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LE PROCUREUR DU ROI EN BRETAGNE

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Au temps ou le Procureur du Roi exerçait sa police dans nos Campagnes.

Nous avons souvent vu le Procureur Général du roi en Bretagne exercer dans les campagnes une action de police pour maintenir l’ordre public et assurer l’exécution des Ordonnances. Ses attributions s’étendaient encore à la sauvegarde des droits de la société et des collectivités constituées. A ce propos, le Recueil des Arrêts du Parlement [Note : Recueil des Arrêts du Parlement. Rennes, Vatar, 1724] nous édifie sur les abus qui se produisaient dans certaines paroisses rurales.

***

Dans la plupart de ces paroisses, les recteurs et curés exerçaient une autorité qui s’imposait par le respect du à leur caractère écclésiastique. Si la paroisse comptait des seigneurs résidant, ceux-ci, à la vérité, limitaient leur action à la conservation de leurs droits fonciers et à la défense de leurs prérogatives, ne se souciant guère de s’immiscer dans les questions cultuelles, ni dans l’administration paroissiale. Les desservants des paroisses y gagnèrent un pouvoir quasi discrétionnaire sur leurs ouailles, trop souvent illettrées et étrangères aux questions administratives.

Si le plus grand nombre des recteurs et curés usèrent avec tact de leur influence et servirent très heureusement aux paroissiens de conseillers temporels, en même temps que de directeurs spirituels, il y en eut cependant qui se prévalurent du caractère moral dont ils étaient revêtus pour s’ériger en maîtres. Et d’abord certains abusaient formellement des perceptions cultuelles, prélevant des droits exorbitants sur les mariages et les sépultures, à tel point que le Parlement dut taxer lui-même ces cérémonies. Quelqu’égard qu’eut le Procureur Général pour le clergé provincial, il ne pouvait contenir sa réprobation en voyant des desservants, comme le recteur de Paramé, appliquer tous leurs soins « par une avarice honteuse » à amasser des biens. Sur ces conclusions contre le même recteur, la Cour interdit aux prêtres de réclamer la moindre rétribution pour droit de chappe aux services et enterrements et de s’octroyer le voile dont on couvrait la tête des enfants le jour de leur baptême [Note : Arrêt du Parlement du 4 avril 1665].

Au détriment des fabriques, d’autres desservants s’adjugeaient la totalité du luminaire et des oblations. Or, différents arrêts durent rappeler que, pour les enterrements, les cierges, placés, tant sur le maître-autel, qu'autour du corps, reviennent de moitié à la fabrique et au recteur ; que les cierges servant à la « purification des femmes » reviennent au célébrant, ceux des « épousailles » au recteur [Note : Arrêt du Parlement du 19 janvier 1701]. Sur ce qui concerne les oblations, celles qui sont déposées sur le maître-autel appartiennent privativement au recteur, tandis que les offrandes faites aux autels secondaires lui reviennent seulement pour un tiers. Le contenu des troncs et des plats était réservé à la fabrique [Note : Arrêt du Parlement du 11 juillet 1664, du 21 juillet 1692 et du 29 octobre 1718 (Arrêts communs à toutes les paroisses)].

Sur l’affectation de ces derniers bénéfices, l’opinion des magistrats a différé, car ils ont parfois jugé que les oblations des autels secondaires et le contenu des troncs et des plats pouvaient être partagés entre la fabrique et le recteur ; comme, par ailleurs, ils ont parfois estimé que le luminaire des enterrements devait-être reçu en totalité au profit des fabriques [Note : Arrêt du Parlement du 29 octobre 1701 et du 4 avril 1665].

