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Déclamations emphatiques de Brutus Magnier. Trente-cinq exécutions en deux jours. « Vive l'aimable guillotine ! ».

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Déclamations emphatiques de Brutus Magnier. Trente-cinq exécutions en deux jours. « Vive l'aimable guillotine ! ».

Stimulée par cet éloquent arrêté, la Commission donna immédiatement la mesure de son zèle. « Ayant apris » (sic), le 3 nivôse au soir, qu'il était arrivé « quelques charretées de brigands, elle se décida à travailler après eux tout de suite ». Triste travail, qui devait faire des 4 et 5 nivôse, deux des jours les plus sinistres de la Terreur, à Rennes.

Dès le 4 nivôse, huit chouans ou Vendéens sont amenés devant la Commission. Ce sont : Dominique Giraudon, de Châtillon (Maine-et-Loire), onze ans ; Pierre Brunet de Waution (Deux-Sèvres) ; Louis Blouin, de Rochefort (Maine-et-Loire) ; Francis Brunsart, praticien à Beaupréau ; Mathurin Coquereau, d'Angers, René Leduc, dix-sept ans, de Cholet ; Auguste Richet, commis d'ingénieur à Caen, et Jean Vannier, laboureur à Dompierre-du-Chemin (Ille-et-Vilaine). Tous sont condamnés à mort et exécutés le même jour, à l'exception de Dominique Giraudon « qui, à cause de son jeune âge, n'est pas susceptible de toute la sévérité de la loi, et qui sera gardé dans une maison de force jusqu'à décision de la Convention ».

Ce jugement est le premier dans lequel on trouve une de ces tirades patriotiques, ridicules, prétentieuses, mais pleines de haine, dont nous avons parlé et dont nous citerons de nombreux exemples ; il débute ainsi :

« Le sang des patriotes a trop coulé, plus de quartier pour les scélérats qui, guidés par l'esprit de pillage ou l'enthousiasme du fanatisme, ont déchiré le sein de notre malheureuse patrie par une guerre longue et désastreuse ! Ces monstres, qui voient qu'enfin la bonne cause triomphe, et que l'infâme armée, soi-disant catholique et royale, touche à sa fin, demandent grâce aujourd'hui, mais ils ne l'auront pas. Elles subsistent, ces lois qui les condamnent, et des juges révolutionnaires ne peuvent s'en écarter.

O nos braves frères d'armes, qui avez trouvé une mort glorieuse dans les combats, vous serez vengés, vos assassins vont périr sous le glaive de la loi ! ».

C'est à deux heures que fut levée la séance dans laquelle fut rendu ce premier jugement ; à quatre heure les condamnés furent exécutés ; à six heures la Commission siégeait de nouveau.

Sept Vendéens occupèrent la seconde séance ; deux furent ajournés afin qu'il fût pris des informations sur leur âge ; les cinq autres : René Clavelot, René Albert, Jean Abeilard, François Brunet et Joseph Rendu, laboureurs, originaires de l'Anjou, furent condamnés à mort. Le jugement qui les frappe reproduit sous une autre forme la méme pensée, les mêmes sentiments que le précédent, c'est une seconde variation sur le même thème.

« Enfin, cette scélérate armée catholique touche à sa fin, et ceux de cette infâme cohorte qui jusqu'à présent ont échappé à une mort justement méritée, vont incessamment la trouver, soit en tombant sous le glaive vengeur de la loi, soit en périssant de fatigue et de besoin dans les déserts où ils veulent cacher leur honte. Il ne reste donc plus qu'à se venger de ces scélérats, et à livrer au dernier supplice leurs restes épars ».

Il est bon de remarquer que les Vendéens ne pensaient point « à cacher leur honte dans les déserts, » qu'ils ne « demandaient pas grâce » non plus ; ils se contentaient de subir leur sort avec courage et résignation. Peu importait à Magnier ; il ne songeait qu'à lutter d'éloquence avec Esnue-Lavallée, et croyait impossible que cette faconde révolutionnaire ne le signalât pas à l'attention des membres du Comité de Salut Public.

Cette deuxième séance fut levée à dix heures du soir, et l'on pouvait croire que douze condamnations à mort dans la journée avaient suffi au zèle de la Commission ; il n'en était rien. Elle décida qu'elle siégerait toute la nuit.

