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LA FRONDE EN BRETAGNE DE 1648 A 1653

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FRAGMENT DE L'HISTOIRE INÉDITE DU PARLEMENT.

La Fronde sont des troubles qui éclatent entre 1648 et 1653 durant la régence d'Anne d'Autriche et le ministère de Mazarin. Le Parlement s'oppose aux réformes de Mazarin concernant la justice et la finance : pression croissante de la fiscalité royale, remise en cause des privilèges des parlementaires parisiens et le pouvoir royal entend gouverner seul dans le cadre d'une monarchie absolue.

Cardinal Mazarin.

Cardinal Mazarin

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L'histoire des parlements de France a donné lieu à nombreuses et profondes recherches, depuis celles de la Rocheflavin jusqu'à nos jours ; seul, le Parlement de Bretagne n'a été touché qu'accessoirement par nos historiens, et ses annales sont restées ensevelies dans les archives, où reposent les registres de ses délibérations avec les arrêts qu'il a prononcés durant sa longue existence.

Ayant eu la faveur de pouvoir puiser à cette source, j'ai entrepris de tirer de l'oubli des faits historiques négligés à tort, et de publier l'histoire complète de l'une des cours souveraines les plus estimées du royaume.

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La déclaration du roi Louis XIII, qui déférait la régence à la reine Anne d'Autriche, et la lieutenance générale au duc d'Orléans, fut vérifiée au Parlement de Paris avec certaines modifications, le 18 mai 1643, dans un lit de justice tenu en présence du roi mineur.

Le pouvoir parlementaire, délivré de l'oppression de Richelieu, se releva soutenu par l’espoir du retour à la légalité et par les déclarations bienveillantes de la reine ; mais il ne put se défendre d'une secrète, défiance à l'égard du nouveau ministte Mazarin, malgré les marques de déférence qu'il prodiguait à la magistrature. Il pressentait que le successeur du cardinal-roi chercherait à continuer son système par d'autres voies.

La lutte avait déjà commencé entre les grands et Anne d'Autriche, dirigée par son ministre. Le parti des Importants avait disparu sous un acte de vigueur de la reine régente, qui avait fait mettre en prison leur chef, le duc de Beaufort ; le parti des Frondeurs [Note : Le conseiller Bachaumont fut l'auteur de cette dénomination, qui faisait allusion à la coutume des écoliers, de se battre avec des frondes dans les fossés de Paris] allait bientôt lui succéder ; mais la discorde naissait parfois contre les opposants, et l'italien Mazarin la soufflait avec son habileté ordinaire. Cette habileté consistait surtout à détruire un parti par l'autre, en s'alliant successivement à chacun d'eux au moment opportun.

Quelle conduit suivit, le Parlement de Bretagne au milieu de ces événements politiques, dont le but sérieux, mal entrevu alors sous les intérêts personnels, était pour les uns de pousser l'autorité royale jusqu'au despotisme avec Mazarin, et pour les autres de la partager entre le monarque et les descendants de ses grands vassaux, comme sous la Constitution féodale. L'autorité parlementaire semblait un contre-poids utile entre les prétentions opposées de l'aristocratie et de la royauté ; mais toutes les deux ne voulaient l'admettre que comme auxiliaire pour atteindre leur but.

Le Parlement de Bretagne, comme tous ceux de province, subissait, en matière politique, l'influence de celui de Paris, qui ne tarda pas à resserrer les liens de famille qui les unissaient. Le frère aîné avait pris naturellement un droit de conseil, sinon de direction, sur ses frères puinés ; mais quand il s’agissait simplement de ses droits judiciaires et des priviléges de la provinces, le Parlement breton ne reconnaissait pas de suprématie et défendait ses attributions de cour souveraine avec une légitime dignité.

Ainsi, à l'époque même dont nous parlons, nous le voyons protester contre des décrets d'ajournement en la chambre de la Tournelle à Paris et défendre à celui de ses membres ajourné de comparaître en ladite chambre ; elle interdit à ce dernier l'exercice de sa charge, défend à son adversaire de retirer les arrêts qu'il avait obtenus du Parlement de Paris et ordonne qu'il soit contraint par corps au paiement des amendes prononcées contre lui par le Parlement de Rennes.

En même temps il chargeait un de ses présidents, alors à Paris, d'employer d'abord près du Parlement les voies de civilité pour faire rétablir l'ordre violé par les arrêtés de la chambre de la Tournelle en la personne de l'un des conseillers de la Cour de Rennes, qui ne s'était point soumis volontairement à sa juridiction ; — puis, en cas de refus, il devait s'adresser au chancelier lui-même, qui promit de faire rendre justice, et déclara qu'il honorait la Cour de Rennes comme l'une des plus considérables et des plus célèbres du royaume.

Une usurpation plus grave vint bientôt justifier les craintes et les soupçons du Parlement à l'égard du cardinal-ministre qui, pressé par des besoins financiers, donnait, un nouvel élan à la Fronde par ses créations imprévoyantes de nouveaux offices. L'un des conseillers de la Cour de Rennes, Louis de Coëtlogon, avait obtenu de la faveur de Mazarin le titre d'intendant de justice, police et finances en Bretagne. La Cour le suspendit d'abord de ses fonctions et lui défendit de prendre le titre et la qualité que lui avait confirmés un arrêt du Conseil.

Des remontrances furent adressées au roi sur cet arrêt « préjudiciable au bien de son service, au repos et à la tranquillité de ses sujets bretons ; arrêt tendant à l'anéantissement et subversion totale de la justice, dégradant les magistrats de l'autorité que sa Majesté leur avait commise, et contraire aux privilèges que les rois ses prédécesseurs avaient concédés à la province de Bretagne ».

Le double but politique et financier que se proposait le ministre, chef du Conseil, était ainsi démasqué. C'était dans la voie légale que voulait se maintenir le Parlement, à l'abri de l'entraînement des partis qui menaçaient de troubler l'ordre public. Il n'en subit pas moins involontairement certaines conséquences de la lutte qui se nomma la Fronde ; si la discorde ne fit pas naître autour de lui des événements aussi tragiques qu'à Rouen et à Bordeaux, elle se manifesta plus d'une fois par des scènes violentes d'intérieur, que la sagesse et la dignité de la Cour sut empêcher de réagir au dehors.

