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L'ENSEIGNEMENT SUPERIEUR EN BRETAGNE
AVANT ET APRES LA REVOLUTlON

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La distinction des trois ordres d'enseignement, primaire, secondaire et supérieur, était inconnue avant la Révolution frangaise. Ces trois enseignements existaient cependant en France et même dans tous les pays voisins. La Bretagne à cet égard n'était pas plus mal partagée que les autres provinces du royaume. Peut-être avait-elle moins d'écoles primaires, parce que l'ordonnance royale de 1695, qui prescrivait l'établissement d'une école dans chaque paroisse, n'avait jamais été enregistrée par le Parlement de Rennes et par suite n'avait jamais été appliquée dans le ressort de cette Cour. Mais il est douteux qu'elle ait été strictement appliquée même dans toute l'étendue du ressort du Parlement de Paris.

Quoi qu'il en soit, il est certain qu'il y a en Bretagne, avant la Révolution de 1789, des paroisses rurales et même de petites villes dépourvues d'écoles primaires « fondées, » c'est-à-dire pourvu de revenus assurés, et par suite, régulièrement organisées. Mais ces paroisses et ces villes déshéritées sont excessivement rares. La plupart des paroisses rurales ont deux écoles fondées tantôt par de pieux ecclésiastiques, tantôt par les seigneurs ou de riches bourgeois. Dans ces écoles, l'instruction est gratuite pour les enfants de la paroisse. Les seuls qui aient à payer une modique rétribution scolaire sont les écoliers venus des paroisses voisines. Les écoles primaires, ou, comme on les appelait alors, les petites écoles, se multiplient d'une manière étonnante dans la seconde moitié du XVIIIème siecle. C'est l'époque où, dans presque toutes les villes, s'établissent les frères de la doctrine chrétienne. En peu de temps leurs trois écoles, dans la ville de Rennes, arrivent au chiffre de 1650 écoliers. A Brest, le deux écoles de Brest et de Recouvrance comptent 500 élèves. Pour nous rendre compte de l'état de l'instruction primaire dans les paroisses rurales de Bretagne au XVIIIème siècle, nous avons essayé de dresser des statistiques. Nous avons relevé, pendant une période de vingt ans, dans les registres des délibérations d'une quarantaine de généraux de paroisse, la liste des notables qui paraissent comme délibérants, fabriqueurs, trésorier, égailleurs ou collecteurs des impositions, adjudicataires des travaux publics, etc. Nous avons trouvé qu'en moyonne 30% écrivent correctement, d'une main ferme et expérimentée ; 30 à 40 % savent signer, mais d'une main tremblante et inhabile ; 30 à 40 % sont complètement illettrés. Dan les villes les illettrés sont rares. Ces résultats ne sont pas brillants ; ils montrent cependant que l'instruction primaire, même dans les campagnes, ne fait pas défaut.

L'instruction secondaire est beaucoup plus favorisée. La Bretagne possède treize collèges fondés, dont cinq jouissent d'une remarquable prospérité et comptent de 5 à 800 élèves. Ce sont les Collèges de Nantes, Rennes, Vannes, Quimper et Saint-Brieuc. Ceux d'Ancenis, Dinan, Tréguier, Dol et Vitré, quoique beaucoup moins peuplés, sont loin de végéter. Une trentaine de villes, à défaut de collège, ont un régent, auquel elles assurent un traitement annuel, et sous la direction duquel les écoliers peuvent commencer leurs études clasiques. Quelques-uns de ces régents poussent leur élèves jusqu'en troisième. Les écoliers achèvent ensuite leurs humanités dans un collège du voisinage. L'enseignement secondaire et donc réellement bien organisé et répond aux besoins de la société.

L'enseignement superieur existe, mais à l'état rudimentaire. La Bretagne possède à Nantes une Université, fondée en 1460 par le duc Frangois II, dotée d'importants privilèges et pourvue des quatre Facultés ordinaires : arts, droits, théologie, médecine. Cette Université a un nombreux personnel de suppôts : recteur, docteurs, régents, bedeaux ou massiers, libraires, parcheminiers, relieurs, etc. Jusqu'à l’établissement de la poste aux lettres et des messageries, elle dispute à l'Université de Paris le droit détablir dans la province des messagers chargés du transport des lettres et des paquets. Le recteur délivre seul des brevets de messagers, dont il surveille le service. Jusqu'en 1790, les suppôts de l'Université défendent contre le fisc leurs exemptions et leurs privilèges : exemption de fouage pour les terres qu'ils cultivent « par main, » exemption de casernernent, logement des gens de guerre, guet, garde des portes, tutelle, curatelle, nomination à icelle, etc.

Cependant cette Université ne paraît pas avoir jamais joui d'une grande prosperité. Au XVème siècle, un grand nombre de jeunes Bretons lui préférèrent l'Université d'Angers. Au XVIème et au XVIIème siècle, une foule de jeunes gentilshommes, au lieu d'aller à Nantes, vont à Caen et à Bordeaux. Dans ces deux villes ils trouvent, parmi les étudiants, des compatriotes dont ils partagent les études et surtout les distractions bruyantes. Au XVIIIème siecle c'est Paris qui attire de préférence les étudiants, au moins ceux qui se destinent à la vie ecclésiastique. On est tout étonné du nombre des prêtres bretons qui sont pourvus du titre de bachelier en Sorbonne. On en trouve à la tête des plus humbles paroisses rurales.

