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EVASION DES PRISONNIERS EN BRETAGNE au XVIIIème siècle

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On comprend que les accusés qui pourraient espérer un acquittement, n'ont plus qu'une pensée : échapper aux tortures morales qui les accablent et recouvrer la liberté. Il en est de même des condamnés qui croupissent dans les basses-fosses en attendant le passage de la chaîne. Quant aux criminels dont le sort est encore indécis, la seule perspective qui s'ouvre devant eux est la question qui doit leur arracher des aveux, ensuite le bagne ou l'échafaud ; aussi la seule préoccupation des prisonniers criminels est de s'évader. Il leur est facile de se concerter, puisqu'ils sont toujours réunis dans les chambres criminelles ou dans les basses-fosses. La surveillance est à peu près nulle, car le geôlier est seul dans la plupart des prisons. Il n'a des guichetiers a son service qu'à Rennes et à Nantes. Enfin, les prisonniers trouvent facilement les outils dont ils ont besoin pour réaliser leurs projets. Ils ont toujours des communications avec leur famille. Un jour, les prisonniers de Fougères se font transmettre des limes en laissant glisser une ficelle par le conduit des latrines (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 120). Quelquefois ce sont les personnes charitables venues pour porter des secours aux prisonniers, particulièrement les dames pieuses, qui se laissent toucher au spectacle de leurs misères et qui leur livrent secrètement des instruments de délivrance (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Les prisons d'ailleurs sont vieilles, mal bâties, les murs sont décrépits, lézardés ; la maçonnerie est à moitié pourrie. Aussi rien n'arrête les prisonniers ; les évasions sont continuelles. Il est des prisons où elles reviennent toutes les semaines, quelquefois tous les jours. Pour recouvrer leur liberté, les criminels déploient une audace, une fertilité d'inventions dont on ne peut avoir aucune idée de nos jours.

En 1765, le 25 juin, on fait des réparations aux prisons de Fougères. Douze accusés sont enfermés dans la chambre criminelle. Le geôlier croit prudent de les séparer les uns des autres et d'en transférer six dans la chambre civile. Les six criminels ainsi transférés portent avec eux des scies faites avec des ressorts de pendule. A la faveur du bruit des maçons et des charpentiers, ils scient les barreaux de fer de la fenêtre. « Pour mieux couvrir leur manoeuvre, ils pilèrent du charbon qu'ils mêlèrent avec du suif, matière qu'ils étalèrent sur leur ouvrage », pour tromper la surveillance du geôlier. Les barreaux enlevés, ils font une corde avec des draps et glissent le long des murs. Le geôlier se lance à leur poursuite. En son absence, les six malfaiteurs restés dans la chambre criminelle arrachent la porte et prennent la fuite (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 120). En général les prisonniers, pour s'échapper, préfèrent percer les murailles de leur prison, pratiquer « des effondrements ». Pendant l'année 1773, écrit le subdélégué de Fougères, « les effondrements se sont multipliés à un point qui n'est pas croyable ; presque tous les jours il s'en fait de nouveaux, qui coûtent au Domaine plus de 5 à 6.000 livres » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 121).