Des lettres de cachet avaient été adresses à cinq conseillers pour leur enjoindre d'aller trouver le roi et recevoir ses ordres. Le Parlement supplia sa Majesté de les dispenser du voyage et arrêta qu'ils continueraient l'exercice de leurs fonctions.

Quelques jours après, la Cour délibérant sur le même sujet, messire Claude de Marbœuf, président, en recueillant les opinions, donna un démenti au conseiller François Delaforest, qui lui riposta vivement : que s'il eût été aussi impudent, il lui aurait répondu.

A ces mots, les présidents et conseillers s'émurent. Le président de Marbœuf se leva pour demander réparation de l'outrage, puis se retira. Sur ces entrefaites, messire Guy de Locpriac, l'un des anciens de la grand'chambre, dit que : « de tels démentis ne se pouvaient souffrir par un homme d'honneur et gentilhomme, et ne se réparaient que par un soufflet ».

En ce moment, M. de Marbœuf fils, conseiller, qui se trouvait au banc des enquêtes, derrière M. de Locpriac, se leva et dit en jurant par deux fois : « que si le dit de Locpriac eut fait ce qu'il venait de dire, il lui donnerait cent coups de bâton ».

M. de Locpriac se levant aussitôt, demanda reparation de ces menaces outrageuses. Les parents des uns et des autres, prenant parti pour ou contre, se retirèrent dans les galeries des Cordeliers, ou le Parlement tenait alors ses séances, en attendant l'achèvement du palais qui lui était destiné.

Le père de Marbœuf l'entra dans la grand'chambre, en s'écriant : où est ce faussaire ?

La Cour s'entremit alors pour arréter le désordre croissant.

Elle nomma une commission composée de six conseillers, qu’elle chargea de terminer le différend.

En attendant, elle interdit l'entrée au président de Marbœuf et manda son fils devant elle pour recevoir ses excuses. En s'en déclarant satisfaite, elle ajouta qu'il ne pourrait assister à aucune délibération où se trouverait son père ou tout autre avec qui sa présence serait incompatible.

Que devint cependant l'affaire qui avait suscité ces débats ? Messire Louis de Coëtlogon dit à la Cour qu'il était allé exprès à Paris pour supplier le roi et son Conseil de le décharger de la commission d'intendant de justice en Bretagne et qu'il avait obtenu à grand'peine d'être débarrassé des fonctions, mais non du titre, parce que sa Majesté voulait entendre sur ce point les députés du Parlement ; quant à lui-même, il déclarait ne vouloir exercer aucune fonction attachée à ce titre, ni prendre le titre sans les fonctions, et pensait avoir ainsi satisfait aux arrêts de la Cour.

Après cette explication, elle décida que M. de Coëtlogon s'abstiendrait, jusqu'à nouvel ordre, d'entrer en la Cour.

Pendant ce temps, la Fronde s'était organisée, sous la direction du Parlement de Paris, opposé aux mesures financières du ministre. Les assemblées de la chambre Saint-Louis avaient réuni toutes les cours souveraines dans un même faisceau d'opposition. La bourgeoisie soutenait les parlements. La Cour et son ministre s'appuyaient sur Condé et le duc d'Orléans, suivi de toute la noblesse : mais Mazarin, malgré son adresse, était de plus en plus détesté, et le prince de Condé ne devait pas rester longtemps son allié. Les violences de la Cour contre quelques membres du Parlement, firent éclater la guerre civile dans les rues de Paris, et la reine emmena le roi à Saint-Germain, en appelant auprès d'elle le prince de Condé.

Le Parlement de Rennes, en relation continuelle avéc celui de Paris, en ces graves circonstances, avait député vers la reine son premier président, Henri de Bourgneuf, accompagné de quatre conseillers, chargés de présenter à la régente les remontrances de la Cour au sujet de l’intendance de justice. Ils obtinrent une audience à Saint-Germain, où l'intendance fut révoquée, et les cinq conseillers, mandés par lettres de cachet, dispensés du voyage. L'assurance du dévouement de la Cour bretonne au service du roi fut bien accueilli par la reine ; mais en les assurant de sa bienveillance, elle leur exprima le désir de voir rétablir dans leurs charges MM. De Marbœuf et de Coëtlogon.

Le premier président, Henri de Bourgneuf, répondit qu'ils « obéiraient toujours aux commandements de Sa Majesté et qu'aussitôt que les dits de Marbœuf et de Coëtlogon rechercheraient la justice de la Cour, ils la trouveraient aussi favorables qu'ils la pourraient désirer ».

A son retour, messire Henri de Bourgneuf reçut les compliments et les remerciments de la Cour par la bouche du président Bonnier qui lui dit :

« Qu'aux grandes affaires il faillait de grands hommes, que lui seul était digne de traiter celles du Parlement ; que sa conduite y avait fait reconnaître qu'il n'est rien d'impossible à la prudence quand elle s'allie aux charmes d’un esprit comme le sien ; que si on donnait des couronnes à ceux qui avaient conservé la vie d'un citoyen, combien ne lui en serait-il pas dû pour avoir préservé cinq de ses confrères, en marne temps que l'honneur et la liberté de toute la compagnie ».

Après cet hommage rendu à son président, la Cour entendit la lecture d'un message du roi qui protestait de « sa volonté de maintenir la compagnie dans ses justes prétentions et de faire tout ce qui serait possible pour sa satisfaction, convaincu que la Cour en serait réconnaissante et qu'elle se porterait avec zèle à tout ce qui serait utile au service de Sa Majesté dans la province et pour le repos d'icelle ».

