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L'INSURRECTION DU LÉON EN MARS 1793.

- COMBAT DE KERGUIDU -

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L'INSURRECTION DU LÉON : COMBAT DU PONT DE KERGUIDU.

Comme nous l’avons dit par ailleurs, après une résistance assez vive, les paroisses voisines de Saint-Pol avaient semblé vouloir se soumettre à la loi de la conscription et les commissaires chargés d'assurer la levée du contingent se croyaient maîtres de la situation, lorsque tout à coup le 19 mars 1793 au soir, la ville de Saint-Pol se vit investie d'une multitude de paysans armés. Nous laissons la parole aux commissaires pour faire le récit des événements (Archives départementales, L. 85).

Nous étions occupés à quatre heures de l'après-midi (19 mars) à régulariser les inscriptions des recrues de Plouénan, lorsque nous entendons la générale ; nous descendons précipitamment de notre appartement.

Nous apprenons qu'une troupe de rebelles se porte en armes sur Saint-Pol et qu'elle n'en est pas à une demi-lieue. Quelque surpris que nous dussions être de cette irruption que rien ni dans le jour, ni dans les jours précédents ne devait nous faire craindre, nous hâtons de tous nos efforts le rassemblement de la force armée.

Il s'effectue avec une promptitude étonnante, puisque dans moins d'un quart d'heure la garde nationale de Saint-Pol, les canonniers de Morlaix, le bataillon du Calvados, tout le monde enfin est à son poste. Deux gendarmes, que nous avions envoyés à la découverte sur la route de Lesneven, reviennent au galop annoncer que les rebelles sont à l'entrée de la ville. Nous requérons les commandants d'aller de suite à leur rencontre, d'ordonner toutes les dispositions militaires propres à assurer le triomphe des défenseurs de la liberté. Le réquisitoire est exécuté à l'instant même, la force armée en ordre de bataille, ayant le canon à sa tête, marche aux rebelles : chacun de nous se place à côté d'un rang dans trois points différents. Nous étions peu avancés dans la rue Croix-au-lin, que les rebelles sont déjà au bas de cette rue. Ils ont l'audace de tirer les premiers sur les patriotes, notre canon riposte avec vivacité et notre fusillade suit de très près. Les rebelles embusqués dans les deux recoins de la rue n'en sont pas atteints et font une seconde décharge. Le canon manoeuvré avec toute la prestesse possible leur envoie coup sur coup trois différentes volées. Après quelques fusillades envoyées et reçues, le désordre se met dans le septième bataillon du Calvados, quand il voit emporter le citoyen Campy son commandant en second, atteint d'une balle à côté de l'un de nous.

Cependant le canon continuait à tirer et les rebelles à nous fusiller. Le Calvados se débande du coté de la place, nous faisons avec quelques-uns de nos officiers des efforts inutiles pour le rallier ; le canon reste abandonné aux 14 canonniers de Morlaix qui le servaient et dont cinq, l'officier compris, étaient blessés, l'un Grégoire Mercier à mort, les quatre autres plus ou moins grièvement. Ils traînent cependant leur canon au poste vis-à-vis l'église paroissiale. Les rebelles, au lieu d'avancer dans la rue Croix-au-lin, se divisent en deux groupes : l'un se porte dans la rue des Poulets pour tirer sur la place et l'autre dans la rue derrière la Municipalité pour tirer sur le poste de garde nationalile Saint-Pol qui y était établi et qui leur ripostait avec la plus grande activité.

A cinq heures et demie ils avaient entièrement évacué la ville. La consternation y était à son comble. Nous nous occupons d'abord des suites de ce combat. Nous voyons avec douleur que, outre le citoyen Campy, un grenadier du Calvados et le citoyen Grégoire Mercier cononnier de Morlaix étaient morts de leurs blessures. Nous requérons que les chirurgiens se portent promptement au secours des blessés ; nous trouvons les canonniers de Morlaix près de leur canon, le citoyen Croissant leur officier était couvert de sang, nous l'engageons à aller se faire panser, il nous répond qu'il n´a pas oublié qu'il a juré de mourir à son poste. Ses braves camarades Dubois Cadet, Francier, Guion, L'Etang, Kergoal, Roux cadet et Louis Guilard dont trois étaient aussi blessés mais moins grièvement, restent aussi fixes que lui à leur canon ; et ce n'a été qu'après leur avoir répété à plusieurs reprises que les rebelles s'étaient retirés, que leur canon placé auprès d'un corps de garde était en sûreté, que nous avons pu déterminer ces intrépides canonniers à aller se faire panser.

Nous nous sommes assurés que les chirurgiens donnaient aux blessés tous les secours de leur art et particulièrement au citoyen Figuères de Saint-Pol, blessé très grièvement d'une balle à la jambe en défendant avec la plus grande valeur le corps de garde de la municipalité.

Ces soins essentiels remplis, nous avons parcouru les différents quartiers de la ville : rendus sur la place, nous nous sommes aperçus que la plus grande agitation régnait dans le bataillon du Calvados, qu'il y circulait qu'on avait tiré sur la troupe des maisons, dans la rue Croix-au-lin, que le citoyen Campy avait été tué d'une balle partie de l'une de ces croisées et qu'enfin ce bruit s'acréditait et augmentait l'exaltation. L'on ne se proposait rien moins que de descendre dans ces maisons et chez tous les aristocrates et d'y venger à main armée la mort du citoyen Campy, de courir le lendenmin les campagnes voisines et d'y égorger tout ce que l'on trouverait de paysans.

Nous avons parcouru tous les rangs pour essayer de détruire ces inculpations atroces mises en avant contre les habitants de la rue Croix-au-lin. Placés nous-mêmes en trois différents endroits dans l'ordre de bataille, Le Denmat étant mème quasi à coté du citoyen Campy nous n'avons cependant vu tirer que du bas de la rue où étaient les rebelles. Nous avons répété cette assertion à différentes reprises, nous avons interpellé, en courant différents rangs, les volontaires qui répétaient l’assertion contraire, de nous citer les maisons d'où ils prétendaient qu'on avait tiré, aucune ne nous a été alors indiquée et chacun se contentait de répondre qu'on le disait.

Nous avons assuré au reste que les recherches et les informations les plus exactes seraient faites dès que le temps et le soin de calmer les esprits le permettraient et que les scélérats auteurs des troubles seraient livrés à la vengeance des lois, que c'était la seule voie que pouvaient adopter les soldats de la liberté. Nous avons pressé et conjuré les volontaires de garder l'attitude calme des hommes libres. Nous leur avons répété que le maintien de l'ordre pendant la nuit était confié à leurs soins et à leur civisme. On a paru nous écouter avec plaisir. Nous avons cru, au bout de quelque temps, que les esprits avaient perdu de leur chaleur, que la tranquillité se rétablissait. Après que nous l’avons crue affermie et après avoir été assurés par différents officiers que le bataillon ne s'écarterait en rien de ses devoirs, nous nous sommes retirés dans notre auberge environ neuf heures.