A Lesneven, en mars 1770, les criminels parviennent à se débarrasser de leurs fers, dont ils se servent aussitôt pour percer la muraille. Arrêtés par le geôlier, qui appelle les voisins à son secours, ils renouvellent quelques jours après la même tentative. En 1774, 1775 et 1776, on les trouve continuellement occupés à percer les murs. En octobre 1775, ils s'enfuient avec leurs entraves, « ce qui fait que l'on manque actuellement de fers pour resserrer les prisonniers », écrit le sénéchal (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 123). En 1764, à la suite d'une révolte, vingt-cinq prisonniers s'échappent à Rennes de la prison de la porte Saint-Michel. En 1766, au mois de juin, tous les prisonniers criminels se concertent pour percer les murs et prendre la fuite. « Ils y ont travaillé pendant plusieurs nuits avec tant de patience et d'adresse qu'ils y auroient réussi, écrit l'intendant, sans un bruit sourd qui se fit entendre au travers du mur de refend qui sépare les prisons de l'hôtel des Nétumières. A ce bruit, les domestiques avertirent le concierge que sûrement les prisonniers travailloient à faire plusieurs ouvertures dans ce mur de refend. Le concierge, accompagné de ses guichetiers, fait sa visite dans les chambres et basses-fosses, et d'abord n'aperçoit rien, ou croit à un faux avis. Cependant, pour être plus sûr, il fait déranger les lits des prisonniers, rangés dans la chambre de la portière contre le mur, et, à force de considérer, il aperçoit des madriers de trois pouces d'épaisseur qui avoient été adroitement coupés derrière ces lits, dont les pièces étoient remises contre le mur, et les joints, à la coupure, garnis de chapelure de croûte de pain de même couleur que le bois. Il ôte ces pièces et voit que les pierres du parement du mur sont entières, mais que les prisonniers de cette chambre, au nombre de treize et quatorze, s'étoient pratiqué une ouverture considérable pour se sauver. Il descend dans la basse-fosse au-dessous de cette chambre, et en considérant bien les parements du mur, il reconnoit une partie de ce parement dont les joints sont dégarnis ; les pierres sur ce parement sont tout aussi faciles à détacher que dans l'endroit de la chambre, et après cette découverte il aperçoit que le mur est ouvert d'un parement à l'autre. Le geôlier prend sur-le-champ les précautions ordinaires, ôte les prisonniers de ces deux endroits et les fait passer avec leurs chaînes dans la cour, et fait avertir messieurs les commissaires des prisons. Dans cet intervalle, tous les prisonniers renfermés dans la cour se détachent facilement de leurs chaînes, qu'ils avaient précédemment en partie coupées ; d'autres travaillent à achever de couper les leurs, et tous font un bruit terrible, se révoltent contre les guichetiers et font ensemble tous leurs efforts pour forcer les barrières ». La maréchaussée arrive, ramène non sans peine les prisonniers dans leurs cachots. Les commissaires du Parlement ordonnent de les enchaîner ; « à peine peut-on trouver des chaînes qui n'aient pas été coupées et affaiblies en différents endroits ». L'intendant Flesselles vient à son tour et constate l'étendue des dégâts. Pour empêcher de nouvelles tentatives de ce genre, on est forcé de garnir toutes les parois des chambres criminelles et des cachots avec d'énormes madriers de chêne, qui protègent la maçonnerie.

Cette précaution rend dès lors les effondrements à peu près impossibles. En 1767, les prisonniers essaient cependant encore de percer les murailles ; ils parviennent même à couper quelques madriers. Mais ils ne tardent pas à comprendre leur impuissance. Alors ils prennent un autre parti et décident une révolte générale pour le 13 novembre. « Pour s'y préparer, ils travaillent tous à la sourdine et avec succès à percer les reins des voûtes qui donnent du côté de la cour, à défaire les attaches des portes de leurs chambres et cachots, et à couper en partie les chaînes qui les retenoient à l'attache. Le 13 novembre, les portes de leurs cachots furent jetées dans la cour, plusieurs passèrent par les ouvertures dans les reins des voûtes, et tous se rendirent en même temps dans la cour. Dans le premier instant, les plus agiles profitèrent du secours des autres, escaladèrent la barrière de cette cour et enfoncèrent sur-le-champ la porte de la cave ou magasin du concierge, prirent les outils et instruments qu'ils y trouvèrent, en donnèrent une partie, au travers de la barrière, à ceux qui étoient restés dans la cour, afin de les mettre en état de forcer cette barrière, ce qui fut promptement fait. Tous ensemble attaquèrent le guichet et le mur sous la chapelle. Ils étoient prêts à briser la principale porte de la prison et à s'évader, lorsque les cavaliers de la maréchaussée, venus au secours du geôlier, forcés de tirer à balle sur ces malheureux, en blessèrent plusieurs ». La réparation des dégâts coûta 6.000 livres (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 127).

A la suite de cette révolte, les tentatives d'évasion ne tardèrent pas à se renouveler, souvent avec succès. En septembre 1768, les criminels réussissent à percer un des murs qui les retiennent ; vingt d'entre eux prennent la fuite. « Ils déclarent en s'évadant que la cherté du pain est la cause de leur désespoir et de leur tentation, préférant, disent-ils, de périr en tâchant de recouvrer leur liberté à mourir de faim en prison ». On a beau augmenter leur solde, six autres s'évadent encore au mois de novembre (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 127). Ce qui les encourage d'ailleurs dans leur tentative, c'est leur nombre même et l'impossibilité d'exercer sur eux une surveillance sérieuse. Le geôlier et ses guichetiers ne peuvent s'aventurer qu'avec prudence au milieu d'une pareille bande de forcenés, entassés dans un espace étroit, et qu'aucun crime n'effraie. « Tous les jours les prisonniers, dans les chambres de force et dans les cachots, ont des outils, des ciseaux, des limes, des scies, du feu, etc. Tous les jours ils coupent les charpentes qui recouvrent les vieux murs, celles de leurs lits, percent la maçonnerie des murs et des voûtes, pénètrent jusque dans les fosses-mortes et conduits sous la prison, et de temps à autre parviennent à s'évader. On n'est averti de l'ouvrage qu'ils font que longtemps après qu'il a été commencé ». La réparation des dégâts et la recherche des prisonniers échappés coûtent 3 a 4.000 livres par an (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 128).