Il y eut aussi des cas trop fréquents de confréries spoliées par des recteurs avides qui recueillaient les deniers de celles-ci, sans même s’astreindre à l’obligation des messes qui étaient dues [Note : « Il (le recteur de Paramé) s’empare de tous les deniers des confrairies du Saint-Sacrement et autres desservies en ladite église. Le plus souvent ne dit les messes d’obligation desdites frairies, non plus que d’une chapellerie qu’il doit desservir, dont il retire plus de 110 livres de rente » (Arrêt du Parlement du 4 avril 1665). — « Défense de toucher à l’argent des frairies et des troncs ». (Arrêts du Parlement des 29 octobre et 7 décembre 1718), etc...]. Les chapellenies desservies par l’église paroissiale et les fondations des défunts étaient fort négligées. Le Parlement imposa que les fondations fussent affichées dans la sacristie et qu’un tableau, rédigé par les soins du recteur, fit état du nom des fondateurs, de la date des fondations, des jour et heure de célébration des messes ou services [Note : Arrêt du Parlement du 20 septembre 1717].

Baaucoup de recteurs se refusaient à publier sans rétribution les monitoires du Procureur Général, ce qui leur valut la menace d’être saisis de leur temporel s’ils s’obstinaient dans leurs prétentions [Note : Arrêts du Parlement des 30 mars 1694, 15 mai 1717, etc. ].

L’attention de l’autorité judiciaire fut en outre, maintes fois attirée, sur les levées de deniers, de produits du sol, ou de denrées alimentaires. Sous prétexte de célébrer des messes pour la pluie, le beau temps, ou tout autre motif, le clergé battait monnaie dans les campagnes.

A cette époque, les prêtres vivant dans les villages, du service d’une frairie, d’une aumônerie ou d’une chapellenie étaient assez nombreux. On retrouve encore de nos jours leurs modestes demeures marquées d’un insigne, vase cultuel ou monogramme du Christ. Leur existence était fort simple, le casuel ordinaire et le bénéfice attaché à leur service suffisant à peine à leur procurer le nécessaire. Ces prêtres, par eux-mêmes, ou par des mandataires, ne craignaient pas de procéder à des quêtes qui venaient s’ajouter aux collectes des desservants de l’église paroissiale ; il en résultait un excès de demandes, un abus de contributions soi-disant bénévoles qui importunaient les habitants des campagnes et grevaient lourdement leur travail.

Ainsi s’explique-t-on qu’à Cleguer en Léon, l’an 1664, le recteur se joint au Général de la paroisse pour requérir qu’il plut au Parlement d'étendre sa protection sur les sujets du roi en réitérant les interdictions contre les quêtes, qualifiées ici « de tortionnaires et violentes » [Note : Arrêt du Parlement du 24 novembre 1664]. Les personnes visées — dit la requête — « obligent, par force et menaces, les particuliers à bailler blés, argent et autres denrées ». Le fil de lin ou de chanvre, le beurre, le lard constituaient généralement les « autres denrées ». La Cour infatigablement renouvelait contre les contrevenants ses menaces de poursuites en concussion et d’amende jusqu’à cinq cents livres.

En 1687, le procureur fiscal de Pontcroix fit appel à la justice supérieure en exposant que « tous les prêtres des paroisses de ladite juridiction (de Pontcroix) et nommément ceux de Poullan, Maillard, Plouaré et Goulien, quêtent impunément et font de grands lèvements de blés, argent et autres choses, ce qui est une oppression publique » [Note : Arrêt du Parlement du 13 février 1687].

La même année, le lieutenant de Louveterie du roi à Pont-Saint-Martin considère de son devoir de signaler « le désordre qui survient à la campagne du fait des prêtres qui exigent des sommes immenses, tant par quêtes, qu'autrement, sous prétexte de messes qu’ils disent aux pauvres passants et messes qu’ils doivent d’obligation » [Note : Arrêt du Parlement du 19 septembre 1687].

Pont-Saint-Martin, au sud de Nantes, est alors occupé par une forêt du roi et Jean Martin, l’officier de Louveterie, se trouve sans doute en ce lieu le seul dépositaire de l’autorité royale. Après avoir parlé avec commisération du « pauvre peuple » insuffisamment averti des décisions de justice et qu’on abuse, le lieutenant s’élève avec énergie contre la désobéissance du recteur et du vicaire de la paroisse directement mis en cause et qui n’ont tenu aucun compte des arrêts sur la matière que Jean Martin leur avait signifiés lui- même.

Toujours au pays nantais, dans une paroisse voisine, à Vallet, des exactions de cette nature sont condamnées à diverses reprises [Note : Arrêts du Parlement de 1701 et du 28 mai 1718].