La déclaration du 24 octobre 1648, contenant, les réformes proposées par la chambre de Saint-Louis et signée à Saint-Germain entre la Cour et la Fronde, sembla devoir rétablir la paix. Elle ne fut qu'une halte dans le désordre. L'ambition des Frondeurs d'un côté, les fautes et l'astuce de Mazarin de l'autre, ne tardèrent pas à faire renaître les troubles. L'intérêt personnel des grands avait pris la place de l'intérêt, général que le Parlement, avait fait triompher jusqu'alors. Une moins noble direction fut dès ce moment, imprimée aux divers partis. Le Parlement des Paris perdit son influence salutaire, et ceux de province, qui la subissaient le plus immédiatement, devinrent comme lui impuissants à dominer les mauvaises passions qui entraînèrent l'aristocratie et le peuple à sa suite.

Le Parlement, plus heureux que son voisin de Normandie ; n'ayant point à craindre l'action de princes rebelles, n'éprouva que le contre-coup de la lutte, forcée de placer ailleurs son théâtre ; mais il n'en paya pas moins son tribut au désordre, en repoussant continuellement les tentatives des complices des rebelles, et celles non moins dangereuses du despotisme astucieux de Mazarin, sans sortir jamais de la voie de la légalité et du respect pour l'autorité royale.

Le désordre financier, qui poussait sans cesse le ministre à de nouveaux expédients, lui avait fait créer une commission pour la réforme des eaux et forêts, l'afféagement des terres vaines et vagues et la conversion des domaines congéables. C'était une tentative d'usurpation des attributions de la chambre dite de la Table-de-Marbre ; la Cour ordonna que les membres de cette commission, nommée sans son aveu, s'abstiendraient d'entrer pendant qu'elle délibérerait à ce sujet. Messire Charles Foucquet, président de la commission, ne tint compte de la défense et entra dans le parquet de la grand'chambre pour y prendre la première place. Le président Bonnier lui dit qu'il ne devait pas ignorer la défense qui lui était faite d'entrer en la Cour. A ces mots, Foucquet s'avança vers le président, lui porta la main à la gorge, le saisit au corps, l'attira avec violence hors de sa place, fit tomber son bonnet et lui arracha son bourlet.

A l'instant, toute la Cour se leva pour dégager le président des mains de Foucquet. Celui-ci s'obstina d'abord à demeurer dans la chambre, malgré les instances qui lui furent adressées, mais enfin il se retira aux galeries.

La Cour continua sa délibération et décida qu'il serait fait registre de ce qui s'était passé. Quelques jours après, chambres assemblées, elle arrêta que messire Ch. Foucquet serait pris au corps par huissier et constitué prisonnier en la conciergerie pour être interrogé et répondre aux conclusions de l'avocat général du roi.

Tous les commissaires, nommés par le ministre, furent assignés à comparaître devant la Cour qui, malgré leurs explications, persista dans son arrêt d'interdiction contre eux.

Sur ces entrefaites, la maison de l'avocat général du roi fut envahie par des personnes inconnues et aux cris : à la force ! poussés de l'intérieur, une foule considérable s'attroupa dans la rue, et la Cour délégua deux de ses membres pour informer et pourvoir, selon l'urgence. Cet incident avait-il quelque rapport avec l'affaire des commissaires ? Ce qui suivit le ferait croire.

Un arrêt du Conseil ordonna à la Cour de suspendre toutes poursuites contre eux et d'envoyer à Paris les procédures commencées ; mais ces pièces avaient disparu du cabinet de Jacques Amproux chez qui elles avaient été mises sous le scellé par ordre de la Cour. Elle ordonna une enquête, puis intenta un procès criminel contre ledit Amproux et ses complices. Un nouvel arrêt du Conseil du roi assigna à comparaître l'avocat général du Parlement et le procureur général de la Chambre des Comptes, avec ordre d'apporter tous les papiers relatifs à la procédure que l'on pourrait saisir dans les études des greffier.

La Cour fit défense à son greffier de comparaître au Conseil et de se dessaisir des pièces du procès de la commission des forêts, tout en suppliant le roi de décharger l'avocat général et le greffier des assignations lancées contre eux.

Cette préoccupation fut bientôt remplacée par une autre plus grave. La Fronde, un moment apaisée par la déclaration du 24 octobre 1648, se réorganisait sourdement. Mazarin avait su retenir dans le parti de la cour Condé et la majorité de la noblesse, tandis que le prince de Conti sous l'influence de la duchesse de Longueville, suivie de nombreux et puissants adhérents, formait une ligue sécrète, qui devait soutenir les parlements dans leur résistance au despotisme du cardinal et dans leurs efforts pour le maintien de la réforme concédée par la déclaration du 24 octobre, déjà attaquée par le ministre qui l'avait signée.

La reine régente s'était, retirée de nouveau à Saint-Germain avec le roi et la Cour (1649). Les désordres recommencèrent dans Paris. Des troupes étaient cantonnées aux environs. On se préparait à la guerre civile.

Le premier contre-coup de ces événements en Bretagne fut de la priver de ses relations épistolaires avec la capitale. Le Parlement, qui avait le plus à souffrir de cette privation, résolut de faire une enquête, d'où il résulta que le courrier de Paris à Rouen avait été démonté à trois lieues de la capitale par des soldats qui lui avaient enlevé ses dépêches, et que, par suite, les courriers de Rouen à Caen, de Caen à Saint-Hilaire et de Saint-Hilaire à Rennes, n'avaient pu rien apporter. Cette interruption dura quelques jours. Des bruits sinistres ne tardèrent pas à circuler, exagérés par la crainte et la malveillance.

La Cour, instruite des tentatives des Frondeurs pour entraîner la Bretagne dans la révolte du prince de Conti et de sa sœur la duchesse de Longueville, n'hésita pas à protester de sa fidélité monarchique en prenant des mesures sévéres dans le but de rassurer les esprits et de maintenir la tranquillité publique.

Plus d'un fait vint justifier l'inquiète et prudente surveillance du Parlement. Un avocat au Conseil, délégué du prince de Conti, se présenta au parquet et demanda qu'on lui permît l'entrée de la Cour pour lui remettre des dépêches de la part du prince de Conti et du Parlement de Paris. Après en avoir délibéré, la Cour accueillit la requête du messager, qui déposa sur le bureau deux paquets et une lettre missive.