Nous y étions à peine que le citoyen Peychaud, notable, est venu nous dire que le citoyen Prudhomme, maire, venait d'être assassiné par quelques volontaires du Calvados. Nous nous sommes transportés de suite au bureau municipal pour nous informer sûrement d'un fait aussi surprenant et aussi atroce ; il nous a été confirmé, Nous nous rendons dans la maison du citoyen Miorcec où l'on avait assuré que le maire avait été transporté ; il n'y était pas. Nous allons de suite chez lui, nous le trouvons dans un fauteuil, couvert de sang et n'ayant pu recevoir encore aucun secours, nous avons cru qu'il expirerait avant qu'on pût en porter; l'un de nous sort chercher un chirurgien et retourné uvec le citoyen Chambonneau qui déshabille le malade, le couche pour visiter ses plaies. De la tête aux genoux, des épaules aux doigts, il était couvert de blessures ; il est pansé en notre présence, nous frémissons d'horreur, mais cette horreur augmente quand nous jetons un coup d'oeil sur l’écharpe de ce magistrat du peuple toute dégoûtante de sang, car il en était revêtu quand il a été attaqué, quand nous apprenons de lui-même que son assassinat avait été prémédité et préparé, que deux volontaires du Calvados avaient été lui dire au bureau municipal qu'on l'attendait sur la place, qu'il sortit avec eux, qu'à l'entrée de la place il leur demanda ce qu'on lui voulait et qu'un des dix volontaires qui l'entouraient dans ce moment lui répondit : « t'assassiner J. F. », qu'alors il fut frappé tout à la fois d'un sabre, d'une bayonnette et de plusieurs coups de crosse de fusils, et qu'enfin, quoique tout le bataillon du Calvados fût sur la place, ce ne fut qu'après un certain temps qu'on vint le dégager de ses assassins.

Nous l'avons laissé entre les mains du citoyen Chambonneau pour revenir sur la place ; le bataillon a paru à notre approche dans une situation assez calme. Nous n'avons pas cru devoir lui parler de l'assassinat du maire ; il était alors dix heures du soir et nous n'avions aucune force pour contenir dans le devoir une troupe aussi indisciplinée qui pouvait être aigrie par nos reproches et par le simple soupçon que nous recherchions les coupables, Nous nous sommes contentés de leur recommander de nouveau de respecter les lois et la tranquillité publique et de veiller à ce que aucun désordre ne se commit ; et, après avoir requis le commandant de poser deux sentinelles l'une dans l'intérieur l'autre dans l'extérieur de la cour du maire avec la consigne de n'y laisser entrer que le chirurgien, à moins qu'on n'y fût accompagné d'un officier municipal ou de l'un de nous, nous nous sommes retirés ou bureau municipal pour prendre des dispositions ultérieures et attendre l'arrivée d'un renfort de gardes nationales et de canonniers que nous avions requis de Morlaix par une lettre écrite à cinq heures et dont à cause des troubles nous n'avons pu garder copie.

Nous faisons au général Canclaux le réquisitoire suivant, 19 mars 1793.

« Considérant qu'un attroupement s'est porté environ quatre heures de l’après midi de ce jour sur Saint-Pol ;

Que son irruption sur cette ville a été si secrète et si subite, qu'il y était déjà lorsque toute la force armée, rassemblée, par la générale, marchait sur lui ;

Que, si cet attroupement est actuellement dissipé, il est possible qu'il se produise encore et qu'il est de la dernière importance d'établir à Saint-Pol une force imposante ;

Qu'il faut à Saint-Pol un renfort de 500 hommes bien disciplinés et commandés par un officier expérimenté et appuyé par deux pièces de canon.

Requièrent le citoyen général Canclaux ou l’officier de grade supérieur qui commande à sa place à Brest, d'envoyer à Saint-Pol dès la réception du présent réquisitoire, cinq cents hommes avec deux canons pour y tenir garnison jusqu'à ce que la loi du 24 février n'ait été pleinement exécutée dans ce canton et que la tranquillité n'y ait été consolidée par les recherches et la punition des hommes pervers qui l'y ont si cruellement compromise.

Nous envoyons à onze heures un exprès porter ce réquisitoire et une lettre écrite dans le même sens au district de Brest.

Cependant nous n'étions point tranquilles. Dans nos différentes sorties pour surveiller, nous nous sommes aperçus que le désordre continuait à régner dans le bataillon du Calvados, nous avons entendu de temps à autres tirer des coups de fusils. Et cet abus a eu lieu toute la nuit et jusqu'à l'arrivée de la garde nationale de Morlaix que nous avons attendue dans la plus grande anxiété et avec la plus grande impatience Ce renfort est arrivé un peu après cinq heures du matin le 20 ».

Le 20 mars 1793. (L. 85)

« Le citoyen Guiller, administrateur du Directoire du département, accompagnait le renfort de Morlaix. Après avoir applaudi à son zèle et à l'empressement avec lequel il est venu partager avec nous des travaux et des dangers auxquels il n'était pas dans sa commission de participer, nous l’avons instruit de tout ce qui s'était passé depuis son départ avec les citoyens commissaires de la Convention et nous lui avons communiqué le projet de proclamation à faire à la force armée et de dénonciation qui suivent.

PROCLAMATION.

Au nom de la République Française, les citoyens commissaires du département et du district et les officiers municipaux de Saint-Pol aux citoyens militaires et militaires citoyens actuellement en cette ville.

Un attroupement de scélérats s'est porté hier sur Saint-Pol…

Ces brigands peuvent l’attaquer aujourd'hui, il est donc essentiel de pourvoir à sa sûreté...

A ces causes arrêtons et requérons ce qui suit :

ART 1 — La garde de la ville de Saint-Pol est très spécialement mise sous la défense de la force armée et commise à l'honneur, loyauté, bravoure et fidélité des républicains qui la composent.
ART. 2. — Le citoyen Guégot, chef de légion, concurremment avec les citoyens Jacquinot, Elouar et Hyenne, commandera cette force et est chargé de l'employer de manière à défendre la ville de toute invasion de brigands.
ART. 3. — Il est enjoint à tous les citoyens militaires et à tous les militaires citoyens d'obéir audit commandant.
ART. 4. — Tous les citoyens militaires et militaires citoyens qui manqueront à ces règles seront arrêtés par ordre de leur chef, quel que soit son grade, dénommés au commandant si l'ordre n'émane pas de lui, et punis selon les formes établies.
ART. 5. — Le commandant, au moindre signe de danger, fera prévenir de suite les commissaires et officiers municipaux.
ART. 6. — Cette obligation d'instruire les commissaires et officiers municipaux ne retardera en rien les dispositions militaires, et il doit y être pourvu avec la plus grande célérité.
ART. 7. — La force armée ne se portera dans aucune maison de la ville hors la réquisition et la présence des officiers municipaux, mais le commandant pourra provisoirement mettre un ou plusieurs factionnaires à la porte des maisons suspectes.
ART. 8. — Tous les citoyens militaires et les militaires citoyens s'abstiendront avec le plus grand soin de tout excès de vin.
ART. 9. — La présente proclamation sera publiée au son du tambour dans tous les carrefours de cette ville et à la tête de la force armée rassemblée sur la place en bataillon carré.
Fait à la maison commune le 20 mars 1793 »
.
Jean-François HOMON, neveu ; PINCHON ; Jean-Louis LE DENMAT.

DENONCIATION.

« Considérant qu'un attroupement de brigands et de scélérats forcenés se sont portés hier sur Saint-Pol...

Considérant que cet attroupement, criminel par lui-même, l'a été encore plus par ses suites, puisque trois militaires sont morts.

Que le rétablissement de l'ordre... prescrit la nécessité indispensable d'en découvrir les auteurs, fauteurs et complices.

Qu'il est en conséquence nécessaire de faire dans les quartiers de cette commune, depuis l’hôpital jusqu'au bas de la rue Croix au lin et rues adjacentes, des informations sur des faits qui peuvent conduire à la découverte des dits auteurs et complices.

Les dits commissaires dénoncent au juge de paix le dit attroupement et le requièrent de procéder de suite à des informations exactes dans les quartiers indiqués, lui dénoncent comme témoins à interroger :

Marguerite Riou, femme de Claude Nédélec, demeurant près la fontaine du lavoir.