La répression des abus dont sont l’objet les sujets du roi et, suivant l’expression même des textes, « le soulagement du peuple », sont les véritables mobiles de l’intervention des représentants du roi. Le peuple est une entité — on le voit — qui date bien au delà de 1789. Nous allons constater que dans chaque groupement paroissial il existait en élément constitué et une force morale capable d’agir par elle-même qui, par évolution naturelle, était destinée à prendre la place que lui réservaient les temps modernes.

L’organisation civile des paroisses en Bretagne était composée d’un Conseil, assisté de deux administrateurs dénommés, suivant le temps et les lieux, fabriciens, marguilliers, ou trésoriers. Ceux-ci avaient la garde de l’édifice et de tous les objets du culte, ils étaient responsables des deniers de la fabrique et de leur emploi, prenaient part à l’égail des impôts et le plus souvent en assumaient eux-mêmes la perception. L'administration religieuse et laïque était ainsi confondue en leurs mains.

Cependant le conseil des notables qui prit, depuis le XVIème siècle, le nom de « Général », conserva de son origine et de son cadre, le caractère spécial de l’association spirituelle que constituait la paroisse. Le jour et l’objet des réunions étaient annoncés du haut de la chaire, celles-ci se tinrent d’abord dans l’église, ensuite dans la sacristie, et c’est le recteur qui, à l'issue de la grand'messe, les présidait.

Il n’est donc pas surprenant que l’influence du chef de la paroisse se soit fait sentir dans les décisions de l’assemblée et dans la rédaction même des procès-verbaux des réunions. Cette influence alla parfois jusqu’à la manifestation d’une autorité prédominante et absolue.

Au cours des XVIIème et XVIIIème siècles, le Parlement de Bretagne, sur les instances du procureur général, ne cessa de frapper sur l’enclume pour faire admettre un règlement administratif par les assemblées paroissiales ; il y eut, malgré cela, et jusqu’à la fin, des opposants qui aimaient agir à leur guise et n’admettaient pas les ingérences du pouvoir royal dans les affaires paroissiales. Disons seulement que ce règlement imposait que les nouveaux fabriciens fussent nommés, non pas par le recteur, mais par les suffrages de l'assemblée ; qu’au cours des délibérations, le recteur fut appelé à donner le dernier son avis ; que de l’assemblée, composée régulièrement de douze membres choisis parmi les anciens fabriciens, fussent exclus tous les prêtres, même originaires, à l’exception du recteur-président ou, à son défaut, du curé ; que les délibérations fussent signées de chacun des délibérants ; que les registres des délibérations fussent déposés dans un coffre, dit des archives, fermé de trois clefs confiées l’une au recteur, les deux autres au seigneur fondateur de l’église et aux fabriciens en exercice, etc...

Le nombre des interventions du procureur du roi pour obtenir l’enregistrement et l’exécution des arrêts touchant à l’un ou l’autre de ces points est incalculable. Comme on le pense, l’application des sanctions contre les récalcitrants soulevait des difficultés graves dans nos campagnes qui, dans la force d'inertie, ont un moyen de défense puissant, et lorsque les opposants étaient les desservants mêmes des paroisses, la difficulté se présentait plus grande encore.

Il y avait cependant des abus intolérables. Ainsi, à Plouvara, missire Landelle, prêtre libre de la paroisse, de l’acquiescement du recteur, s’est emparé, « avec ses parents et les gens de son intrigue », de toutes les affaires publiques, sans que personne n’osât y contredire, de crainte de procès et surtout d’impositions illégales de tailles. Point d’assemblée régulière, point de registre de délibérations, pas de coffre d’archives..., en un mot, le désordre complet au détriment des intérêts de la population [Note : Arrêt du Parlement du 28 septembre 1715]. A Brie, diocèse de Rennes, missire André Apvril, desservant de la paroisse, s’est rendu « maître absolu » des affaires de la paroisse, — « ce qui n’est que trop ordinaire aux recteurs de province », ajoute l'avocat général du roi — et, lui aussi, de sa propre autorité, confectionne, seul dans son presbytère, les rôles des louages, « augmentant ou diminuant ceux que bon lui semble, suivant son caprice ». En outre, il dispose, sans l’avis de qui que ce soit et sans contrôle, des revenus de la paroisse qui sont assez importants par suite de fondations pour les pauvres.