Deux jours après, elle forma une commission de dix conselliers et de l'avocat général du roi, auxquels furent adjoints l'évêque, un délégué du chapitre, deux officiers du présidial, deux habitants notables et un député de la communauté pour aviser à la sûreté de la ville, de concert avec le gouverneur et son lieutenant. Leurs délibérations devaient être communiquées à la Cour qui, du reste, déclara qu'il ne serait rien innové sans leur avis dans la ville de Rennes.

Telle fut la réponse à la dépêche prince de Conti. On n'ignorait pas qu'il avait été entraîné dans la nouvelle Fronde par sa sœur, la duchesse de Longueville, qui, par son mari, gouverneur de Normandie, assurait à son parti l'appui de cette province.

Quant à la lettre du Parlement de Paris, on savait aussi que divisé lui-même, il n'était plus maître du mouvement dirigé par le parti qui voulait se servir de lui. Or, le Parlement de Bretagne était résolu à lutter avec énergie contre l'anarchie aussi bien que contre le despotisme.

En conséquence, il continua de surveiller les menées secrètes des partisans de la Fronde, qui ne cessaient de faire des enrôlements, et menaça par ses arrêts les gentilshommes d'être déchus de leurs titres et de voir raser leurs châteaux et leurs bois ; il infligea la peine de mort au roturier ou bourgeois séditieux ; il expulsa les gens sans aveu et fit fermer les portes de la ville, dont trois seulement furent ouvertes chaque jour et gardées par les compagnies de la milice ; il soumit les hôteliers à une police minutieuse ; enfin, il se fit rendre compte fréquemment de l'exécution de ses ordres par le sénéchal, le syndic, le gouverneur et son lieutenant.

Sur l'invitation du chapitre, la Cour décida même qu'il serait fait des prières publiques et qu'elle s'y rendrait en corps.

A l'exemple des autres Parlements, aussitôt qu'elle eut connaissance des événements de Paris, elle lança un arrêt de bannissement contre Mazarin ; mais cette adhésion à la Fronde était toute pacifique et ne pouvait ébranler sa fidélité au roi.

Cependant de nouvelles circonstances vinrent bientôt mettre sa soumission à l'épreuve. Des lettres de cachet du roi, adressées à Mgr l'évêque, au chapitre et à la communauté de ville, les invitèrent à se rendre ou à se faire représenter aux Etats ordinaires convoqués à Nantes ; puis trois autres lettres, signées par le maréchal de la Meilleraye, alors gouverneur de Bretagne, et adressées aux mêmes autorités, leur exposèrent que le roi ayant résolu de réunir les Etats de la province à Nantes, le 26 mars (1649), pour la nomination des députés qui devaient assister aux Etats généraux du royaume, assignés pour le 10 avril à Orléans, Sa Majesté priait Mgr l'évêque de se trouver à Nantes, et le chapitre ainsi que la communauté de ville d'y envoyer leurs députés pour élire ceux qu'ils jugeraient les plus capables de servir le roi et la province dans cette circonstance.

Le Parlement, informé de ce mode illégal de convocation, arrêta que le roi serait supplié de n'assembler les Etats généraux que par lettres-patentes vérifiées en Parlement, suivant l'ordre de tout temps observé, et d'ajourner la tenue des Etats de la province. En attendant, il défendit à tous ceux qui y seraient convoqués de se trouver à Nantes, sous prétexte desdits Etats, sous peine d'être déclarés rebelles au roi et poursuivis selon la rigueur des ordonnances.

Sur ces entrefaites, le Parlement fut informé officiellement par lettres de cachet du roi, de l'ouverture des conférences tenues à Ruel, près de Saint-Germain, pour négocier un nouveau traité de paix entre la Cour et la Fronde. Celui-ci ne devait guère durer plus que l'autre, signé le 11 mars, entre le premier président du Parlement, Mathieu Molé, et le cardinal Mazarin ; il maintenait ce dernier chef du Conseil et annulait les arrêts prononcés contre lui par les Parlements. Les grands seigneurs mécontents n'avaient obtenu que des promesses et se détachaient du Parlement pour former avec le prince de Condé un nouveau parti contre la Cour et la magistrature.

L’année 1650 commençait à peine lorsque la reine régente annonca par lettres-patentes à la Cour de Rennes qu'elle venait de faire arrêter les princes de Condé, de Conti et le duc de Longueville ; qu'elle avait ordonné au duc de Bouillon, aux maréchaux de Turenne et de Brezé, ainsi qu'au prince de Marsillac, de se rendre près de sa personne dans le délai de quinze jours, sous peine d'être déclarés rebelles et criminels de lèse-majesté ; qu'enfin elle défendait à tous les sujets du roi de leur obéir ou adhérer.

La guerre civile allait donc renaître. La noblesse ne pouvait abandonner la cause des princes détenus à Vincennes. Le duc de Bouillon, le vicomte de Turenne, le prince de Marsillac et la duchesse de Longueville ne s'étaient point rendus aux ordres de la reine.

Le Parlement de Paris et ceux de province avaient réfusé de protester en corps contre le coup d'état, dont les princes étaient victimes, tout en blâmant personnellement cette violation patente de la déclaration du 24 octobre, qui consacrait les principes du gouvernement légal, reconnaissait le pouvoir politique des Parlements, et sous le nom de sûreté publique, interdisait l'emprisonnement arbitraire des sujets du roi.

La nouvelle Fronde, dite des Princes, s'était organisée. Le Parlement de Bordeaux s'était déclaré pour la princesse de Condé et son fils. Mazarin, acompagné du roi mineur et de la reine régente, marchait avec une armée en Guyenne. Le Parlement de Bretagne, à l'abri des conséquences de la rébellion, n'en avait pas moins à soutenir une lutte d'une autre espèce et à défendre ses droits contre les empiètements de la royauté ou du ministre qui la dirigeait dans les voies ouvertes par Richelieu.