Pour bien comprendre d'ailleurs la faiblesse, ou plutot l'impuissance de l'Université de Nantes, comme de presque toutes les autres Universités de France avant la Révolution, il est nécessaire de connaître la composition et le rôle des Facultés dont elles étaient formées. A Nantes, au XVIIème siècle, la Faculté de théologie compte environ 200 étudiants. Mais ces étudiants ne sont autre chose que des élèves du collège de Nantes, qui se destinent à la prêtrise et qui achèvent leurs études par un cours de théologie. Les docteurs de la Faculté de théologie ont des Pères de l'Oratoire, qui sont en même temps professeurs au collège de Nantes. De nos jours, il y a deux sortes d'établissements scolaires, les établissernents laïques et ecclésiatiques, où se recrutent les carrières libérales, et les séminaires où se recrute le clergé. Cette distinction n'existe pas sous l'ancien régime, où les collèges contribuent au recrutement du clergé autant qu’au recrutement des carrières libérales. Chaque collège important est pourvu d’un cours de théologie ; les régents de théologie du collège de Nantes constituent la Faculté de théologie de l’Université de Nantes. Au XVIIIème siècle, les évêque de Nantes fondent un grand séminaire et y établissement un cours de théologie, qui ruine aussitôt la Faculté de théologie. Elle perd ses étudiants et ne conserve plus qu’une existence nominale. La communauté de Nantes a beau réclamer en sa faveur, elle ne réussit pas à vaincre la défiance des évêques, qui accusent les Pères de l’Oratoire de tendences janséniste. La Faculté de théologie est donc en pleine décadence au XVIIIème siècle.

La Faculté des arts, comprenant ce que nous appelons aujourd’hui les lettres et les sciences, comprend six docteurs, qui délivrent à l’occasion, moyennant finance, des diplômes. Mais ces docteurs n’ont rien à faire avec ce que nous appelons aujourd’hui l’enseignement supérieur. Ce sont simplement des régents du collège de Nantes. Comme les docteurs de la Faculté de théologie, ce sont des Pères de l’Oratoire, qui n’ont aucun rôle en dehors du collège auquel ils sont attachés. Ils enseignent les belles-lettres et les sciences, mais ils n’ont d’autres élèves que les élèves du collèges de Nantes.

La Faculté de médecine pourrait aspirer à un rôle plus important. Dans bien des Universités, comme Angers, Caen, Reims, Bourges, etc., aù les Facultés de théologie et des arts sont tombées en décadence, la Faculté de médecine a conservé une vie apparente ; elle a des cours suivis avec plus ou moins d’assiduité ; elle attire ce que nous appellerions les fruits secs des Universités de Paris et de Montpellier ; elle leur fait subir des simulacres d’examens après lesquels, avec une lamentable indulgence, elle leur confère le diplôme de docteur. Il est vrai que les docteurs de ces Facultés ne jouissent jamais d’une grande considération. Rarement ils osent s’établir dans une grande ville, où ils ne trouveraient pas de clientèle : ils ne sont bons que pour les petites villes de province. Les Facultés qui les bombardent docteurs ne leur demandent même pas les douze inscriptions réglementaires. Pourvu que les candidats payent les droits d'examen, leurs juges se contentent de huit inscriptions. Telle est en somme la fonction de la plupart des Facultés de médecine avant la Révolution : elles font des cours peu suivis et créent des médecins de contrebande. La Faculté de médecine de Nantes n'a même pas cet avantage contestable. Les docteurs qui la composent sont pleins de zèle pour le bien public. Dès qu'une épidémie se déclare dans les environs, ils avertissent la communauté ; ils vont sur les lieux étudier la maladie et soigner les malades. Mais ils ne font pas de cours, faute d'étudiants ; ils ne délivrent pas de diplômes, faute de candidats. Ils se bornent à faire subir un examen aux médecins qui viennent s'établir à Nantes. Le produit de ces examens est la seule source de revenu qui alimente « la bourse commune » de la Faculté.

La seule Faculté qui conserve de l'activité et rende de véritables services est la Faculté de droit. En principe elle devrait enseigner à la fois le droit civil et le droit canon ; mais elle néglige depuis longtemps le droit canon et se renferme presque exclusivement dans l'étude et l'enseignement du droit civil. En 1735, malgré les réclamations de la communauté de Nantes, cette Faculté est transférée à Rennes par le Parlement. La ville de Nantes, grâce à une subvention accordée par les Etats, conserve pendant quelques années une chaire de droit français, dont le titulaire est Bizeul. La Faculté de droit conserve à Rennes sa prospérité. Comme les professeurs sont tous des avocats distingués et de savants jurisconsultes, le séjour de Rennes leur offre beaucoup plus d'avantage que celui de Nantes, à cause de la présence du Parlement. Ils acquièrent rapidement une influence considérable et fondent une riche bibliothèque fort utile aux générations suivantes, car elle a formé le noyau de la bibliothèque municipale de Rennes. Autour d'eux se groupe une pléiade d'étudiants, jeunesse active et turbulente qui, dès l'année 1789, se met à la tête du mouvement révolutionnaire.

