Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

DOCUMENTS SUR LE COMMERCE BRETON.

 ANCIENNES PANCARTES DES XIVème XVème et XVIème siècles.

  Retour page d'accueil       Retour " Histoire de Bretagne "   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Parmi les pièces et documents historiques qui ont leur importance pour l'histoire de l'industrie et du commerce en Bretagne, on peut ranger les anciennes pancartes réglant le prix des denrées et des marchandises, les salaires des ouvriers, les droits et redevances appartenant au souverain du pays et aux seigneurs féodaux sur les objets vendus.

L'abbé Travers, dans son Histoire de Nantes, tome Ier, p. 418, 419, a publié un acte de cette nature, intitulé : « Police pour les denrées et ouvriers à Nantes, le samedi après la Purification de la Sainte-Vierge 1336, par le Duc Jean III et l'évêque Daniel [Note : Daniel Vigier fut évêque de Nantes de 1304 à 1337] o l’asentement de nos coadjutours ».

On lit en tête de ladite police : « Ce sont les ordrenances faites sus les marchans, sus les marchandies, sus les denrées, sus les ovriers et sus les autres choses de Nantes en la manière qui se ensuist ». Vient alors le détail des diverses prescriptions concernant, — le prix du pain, — le droit de mouture des meuniers et leurs obligations vis-à-vis de la population de la ville, — le prix du vin, — la vente du poisson ; il est à noter que le Duc prohibe la vente des poissons aux coratiers (courtiers), aux regratiers ou regratières, jusqu'à l'heure de prime, afin que le peuple de Nantes pût s'approvisionner avant que le poisson ne fût enlevé pour être revendu par les marchands en détail.

La pancarte s'occupe ensuite du prix du blé et autres grosses denrées « amenées ou apportées à Nantes tant par terre que par esve, pour cause de vendre en gros » ; — du prix de la « chair grossière », c'est-à-dire des viandes de boucherie ; — de celui des « chevreaux, aigneaux, vollailles, connins (lapins et lièvres), et autres denrées soit mortes ou vives », même défense que devant d'en livrer aux revendeurs avant l'heure de prime ; — des salaires des journées de maçons, charpentiers et antres ouvriers : « Et avons ordonné, ajoute la pancarte, que tous ouvriers de quelconque condition que ils soient, commenceront leur journée à souleill levant, et acheveront à souleill couchant, sans en exir ».

Viennent ensuite les peines contre les contrevenants à l'ordonnance. Pour une première infraction, perte des denrées ou du salaire ; pour une seconde infraction, en plus de la confiscation, amende de 60 sous ; pour la troisième, confiscation, amende et mise au pilori ; pour la quatrième, mêmes peines et en outre bannissement hors de Bretagne.

Cette pièce, dont on peut lire le texte entier dans Travers, a son intérêt : j'en citerai une autre plus complète et moins connue encore ; c'est une ancienne pancarte de Rennes, dressée le 4 janvier 1481 « pour obvier ès abus et exactions indeues... commis par les fermiers des fermes après declerées, en levant aucuns debvoirs desdittes fermes ».

Les diverses recettes du domaine ducal étaient perçues par les mains d'agents qui les prenaient à ferme et payaient directement au trésor du suzerain. C'étaient comme les fermiers généraux des derniers temps de notre Monarchie française, avant 1789.

La pancarte en question fut dressée par « noble homme, sage et pourveu Maitre Jacques de la Villéon, séneschal de la cour de Rennes », avec le conseil des autres juges de ladite cour, et de tous les bourgeois composant le gouvernement municipal de la cité.

L'ordonnance commence par régler que charge et pacquet de marchandies sont une seule et même chose, et que le poids en est fixé à 812 livres. D'après cette base est réglé le taux de l'impôt dit « Devoir de clouaison », espèce d'octroi affecté aux réparations des murailles et tours de l'enceinte de Rennes.

Sur les vins, il est dû 2 .fr. par pipe de vin, tant étranger que nantais, 12 deniers par pipe de vin breton et de cidre.

Sur les draps, sur la mercerie, sur les peaux et laines, les taxes sont établies suivant la valeur, la provenance et la dimension des marchandises. La nomenclature des divers objets passibles du droit nous révèle l'importance et les éléments du commerce à Rennes au XVème siècle.