Tantôt il faisait admonester le trésorier de France que levait 100.000# sur la Bretagne pour l'entretien des garnisons, quand le Parlement avait réduit cet impôt à 75.000 ; tantôt il défendait à deux de ses conseillers de comparaître devant le Parlement de Paris, sous peine 2.000# d'amende ; souvent il avait à repousser les tentatives faites pour entraîner la noblesse bretonne sur les pas de celle de Guyenne et des provinces où dominaient les partisans de la maison de Condé ; il fit défense d'enrôler des gens de guerre, sans commission du roi, présentée à la Cour, sous peine de mort, et ordonna de courir sus aux contrevenants.

Quelques jours après une recrue de mille hommes ayant été ordonnée par le roi en Bretagne pour le régiment du maréchal de la Meilleraye, la Cour ajourna la délibération sur ce sujet et décida d'envoyer une députation en cour pour y présenter ses remontrances. Les députés rapportèrent une réponse favorable, si l’on en juge par les témoignages de reconnaissance et les éloges que le président leur adrespa au nom de la compagnie pour leur courage et leur dévouement.

La Fronde cependant suivait ses alternatives de paix et de rébellions. Bordeaux s'était soumis ; la liberté des princes était demandée par les anciens et les nouveaux Frondeurs ; on avait écrit à tous les Parlements du royaume pour les inviter à s'unir à cette demande. Mazarin, seul contre tous les partis, travaillait à rompre leur coalition et ouvrait ainsi la troisième période de la lutte née à son arrivée au pouvoir.

La prison des princes fut d'abord ouverte et le Parlement de Bretagne fit enregistrer la déclaration du roi qui « reconnaissait que les soupçons dont on avait voulu charger l'honneur des princes, ses cousins, étaient injustes et mal fondés ; que les actes du prince de Condé n'avaient eu pour but que d'affermir et d'accroître l'autorité de Sa Majesté, ainsi que le bien et la grandeur de l'Etat ; en conséquence, le roi annulait les lettres de cachet de janvier 1650 motivant la détention des princes et les rétablissait en leurs honneurs, charges et dignités ».

La Cour ajouta à l'arrêt qui prescrivit l'enregistrement de cette déclaration, que le roi et la dame reine régente, sa mère, seraient remerciés d'avoir rendu la liberté aux princes, et éloigné, sans espoir de retour, le cardinal Mazarin, « auteur de la détention des dits princes, et perturbateur du repos public ».

Par surcroît, l'arrêt, d'accord avec les autres Parlements, enjoignait au cardinal de sortir du royaume et défendait, sous peine de mort, de lui donner asile non plus qu'à ses parents et domestiques ; enfin, il ordonnait que Leurs Majestés seraient suppliées d'exclure à l’avenir du Conseil du roi tous étrangers, quoique naturalisés, et qu'il serait écrit spécialement au roi, à la reine régente, au duc d'Orléans et au prince de Condé.

L'arrêt fut publié à son de trompe dans tous les carrefours de la ville, à la grande satisfaction des habitants. L'ennemi commun était exilé ; la paix semblait désormais assurée ; mais pendant que Mazarin se réfugiait chez l'électeur de Cologne, à Breuil, sur les bords du Rhin, la discorde renaissait à Paris entre le Parlement et la noblesse, appuyée du clergé.

Des assemblées de gentilshommes eurent lieu à Rennes comme à Paris, sous prétexte d’une prochaine reunion d'Etats généraux. Ils avaient obtenu en effet une promesse de convocation pour le 8 septembre 1651 ; mais ils prétendaient y rétablir l'ancienne constitution féodale du royaume et faire révoquer la déclaration du 24 octobre 1648, œuvre du Parlement.

La Cour de Rennes, prévoyant le désordre qui devait naître de cette nouvelle phase de la Fronde et le parti qu'en pourrait tirer du sein de son exil l'astucieux Mazarin, la Cour s'assembla et prononca, suivant la formule ordinaire, un arrêt contre ceux qui faisaient des levées de gens de guerre, sans commission du roi, sous peine d'être traités comme rebelles ; elle enjoignit aux villes et communes d'empêcher ceux des autres provinces d'entrer à main armée dans celle de Bretagne. Les troubles de Normandie et ceux que fomentait en Anjou le duc de Rohan faisaient craindre une invasion de la Fronde du côté de Rouen ou de Nantes. Ces mesures préventives redoublèrent d'activité par suite de deux circonstances, qui devaient amener un grand concours de peuple dans la ville et pouvaient favoriser les perturbateurs.

La première était l'ouverture d'un jubilé cinquantenaire ; la seconde était la procession du vœu, qui se faisait le 8 septembre. La Cour décida que Mgr l'évêque serait prié de différer le jubilé d'un mois : que le jour de la procession du vœu il ne serait ouvert que deux des portes de la ville, gardées par la milice, et que l'on ne pourrait suivre d'autre procession que celle qui sortirait de l'église de Bonne-Nouvelle, selon la coutume, sous peine d'être traité comme perturbateur.

Une autre cause de préoccupations pour le Parlement fut la convocation des Etats de la province à Nantes. Une dispute de préséance pour présider l'ordre de la noblesse s'éleva entre le duc de Rohan, allié à la Fronde des princes, et le duc de Vendôme, dévoué à Mazarin et au parti de la Cour. Le premier présenta requête au Parlement pour qu'il déclarât nulles et illicites les séances présidées par le duc de Vendôme, et qu'il fît dresser procès-verbal par deux conseillers des moyens violents employés pour comprimer la liberté des Etats.

En effet, le maréchal de la Meilleraye avait fait cerner le couvent des Jacobins, où se tenait l'assemblée, par des soldats de la milice, et des barricades établies aux diverses entrées. Il avait, de plus, ordonné au duc de Rohan et à la noblesse faisant partie de l'esemblée réunie aux Cordeliers, de sortir de Nantes dans la journée, la menaçant, en cas de refus, de se servir contre elle de l'autorité et de la force qu'il avait en main.