Une des causes qui contribuent à annuler la Faculté de médecine de Nantes est le développement des écoles de chirurgie, dont les plus importantes sont celles de Nantes et de Rennes. Les chirurgiens sortent au XVIIIème siècle de l'infériorité où les avaient longtemps maintenus les préjugés populaires. Une ordonnance royale les assimile aux médecins et fait de leur profession une carrière libérale. Dans toutes les villes importantes se fondent des écoles de chirurgie où les étudiants sont nombreux et actifs. Ces écoles ne tardent pas à se développer aux dépens des Facultés de médecine depuis longtemps tombées en décadence. Les apothicaires suivent l'exemple des chirurgiens, ouvrent des cours et fondent des jardins botaniques. En Bretagne, les uns et les autres sont encouragés par les Etats et en reçoivent des secours qui, sans être bien importants, leur permettent néanmoins de s'organiser et de se maintenir. Les écoles de Rennes et de Nantes trouvent ainsi des élèves, des professeurs, et se substituent avantageusement à l'antique Faculté de médecine qui n'avait jamais justifié son titre.

En somme, en Bretagne, comme dans les autres provinces du royaume, les écoles primaires et les collèges sont en assez grand nombre pour répondre à tous les besoins de la population. L'enseignement supérieur n'est réellement représenté que par la Faculté de droit et les écoles de chirurgie. Cette situation s'explique tout naturellement par l'état de la société au XVIIIème siècle. Les familles en état, de donner à leurs enfants une éducation libérale sont nombreuses, parce que l'aisance et le bien-être sont beaucoup plus répandus qu'on ne croit. Mais les carrières auxquelles peuvent aspirer les jeunes gens qui aspirent « à vivre noblement, » sans pratiquer le commerce ni l'industrie, sont limitées. La plupart de ceux qui n'ont pas la vocation ecclésiastique se réfugient au barreau ou dans la magistrature. Le nombre des magistrats de toute espèce est prodigieux. Sans doute les fonctions de conseiller au Parlement ne sont abordables qu'à la haute noblesse ou aux riches bourgeois. Il en est de même des offices créés à la Chambre des comptes et dans les quatre Présidiaux de Bretagne. Mais les autres juridictions royales et les différentes juridictions seigneuriales sont pourvues d'offices lucratifs beaucoup moins coûteux. Quiconque a reçu de l'instruction et possède un petit capital peut acheter un titre de sénéchal, alloué, lieutenant ou procureur fiscal. Les offices de procureur, notaire royal ou seigneurial sont multipliés à profusion. Les sergents, les avocats abondent dans toute la province. Il n'est point de gros bourg où l'on ne trouve deux ou trois avocats au Parlement ; quant aux procureurs postulants et aux avocats qui plaident devant les juridictions locales, il serait impossible de les compter. Pour toute cette armée de gens de robe et de gens de loi, les connaissances juridiques sont indispensables. La Faculté de droit a donc une clientèle assurée et un auditoire sur lequel elle peut toujours compter.

Les médecins commencent à se multiplier au XVIIIènme siècle. La plus petite des quarante-deux communautés de la province veut en avoir un à son service. Elle lui assure généralement un traitement de 2 à 300 livres par an, moyennant quoi il s'engage à soigner gratuitement les indigents et les malades de l'hôpital. La plupart de ces médecins sont des docteurs des Facultés de Caen, Angers, Reims, Bourges, etc. Il est rare d'en trouver qui sortent des écoles de Paris ou de Montpellier. Il n'y a des médecins véritablement instruits et sérieux qu'à Nantes et à Rennes. Les chirurgiens sont beaucoup plus nombreux que les médecins et se multiplient beaucoup plus. Ils se répandent partout, dans les villes, dans les gros bourgs. Comme ils se contentent d'honoraires modestes, ils sont toujours recherchés et arrivent rapidement à conquérir ce qu'on appelle « une situation gracieuse ». Quelques-uns commencent leur carrière dans l'armée ou sur les vaisseaux du roi et ne se consacrent au service de la population civile qu'après avoir acquis de l'expérience aux dépens des soldats et matelots. Les registres de la capitation montrent que leur nombre augmente singulièrement dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et que beaucoup d'entre eux figurent parmi les notables des localités où ils s'établissent. Il en est de même des apothicaires. Le nombre et l'aisance des uns, et des autres permettent de comprendre l'existence et la prospérité des écoles de chirurgie et de pharmacie. Moins brillantes et moins suivies que l'école de droit, elles n'en rendent pas moins d'incontestables services et répondent à un besoin de l'ancienne société française.

L'Université de Nantes, ainsi que les écoles de chirurgie et la plupart des établissements d'instruction primaire et secondaire disparaissent pendant la Révolution pour ne se relever qu'au XIXème siècle. Des anciens établissements d'instruction supérieure, les deux plus vivaces, c'est-à-dire l'école de chirurgie de Rennes et l'école de droit sont aussi ceux qui se reconstituent les premiers. C'est l'école de chirurgie qui se réorganise d'abord, mais sur des bases nouvelles, avec un plan plus large, en se transformant en école de médecine. Aussitôt après l'abolition des cours publics de l'école de chirurgie, le plus jeune et le dernier des membres qu'ait reçus l'antique collège des chirurgiens de Rennes, François Duval, continue par des leçons particulières l'enseignement qui vient d'être supprimé. Ses leçons ont un succès inespéré. En peu de temps cinq de ses élèves sont admis comme lauréats à l'école pratique de Paris. Encouragés par l'exemple de leur brillant confrère, les autres médecins de Rennes s'unissent à lui et fondent en 1800 une école libre d'instruction médicale. En 1803, le préfet d'Ille-et-Vilaine, Mounier, comprenant l'importance de cette école et les services qu'elle peut rendre, l'érige en école départementale de médecine et confie exclusivement à ses membres le soin des hôpitaux civils et des prisons.