Jean-Francois Sévezen, greffier du juge de paix.

Jean Le Jointer, gardien des ci-devant Carmes.

Michel Combot, messager demeurant à Kergompes.

Anne Cosquer, femme de Claude Cocaign, demeurant à la Bouessière.

Pierre Le Hir, fils demeurant à Kerven, tous de Saint-Pol.

Fait en la maison commune, le 20 mars 17903, à trois heures du matin ».

« Après que le citoyen Guiller a déclaré qu'il approuvait ces deux projets, nous avons appelé les différents commandants militaires, nous leur avons communiqué la dite proclamation et l’avons lue successivement aux quatre coins de la force armée rangée sur la place en bataillon carré.

Nous avons observé, qu'entendue avec la plus grande attention et dans un silence en quelque sorte religieux par la garde nationale de Morlaix et de Saint-Pol, elle a été, au contraire, très défavorablement écoutée par le bataillon du Calvados ».

« Guiller, Le Denmat et Pinchon se rendent à la maison commune, ils aident aux officiers municipaux à répondre à des réclamations toujours renaissantes soit des habitans, soit des militaires.

Inquiets des membres du conseil général de Plouénan qui travaillaient avec nous la veille à consommer les opérations de la levée de leur contingent, nous apprenons que dix d'entre eux avaient été mis en prison ; Le Denmat s'y rend avec une forte patrouille et fait sortir avec lui ces dix citoyens et les conduit, non sans peine, à travers des groupes successifs du Calvados, hors la ville sur le chemin de leur paroisse, après leur avoir fait une exhortation civique adaptée aux circonstances.

Le maire, le procureur et deux officiers municipaux de Plougoulm [Note : C'étaient René Olier, maire, René Ollivier, procureur, Guillaume Le Glas et Trébaol] viennent nous annoncer qu'ils ont levé leur contingent et nous en remettent le procès-verbal. Nous croyons, d'après ces pièces, que ces citoyens peuvent donner des renseignements sur l'attaque de la veille, nous les faisons conduire au juge de paix sous bonne escorte.

Pinchon se rend à Taulé pour hâter la levée du contingent, Guiller et le Denmat tiennent le bureau.

Les patrouilles du Calvados ne se contentant pas de battre les campagnes environnantes et se permettant dans les maisons des cultivateurs des fouilles, nous recevons des plaintes continuelles ; nous appelons le commandant, nous lui recommandons sous peine de responsabilité, l'exécution de notre proclamation ; ou il ne fait rien pour la faire exécuter, ou ses efforts sont inutiles, car les mêmes abus se continuent.

Pinchon retourne annonçant que Taulé a fourni son contingent. Le juge de paix a terminé ses informations et a lancé mandat d'arrêt contre quatorze particuliers.

Notre courrier d'hier à Brest, ne revenant pas nous en dépêchons un second. Nous requérons de la municipalité qu'elle ordonne l'illumination (pour assurer l’ordre pendant la nuit) de toutes les maisons de la ville ; nous en parcourons tous les quartiers et nous nous assurons que toutes les mesures de sûreté ont été prises ».

21 mars 1793.
« La nuit a été tranquille, nous apprenons que depuis hier il ne s'est rien passé qui put inquiéter. Nous recevons une foule de plaintes contre les volontaires du Calvados ; plusieurs de leurs patrouilles ont dû aller dans quelques maisons en ville, forcer à leur donner à boire ; dans les campagnes elles ont pris du lard, des andouilles ; une femme se plaint que des hommes de ces patrouilles lui ont volé quelques effets de peu de conséquence, mais nous apprenons d'Olivier Grall de Kernannou qu'une autre (patrouille) a volé à une veuve de la commune de Saint-Pol une somme de 1.200 en assignats. Nous appelons le commandant, nous lui enjoignons de rechercher les auteurs de ce vol et nous lui déclarons que le bataillon en resterait responsable.

Notre premier courrier arrivé de Brest ; le district de cette ville nous apprend que le général Canclaux est à Lesneven et qu'il est à la poursuite des rebelles de cette contrée.

Nous sommes informés qu'un attroupement était formé sur la route de Lesneven et que son projet était de couper des ponts qui se trouvaient sur cette route ; nous appelons les chefs militaires et nous leur faisons la réquisition suivante :

" Sur l'avis donné à la municipalité de Saint-Pol et par suite aux commissaires soussignés qu'un attroupement se formait sur la route de Lesneven à une lieue de cette ville, nous requérons des commandants de la force armée.
1° D'envoyer un gendarme et deux gardes nationaux délite sur la route de Saint-Pol à Lesneven, à la découverte avec ordre de rétrograder pour donner avis de l’attroupement, s'il existe.
2° De rassembler de suite toute la force armée à la disposition des dits commandants et d'y choisir deux cents hommes sûrs, pour former un détachement lequel sera appuyé d'une pièce de canon et se portera de suite sur la route de Lesneven aux environs de l'Hôpital (de Saint-Pol) où il restera en fonction jusqu'au retour des gendarmes et gardes nationaux envoyés en observation.
3° Si l'avis donné de l'attroupement est confirmé, le dit détachement se porte jusqu'aux attroupés, s'en empare s'il se peut et les poursuive jusqu'à entière dispersion. Les dispositions militaires sont laissées à l'expérience et au talent des commandants.
4° Que dans le même cas, le mandat d'arrêt du juge de paix de Saint-Pol, soit exécuté à l'égard de ceux qui habitent le village de Kervren qui se trouve sur cette grande route, à laquelle fin le dit mandat d'arrêt est remis au citoyen Homon qui accompagnera le détachement. Fait à Saint-Pol le 21 mars 1793.
LE DENMAT, GUILLER, HOMON ET PINCHON ".

En conséquence de ce réquisitoire deux gendarmes et deux gardes nationaux vont à la découverte ; la générale bat, la force armée se rassemble, un détachement de 200 hommes est formé et se porte à un quart de lieue sur le chemin de Lesneven.

Les gendarmes et gardes nationaux ayant rapporté que quoiqu'ils eussent été jusqu'au pont de Kerguiduff, distant à plus de deux lieues de Saint-Pol, ils n'avaient rien trouvé, le détachement rentre à Saint-Pol à huit heures, nous avons fait illuminer la ville toute la nuit ; quatre gendarmes et huit gardes nationaux partent à dix heures pour mettre à exécution le mandat d'arrêt du juge de paix et saisir les quatorze hommes chargés dans ses informations ».

Le 22 mars 1793.
« Les gendarmes et gardes nationaux annoncent qu'ils n'ont pu saisir qu'un individu au village de Kervren.

Nous écrivons au général Canclaux pour le presser de venir à notre secours. Afin de l'en déterminer, nous lui faisons le récit de ce qui s'est passé, des renseignements que nous avons recueillis. Un courrier est dépêché pour porter cette lettre.

Après l'avoir finie nous avons reçu le rapport d'un nommé Fouché, marchand de chevaux, qui nous a déclaré qu'il avait trouvé un attroupement considérable à Berven, un autre à Plouescat, que ces deux attroupements étaient, par aperçu, de quinze mille hommes et que leur projet était d'attaquer Lesneven. Nous faisons part de ce rapport, par postcriptum au général Canclaux ».

La municipalité communiquait peu après aux commissaires une lettre du général ainsi conçue (L. 168).

Lesneven, le 22 mars 1793.

« Citoyens administrateurs, vous êtes instruits de ma marche jusqu'ici, ayant écarté les obstacles que voulaient y former les rebelles, et les ayant assez intimidés pour que la plupart paraissent venir à récipiscence et se soumetre à la loi de l'enrôlement tel qu'à Guipavas.