Drap de bureau ou bure (grosse étoffe de laine brune), drap de couleur fait en Bretagne, draps de Rouen et de la vicomté, draps de Saint-Lô.

Sous le titre de mercerie sont compris : les peaux de pelleterie fine, tant du pays que du dehors, bourre et floc, coton, toile blanche, cire, étain, plomb, fer blanc et noir, fil d'archal, fil de laiton, de fer, alun, garance, savons noirs et blancs, brézil, couperose, noix de galles, époussetes, couetilz, etc.

La pancarte enregistre encore les fermes de la recette ordinaire de Rennes appartenant au duc et qui comprenaient :

1° La ferme du Poys (poids), dont les droits frappaient le poisson sec, salé et frais, le hareng, l'avoine, la grosse toile, le beurre, la lingerie vendue en détail, la fruiterie (cette appellation s'étendait non-seulement aux fruits proprement dits, mais encore « aux oeufs, poullailles, ouaisons et chevreaux ») les palles ferrées, le sel, les objets de quincaillerie, sellerie et ferraille.

2° La ferme du Lignaige, dont les droits frappaient le bois de chauffage et autre ; — les teinturiers étaient exempts pour leur bois de teinture.

3° Celle du Minaige, dont le revenu se partageait entre le Duc, l'Evêque de Rennes, l'Abbesse de Saint-Georges et le seigneur baron de Fougères. Ce droit frappait le blé dont la mesure se divisait en somme, bouexel (boisseau) et quern (quart du boisseau).

4° La ferme de la Boulangerie, dont les droits se percevaient sur les boulangers « et pannetiers vendant dans la ville et ès neuf paroisses de Rennes, » sur les marchands de « fouaces de Saint-Grégoire, » sur les marchands de gruau et marchandes « de crespines, vendant sur les estaulz de la boulangerie loués par ledit fermier ».

5° La ferme de la Boucherie, dont les droits se levaient sur tous vendeurs de chair salée et de porc.

Le fermier de la Haute-Cohe avait le droit de contraindre les marchands de draps, — excepté ceux de la ville, — « à étaler en ladicte cohue, les jours de foires et marchés, afin qu'il ait plus grant agrément quel nombre de draps seront vendus et exposez en vente, » dit la pancarte. Il était dû au Duc, sur chaque pièce de drap exposée en vente, 4 deniers, et ce devoir était doublé les jours de foires de la Pentecôte, de la Saint-Melaine et de la Mi-Carême.

Le fermier de cet impôt louait à son profit les étaux de la Cohue aux drapiers, percevait un certain droit sur les marchands étrangers au duché de Bretagne, et sur les drapiers de Rennes qui « estallaient à leurs maisons, sans aller à la Cohue ». Quant aux marchands de Normandie, ils étaient tenus d'étaler en la halle ou de payer dix sous par charge.

La Traicte domaniale de Rennes, levée au profit du Duc, consistait dans les droits sur les marchandises à l'entrée et à la sortie de la ville.

Le devoir de Fenestraige était payé annuellement au seigneur baron de Fougères, à l'évêque et au prieur du Châtel, par « les venderesses de chandelles qui devaient 4 deniers, les bonnetières, les cordouanniers [Note : Le « cordouan » était une peau de chèvre corroyée, mise en oeuvre pour les chaussures], les maréchaux-ferrants, les aiguilletiers, baudroiers, coutelliers, faiseurs d'esquerdes (écardes) [Note : Ecardes, cardes, peignes de cardeurs], ceux qui usent de martel à seau et de forces (gros ouvrages en fer), tenans fenestres sur rue ès fiefs du Duc, de l'évêque et autres fiefs ». Ce droit consistait en 10 deniers par an, et pour d'autres métiers 4 deniers.

« Les esperonniers, selliers, pintiers, mynusiers (menuisiers), barbiers et fourbisseurs de hernoys (harnois) » étaient exempts de ce devoir de « fenestraige, » ainsi que « les potiers, porteurs de rangeots, porteurs de palles de bois non ferrées ». Les cordiers, pour toute redevance, devaient le cordaige pour servir à l'exécution des condamnés à mort par la Cour de Rennes.