L'école de Rennes a dès lors une existence officielle et se trouve placée sous le patronage de l'administration, qui ne peut plus l'abandonner. A mesure que se réorganise l'enseignement de la médecine, complètement détruit ou bouleversé pendant la Révolution, elle monte en grade ; elle a sa place marquée dans toutes les créations opérées depuis le commencement du XIXème siècle. En 1820, le gouvernement de la Restauration fonde les écoles secondaires de médecine. L'école de Rennes est comprise au nombre de ces écoles. En 1840, le gouvernement de Juillet institue les écoles préparatoires de médecine et de pharmacie. L'école de Rennes a immédiatement sa place marquée parmi ces écoles, dont plusieurs n'avaient rien de nouveau que leur titre. Vers la même époque, il était question d'ajouter aux Facultés de médecine de Paris, Montpellier et Strasbourg une quatrième Faculté établie dans l'Ouest de la France. L'école préparatoire de Rennes semblait tout naturellement désignée ; pendant deux ans ses professeurs insistèrent pour qu'elle fût transformée en Faculté, avec un enseignement complet et le droit de conférer le grade de docteur. Mais leur espoir fut déçu. Tout en multipliant les écoles, on craignait toujours qu'il n'y eût trop de médecins, qu'il ne leur fût impossible de se créer une clientèle. On se contenta donc de conserver les trois Facultés consacrées par le temps, sans oser en créer une quatrième pour les départements de l'Ouest.

Pendant plus de vingt ans, l'école de Rennes est une des plus considérables qu'il y ait en France. Sans doute elle ne peut, par le nombre de ses élèves, égaler les Facultés ; mais parmi les écoles secondaires, elle figure dans un rang très honorable. Les seules écoles qui la surpassent quelquefois sont celles de Lyon, Bordeaux et Toulouse. Elle est vantée pour l'excellence et la solidité de son enseignement : « Les nombreux officiers de santé qu'elle fournit, pendant le règne de Napoléon, aux armées françaises qui alors parcouraient l'Europe, les lauréats qu'elle comptait dans les Facultés, les professeurs distingués qui s'honoraient de lui avoir appartenu comme élèves, lui faisaient au loin une réputation qui était presque ignorée dans les lieux où ses membres se livraient à de si utiles travaux ».

La plupart de ses professeurs n'étaient pas seulement des praticiens expérimentés, c'étaient aussi des savants d'un esprit original qui produisaient souvent des mémoires ingénieux et poursuivaient des recherches fécondes dans le domaine de la science médicale. Mais ils n'avaient ni salles commodes pour leurs cours, ni matériel pour leur enseignement ; ils étaient nomades et forcés d'accepter, pour y faire leurs leçons, les locaux vides qu'on voulait bien mettre à leur disposition. Ces locaux se trouvaient dispersés dans différents quartiers. En 1800, on leur prêta les vieux bâtiments de l'ancienne école de droit, près du terrain ou s'élève aujourd'hui le palais universitaire. « Le sol y était à peu près sans pavé, la voûte et la toiture menaçaient de s'effondrer ; les croisées dégarnies de vitraux, laissaient le vent et la pluie pénétrer de toutes parts. Il fallut abandonner ces bâtiments et l'école se trouva fort heureuse, lorsque l'administration des hospices voulut bien la recevoir, dès 1803, dans un local dépendant de l'ancien couvent de Saint-Yves ». L'administration des hospices fut forcée de reprendre une partie de ce couvent en 1805 et le reste en 1810. « Elle assigna pour refuge à l'école de médecine la chapelle de l'Ecce-Homo, qui est restée longtemps son principal siège. C'est dans cette chapelle à voûte élevée et mal éclairée, qu'à dater de cette époque ont eu lieu la plupart des cours, au milieu de trois rues conduisant au port Saint-Yves, sans un abri pour garantir les élèves en attendant l'heure de la leçon, sans un réduit où le professeur pût se recueillir avant de monter dans sa chaire. C'est là que le personnel de l'école tenait ses séances et ses solennités ».

Aux leçons et aux travaux d'anatomie était affecté un autre local. Lorsque l'administration des hospices en 1810, reprit possession du couvent de Saint-Yves, on assigna à l'école pour cette branche de l'enseignement, les tours de l'ancienne cathédrale, alors en ruine et entièrement abandonnées. L'une d'elles avait jadis été à la disposition des Etats et de la commission intermédiaire, qui y déposaient leur mobilier et leurs archives ; mais depuis plus de vingt ans elle n'avait jamais été entretenue ni réparée. « C'est là, à une hauteur où l'on ne parvenait qu'après avoir franchi plus de cent marches d'un escalier obscur, dans de grandes salles délabrées, exposées à la fureur des vents, que l'on enseigna jusqu'en 1813 l'anatomie ». Il fallut alors déménager, la cathédrale fut rendue au culte ; « mais il restait encore une autre ruine d'un aspect plus humble, dont l'école de médecine n'avait pas pris possession : c'était l'ossuaire de l'ancien cimetière de l'église Saint-Etienne. Des négociations furent entamées avec l'administration de la guerre qui l'avait en sa possession, et cet ossuaire fut transformé, à peu de frais et sans grandes difficultés, en salles d'anatomie ». Ainsi, pour l'enseignement de la médecine la chapelle de l'Ecce-Homo ; pour l'anatomie, l'ossuaire du cimetière de Saint-Etienne, tels étaient les deux locaux les plus importants dont disposait l'école. Pour les leçons de chimie et de pharmacie, elle avait une salle basse et humide de la rue Saint-Louis.