La seule ville de Saint-Pol m'inquiète encore ; il y faut une force imposante et, en conséquence, si je ne m'y suis pas porté avant que le quatrième régiment repasse par votre ville, je vous prie, citoyens, de vouloir bien me dépêcher ici un exprès au moment où il pourra y arriver et je lui enverrai des ordres ». Le général : CANCLAUX ».

Les commissaires répondirent immédiatement à cette lettre : « Citoyen général, nous nous empressons de vous prier de venir à notre secours le plus tôt qu'il vous sera possible ; les renseignements que nous recevons chaque jour sur les dispositions des communes qui avoisinent cette ville, et spécialement de Plougoulm, Cléder, Sibiril, Plouescat, Trefflaouénan, Guitévédé (Plouzévédé) etc., nous engagent à croire que votre présence est indispensablement nécessaire dans ces parages ; un marchand de chevaux nous a rapporté ce matin qu'il avait trouvé hier à Berven un attroupement considérable et que forcé d'aller coucher à Plouescat, il y avait trouvé un autre rassemblement de la même force, il les articule, par aperçu, à 15.000 hommes tous armés. Suivant son rapport leur projet était de fondre sur Lesneven ; plusieurs d'entre eux avaient des fusils, mais c'était le petit nombre, les armes des autres étaient des ustensils de labourage.

Notre lettre sera portée par un exprès qui gagnera Landivisiau par des chemins de traverse, le votre nous a assuré que le pont de Kerguiduff avait été coupé ; nous le croyons d'autant mieux que hier nous apprîmes que tel était le projet des rebelles. Nos forces actuelles sont d'environ 700 hommes et nous croyons qu'il en est au moins cinq cents sur lesquels on peut compter. Nous avons deux canons qui seront servis par des citoyens qui ont fait, à la journée du 19, preuve d'une intrépidité peu commune.

Cette force se portera partout où vous jugerez à propos. Si vous le trouvez nécessaire, nous ferons venir de Morlaix deux pièces de position qui seront servies par des hommes tirés des communes qui fournissaient autrefois à la garde côte et qui sont exercés au canonage. Voyez, citoyen général, où vous voulez que cette force se réunisse à celle à la tête de laquelle vous avancerez vers nous. Envoyez ici à cet égard vos ordres, Il faut absolument que la République tire une vengeance éclatante et salutaire des attentats commis contre les défenseurs de la liberté ; et puis il est temps que ce désordre finisse ; s'il durait encore, les dépenses qu'il entraine deviendraient si considérables qu'il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, d'en lever la masse sur les communes rebelles qui doivent les payer par forme de contribution militaire ».

Le lendemain 23 mars au matin (L. 168) le général Canclaux écrivait à Saint-Pol. « Citoyens administrateurs, le citoyen député par vous vient de me remettre votre lettre de ce jour. Je suis flatté des sentiments et de la confiance que vous me témoignez, je la justifierai toujours par mon patriotisme et mon zèle pour l'exécution de la loi, quoiqu'il en puisse coûter de faire la guerre à de malheureux êtres abusés et moins coupables que ceux qui les excitent et les conduisent. Je vais continuer les mesures propres à intimider les communes encore récalcitrantes, celle de Plabennec, qui devait fournir trente hommes, avait au moment où l'on m'écrivait ce matin déjà vingt-deux tirés au sort. J'espère que cet exemple soutenu par la crainte sera suivi. Le général Canclaux ».

Dans l'après-midi de ce même jour, le général apprenait de source sûre, quoique secrète, le péril qui menaçait Saint-Pol, car les paysans, craignant de s'attaquer à l'armée disciplinée du général, abandonnaient leur projet contre Lesneven pour se porter en masse sur la ville de Saint-Pol, Voici, en effet, ce que répondait le général, dans la journée du 23, aux citoyens qui lui avaient donné cet avis officieux [Note : L. 168 — la lettre ne porte aucune suscription].

« Citoyens, l'avis que vous me donnez par votre lettre de ce jour, que me remet un dragon, est d'une grande importance, telle que je ne perds pas un instant pour en prévenir Saint-Pol, si vous ne l'avez fait, mais quand même cela serait, comme je trace dans ma lettre des dispositions très essentielles pour prévenir le coup dont on menace cette ville, je vous prie d'y envoyer sur le champ un exprès, homme sûr et qui s'y rende promptement, il s'agit d'opérer une jonction à laquelle la destruction du pont de Kerguidu met obstacle.

J'avais projeté ce mouvement pour lundi, la nouvelle que vous me donnez doit en hâter l'exécution et la fixer à demain.

Cependant je pourrais vous observer que nous avions ici connaissance de cette coalition formée et peut-être forcée de quelques maires, dont celui de Trefflez s'était abstenu et sauvé ; que nous en avions même vu un des billets souscrit par plusieurs et que le complot savait avoir avorté par ma présence ici, mais ils pourraient être rejetés sur Saint-Pol et c'est aussi sans doute ce qu'il faut prévenir.

Je marcherai donc demain matin sur Berven et de là vers le pont de Kerguidu où s'avancera la colonne partie de Saint-Pol. La première arrivée travaillera à la réparation du pont.

J'espère que cette marche combinée, qui pourrait mettre les rebelles entre deux feux, les contiendra pour le moment et à l'avenir. J'aurai l'honneur de vous informer demain au soir de son succès si j'en ai le temps, au plus tard après-demain matin.

Vous pouvez être assurés, citoyens, qu'en faisant usage de cet avis, personne ne sera nommé par moi, il serait à désirer que tous les bons citoyens voulussent ainsi veiller à la chose publique.
Le général, CANCLAUX »
.

A Saint-Pol, les commissaires ne recevant aucune réponse du général étaient dans la plus grande anxiété ! ils lui écrivirent :

Le 23 mars 1793. (L. 85)

« Citoyen général, l'exprès que nous vous envoyâmes hier ne revient pas ; ce retard nous inquiète infiniment plus que nous ne pouvons vous le dire, nous craignons qu'il n'ait été arrêté, s'il l’avait été en allant vous n'auriez pas reçu notre lettre, et s'il l'avait été à son retour nous ne recevrions pas votre réponse ; nous n'avons pas de remède à ce dernier mal, mais nous vous adressons copie de nos deux missives d'hier.

Nous apprenons par voie sûre que le pont de Kerguiduff est coupé, les attroupements se continuent aussi, mais c'est hors le district de Morlaix ; nous avons été informés ce matin que 3.000 hommes s'étaient portés à Plougoulm, que les habitants de cette commune s'étaient refusés de se joindre à cette horde de scélérats dont le projet était de fondre de nouveau sur Saint-Pol, d'où nous concluons que cet attroupement n'était formé que des communes de l'arrondissement de Lesneven dans ce voisinage, car nous sommes sûrs que celles de Saint-Pol, Plouénan et Taulé sont parfaitement tranquilles, nous vous réitérons, citoyen général notre prière de vous rendre incessamment dans cette ville ».

« Nous recevons avis du comité de surveillance de Landivisiau qu'un attroupement devait se porter sur cette ville, (Saint-Pol) nous appelons les commandants, nous leur participons cet avis et nous les requérons de faire toutes les dispositions militaires que peut exiger la défense de la ville, Il est arrêté entre eux et nous que quelques retranchements seraient établis sur le chemin de Lesneven, que les postes avancés seraient doublés, que de deux heures en deux heures des gendarmes et des gardes nationaux seraient envoyés à la découverte sur les chemins qui conduisent aux communes coalisées, que des vigies seraient établies dans les tours ».