Le Parlement fit droit aux requêtes du duc de Rohan et des gentilshommes bretons, engagés comme lui dans la Fronde, et arrêta qu'il serait informé de la vérité des faits par messires Grimaudet, Duhalgouet, conseillers, et Montigny, avocat général.

Le maréchal ayant formé, sous la présidence du comte d'Auray, une assemblée des Etats choisie parmi ses partisans, la Cour, sur une nouvelle requête des gentilshommes bretons exclus, ordonna de surseoir à la tenue des Etats, jusqu'à ce que les remontrances du Parlement eussent été mises sous les yeux du roi et que l'on eût reçu sa réponse ; mais le maréchal se jouait des arrêts de la Cour ; il empêcha par la force les Etats de désemparer, et il expédia à tous les chapitres et à toutes les communautés de la province une circulaire menaçant de peines rigoureuses les députés qui se retiraient. Un fonds de 50.000# fut fait par son ordre pour indemniser ceux qui seraient poursuivis pour défaut d'obéissance aux arrêts du Parlement.

La guerre intestine se continnait ainsi sans issue posible et le Parlement poursuivait ses informations sur les violences du maréchal. Le mot n'était pas trop fort ; les esprits s'irritaient de plus en plus. La duchesse de Rohan elle-même ayant été arrêtée par ordre du maréchal voulut lui porter ses plainte s; mais elle en fut si mal accueillie, que, dans un mouvement d'indignation, elle le souffleta publiquement de sa pantoufle.

Un pauvre huissier du Parlement ne pouvait se venger de la même manière. Il fut enlevé, emprisonné au Château de Nantes, puis renvoyé sous escorte à Rennes, sans avoir pu exercer ses fonctions ni remplir les ordres du Parlement.

Pendant que le lieutenant général du roi se conduisait de cette façon arbitraire, au risque de pousser la Bretagne entière dans le parti de la Fronde, les députés envoyés vers le roi à Poitiers, où il était venu calmer les troubles excités par le duc de Rohan, rapportèrent pour réponse aux remontrances du « Parlement que ses arrêts, fondés en raison, n'étaient relatifs qu'à des affaires particulières, au lieu de faire l'affaire du roi, c'est-à-dire de tenir les Etats à  Nantes pour avoir l’argent que l'on espérait ».

C'était la vérité naivement exprimée : il ne s'agissait point de légalité, mais d'argent. Cette réponse fit comprendre aux députés du Parlement qu'ils ne pourraient avoir satisfaction sur les plaintes de la Cour. Ils se retirèrent touchés du peu de justice que l'on était résolu de leur rendre.

Le chef du Conseil, M. de Châteauneuf, ajouta, dans leur « audience de congé : que le roi voulait que les Etats fussent continués à Nantes, et que le Parlement contribuât à lui faire obtenir le secours qu'il en espérait ».

Quant au reste, Sa Majesté évoqua la dispute de préséance et défendit aux ducs de Rohan et de Vendôme de se présenter à l'assemblée, dont la présidence fut donnée au plus ancien des barons présents dans l'ordre de la noblesse. Cette dispute de privilége avait une autre portée que celle qu'on affectait de lui assigner prudemment dans les termes. Quoi qu'il en soit, la solution que le pouvoir lui donna atteignit son but.

La guerre civile cependant ne tarda pas à recommencer : le prince de Condé avait repris les armes et n'avait pas craint de forfaire, en appelant l'étranger au secours de la nouvelle Fronde. Le Parlement de Bretagne enregistra des lettres-patentes du roi datées à Bourges le 8 octobre 1651, par lesquelles il déclarait les princes de Condé et de Conti, la duchesse de Longueville, les ducs de Nemours et de la Rochefoucault, ainsi que tous leurs adhérents, rebelles et criminels de lèse-majesté, etc., si dans un mois, après la publication desdites lettres, ils ne reconnaissaient leur faute.

Les rebelles ne se soumirent pas et la magistrature continua de se maintenir dans les voies de la légalité. Elle supplia la reine de l'autoriser à poursuivre l'enquête commencée sur les violences du maréchal de la Meilleraye centre l'honneur du Parlement. Il invita celui de Paris à n'admettre le maréchal à la dignité de duc et pair qu'après avoir réparé l'offense par lui faite à la justice ; il ordonna de plus que Mgr. l'évêque serait averti de se présenter à la Cour, derrière le bureau, pour se justifier des discours qu'il avait tenus à Poitiers, contre l'honneur du Parlement, dont l'entrée lui serait interdite jusqu'à ce qu'il n'eût obéi.

Enfin une semonce polie fut adresse par le président à la communauté de ville, qui avait inscrit sur ses registres des lettres du maréchal contenant des expressions offensantes pour la Cour.

Pendant ce temps, Mazarin se préparait à rentrer en France avec une armée de dix mille hommes, sous prétexte de venir au secours du roi et de la reine régente, malgré l'arrêt de proscription du 6 septembre 1651. Des remontrances furent aussitôt envoyées au roi pour lui exposer les conséquences du retour de Mazarin et le supplier de faire mettre en liberté le conseiller envoyé par le Parlement de Paris pour arrêter le cardinal et fait prisonnier par ses troupes.

D'un autre côté, la Cour de Rennes n'en avait pas fini avec le terrible maréchal de la Meilleraye. Après la tenue des Etats de Nantes, il résolut de se présenter au Parlement pour y faire enregistrer le contrat des Etats, suivant l'arrêt du Conseil ; mais il avait été précédemment décidé que si le maréchal venait à Rennes, il ne serait visité par aucun des officiers de la Cour, et que s'il se présentait aux séances, il ne serait délibéré en sa présence que lorsqu'il aurait réparé ses offenses envers le Parlement. Par prudence et considération, l'on n'avait point inscrit cette délibération sur les registres.