Quant au matériel scientifique nécessaire aux démonstrations, « on n'oserait appeler de ce nom quelques meubles de première nécessité, quelques objets tout à fait indispensables à l'enseignement, qui dataient la plupart de l'origine de l'école, et dont l'état de vétusté répondait à la pénurie des bâtiments. On ne saurait imaginer rien de plus misérable, disait Orfila dans une inspection qu'il fit en 1835, avec la mission de présenter un rapport sur l'état des écoles secondaires de médecine ». Si d’ailleurs l'école avait possédé un matériel convenable, on n'aurait su où le placer ; les salles étaient toutes beaucoup trop petites, les bancs seuls où s'asseyaient les étudiants pendant les cours suffisaient pour les encombrer. Le petit nombre d'appareils et d'instruments dont on disposait était confié à la garde des professeurs qui les emportaient chez eux. En 1841 cependant, une généreuse allocation de la municipalité permit à l'école d'acquérir un matériel sans lequel les leçons étaient souvent inintelligibles. En 1855, elle put abandonner les salles informes auxquelles si longtemps elle avait été condamnée, et s'établir au palais universitaire.

L'école de droit de Rennes, abolie en même temps que l'école de médecine, se reconstitue un peu plus tard ; mais à peu près dans les mêmes conditions. De bonne heure, plusieurs jeunes jurisconsultes, qui plus tard s'illustrèrent au barreau, dans la magistrature et dans le professorat, organisent des conférences pour l'enseignement du droit. Parmi eux figurent Chaillou, Toulier, Lanjuinais, Loysel, dignes successeurs des incomparables jurisconsultes qui au XVIIème et au XVIIIème siècle avaient honoré la Bretagne. Parmi eux nous voyons paraître Vatar, dont la carrière est intéressante à étudier, parce qu'elle montre à la fois les difficultés que rencontrait alors, en l'absence de toute école supérieure, un jeune homme qui voulait compléter son instruction, et les résultats qu'il pouvait obtenir à force d'énergie et de persévérance. Né à Rennes en 1779 et issu d'une famille d'imprimeurs depuis longtemps au service des Etats et du Parlement de Bretagne, Vatar se réfugie à Saint-Brieuc pendant la Terreur ; il y apprend le droit seul et sans maître ; il achève ses études à Rennes, où il devient bientôt jurisconsulte distingué, professeur et enfin doyen de la Faculté de droit. En effet, les jeunes maîtres qui ont commencé des conférences destinées à l'enseignement de la jurisprudence organisent rapidement une école libre, qui en 1806 est officiellement reconnue par l'Etat et qui compte déjà 150 élèves en 1812. Ce nombre est bientôt dépassé ; il s'élève à près de 240 pendant les dernières années de la Restauration.

Ainsi les seules branches réellement florissantes que présente l'enseignement supérieur avant la Révolution, étaient revenues spontanément à la vie au commencement du XIXème siècle. Elles se développent sous Napoléon, pendant la Restauration et les premières années du gouvernement de Juillet. Toutes les autres parties de l'enseignement commençaient également à renaître. Grâce à la loi Guizot, les écoles primaires se rétablissaient dans les campagnes. Les collèges royaux de Rennes et de Nantes étaient en pleine prospérité ; les collèges communaux, dans les villes moins importantes de la province, comptaient déjà un nombre respectable d'élèves. Pour élever le niveau de l'enseignement secondaire, assurer le recrutement des professeurs, enfin, pour achever l'œuvre si heureusement entreprise par les écoles de droit et de médecine, il devenait indispensable de créer à côté de ces deux écoles les Facultés des lettres et des sciences, qui, avec elles représentent l'enseignement supérieur. La Faculté des lettres fut créée en 1838, celles des sciences en 1840. L'enseignement supérieur fut ainsi pourvu à Rennes de tous ses organes. Les trois Facultés et l'école de médecine étaient d'ailleurs merveilleusement placées dans une ville où le séjour du Parlement, les fréquentes tenues des Etats provinciaux avant la Révolution avaient laissé des traditions fécondes qu'entretiennent encore la présence de la Cour d'appel, d'une magistrature nombreuse et d'un corps d'avocats éclairés et intelligents. Cependant l'établissement de quatre compagnies chargées de l'enseignement supérieur ne peut être considéré comme complet et définitif que depuis l'inauguration du palais universitaire, en 1856. Jusqu'alors c'est à l'hôtel de ville que se faisaient les cours des sciences et des lettres. C'est dans la grande salle de cet hôtel qu'avaient lieu les séances universitaires, entre autres la séance annuelle de rentrée des Facultés.