Nous recevons une lettre du général Canclaux annonçant qu'il marcherait le 25 [Note : Nous avons vu plus haut que le général avait devancé d'un jour sa marche sur Saint-Pol, et nous allons voir que Saint-Pol eut avis de ce changement par un message de Landerneau] vers Saint-Pol ; nous y répondons immédiatement :

« Citoyen général, nous avons communiqué votre lettre aux commandants de la force armée à Saint-Pol, ils ont arrêté qu'ils porteraient 400 hommes, lundi 25, au pont de Kerguiduff, cette force sera appuyée par un canon et suffira sans doute pour protéger d'une manière efficace le rétablissement du passage. Pour qu'il puisse être effectué avec plus de soin et de célérité nous écrivons à Morlaix pour demander l'ingénieur des Ponts et chaussées qui y réside et nous comptons bien qu'il sera ici dès demain, d'après renseignements reçus ce pont n'est pas un ouvrage de conséquence ; c'était un pont plat de 24 pieds de hauteur à peu près, il sera d'autant plus facile à reconstruire qu'on m'assure que, non loin de là, se trouvent des arbres propres à cet emploi. Ce pont est à deux lieues de Saint-Pol et la force armée que nous destinons à y marcher partira d'ici lundi à telle heure que vous jugerez convenable de lui prescrire par le retour de notre exprès.

En attendant, les commandants viennent de concreter les mesures de défense que, d'après un avis de Landerneau, il nous a paru à tous nécessaire de prendre pour la sûreté de cette ville ; cet avis porte qu'elle doit être attaquée demain par une horde de brigands des paroisses de Cléder, Sibiril, Plougoulm, Trefflez et autres au nombre de treize et le rapport de l'exprès qui nous a remis cette lettre le confirme.

Qu'ils se présentent quand ils voudront, nous sommes en état de les recevoir et nous les attendons de pied ferme. Rien ne nous tourmente plus que les délais dont on est forcé d'user pour réduire les rebelles, la lenteur peut les enhardir et en accroître le nombre ; c'est le cas de brusquer et puis, en outre, les dépenses s'accroissent, les gardes nationals de Morlaix sont cruellement vexés par un aussi long service hors de leurs foyers.

L'homme que nous vous envoyons prendra la route que vous nous indiquez et nous lui donnerons les instructions que nous croyons les plus propres à assurer sa marche, son arrivée et son retour. Nous avons oublié de vous dire que l'eau de Kerguiduff est assez forte et très rapide dans son courant ».

24 mars 1793. (L. 85).
« Le commandant du Calvados vient à six heures du matin nous communiquer une lettre qu'il vient de recevoir du général Canclaux, lui donnant ordre de partir ce jour-là même avec 400 hommes et une pièce de canon, au pont de Kerguiduff où il se réunirait à la force de Saint-Pol, et de commencer s'il arrivait le premier, le rétablissement de ce pont.

Les autres chefs militaires appelés prennent aussi connaissance de cette lettre. Aussitôt, nous faisons travailler aux préparatifs de ce départ ; nous faisons délivrer les munitions de guerre, nous ordonnons l'apprêt de celles de bouche, nous faisons fournir des bois pour le rétablissement du pont et nous rassemblons tout ce que nous pouvons d'ouvriers ; la générale est battue, le détachement est formé de 340 hommes du Calvados et de 60 gardes nationals dont 40 de Morlaix et 20 de Saint-Pol.

A neuf heures tout est prêt, le détachement part. Guiller et Pinchon l'accompagnent; le reste de la force armée qui ne sert pas, soit dans les postes avancés, soit dans les corps de garde, soit dans les tours, demeure en bataille sur la place.

A une lieue et demie de Saint-Pol le détachement à eu connaissance d'un attroupement considérable qui quoiqu'éloigné a tiré sur lui, Le commandant s'est emparé d'une éminence et de là a fait tirer sur les rebelles trois coups de canon qui les a dispersés.

L'armée s'est remise en route et bravant les fusillades dont les brigands la harcelaient de temps en temps elle s'est empressée de se rendre au pont pour que les attroupements qui semblaient la suivre sur les flancs ne s'en fussent emparés avant elle.

Elle est arrivée au pont à onze heures et demie. Les ouvriers ont commencé de suite son rétablissement sous la protection d'un peloton. Les rebelles se sont alors approchés de l'armée et ont fait feu sur elle par derrière les hayes et de dessus les coteaux voisins. Le canon placé pour les déloger y a réussi, mais en se divisant ils ont filé derrière le long des fossés et fusillé tantôt de près, tantôt de loin.

Le commandant a fait faire un bataillon carré qui a riposté des quatre parties, il a ensuite ordonné la charge, mais au moment qu'on allait l'exécuter, l’essieu du canon a rompu et la troupe a été obligée de tenir de pied ferme et de fusiller de cette position en attendant le général.

Il est arrivé à une heure et demie, Il s'est porté sur la hauteur au-dessus du pont, il y a établi la pièce de canon de 4 qu'il avait amenée avec lui. Le feu vif de cette pièce a dispersé les rebelles, le pont a été fini, le général l'a passé avec son armée.

Cependant les rebelles se rejetèrent avec opiniâtreté du côté où était le détachement de Saint-Pol et soutenaient un feu roulant ; le général a couru alors au bataillon du Calvados et l'a mené, pendant un feu continuel du canon, la bayonnette au bout du fusil contre les rebelles. Ils ont tenu quelque temps, mais enfin ils ont pris la fuite, les moins alertes ont été pris ou tués.

Le général s'est disposé alors à se rendre à Saint-Pol. Dans la route une troupe fraîche de rebelles venant du côté de Landiviziau a eu l'audace d'attaquer l’arrière-garde de l'armée. On a fait halte, la pièce de canon a été portée de ce côté ; il a fait quatre décharges qui ont tué plusieurs rebelles et mis les autres en fuite. Ils ont cependant paru suivre l’armée de loin ; mais comme il était tard et que leur projet paraissait être de retenir notre armée en route pour la fusiller plus sûrement par dessus les fossés, le général a continué sa route, il est rentré à Saint-Pol à dix heures du soir.

Guiller et Pinchon attestent ici que tout le monde en général a fait son devoir dans cette périlleuse affaire ; mais ils attestent surtout que le général Canclaux s'y est distingué par une bravoure et une habileté de manoeuvre et par un dévouement dont on ne peut avoir une idée, sans en avoir été témoin. Ils rendent la même justice à ses deux aides de camp La Valette et Mayer qui ont exécuté à travers les dangers, les ordres du général, avec une intelligence et une promptitude au-dessus de tout éloge.

Après l'arrivée du général, on lui a rendu compte des mesures de sûreté qui avaient été prises et il en a indiqué d'autres.

Les cinq prisonniers arrêtés ont été mis en prison et dénoncés au juge de Paix.

Nous nous sommes fait rendre compte du nombre et de l'état des blessés par les citoyens l'Allemand et Decourt chirurgiens à la suite de l'armée, il en est résulté qu'ils étaient au nombre de huit plus ou moins grièvement blessés, ils nous ont assuré que la vie d'aucun d'eux n'était en danger ».

Le citoyen Prat, qui accompagnait le général Canclaux en qualité de commissaire, après être resté quelque temps à Berven avec 50 hommes, avait rejoint le gros de l’année dès qu'il avoit entendu le canon du côté de Kerguidu « où nous sommes arrivés, écrit-il (L.16) dans la chaleur de l’affaire et si notre armée que nous y avions rejointe une demi-heure après son arrivée, n'était pas venue en cet instant, nos frères d'armes de Saint-Pol étaient sacrifiés ». Après bien des décharges de part et d'autre, surtout de canon, nous avons pu faire fuir nos brigands qui ont blessé 7 à 8 de nos camarades.

