas non plus les épargner, et on allait être forcé d'interrompre les séances du Tribunal.

Dès le 1er pluviôse, Samuel avait donné sa démission, parce que sa santé ne lui permettait plus de continuer ses fonctions. Quelques jours après Coulon et Rémacly tombent malades à leur tour, de telle sorte que, le 10, il ne se trouve à l'audience que l'accusateur et le greffier ; il ne fut donc pas possible de siéger. On décida d'interroger les prisonniers, ce à quoi on s'occupa du 10 au 17, en attendant le rétablissement de la santé des juges. L'un d'eux, du reste, ne devait plus reparaître dans l'enceinte du Tribunal.

Rémacly mourut le 15, [Note : Voir son acte de décès, pièces justificatives, n° 8] en exprimant le désir étrange d'être enterré au pied de l'arbre de la liberté. Brutus Magnier n'eut garde de laisser échapper cette occasion de se mettre en évidence ; il y voyait de plus un moyen de faire rendre des honneurs solennels à l'un de ses collègues et d'obliger toute la ville à s'y associer. De suite il se rend près du représentant Esnue-Lavallée, l'invite aux obsèques, ainsi que toutes les autorités constituées, et lui demande de prendre des mesures pour que Rémacly soit inhumé comme il l'avait désiré. A onze heures du soir, le représentant envoie à la Municipalité l'ordre de faire creuser la fosse sur la place de l'Égalité, aujourd'hui place de la Mairie.

La Municipalité et la Commission avaient des relations qui n'étaient rien moins que cordiales. Les magistrats municipaux de Rennes, républicains ardents, très-résolus à faire exécuter contre les aristocrates et les prêtres réfractaires, les sévères lois de la Convention, n'approuvaient guère les procédés de justice sommaire qu'employait le Tribunal militaire. Peut-être aussi étaient-ils jaloux de la faveur dont il jouissait près des représentants. D'autre part, les habitants de Rennes ne pouvaient voir avec plaisir cet honneur exceptionnel et assez bizarre d'une inhumation sur une de leurs places publiques, rendu à un homme étranger à leur ville et qui n'était même pas Français. Toujours est-il que la municipalité refusa purement et simplement de faire creuser la fosse.

Les représentants n'étaient point habitués à une semblable résistance, et quand ils la rencontraient sur leur route, ils savaient la briser. Esnue-Lavallée prit immédiatement l'arrêté suivant, qu'il notifia au corps municipal :

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A Rennes, le 15 pluviôse, an II de la République française, une et indivisible.

Esnue-Lavallée, représentant du peuple dans les départements de l'ouest et du centre.

Sur l'exposé fait par le président de la Commission militaire séante au ci-devant présidial de Rennes, que le citoyen Rémacly, membre de la Commission décédé ce jour, a en mourant manifesté le désir d'être placé au pied de l'arbre de la liberté ;

Considérant que le citoyen Rémacly n'a payé le tribut de la nature que par suite des travaux multipliés et des devoirs que son état lui imposait ; que l'aspect et la crainte d'une maladie pestilentielle dont étaient attaqués les brigands et les conspirateurs contre la liberté publique, loin de ralentir son zèle et son énergie, l'ont au contraire porté à sacrifier sa propre existence dans la vue d'arrêter les progrès du fléau pestilentiel qui menaçait la commune de Rennes et ses environs.

Considérant enfin que cette abnégation de soi-même mérite au citoyen Rémacly une sorte de respect pour ses derniers vœux ; que, d'ailleurs, les cendres d'un vrai républicain sont propres à enraciner et faire croître l'arbre de la liberté :

Arrête qu'en conformité des désirs par lui manifestés, et pour rendre hommage à ses vertus républicaines, le corps du citoyen Rémacly sera inhumé républicainement demain, vers les dix heures du matin, sur la place de l'Egalité et au pied de l'arbre de la liberté, où seront chantés l'ode à la liberté et hymnes analogues à la cérémonie. A cet effet, le présent arrêté sera notifié à la Municipalité de Rennes pour s'y conformer. Signé : Esnue-Lavallée.

Cet ordre précis, solennel , produisit l'effet désiré.

La Municipalité céda ; elle savait ce qu'il en coûtait de braver ouvertement les proconsuls de la Convention ; elle voulut même tâcher de faire oublier ses velléités de résistance. Dans une délibération prise le 16 au matin, délibération pleine d'humilité, elle protesta de son désir d'être toujours aux ordres des représentants, déclara qu'elle assisterait aux obsèques et que l'inhumation se ferait sur la place de l'Égalité, ainsi qu'il était ordonné (Archives municipales de Rennes. Registres des délibérations).

A dix heures du matin le corps fut amené en grande pompe sur la place ; toutes les autorités l'escortaient. Suivant le programme arrêté à l'avance, on chanta sur le bord de la tombe des hymnes républicains, puis Defiennes, dont on connaît l'éloquence, prononça l'oraison funèbre ; le texte ne nous en est pas connu, à notre grand regret.

Ce n'était pas sans raison qu'Esnue-Lavallée avait manifesté l'espoir que les cendres d'un vrai républicain eussent le pouvoir d'enraciner et faire croître l'arbre de la liberté ; ce désir était fort opportun. La délibération suivante du Comité de surveillance de Rennes nous rend compte du triste état de ce pauvre arbre, planté déjà depuis longtemps.

« Le citoyen Pellan a fait le rapport de la mission dont il était chargé au sujet de vérifier si l'arbre de la liberté était prise. Il nous a apris qu'après vérification faitte de concert avec les citoyens Bessier et Lancizeur, tous deux jardiniers, il se trouve que malheureusement l'arbre de la liberté est périe. Le Comité l'a de nouveau invité de se concerter avec les deux jardiniers ci-dessus dénommés et d'en faire part à la Société populaire et à la Municipalité, en leur témoignant notre désir d'en planter un autre ».

Le désir de ce Comité, si dédaigneux de l'orthographe, fut exaucé le 20 pluviôse. Quatre jours après l'enterrement de Rémacly, on plantait un nouvel arbre de la liberté, et toute la journée on dansait autour, c'est-à-dire, sur la tombe même de celui qu'on venait d'enterrer avec tant de pompe , — mais à qui personne ne pensait plus (Registre du Comité de surveillance de Rennes. Archives de la cour d'appel de Rennes).

(Hippolyte de la Grimaudière).

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