En 1769, la vieille prison de la porte Saint-Michel était tellement encombrée, qu'on craignit qu'elle ne devint le foyer de quelque épidémie. Le Parlement obtint du gouvernement des fonds pour établir une succursale à la tour Lebat, dans les remparts. On y disposa des appartements pour soixante on quatre-vingts criminels. On eut soin d'y transférer les prisonniers « les plus mutins et les plus difficiles à garder » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 127). La tour Lebat ne tarda pas à devenir insuffisante.

L'ordonnance de 1772 eut pour les prisons de Rennes le même résultat que pour les autres prisons royales de la province. Tous les juges seigneuriaux se hâtèrent d'y expédier leurs criminels. A Rennes, le nombre des prisonniers criminels s'éleva presque aussitôt de cent cinquante à deux cent vingt-cinq. Il fallut construire une nouvelle prison, plus grande que celle de la porte Saint-Michel. Elle fut adossée à la tour Lebat (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 128).

On eut beau diminuer le nombre des pensionnaires de la vieille prison, les prisonniers n'abandonnèrent pas leurs tentatives d'évasion. « Le concierge, écrit en 1777 l'architecte Even, me fit prévenir hier au soir, à huit heures, que les prisonniers avoient fait un enfoncement et cherchoient à s'évader. Je me transportai sur-le-champ à la prison, et je vis qu'on avoit coupé une des barres de fer qui sont placées au-dessous du siège des latrines et un des madriers qui forment le devant de ce siège. Il est impossible de concevoir comment ce madrier a été coupé, ayant trois pouces d'épaisseur et portant contre un mur, de façon qu'on n'a pu se servir de scie. Il ne peut avoir été coupé qu'avec la pointe d'un couteau, en y employant un temps et une patience infinis. Deux des prisonniers étoient descendus par le trou qu'ils ont fait sous le siège, en déplaçant ce madrier, dans la fosse-morte, au moyen d'une corde faite avec de la paille et leurs chemises. Ils y étoient depuis neuf heures du matin, quoique cette fosse ait environ vingt pieds de profondeur et qu'il y ait plus de quatre pieds de hauteur de matière. Ces deux hommes, absolument nus, ont travaillé avec la barre qu'ils avoient coupée sous le siège et ont percé le gros mur de la prison. Heureusement, ils ont trouvé une cave remplie de gros bois de chauffage, qui les arrêtés. Un de ces hommes est sorti devant moi de la fosse-morte à neuf heures du soir, et on l'a forcé d'y redescendre pour rapporter la barre et les outils dont ils se sont servis, ce qu'ils ont constamment refusé de faire, quoique on les y ait tenus jusqu'à près de minuit. Un de ces hommes y est resté depuis neuf heures du matin sans sortir » (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 128).

C'est en 1782 que fut achevée la prison de la tour Lebat. Comme elle était neuve et solidement bâtie, il était difficile aux criminels d'y percer les murs. Le sentiment de leur impuissance leur causait une exaspération sauvage. Comme pour inaugurer la prison, on eut à y garder pendant quatorze mois une quantité inaccoutumée d'assassins. Les plus dangereux avaient été saisis au bourg de Maxent. A peine réunis, ces misérables formèrent le projet de se révolter et de s'évader après avoir assassiné le geôlier. Il fallut établir dans la prison un poste permanent de cinq hommes armés pour les contenir. Par ordre du Parlement, le major de la milice bourgeoise soudoya des espions qui lui révélaient toutes les péripéties du complot. Au dernier moment, quand on jugea les accusés de Maxent, la garde de la prison fut portée à vingt-cinq hommes (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 128).

Nous nous sommes particulièrement étendu sur les tentatives d'évasion des prisonniers de Rennes, parce que les prisons de cette ville sont les plus considérables de la province. Mais ce qui se passe à Rennes se passe dans toutes les autres prisons de Bretagne et même dans toutes les prisons du royaume. Partout les prisons sont mal bâties, insuffisantes. Partout se multiplient les rébellions et les évasions (Archives d'Ille-et-Vilaine, C. 134). Une des causes qui favorisent les évasions est le défaut de surveillance de la part des geôliers.

Voir aussi Prisons de Bretagne au XVIIIème siècle " L'ancienne prison de Lannion ". 

Antoine Dupuy.

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