Je ne puis, citoyens collègues, vous rendre compte de la perte de nos ennemis, mais je puis vous assurer que j'ai vu plusieurs de ces grandes culottes dégringoler les fossés. Nous avons fait cinq à six prisonniers parmi lesquels il y a une femme qui a été blessée et sur laquelle on a trouvé encore deux pistolets.

Le général s'est comporté dans cette affaire comme un Dieu ; un officier du Calvados a été légèrement blessé à ses pieds ; je me rendais dans ce moment, autant que mon cheval avait de jambes, auprès du général, pour lui rendre compte du motif qui nous avait porté à quitter Berven. La troupe a arrêté mon cheval et m'a engagé à descendre parce que les balles tombaient en ce moment comme grêle. J’ai mis pied à terre et ai mis en main les pistolets de l'aristocrate Kerven et comme ils ne portaient pas bien loin, j'ai attendu que les ennemis se fussent approchés d'assez près pour pouvoir les essuyer, mais on m'a dispensé, car personne ne s'est mis à portée.

J'ai trouvé le citoyen Guiller dans l'armée et je lui ai témoigné ma surprise de ce que des administrateurs fussent forcés de se trouver quelquefois au feu ; il en a ri et moi aussi et nous avons été assez contents de nous mêmes car quoique nous ayons été dans le poste où le feu était le plus fort, nous ne nous sommes pas trouvés déconcertés et nous avons prévu que nous pouvions assez nous faire à cette sorte de farandole.
Signé : PRAT »
. [Note : Prat était administrateur du district de Lesneven].

Par cette lettre dans laquelle le citoyen Prat témoigne assez naïvement de sa valeur, nous apprenons d'un témoin autorisé que sans l'intervention du général Canclaux, le balaillon du Calvados eut été impuissant à résister aux paysans à Kerguidu et à protéger la ville de Saint-Pol. Tout l'honneur de cette journée revient donc au général en chef qui allait encore intervenir pour la parfaite soumission à la loi et la punition des coupables. Mais avant de dire un mot de cet épilogue fatal, nous allons entendre le citoyen Cahel, commissaire de la convention, nous raconter les opérations pour la levée du contingent dans le Bas-Léon du côté de Lesneven et Plouzévédé. Sa lettre est écrite le jour même de la bataille de Kerguidu le 24 mars 1793 (L. 16).

« Citoyens collègues, à la réception de la commission que vous me délégâtes, je m'empressai de faire exécuter la loi du recrutement. Le principe de cette opération m'annonçait un succès flatteur pour sa continuation avec tranquillité, mais je me suis trompé.

Lesneven fut le premier à fournir son contingent et le fit au gré de notre satisfaction commune ; nul ne fut obligé de mettre la main au chapeau. Nos jeunes concitoyens s'inscrivirent volontairement jusqu'au complétement du nombre exigé deux, Languengar [Note : Languengar, ancienne paroisse annexée depuis le Concordat à la paroisse de Lesneven] en agit de même ; nous nous rendîmes ensuite au Folgoët pour le contingent de Guicquelleau [Note : Guicquelleau, ancienne paroisse dont le siège est maintenant établi au Folgoët], ce fut là le principe de tous nos scènes aussi scandaleuses que funestes. Les jeunes citoyens de cette paroisse s'y étaient rendus et nous attendaient depuis sept heures et demie du matin ; nous y arrivâmes à neuf heures et le nombre des étrangers qui s'y trouvaient des paroisses voisines armés de bâtons, excédait de beaucoup le nombre des jeunes gens de Guicquelleau qui y étaient sans armes et nous paraissaient dociles et prêts à se soumettre à la loi s'ils n'avaient été entravés par le grand nombre de ces insurgés qui menaçaient de fendre la tête au premier qui entrerait dans l'église où nous étions pour leur faire fournir leur contingent.

D'après ces menaces et celles faites au citoyen Barjou, officier municipal en écharpe dont j'étais accompagné, je fis venir un gendarme et l'envoyai requérir une force armée à Lesneven pour dissiper ces rebelles. La troupe arriva et à son arrivée tous les mutins prirent la fuite. Ils furent quelque temps poursuivis par nos dragons de Brest et nos chasseurs de Lesneven qui n'en purent faire aucun prisonnier, ils tirèrent après eux quelques coups de pistolets mais il ne nous est pas parvenu qu'ils eussent blessé aucun. Ces scélérats chassés, la jeunesse de Guicquelleau, rentrée dans l'église, fournit son contingent en présence de nos frères d'armes aux cris de vive la nation ! vive la république !

Cela fait je me rendis à Plounévez qui fournit sans murmurer le nombre d'hommes qu'on lui prescrivait.

Je fus ensuite à Kerlouan, uniquement escorté de chasseurs de notre ville et d'un gendarme. A un gros quart d'heure de ce bourg, le maire et la municipalité en écharpe me vinrent annoncer qu'un attroupement considérable des paroisses de Plouguerneau et Guisseny, s'était formé au dit bourg pour y empêcher le recrutement, qu'ils n'y étaient pas en sûreté de leurs jours et qu'ils nous conseillaient de nous retirer, craignant qu'en y passant nos jours eussent été en danger. Je leur répondis que je ne me laissais pas intimider et que j'irai là où mon devoir m'appelait. Je m'y rendis donc avec eux et, arrivé, je vis que ce n'était que trop vrai ; leur nombre était de plus de 3.000 individus. A cheval et décoré, à la tête de nos chasseurs je les haranguai et au nom de la république et de la loi j'invitai les jeunes citoyens de Kerlouan à s'arranger à ma gauche et aux rebelles de se retirer. Les jeunes gens de Kerlouan défèrent sur-le-champ à mon interpellation et après avoir fait défiler mon escorte dans le cimetière, descendu de cheval, j'y entrais aussi avec les jeunes gens qui tous m'assurèrent être disposés à satisfaire à la loi ; mais dans l'intervalle un de nos chasseurs ayant dit à un des mutins de mettre bas son bâton ou qu'il eut à le lui donner, il reçut d'un autre un coup de pierre à la figure dont il eut deux dents rompues. Son premier mouvement fut de tirer d'un coup de pistolet celui qui l’avait frappé et ce coup tiré, les rebelles s'enfuirent à toutes jambes et se réunirent tous dans un pré non loin de nous d'où ils nous faisaient mille gestes menaçants. Nous entrions dans l'église lorsque les chasseurs nous annoncèrent que ces factieux en se retirant disaient qu'ils allaient s'armer de fusils et d'autres instruments pour tomber de nouveau sur nous ».

« Dès lors le maire et les officiers municipaux, les jeunes gens même de Kerlouan nous engagèrent de grâce à nous retirer parce qu'ils n'étaient pas assez forts ni assez nombreux, surtout n'étant point armés, pour soutenir un choc contre ces malfaiteurs et qu'ils ne pouvaient répondre ni de nos jours ni des leurs et m'assurèrent qu'ils tireraient entre soi comme ils avaient fait déjà, ou qu'ils viendraient à Lesneven.

Nous nous retirâmes donc et depuis, occupés à réduire les paroisses mutinées, nous n'avons point encore fait à Kerlouan fournir son contingent, mais ils le fourniront des premiers jours.

Jusqu'à présent vous n'avez rien appris des horreurs qui nous affligèrent, des dangers éminents (sic) qui nous désolent encore.

Lannilis fut le premier théâtre de la vraie guerre civile. Un détachement de cent hommes envoyé de Brest pour y ramener la paix, y a éprouvé les plus vives attaques, la route de Brest interceptée par un autre rassemblement au bourg de Plabennec qui avait coupé un pont sur cette route ; nos frères d'armes à Lannilis s'adressèrent à nous, nous y portâmes toutes nos forces et cette paroisse de Lannilis est venue à récipiscence et a fourni son contingent.