Le 4 mai 1652, les Chambres s'assemblèrent pour entendre la lecture d'une lettre du Parlement de Paris, relative aux troubles que la Fronde soulevait dans la capitale et à la lutte énergique qu'il soutenait contre la Cour et le cardinal.

Le maréchal de la Meilleraye entra pendant cette lecture, qui fut interrompue, et il prit la parole pour s'excuser de n'avoir pu assister aux délibérations précédentes, par suite de ses indispositions et de ses occupations. Puis il se retira, en voyant le Parlement silencieux se lever pour vaquer aux affaires ordinaires.

Deux jours après, le maréchal s'étant présenté de nouveau, il demanda au premier président, Henri de Bourgneuf, si sa présence n'était pas un obstacle aux délibérations de la Cour et le pria de lui en dire la cause. Le président lui répondit en lui citant l'arrêt pris à son égard.

— Où est cet arrêt, demanda le maréchal, je ne l'ai pas vu ?

— L'arrêt existe, répliqua le président, il a été donné solennellement.

— C'est un arrêt du président, riposta le maréchal avec véhémence ?

— Le président ne fait pas seul les arrêts, reprit messire Henri de Bourgneuf avec dignité.

Sur ce, le maréchal ayant eu l'inconvenance d'inviter le président à passer avec lui derrière le bureau pour s'expliquer, messire Henri de Bourgneuf répondit :

— Le premier président ne passe point derrière le bureau.

A ces mots, la Cour se leva.

L'opiniâtre maréchal continua de se présenter chaque jour au Palais. La Cour se taisait à son arrivée, puis après quelques moments de silence ou quelques paroles amères échangées avec le maréchal, elle se levait et se retirait. Le maréchal la suivait en disant avec humeur : qu'on ne lui ferait pas son procès sur ce qu'il avait dit.

La querelle s'envenimait dans de pareilles entrevues. Elle se compliqua d'un nouvel incident, au sujet de récusations que la Cour et le maréchal prétendirent mutuellement exercer envers quelques membres qui leur étaient suspects. On ne put s'entendre. Les parents et alliés du maréchal, récusés par la Cour, se retirèrent avec lui ; mais ceux que voulait récuser le maréchal furent autorisés à prendre part à la délibération.

On touchait à la fin de mai. Il y avait plus de vingt jours que cette petite guerre continuait, lorsque le maréchal se présenta de nouveau à la Cour, en disant qu'il désirait bien vivre avec la compagnie ; qu'il souhaitait de maintenir la paix et la bonne intelligence pour le service du roi et le bien de la province.

Le premier président répondit que c'était par là qu'il eût dû commencer, mais que la bonne disposition où il était devait être prise en considération.

Le maréchal communiqua alors à la Cour un arrêt du Conseil contenant l'ordre et la volonté du roi. Le Parlement saisit cette occasion qu'offrait la démarche plus ou moins sincère du maréchal pour terminer enfin ce conflit d'autorité. Il arrêta que le president serait remercié d’avoir si dignement maintenu l'honneur et l'autorité du Parlement ; que des remontrances seraient faites au roi au sujet de l’arrêt du Conseil présenté par le maréchal, et que néanmoins ce dernier pourrait assister et opiner aux délibérations ; que lorsqu'il vivrait avec le Parlement, comme il savait bien qu'il devait le faire, il recevrait tous les égards qu'il pouvait justement désirer d'une Cour souveraine.

Sur ces entrefaites, le cardinal Mazarin rentrait en France et amenait sa petite armée au roi et à la reine, encore à Poitiers.

Quand la Cour de Rennes fut informée de cet événement, elle arrêta qu'il serait écrit à Sa Majesté pour l'assurer de la soumission et de la fidélité des officiers du Parlement de Bretagne; — que les remontrances seraient ajournées jusqu'à ce que les troupes étrangères, introduites en France, sans l'ordre du roi, fussent sorties du royaume ; — que, du reste, le présent arrêt serait envoyé au Parlement de Paris, qui serait convié de continuer ses soins pour la pacification des troubles de l'État et le renvoi des troupes étrangères.

Par ces mots, le Parlement désiguait les Espagnols alliés du prince de Condé et les soldats levés par Mazarin. Il s’appuyait ainsi sur un sentiment de patriotisme, toujours vivace en France et qui faisait sa popularité.

La Fronde poursuivait ses progrès et menaçait Paris. Le prince de Condé y régnait avec l'émeute, en l'absence du roi et de la reine régente, qui guerroyaient dans le Poitou et l'Orléanais pour empêcher l'armée des rebelles de se réunir. Les gentilshommes de province s'efforçaient de faire des levées.

Le Parlement fut informé qu'on recrutait clandestinement des soldats dans la ville de Rennes et que des capitaines les enrôlaient au faubourg de la Magdeleine. Deux conseillers furent désignés pour faire une enquête, en présence du procureur général, faire arrêter les capitaines et soldats, et les constituer prisonniers en la conciergerie de la Cour.

Le Parlement ne tarda pas à recevoir la récompense de son dévouement à la royauté, en voyant confirmer par elle le plus cher et le plus important de ses priviléges. Des lettres de cachet du roi, données à Melun le 25 juin 1652, consacrèrent de nouveau le principe des remontrances. La lecture de ces lettres fut faite chambres assemblées ; on arrêta qu'elles seraient enregistrées comme un témoignage de la fidélité du Parlement et de la confiance de Sa Majesté dans la sagesse de ses membres.

La modération et la légalité furent en effet la première règle de conduite de la Cour pendant la Fronde ; son but unique fut de maintenir sa propre dignité, de défendre ses priviléges, ceux de la province, et de manifester en tout son dévouement au roi.

Malheureusement la royauté mal conseillée ne fut pas toujours aussi fidèle à ses promesses que le Parlement breton à son attachement inviolable aux institutions monarchiques. Mazarin en ce moment cherchait à se faire pardonner son retour. Il promit de s'exiler de nouveau pour attendre un temps plus favorable à l'exécution de ses projets politiques. Le roi, de son côté, s'efforçait de soustraire les Parlements de province à l'influence de celui de Paris. Il adressa de nouvelles lettres à la Cour de Rennes pour la prémunir contre les dépêches qu'elle pourrait recevoir du Parlement ou du Conseil de la ville de Paris, livré à l'émeute. Il fut arrêté qu'il serait écrit au roi pour l'assurer de nouveau de la fidélitè des officiers de la Cour.