Dès le début, la composition même des deux Facultés des lettres et des sciences montre leur importance et fait pressentir la place glorieuse qu'elles occuperont dans l'Université. Parmi les professeurs de la Faculté des lettres figurent Pierre Varin, X. Marmier et Th. Henri Martin. Marmier et Henri Martin étaient alors tout jeunes ; Henri Martin n'avait que vingt-cinq ans. Marmier, devenu plus tard membre de l'Académie française, s'est signalé dans la littérature. H. Martin, qui a passé presque toute sa vie au sein de la Faculté de Rennes, est un érudit dont nous n'avons pas besoin de rappeler les travaux. Quant à Pierre Varin, le premier doyen qu'ait eu la Faculté, il était déjà connu par ses importantes découvertes dans les archives municipales de Champagne et de l'Ile-de-France. C'était un des savants qu'Augustin Thierry s'était associés et qu'il avait chargés de recueillir les matériaux dont il avait besoin pour son Histoire du tiers état. Professeur d'histoire, Varin charmait ses auditeurs par son éloquence entraînante. Mais la lecture des vieilles chartes avait affaibli sa vue ; la publication des pièces tirées des archives de Reims, dans la Collection des documents inédits de l'histoire de France, avait altéré sa santé. Il fut bientôt obligé d'abandonner sa chaire pour devenir conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal. Parmi les professeurs de la Faculté des lettres parurent ensuite deux autres hommes également distingués, Labitte et Lehuérou. Labitte se signala de bonne heure par son piquant ouvrage sur les prédicateurs de la Ligue. Quant à Lehuérou, à l'érudition il unissait la vigueur du style, la clarté de l'exposition. Son magnifique travail sur les institutions des Mérovingiens et des Carlovingiens avait attiré sur lui l'attention des savants. Sa mort prématurée, en 1842, fut un sujet de deuil pour la Faculté de Rennes et pour l'Université de France, dont il aurait été l'orgueil s'il avait pu continuer ses études.

La Faculté des sciences ne paraît pas moins brillante en 1840 que celle des lettres. Les membres qui la composent sont déjà connus par leurs travaux scientifiques. Chaque année ils poursuivent leurs recherches et publient quelque nouveau mémoire. Parmi eux nous distinguerons Vieille, devenu plus tard professeur de mathématiques à l'École normale et inspecteur général de l'enseignement secondaire ; La Provostaye, qui se signale comme chimiste ; Payer, qui étudie le terrain tertiaire des environs de Rennes ; Malaguti, qui commence sa longue et brillante carrière par un mémoire sur la composition du kaolin. Dès la séance d'inauguration de cette Faculté, en 1840, son doyen Dujardin définit nettement le double but qu'elle se propose : « L'enseignement de la Faculté des sciences doit être un enseignement tout à fait supérieur et destiné à former des licenciés ; cependant chacun des professeurs saura trouver le moyen de concilier les obligations de son titre avec le désir de populariser la science, ou du moins de la rendre accessible au plus grand nombre ». C'est un but que la Faculté des sciences n'a jamais perdu de vue et qu'elle a toujours su atteindre. C'est aussi le but que poursuit la Faculté des lettres, en contribuant à la fois à recruter le corps enseignant et à répandre dans le public les découvertes de la science historique et les connaissances littéraires.

Si maintenant nous considérons le rôle et les services rendus depuis 1840 par les trois Facultés et par l'école de médecine, nous pouvons remarquer, en ce qui concerne l'école de médecine, que, malgré le développement de l'école d'Angers et surtout de l'école de Nantes, son importance n'a pas diminué. En 1840, aussitôt que les allocations municipales lui permettent de se pourvoir d'un véritable matériel scientifique, le nombre de ses élèves s'élève de 70 à 100. Ce nombre reste dès lors à peu près stationnaire : 90 étudiants en 1846, 111 en 1851, 104 en 1855, 112 en 1872, 102 en 1877. Pendant longtemps le nombre des professeurs et par suite des cours a été insuffisant. L'école n'en comptait que huit avant 1855, tandis que les écoles de Lyon et de Toulouse, qui n'étaient guère plus florissantes, en comprenaient chacune quatorze. En 1855, la municipalité de Rennes se décida à de nouveaux sacrifices, créa de nouvelles chaires et mit ainsi son école en état de soutenir son ancienne réputation.

L'école de droit, bien qu'une des plus importantes qu'il y ait en France après Paris, ne paraît pas avoir eu tout d'abord un nombre d'étudiants proportionné à l'étendue du ressort académique et à l'ardeur avec laquelle la jeunesse bretonne avant la Révolution recherchait les offices « de robe ». Mais il ne faut pas oublier que l'abolition de l'ancien régime a complètement changé les mœurs de la bourgeoisie. Les réformes opérées par l'Assemblée constituante et par le premier Consul ont singulièrement réduit le nombre des fonctions judiciaires et par conséquent rétréci les horizons qu'elles offraient aux jeunes gens. En même temps elles ont ouvert pour eux d'autres carrières. Avant la Révolution, « la robe » était l'unique voie offerte à leur ambition ; depuis, leurs efforts se sont portés de divers autres côtés. Le nombre des étudiants est encore de 220 en 1850 ; mais il diminue considérablement l'année suivante. En 1807, il remonte à 200. « Ce chiffre, dit le doyen, n'avait pas été atteint depuis seize ans, et j'estime même qu'il est difficile d'en espérer un plus considérable à l'avenir. On fait peu de droit en Bretagne, les carrières militaires et maritimes y absorbent l'activité d'un grand nombre de jeunes gens ; d'un autre côté, les offices ministériels y ont relativement peu de valeur, et dès lors ceux qui aspirent à en devenir titulaires ne recherchent pas le diplôme, lorsque la loi ne leur en fait une obligation. J'ajoute que les départements de la Mayenne et de Maine-et-Loire surtout nous donnent peu d'étudiants, à cause de la concurrence de Caen, Poitiers et Paris. Du reste, ce chiffre de 200 étudiants n'est atteint que par un très petit nombre de Facultés de province ». Ce nombre cependant a été dépassé dans la suite, car la Faculté a compté 359 étudiants inscrits en 1883 et 370 en 1884. Encore ne comprend-elle pas dans ce nombre les amateurs qui prennent des inscriptions sans subir d'examens. On en compte 81 en 1883, 90 en 1884.