Nos gardes nationales non soldées sont depuis hier rentrées dans leurs foyers, le surplus de la troupe est toujours à Lannilis et doit se porter vers Plourin, Landéda ou Plouguemeau, si ces paroisses ne viennent pas à se soumettre à la loi.

Nous avons eu six ou sept blessés et un dragon de Brest, Corbé, homme de courage et de vertu, a été tué par-dessus la haie en essayant de porter une dépêche de Lannilis à Brest.

Le nombre assuré des mutins tués à Lannilis est de 18 à 20, au nombre desquels se trouvent, m'a-t-on dit, deux prêtres. Le nombre pourrait être plus considérable et on le présumé fort en ce que ces scélérats remportaient sur-le-champ les cadavres des leurs.

A Plabennec l'attaque a été infiniment plus vive. Les scélérats fanatisés en ont été repoussés sans perte aucune de notre parti mais bien une de plus 600 hommes du côté de nos ennemis, puisqu'à regret il faut que nous les appelions tels, et leur perte eut été presque innombrable sans la grande prudence du général Canclaux.

Après cette leçon, cette paroisse est revenue de son opiniâtreté et a fourni hier son contingent.

Je ne vous parlerai pas des désastres de Saint-Pol, le citoyen Guiller n'aura pas manqué de vous instruire.

Notre position actuelle n'est pas moins critique ; jeudi au soir une armée de mandrins de plus de 4.000 hommes marchaient vers nous et s'était rendue jusqu'à une petite lieue de notre ville (Lesneven) ; elle s'était grossie de cette force parce que partout où ils passaient ils forçaient les municipalités et les communes à les suivre, emportant partout les poudres et plombs qu'ils trouvaient et forçaient même les municipalités à leur signer des actes de coalition tendant à opérer la contre-révolution. Plusieurs municipalités sont venues depuis faire leur rétractation. Le but de ces misérables, nous a-t-on déclaré, était de fondre cette nuit sur nous, brûler la ville, s'emparer de nos armes, de nos munitions et de nous faire, suivant eux, grossir leur troupe et, par suite, se transporter à Brest pour en faire le siège.

Je laisse là leur délire ridicule, mais, quoi qu'il en soit, s'ils n'avaient été instruits au pont du Chatel, que nous avions à Lesneven une force imposante (ce qui fut heureux pour nous car la veille, mercredi, nous en étions absolument dénués, les ayant fait passer à Lannilis) ils tombaient sur la ville et nous faisaient un mauvais parti.

Aujourd'hui, nous ne sommes pas beaucoup plus tranquilles. Un bon citoyen de Plouescat en arrive ; un attroupement considérable s'y préparait, lorsqu'il est parti, et il doit se joindre aux paroisses de Cléder, Plougoulm et Sibiril ; il a eu crainte d'être forcé à les suivre, il s'est sauvé à la dérobée et il n'était pas à une demi-lieue de Plouescat qu'il y a entendu le tocsin. On ne sait si ces malheureux se porteront sur Saint-Pol ou sur nous. Ce qui est heureux pour nous, c'est que nous avons ici dans le moment le détachement de Plabennec qui y est arrivé ce matin ; il est d'environ 300 hommes et le général Canclaux qui est parti ce matin avec 400 hommes et une pièce de canon pour favoriser la réparation du pont de Kerguidu à une lieue de Saint-Pol, doit s'en retourner ce soir à Lesneven et si ces téméraires se portent sur notre ville, nous osons nous flatter de les repousser avec avantage ».

Cette lettre était complétée le lendemain 25 mars, par le postcriptum suivant :

« La nuit dernière s'est passée ici dans le calme ; le général Canclaux ne s'est pas rendu hier soir à Lesneven, Il a dû essuyer une attaque entre Saint-Pol et ici, si nous en jugeons par les coups de canon entendus de ces côtés.

Je suis avec civisme et fraternité votre zélé concitoyen, Cahel, commissaire délégué de la Convention ».

Les dépositions reçues par le Comité de surveillance de Landerneau (L. 143) nous fournissent des détails intéressants sur l'attitude des paroisses voisines de Saint-Pol dans cette grande journée du dimanche 24 mars, notamment dans les paroisses de Plouvorn et Plouzévédé.

Le 25 mars s'est présenté devant le Comité « le citoyen Ouroual, curé (constitutionnel) de Plouvorn qui a déclaré que hier 24 une troupe de deux à trois cents habitants de la paroisse, ayant à leur tête le maire, le procureur de la commune et le secrétaire greffier, vinrent au presbytère entre midi et une heure, tous armés de fusils, bâtons et fourches, qu'ils forcèrent la grande porte de la cour et, étant entrés, ils dirent au citoyen Ouroual : Donnez-nous votre neveu ou vous aurez la mort ici — que le neveu parut et dit ou curé : — mon oncle, laissez-moi partir pour vous sauver la vie, mais je pars malgré moi, cédant à la force — que le nommé François Le Boulis de Mesangroas, proche de Troërin, qui avait été forcé de marcher, apprit à son retour au curé, qu'il y avait eu (à Kerguidu) beaucoup de tués et de blessés parmi les rebelles et que, s'ils avaient eu le dessus, leur intention était, en revenant, d'égorger le citoyen Ouroual. Que Jean Plantec du bourg dit aussi au curé que le maire à la tête de la troupe était armé d'une baïonnette ou autre fer tranchant au bout d'un bâton ».

François Ouroual, neveu du curé, ajoute que les rebelles disaient : il faut tuer tous ceux qui refusent ou qui ont refusé de marcher.

Devant le même comité, le 28 mars 1793, (L, 143) se présentait Yves le Roux, procureur de la commune de Plouvorn, qui a déclaré « qu'étant assemblés en la commune le dimanche 24 environ deux heures de relevée, Héry Rannou du lieu de Kerveguen Bihan en Plougoulm, armé d'un bâton garni d'une bayonnette et Alain Berthou de Kerogan en Guitévédé se présentèrent et demandèrent secours disant que l'intention (de la troupe) était de mettre le feu à Plougoulm et Plouzévédé, que même les habitants de Saint-Pol l'y avaient déjà mis.

Qu'il avait appris du bedeau, qu'après le son de l'assemblée, les femmes avaient elles mêmes sonné le tocsin, que malgré les vives sollicitations d'Alain Berthou et Héry Rannou, ils résolurent de ne point déplacer. Que ces deux particuliers sur le refus de la municipalité d'obtempérer a leur demande, se mirent à haranguer le peuple qu'ils trouvèrent disposés à marcher à Plouzévédé, qu'il se portât en foule en la maison commune pour avoir d'elle une garantie et un ordre de marcher.

Que Penoignon, Porz du Barbu en Mespaul et Jean Grall de Kerdren étaient les trois particuliers les plus animés et qui menaçaient le peuple, qu'ils se permirent des menaces contre le maire s'il ne consentait à lui donner un ordre de marcher, ces menaces ne s'adressant du reste qu'au maire, quoique le conseil municipal fut presque complet.

Que lui, procureur de la commune, harangua seul le peuple, l'invita à s'apaiser et, pour l'y engager, il tira de sa poche un livre intitulé : Les Colloques du Calvaire ; qu'il pria un de l'assemblée d'en lire quelques articles et qu'après cette lecture, si elle persistait encore dans son dessein, il aimait mieux être massacré sur les lieux.