A minuit elle commença une troisième séance qui ne dura pas moins de diz heures, et dans laquelle comparurent deux séries d'accusés. Dans la première se trouvaient : Jean Moinereau et Julien Froget qui, « à cause de leur âge tendre (treize et quinze ans), furent condamnés à être détenus jusqu'à vingt ans », et Joseph Cheineau, « absolument muet », qui, compris dans la classe des personnes suspectes, fut également reclus. Les sept autres, Pierre Féret, François Gabori, Pierre Rousselot, Pierre David, Jean Gardais, Lambert Oudiou et Jean le Simple (âgé de 17 ans), laboureurs ou ouvriers de Maine-et-Loire, furent condamnés à mort. La seconde série comprenait onze Vendéens : François Jeunet, Jean Jeunet (dix-neuf ans), Aubin Brevet, Jean Jacquet, Mathurin Martin, Mathurin Pineau, Louis Guérin, Jean Lerdeux, Alexis Bourneau, Louis Haillioux et Jean Beautnal (dix-neuf ans), laboureurs de Maine-et-Loire, et Louis Pitts, déserteur de la Légion Germanique ; tous furent condamnés à mort.

Le 6 nivôse, à midi, deux heures après la séance levée, vingt-quatre malheureux, auxquels on ajouta un autre Vendéen condamné par la Commission Frey, subirent le dernier supplice sur la place du Palais, en présence de Brutus Magnier. Pendant la journée du 5 et la nuit suivante, la Commission avait siégé dix-neuf heures et fait tomber vingt-neuf têtes ! N'est-ce pas de cette lugubre journée que s'est inspirée la tradition locale suivant laquelle on voyait parfois le sang couler à flots dans la rue de Bourbon ?

Le soir même, à 6 heures, la Commission siégeait de nouveau et condamnait à mort six paysans vendéens : Pierre Moulinière, Jean Bonnet, Pierre David, Jacques Bouraceau, Louis et Pierre Toullier, Pierre Crépelière « tout à fait idiot », et René Destouches, enfant d'onze ans, furent dans la même séance condamnés à la réclusion. On peut bien croire que ce jugement ne fut point rendu sans que Magnier trouvât moyen d'y glisser une de ces déclamations qui lui semblaient nécessaires à sa gloire :

« Voudra-t-on croire parmi nos descendants, s'écrie-t-il, qu'il se soit trouvé des gens assez scélérats, non-seulement pour ne pas aider la marche de la Révolution qui nous a délivrés des rois et des autres monstres qui vivaient du sang du peuple, mais encore pour tenter à main armée de la détruire jusque dans ses fondements ? Nos neveux se persuaderont-ils que des Français mêmes, les uns par esprit de pillage, les autres par fanatisme, d'autres par ambition, aient consenti à massacrer leurs frères, à déchirer le sein de leur patrie qui voudrait être libre.

Eh bien ! Voilà les hommes dont la guerre de la Vendée nous a fait gémir, et après cela doit-on exercer la moindre compassion en faveur des monstres qui ont fait partie de la scélérate armée catholique ? Non ! la loi les frappe de mort, et puisse-t-elle bientôt atteindre le dernier ! ».

A coup sûr de pareils jugements, lus avec emphase devant un auditoire dont les passions surchauffées ne demandaient qu'à s'exalter encore, étaient bien propres à mettre Magnier en grande estime près des patriotes ; mais enfin ce public était restreint, et il paraissait utile à la Commission que tous connussent son zèle, sinon son éloquence.

Le 8 nivôse, les murs de Rennes furent couverts de l'affiche suivante :

LA LIBERTÉ OU LA MORT
Commission Militaire Révolutionnaire
NOMENCLATURE

Des brigands de la Vendée ou de la scélérate bande de chouans, qui ont subi la peine due à leurs forfaits par jugement de la Commission militaire révolutionnaire, séante au ci-devant Présidial.

VIVE LA VENGERESSE DU PEUPLE, L'AIMABLE GUILLOTINE !

(Suit sur deux colonnes la liste des personnes condamnées par la Commission, avec mention de la peine qui leur a été appliquée. L'affiche se termine ainsi ) :

Total des scélérats condamnés à mort jusqu'aujourd'hui 8 nivôse : 45.

Total des détenus comme suspects : 14.

Vive la République !

Certifié véritable par les membres de la Commission Militaire Révolutionnaire, séante à Rennes au ci-devant Présidial.

LE P. B. BRUTUS MAGNIER, président ; Scœvola, secrétaire-greffier.

Appeler la guillotine la vengeresse du peuple était chose courante dans le langage des républicains d'alors, mais la qualifier d'aimable, est une idée dont l'honneur revient en propre à Brutus Magnier ; elle est d'ailleurs tout à fait digne d'un homme qui jugeait des idiots et les renfermait comme suspects.

(Hippolyte de la Grimaudière).

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