Il est vrai que tous les candidats inscrits ne suivent pas les cours de la Faculté et que plusieurs ne paraissent devant elle que pour subir les examens. Un grand nombre suivent les cours de la Faculté catholique d'Angers ou de l'école libre de Nantes. D'autres, à titre d'employés du commissariat de la marine, ou sous divers autres prétextes, se font dispenser de suivre ses cours, ce qui ne peut produire que de médiocres jurisconsultes. « Il n'est pas douteux, dit en 1885 le doyen, que, sans l'aide des cours, il est impossible d'arriver à une préparation suffisante pour les examens. Aussi la plupart de ces jeunes gens ne réussissent que grâce à l'indulgence de la Faculté et après avoir subi de nombreux échecs ».

Pour encourager les étudiants au travail, Cousin, alors ministre de l'instruction publique, institua aux frais de l'Etat, dans les diverses Facultés, un concours avec distribution de prix et de mentions pour les étudiants de 3ème et de 4ème année. Une circulaire du garde des sceaux et une autre du ministre des finances firent savoir que les lauréats seraient préférés à tous autres candidats pour les fonctions judiciaires et pour celles de l'enregistrement. En 1867, un décret institue même un concours général entre tous les étudiants de troisième année de la France entière. Les étudiants de première et de seconde année ne pouvaient aspirer à ces récompenses. La Faculté de Rennes, à l'exemple de plusieurs autres, obtient en 1855 du Conseil général d'Ille-et-Vilaine une subvention qui lui permet d'instituer un concours du même genre en leur faveur.

Un des caractères qui distinguent de bonne heure les étudiants de la Faculté de Rennes, c'est l'excellent esprit dont ils sont animés. Ils abandonnent les habitudes turbulentes, qui si longtemps avaient été le fléau des écoles de droit. Ils montrent de la gravité, de la réflexion. « Jamais, peut-être, dit en 1842, le doyen, cette école ne se montra plus calme, plus studieuse, plus remplie d'émulation, en un mot plus digne d'elle-même. Le zèle des professeurs et la perspective des concours contribuent . Sans doute puissamment à ces résultats heureux, mais des pensées précoces d'avenir deviennent aussi pour beaucoup l'un des premiers mobiles. Depuis que 1830, s'appuyant sur notre loi fondamentale, permet réellement à tout Français qui l'aura mérité d'aspirer aux fonctions et distinctions les plus élevées, notre jeunesse, naguère si légère, si pétulante, a pris insensiblement plus de gravité. Maintenant, à peine sorti du collège, chacun songe d'avance à une carrière, situation d'esprit éminemment utile, pourvu qu'elle n'entraîne point de résolutions précipitées ou n'excite pas de trop ambitieuses prétentions ». En 1866, M. Bodin rend aux étudiants le même témoignage : « Leur tenue est toujours bonne, et sous ce rapport, je puis affirmer, comme mes prédécesseurs, que l'école de Rennes n'a guère de rivales ».

On trouve bien quelques jeunes gens qui, venus à Rennes pour étudier le droit, oublient de se faire inscrire. D'autres, dit en 1855 le doyen Richelot, « ne viennent aux cours que de temps à autre, et seulement pour prévenir les conséquences fâcheuses des appels ». Mais ce sont là de rares exceptions.

En général, l'assiduité des étudiants ne laisse rien à désirer. Seulement on a de la peine à les décider à prendre des notes pendant les leçons des professeurs. « C'est cependant une précaution essentielle, tant pour les rédactions plus développées auxquelles on aura le bon esprit de consacrer ensuite quelques heures, que pour rendre plus facile la préparation des examens ».

Parmi les étudiants les plus laborieux, dit en 1855 le doyen, « il en est trop qui ne voient dans l'étude du droit qu'un moyen d'arriver à l'obtention du diplôme de licencié. C'est pour eux la pensée dominante. Conquérir au plus vite ce titre, voilà ce dont ils se préoccupent vivement. Souvent même on n'attend pas la fin de ses études pour aborder une carrière ; on postule afin de parvenir à des surnumérariats assez peu compatibles avec de fortes études, car le grade à obtenir n'a plus qu'un but secondaire. Presque toujours alors les examens sont médiocres ou même mauvais ». Enfin, il en est qui n'abordent l'étude du droit qu'après avoir fait de mauvaises études classiques ; c'est pour eux une cause de faiblesse qui paralyse leurs efforts. « Les jeunes gens, dit en 1866 M. Bodin, nous arrivent souvent sans études antérieures suffisantes. C'est surtout l'art de penser qui leur fait défaut et c'est là ce qu'il faut déplorer ».