Que le maire, à son tour, après avoir harangué le peuple, déclara qu'il aimait mieux marcher à la tête que de se voir assassiner, que d'ailleurs deux notables, Yves Colliou du moulin de Tronlen et François-Marc de Kerziolou dirent qu'il fallait mieux marcher en braves que de se voir égorger en poltrons. Qu'il entendait de toute part dans l'assemblée nombreuse qui couvrait le cimetière, que l’on mettrait le feu chez tous ceux qui ne voudraient point marcher et qu'on les massacrerait sans rémission.

Que lui, le secrétaire greffier et le bedeau demeurèrent dans la maison commune pour serrer les papiers et laissèrent partir le maire et les autres officiers municipaux avec le peuple ; qu'étant descendu, il aperçut qu'on s'était mis en marche, ce qui lui laissa la liberté de se retirer chez lui, ce qu'il n'effectua qu'après avoir mangé un peu de pain. S'étant aperçu que ses garçons n'étoient point à la maison, étant allés faire leurs prières à Mespaul, il vit arriver chez lui deux particuliers de Cléder qui lui sont inconnus, mais dont un est le filleul de sa femme, ces particuliers revenant de la troupe (de Kerguidu) lui racontèrent qu'ils y avoient vu beaucoup de blessés et quelques-uns de morts, que ne pouvant plus y tenir, à défaut de nourriture, ils s'en étaient retirés.

Après leur avoir donné à manger et soigné ses chevaux, il prit, environ cinq heures, son fusil qui n'était point chargé et auquel la pierre manquait et se rendit jusqu'à Sainte-Catherine chez Marie Bastard, veuve Pelleter, où il le déposa ; déclarant d'ailleurs qu'il ne fit cette démarche que pour éviter le ressentiment de ses concitoyens qui n'auraient pas manqué de lui faire un mauvais parti, s'ils avaient su qu'il était demeuré chez lui.

Que dès qu'on sut qu'il était dans cette maison on vint l'inviter à venir voir le bras de Penoignon qui avait été blessé dans l'action et qu'il y mit un appareil ; qu'il y apprit aussi que Jean Saout, domestique de l’ex-curé, avait les deux pieds percés par une balle et qu'il était déposé au lieu de Kerverguen-Bras et qu'il s'y transporta ».

Interrogé s'il n'avait pas été sollicité par les municipalités voisines de prendre les armes, a répondu.

« Que Alain Grall de Levenan en Guitévédé leur fit parvenir mercredi ou jeudi un billet portant invitation de fournir main forte à la commune, que Jean Prigent, maire de Guitévédé, vint dimanche à Plouvorn pour engager la jeunesse à se mettre en route et à refuser de tirer au sort ».

Interrogé s'il y a eu une assemblée à Berven a répondu :

« S'y être rendu vendredi ; qu'au dit bourg il trouva Yves Mesguen, juge de paix, Jean Brannelec du Dulach en Guitévédé et Jean André de Kerham qui lui dirent que les habitans de Cléder et Guitévédé s'étaient portés à Plouescat où ils s'emparèrent des poudres et plombs qui y pouvaient exister, n'ayant pu s'en procurer ailleurs pour de l'argent. Ces munitions, disaient-ils, étaient pour se défendre en cas d'attaque ; que de Plouescat ils dirigèrent leur route par Guinevez (Plounévez) pour y passer un compromis engageant toutes les paroisses signantes à se porter un mutuel secours et à marcher vers Lesneven suivant la résolution qui aurait été prise à Guinevez, le dit compromis étant signé, autant qu'on s'en souvient, des maires de Plouescat, Guinévez, Plouzévédé ; ne pouvant assurer si le maire de Saint-Vougay était signataire ».

Il résulte de ces dépositions et de plusieurs autres faites dans le même sens, que les principaux meneurs de la paroisse de Plouvorn dans cette affaire furent François Penoignon domestique d'Hervé Penguily du Cosquer-Bras, Jean Saout domestique de M. Le Bihan, ancien recteur, dépossédé par Ouroual, et une femme du bourg, Augustine Amice, qu'un témoin déclare avoir été par ses propos « la principale agente de la révolte ».

D'après ce que nous venons de dire du mouvement général des populations du Léon, notamment dans cette journée du dimanche 24 mars, on comprendra que les routes étaient peu sûres pour des étrangers et dès lors on s'étonnera moins des malheurs d'un huissier mal avisé qui eut l'imprudence d'entreprendre, ce jour là même, le voyage de Saint-Paul à Landerneau. Voici comment il raconte lui-même son aventure (L. 143 ) :

« Vallegan, huissier de Landerneau, rapporte que dimanche 24 mars ayant parti de Saint-Paul environ six heures du matin pour se rendre à Landerneau, ayant fait environ une lieue, il a été attaqué par vingt paysans armés de fusils et deux femmes, l'une armée d'une fourche de fer et l'autre ayant un long bâton où il y avait une lame de coute au attachée au bout.

Qu'étant rendu environ dix pas de ces paysans et de ces deux femmes placés auprès d'une grande croix de pierre à la droite du grand chemin venant de Saint-Paul à Landiviziau, trois des dits paysans m'ont couché en joue et m’ont dit d'arrêter ou qu'ils allaient me brûler la cervelle et l'une des femmes a dit à l'un d'eux « Jean, tue-le ! », mais que le plus ancien des dits paysans a dit qu'il ne fallait pas me tuer et ils m'ont fait asseoir près la dite croix où ils m'ont fouillé en me faisant tirer mon habit qu'ils ont tourné à l'envers, ils m'ont fait de même déboutonner ma culotte où ils ont également fouillé ; en sus un d'eux a tiré une corde de dessous son habit et m'a dit de m'habiller ce que j'ai fait et il m'a dit de lui donner mon bras, ce que j'ai fait et il m'a attaché contre la dite croix, m'ayant pris un pistolet dont j'étais armé et ma cocarde qu'ils ont foulée aux pieds en me disant qu'ils en feraient autant à la nation et à leurs intrus.

Les ayant priés de lire les papiers dont j'étais muni concernant mon état d'huissier, ils ont répondu qu'ils ne savaient pas lire et qu'ils allaient me conduire au bourg de Plougoulm.

Une demie-heure après que j'ai été arrêté et fouillé il est venu un homme les trouver lequel m'a interrogé en français et me demandant si je n'étais pas un commissionnaire de la nation et si je n'avais pas de papiers contre eux.

Lui ayant dit que non et lui ayant offert de les lui faire voir il m'a dit qu'il ne savait pas lire, et il a parlé aux autres paysans, mais je ne sais pas ce qu'il leur a dit, leur ayant parlé bas, mais il leur dit à haute voix qu'il fallait me conduire au bourg de Plougoulm où étant arrivés ils m'ont conduit chez un homme qui après plusieurs questions a lu nos papiers et leur a dit que je n'avais rien contre eux, que j'étais un huissier et non un espion et qu'ils pouvaient me laisser aller en toute assurance et a réprimandé les quatre paysans qui me conduisaient de ce qu'ils m'avaient arrêté, mais ils lui ont répondu que cela ne le regardait pas et qu'ils savaient ce qu'ils faisaient ; qu'ils avaient été trompés par plusieurs espions qui avaient passé.

Cet homme leur ayant dit de me vendre mon pistolet, ils s'y sont refusé et m'ayant reconduit auprès de la croix ils m'ont dit que j'étais bien heureux qu'ils ne me tuaient pas, et étant au pied de la croix ils m'ont fait promettre que je ne prendrai jamais les armes contre eux ni pour les intrus, et qu'ils ne voulaient que la paix et désarmer les gens des villes.

Sur ce ils m'ont dit que je n'avais qu'à m'en aller, ce que j'ai fait ».

(abbé Peyron).

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