Enfin il y avait encore les devoirs de Coustume ou de Trespas dus au seigneur-évêque, à l'abbesse de Saint-Georges et au baron de Fougères, tiers à tiers, sur les marchandises en transit par la ville et sa banlieue ; se trouvaient assujettis à cet impôt de « tonlieu » qu'on appelait aussi « exollaige, » les marchands de poissons, de vins, de draps, les boulangers. — Les couetilz, laines lavées, tapisseries, harnois d'armes, parchemins, plâtres, ceuve et teinture ne payaient pas de droits de coustume, mais seulement le depry [Note : C'est-à-dire un droit diminué par convention].

Mais les autres merceries, comme toiles, épiceries, pelleteries, alun, plomb et étain, étaient passibles de ce droit ; tout comme « les bêtes d'aumaille [Note : Aumailles, « animalia », gros bétail, surtout boeufs et vaches], porchines et chevalines, » les cuirs tannés ou garnis de leur poil, les moutons et brebis avec leur laine, vendus dans les limites sus-indiquées ; chaque chèvre devait 16 deniers de coutume : « mais, ajoute la pancarte, se il y a un bouc d'avant, il les acquitte du trespas ».

Le sel, le beurre, le suif, les graisses, les fromages tombaient aussi sous le droit de coustume. Il y avait à Rennes sept foires par an 1° la foire de Saint-Etienne après Noël ; 2° de la Mi-Carême ; 3° de la Saint-Georges ; 4° de la Pentecôte ; 5° de la Saint-Pierre et Saint-Paoul, appelée le Polieu, du nom du local où elle se tenait ; 6° de la Saint-Etienne d'août, et 7° de la Saint-Melaine, dite la foire aux oignons. Dans ces jours-là, le droit de coustume appartenait au Duc seul et se levait double.

Par cette rapide analyse de la curieuse pancarte de Rennes au XVème siècle, on peut se faire une idée des renseignements qu'elle fournit sur l'industrie et le commerce dans toute la partie orientale de la Bretagne.

Il me reste à signaler un troisième document de la même espèce qui m'est tombé sous la main et qui s'applique à un territoire plus étendu que les deux premières pancartes déjà citées. C'est la pancarte générale de la province de Bretagne aux années 1511 et 1512, extraite des registres de la Chambre des Comptes.

En tête de cette pancarte sont transcrites les lettres du roi Louis XII, qui déclare que c'est sur les plaintes et doléances de plusieurs marchands des évêchés et villes de Rennes, Saint-Malo, Dinan et Vitré, contre les abus et vexations commis par les fermiers du devoir de Traite domaniale, qu'il publie son ordonnance réglant les sommes qui pourront être perçues à l'avenir par les susdits fermiers ; ordonnance adressée à tous « Senéchaux, Allouez, baillifs et autres officiers de justice de Rennes, Nantes, Ploërmel, Vannes, Cornouaille, Dinan, Léon, Tréguier, Lamballe, Moncontour et Fougères ». Il en résulte que les principaux objets du commerce intérieur breton, soumis à ce que nous appellerions aujourd'hui le droit d'exportation, comprenaient au XVIème siècle :

Les draps dits façon de Rennes, — draps d'Acigné, — draps de Josselin et de la Trinité, — mercerie fine et grosse, — bougrin, toiles blanches de Bretagne et toile fine de mercerie, — toile crue de brin de la façon de Dinanais, — coutils, — canevas, — aulones, — cuir à tan, cuir à poil, — vélin et parchemin, — écardes, — sauvagine, — pelleterie crue, noire et blanche, — tapisserie de Dinanais, — sargerie, — laine fine et grosse, — courtes-pointes, — cire, — beurre, — poisson sec, — suif et gressages, — plume, — fil blanc et écru, — poêlerie, mitraille, — chanvre et cordages.

Le droit de sortie le plus élevé, qui s'applique aux draps de Rennes et aux articles de mercerie fine, ne dépasse pas 60 sous.

Il faudrait maintenant, pour arriver à se rendre compte de l'importance des transactions commerciales en Bretagne aux époques sus-mentionnées, pouvoir consulter les registres de recouvrement des droits par les fermiers du domaine ducal. Ce genre de documents fait malheureusement, croyons-nous, complètement défaut. (P.D.V.).

 © Copyright - Tous droits réservés.