L'institution des concours provoque d'abord parmi les étudiants une généreuse émulation. En 1841, sur 60 étudiants de troisième année, 20 se présentent pour concourir. Cette ardeur se maintient pendant de longues années. « Les jeunes gens, dit en 1880 M. Bodin, se pressaient naguère à ces concours. C'était déjà un honneur d'être entré dans la lice, et on y tenait. La magistrature, l'enseignement, le barreau comptent un grand nombre de nos lauréats. Leurs succès universitaires ont singulièrement contribué à leur ouvrir la carrière, et on peut affirmer que dans chaque compagnie ils figurent au rang des meilleurs ». L'émulation cependant paraît avoir diminué dans les derniers temps. Presque tous les doyens se plaignent de l'indifférence des étudiants, qui ne daignent même plus aborder les concours. Le mal n'est point particulier à la Faculté de Rennes ; il est général et répandu dans toute la France. Les professeurs s'appliquent à combattre cette indifférence, à ranimer l'émulation de leurs élèves. Ceux de Rennes ne désespèrent pas de réussir et ont déjà obtenu d'heureux résultats dans cette lutte contre une inexplicable apathie.

Le rôle des Facultés des lettres et des sciences diffère de celui de la Faculté de droit et de l'école de médecine, en ce que leur programme est plus vaste et moins nettement circonscrit. La plupart des professeurs, par des travaux personnels, contribuent aux progrès des sciences, enrichissent la littérature. Les deux Facultés ont produit un grand nombre de travaux de ce genre, C'est par là que naguère deux professeurs de la Faculté des sciences sont devenus correspondants de l'Institut. Henri Martin, grâce à ses longues et puissantes découvertes dans le domaine de l'érudition, est devenu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres ; M. Robiou, moins heureux, a du moins conquis le titre bien mérité de correspondant de cette Académie. Depuis quelques années, la Faculté des lettres est entrée dans une voie nouvelle et féconde. Elle a abordé l'étude des langues celtiques et de l'histoire provinciale. Elle a fondé, pour recueillir ses travaux, les Annales de Bretagne, dont le succès a dépassé ses espérances.

Les deux Facultés ont des cours publics, où les professeurs, devant un auditoire d'élite, cherchent à répandre le goût des recherches scientifiques, de la littérature et de l'érudition. Dans les conférences ils préparent les jeunes gens aux épreuves de la licence et de l'agrégation, bien que l'insuffisance de leur personnel ne leur permette pas toujours de préparer complètement à tous les ordres d'agrégation. Quant aux candidats à la licence, les uns sont résidents et suivent les conférences de chaque jour ; les autres sont retenus loin de Rennes par leurs occupations et se préparent aux examens par correspondance. Ils reçoivent tous les mois des textes de compositions qui leur sont renvoyées avec les corrections des professeurs. Quelques-uns viennent assister aux conférences des jeudis. Le personnel des candidats à la licence se compose de deux éléments, les candidats appartenant à l'Université ou à l'école de droit et les candidats appartenant à l'enseignement libre. Les uns et les autres vivent en bonne intelligence, grâce à l'impartialité et à l'esprit de tolérance des professeurs, qui témoignent la même sympathie à tous leurs élèves, quelle qu'en soit l'origine. Grâce aux leçons des deux Facultés, le nombre des licenciés a augmenté dans les collèges de l'Etat et dans les établissements libres ; le niveau de l'enseignement secondaire s'est sensiblement élevé dans tout le ressort de l'Académie.

La partie la plus pénible de la tâche des deux Facultés, ce sont les examens. Les soutenances de thèses de doctorat sont plus rares devant la Faculté des sciences que devant celle des lettres. La plupart des candidats appartiennent à l'enseignement libre. Ils ont maintenant une tendance marquée à emprunter leurs sujets à l'histoire locale. C'est une tendance que la Faculté ne peut qu'encourager. Les examens du baccalauréat, particulièrement du baccalauréat ès lettres, deviennent tous les ans plus nombreux. Les candidats se multiplient surtout depuis que l'examen du baccalauréat ès lettres a été scindé en deux parties. En 1841, les Facultés avaient eu à examiner 274 candidats au baccalauréat ès lettres, 19 au baccalauréat ès sciences. On compte 602 candidats pour les lettres et 79 pour les sciences en 1851 ; 399 candidats pour les lettres et 273 pour les sciences en 1866 ; 983 pour les lettres et 323 pour les sciences en 1877. Pendant l'année scolaire 1885-1886, le nombre des candidats s'élève à 1692 pour les lettres, 452 pour les sciences. L'Académie de Rennes est après celle de Paris, une de celles qui fournissent le plus de candidats au baccalauréat.

Les Facultés de Rennes sont loin d'avoir le matériel et le nombre des professeurs dont elles auraient besoin pour répondre à toutes les nécessités de l'enseignement. Malgré les sacrifices que l'Etat a déjà faits en leur faveur, il resterait encore beaucoup à faire, si la situation du Trésor le permettait. Bientôt la Faculté des sciences aura des bâtiments plus commodes pour ses cours et ses laboratoires, et les autres Facultés un local plus vaste pour leurs étudiants. Grâce à l'activité de son doyen et du professeur de physique, la Faculté des sciences est pourvue d'un riche laboratoire et d'importantes collections d'histoire naturelle, qui figurent parmi les plus belles qu'on puisse trouver dans les départements. Malgré les lacunes qui restent encore à combler dans le personnel enseignant, il est impossible de n'être pas frappé des progrès accomplis depuis le siècle dernier. Avant la Révolution, la plupart des Facultés n'avaient qu'une existence nominale. Nos Facultés contemporaines ont une existence réelle. Elles vivent et travaillent.

(A. Dupuy).

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