On conçoit dans une certaine mesure que, lorsqu’il s’agit de publier au prône l’ordonnance de la Cour rappelant les dispositions des arrêts réglementant les affaires publiques, missire André Apvril ait déclaré qu’il n’était pas assez « bon lecturier », et les juges n’obtinrent pas davantage de voir le registre des délibérations de Brie, parce que, prétexta le recteur, le registre était « brouillé dans son cabinet ». Missire André Apvril, assigné devant le Parlement, finit par s’exécuter et sortit enfin de ses armoires le registre qu’il détenait [Note : Arrêt du Parlement du 9 octobre 1713].

A Quistinic, à Guidel, à Naizin, à Vallet et autres lieux, le clergé est mis en cause pour n’admettre au Général de la paroisse que des personnes à sa dévotion et dont il use à son gré. A Saint-Germain-en-Coglais, le sénéchal du lieu se plaint que le recteur règne en despote, faisant rédiger les rôles par ses neveux, délibérant à sa fantaisie, réduisant tout le monde à son avis par intimidation. Il en est de même à Châteaugiron [Note : Arrêts du Parlement des 28 mai, 31 août, 29 octobre, 3 décembre 1718].

Mais, toutefois, ne généralisons pas en ce qui concerne le clergé paroissial. Les tabellions des campagnes, qui étaient de petits personnages parce qu’ils savaient tenir la plume, les trésoriers des fabriques, parce qu’ils tenaient, eux, les cordons de la bourse, jouaient parfois au potentat. De leur côté, les recteurs eurent souvent à s’en plaindre. Le procureur du roi dut, contre eux, intervenir plus souvent qu’il n’aurait fallu pour mettre leur corporation à l’abri de toute critique. Plus d’une fois les tabellions, régulièrement chargés d’établir les rôles des taxes firent cause commune avec les gros commerçants qui cherchaient à porter sur leurs voisins une part des impositions leur incombant, et plus d’une fois les marguilliers furent surpris faisant ripailles et beuveries avec les deniers des fouages.

Ici encore voyons juste. Malgré ces abus d'autorité, ces évasions fiscales, et ces ripailles au compte du contribuable, le temps passé n’était pas moins bon que le temps présent ; la nature humaine, depuis des siècles, n’a guère changé.

Au cours de l’aperçu que nous venons de donner du rôle de police exercé par le procureur général du roi, on s’est rendu compte que si le peuple n’avait pas à sa disposition les moyens de protection qu’ont développé les relations sociales, la presse et l’administration départementale, les habitants des campagnes étaient défendus par le pouvoir central. Le procureur général du roi accueille les plaintes provenant des juges locaux, comme d'ailleurs de tous les dépositaires de la justice et de l’ordre à quelque degré qu’ils appartinssent, il fait procéder à des enquêtes, formule ses remontrances au Parlement de la province et requiert condamnation. Lorsque le représentant du roi sent qu’on abuse de la faiblesse du peuple, ses expressions ne manquent pas d’énergie et il ne dissimule pas l’indignation qu’il ressent. L’esprit qui émane, tant des remontrances de l’avocat général du roi, que des arrêts du Parlement, dénote un souci formel de sauvegarder les intérêts publics, de maintenir l’indépendance des corps paroissiaux et de prendre la défense des sujets du roi [Note : Arrêts du Parlement des 25 mai 1685, 10 juillet 1695, 9 octobre 1713, etc.].

Nous conclurons en rappelant l’opinion d’un homme dont la science historique fait autorité et qui, durant plus de cinquante ans, spécialement comme archiviste de la Loire-Inférieure, a dépouillé et compulsé des documents de première source où se reflète toute la vie de nos ancêtres.

En parlant de la vie des campagnes et du paysan de l’ancien régime, Léon Maitre dit : « C’est un homme comme un autre, digne de ce nom, qui a l’intelligence de ses intérêts, tout autant que le bourgeois des villes, et qui déploie une grande activité pour conserver sa situation. Il est soumis à son seigneur et à son curé... mais il gémit et proteste s’il y a lieu.