Sur ces entrefaites, la Fronde fut battue par les troupes royales au faubourg Saint-Antoine ; ses chefs abandonnèrent Paris quelques semaines après. Le Parlement avait été transféré à Pontoise ; Mazarin s'était retiré à Sedan ; le roi et la reins-mère rentrèrent à Paris le 21 octobre 1652.

Une amnistie fut proclamée en faveur de tous ceux que s'étaient compromis dans la Fronde, à la condition expresse de déposer les armes sous trois jours ; mais les princes ne firent pas leur soumission. Bordeaux était toujours en proie aux excès de la populace, qui se réunissait tous les soirs, sous le nom de Parlement de l'Ormée, à l'ombre des vieux ormes du château du Ha, et par ses arrêtés anarchiques dominait l'autorité légale et modérée des magistrats de la Cour souveraine.

De nouvelles lettres-patentes du roi déclarèrent criminels de lèse-majesté et traîtres à la patrie, les princes de Condé, de Conti, de Talmont, la duchesse de Longueville, le duc de la Rochefoucault et tous leurs adhérents.

Le prince de Condé s'était refugié, en quittant Paris, près de ses alliés les Espagnols, en Champagne, avec le duc de Lorraine. Le duc d'Orléans, l'oncle du roi, reçut, l'ordre de sortir de Paris dans le délai de deux heures.

Louis XIV inaugura son règne le 22 octobre 1658, dans un lit de justice, où il fit donner lecture d'une déclaration qui, après avoir énuméré les nombreuses exceptions faites à l'amnistie, défendait expressément aux gens, tenant la Cour du Parlement de Paris, de prendre désormais connaissance des affaires générales de l'Etat et de la direction des finances, de rien ordonner ou entreprendre contre ceux à qui en était confiée l'administration.

Cette déclaration, qui abaissait le Parlement de Paris et par contre-coup tous les autres, fut acceptée sans murmure. L'absolutisme l'emportait sur l'anarchie, dont les princes n'avaient pas rougi de faire leur auxiliaire et dont n'avaient pu triompher les Parlements de Guyenne, de Provence et de Normandie. Il ne manquait plus à la défaite de la Fronde que le retour définitif de Mazarin. Le roi et la reine-mère allèrent à sa rencontre et le ramenèrent au Louvre en grande pompe, le 3 février 1653.

Cardinal Mazarin.

Bordeaux fit de nouveau sa paix avec la royauté, et Mazarin, qui avait semé le désordre dans les finances de l'Etat, trouva le moyen de donner quelques millions en dot à l'une de ses nièces, qu'épousa le prince de Conti.

Condé ne se soumit qu'après la paix des Pyrénées (1659) ; la duchesse de Longueville chercha dans des actes de piété l'oubli et le pardon de sa vie passée. Le duc de la Rochefoucault se fit courtisan et écrivit son livre des Maximes.

Que devint le Parlement de Bretagne au milieu de ces nouveaux événements ? Il eût été heureux de voir triompher la royauté sans Mazarin. Il continua de lutter avec sa fermeté et sa modération ordinaires pour le maintien de ses privilèges et ceux de la province ; mais la résistance légale n'était plus possible. Satisfaite d'avoir préservé la Bretagne des désastres de la guerre civile, la Cour de Rennes abjurant sans regret les préoccupations politiques, se renferma dans l'accomplissement de ses devoirs judiciaires et administratifs.

Si l'on jette un coup-d'œil rétrospectif sur cette période historique de 1648 à 1653, en ce qui concerne la Bretagne et son Parlement, on voit qu'ils eurent leur part de l'agitation et de l'inquiétude que sema dans les provinces qu'elle ne put atteindre, cette guerre civile, dite de la Fronde, qui fut une époque de transition entre l'ancienne constitution féodale et la nouvelle constitution monarchique, se dégageant des liens que lui avaient imposés ses grands vassaux et renversant le sage contre-poids qu'elle avait elle-même créé dans ses parlements.

Celui de la province de Bretagne resta fidèle à son origine en ce moment de crise politique. Il ne songea qu’à préserver le pays de l'anarchie et à remplir ses devoirs envers la royauté. Si, comme les autres, il fut parfois inhabile à comprendre d'un point de vue large pour l'avenir les affaires de l'état, ainsi qu'il est arrivé à d'autres assemblées plus modernes, il n'en fut pas moins utile par sa résistance légale et modératrice à l'autorité royale, dont il combattait les excès et au pays sur lequel elle lui avait délégué la part la plus noble de ses pouvoirs.

Grâce à sa sagesse, la Bretagne avait évité les malheurs qui avaient accablé tant d'autres provinces : elle n'avait point eu à souffrir de la disette et de la misère qu'elle traîne à sa suite, et contre laquelle saint Vincent-de-Paule avait lutté, avec le dévouement de l'héroïsme chretien, par des institutions charitables, dont le bienfait a été conservé et développé par le temps. Elle n'avait point vu renaître la discorde réligieuse, que l’influence anglaise, sollicitée par la Fronde, n'eût pas manqué d'y réveiller à son profit ; enfin, elle avait repoussé de ses côtes les corsaires espagnols qu'y attiraient la guerre et l’alliance coupable des princes.

En accomplissant toutes ces choses, le Parlement, peu prévoyant de l'avenir, ne pouvait se douter que son rôle, comme puissance politique, était fini ; que l'œuvre commencée par Henri IV devait être terminée par Louis XIV ; que la justice et la politique, en se confondant dans les mêmes mains, avaient créé, dans l'institution parlementaire, un vice organique, qui devait la forcer à se modifier d'abord et plus tard causer sa ruine.

(Ducrest de Villeneuve).

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