Pour le juger, il faut le voir près de son clocher, quand il remplit les fonctions de père des pauvres au bureau de charité, quand il règle les comptes de la fabrique, rédige les délibérations des assemblées ou les rôles des impositions, et choisit un régent des écoles pour instruire ses enfants. Il subit les inégalités sociales avec philosophie, parce que l’aristocratie est entrée dans les mœurs et qu’elle est une condition de l’équilibre du monde féodal. Le rôle que le paysan remplit à un degré inférieur n’est pas humiliant, car la culture du sol dont il est chargé entretient la vie du pays ; il se résigne aux labeurs pénibles, persuadé que les améliorations solides et durables sont le résultat de patientes épreuves » [Note : Léon Maitre : La Vie communale et paroissiale en Bretagne sous les ducs, et à la fin de l’ancien régime (Revue des Questions Historiques, 1911)].

Léon Maitre aurait pu ajouter que le travail de la terre était considéré comme noble dans son essence et que ce labeur avait le privilège, en Bretagne, de ne pas entraîner dérogation à la noblesse ; privilège qui peut s’expliquer par le fait que la culture du sol est un travail libre, qui ne dépend d’aucune volonté humaine, mais se trouve commandé par l’atmosphère et les saisons.

Quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, et sans attacher de regrets au passé, il est permis d’affirmer que la masse ouvrière des villes, assujétie à l’usine, est, de nos jours, assurément moins libre dans son travail et dans sa vie privée, que ne l’était, sous l’ancien régime, l’homme des champs. Quant à ce dernier si, aujourd’hui, il ne partage pas ses bénéfices avec un riche bourgeois, son propriétaire — partage autrement rigoureux que le payement des redevances de jadis, — il reste tout au moins soumis à un nouveau seigneur qui est l’Etat, lequel a simplement démarqué le procureur général du roi, pour en faire un procureur général de la chose publique.

(H. du Halgouet).

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La vie communale et paroissiale en Bretagne sous les ducs et à la fin de l'ancien régime.

Les questions de préséance à l'église divisaient âprement les paroissiens bretons et amenaient de nombreux procès ou « combats de prééminence » devant les juges royaux. Les paroisses étaient en effet aux mains d'une foule de petits seigneurs qui se partageaient les revenus féodaux et qui étaient d'autant plus jaloux de leurs prérogatives qu'il n'était pas facile de déterminer la place qu'ils occupaient respectivement dans l'échelle féodale. A titre d'exemple, M. Maitre étudie un procès qui eut lieu dans la paroisse de Mouzillon à propos de l'agrandissement du choeur de l'église et qui dura de 1636 à 1695, et un procès qui fut provoqué, en 1513, par la rivalité de deux seigneurs à propos d'une sépulture dans l'intérieur de l'église du Châtellier. Ces procès montrent d'ailleurs que le clergé n'était pas souverain dans l'église sous l'ancien régime et qu'il n'y avait souvent qu'une autorité très minime. D'autre part, vis-à-vis de l'évêque, le curé était très indépendant dans sa cure, pourvu que sa conduite fût régulière. Les procès de prééminence sont également très précieux pour la connaissance de la vie communale. En effet, de même que le seigneur défendait ses prérogatives féodales dans le choeur de l'église, le peuple à son tour prétendait être le maître dans la nef et ne se gênait pas pour y faire les installations qui lui plaisaient. Dès qu'un intérêt sérieux était en jeu, les paroissiens s'assemblaient, à l'issue de la grand'messe sous le porche de l'église, discutaient et décidaient les mesures à prendre. Ils résistaient aux prétentions fiscales des seigneurs quand ils les jugeaient excessives, n'hésitant pas à l'occasion à porter l'affaire jusqu'au Parlement de Paris et à y faire soutenir utilement leur cause. C'est ce que firent par exemple les paroissiens du Fougeray, en 1667-1670, à propos d'un droit de guet tombé en désuétude qu'on leur réclamait (Léon Maitre) .

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