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Abbayes cisterciennes de Bretagne à la fin du XVIème siècle

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Les Abbayes cisterciennes de Bretagne en 1600.

Les guerres de religion furent moins longues et moins terribles en Bretagne que dans la plupart des provinces françaises ; les abbayes ne furent pas envahies par les hérétiques; les moines ne furent pas massacrés ou chassés. Mais l’affaiblissement de l’autorité du Roi et l’impuissance de ses représentants firent naître un désordre qui devint une véritable anarchie après la mort de Henri III. Des gentilshommes s’emparèrent des revenus des monastères, ou bien les firent percevoir par des abbés à leur dévotion, des confidentiaires ou custodi-nos, qui n’étaient que leurs agents. C’est ainsi, pour ne citer que des monastères cisterciens, que les abbayes de Bonrepos et de Lanvaux furent à la disposition, l’une de Troïlus de Mez gouez, marquis de la Roche, l’autre du duc de Mercœur et que Prières fut exploités par Jean de Rieux. Les moines ne percevaient plus que des revenus insuffisants ; leurs biens-fonds même avaient diminué par suite de l’aliénation d’une partie des biens du clergé faite à partir de 1585, avec l’autorisation du pape, pour subvenir aux frais de la guerre contre les protestants. Ces ventes furent faites sans beaucoup d’équité, car les abbayes tombées en commende n’avaient pas de défenseurs ; le clergé séculier en profita, du moins dans certains diocèses [Note : Geslin de Bourgogne : Anciens Evêchés de Bretagne, T. II, p. 11], pour imposer au clergé régulier des sacrifices particulièrement lourds.

Le Parlement rendit quelques arrêts en faveur des moines et de la régularité monastique. En 1578, il prononça contre les abbés la saisie de leurs revenus s’ils ne donnaient pas aux religieux des moyens d’existence et s’ils négligaient de rétablir l'ordre ; en 1587 il prescrivit de saisir les menses abbatiales de Bonrepos, Boquen, Coetmalouen, Langonnet, Lanvaux, le Relec, Saint-Aubin et la Vieuville. Quelques mois plus tard, il renouvella l’ordre de saisir les revenus des abbés commendataires s’ils ne pourvoyaient pas à la subsistance des moines et à l’entretien des bâtiments. Dans certaines maisons, les religieux étaient si peu nombreux que les frais, en ce qui les concernait, étaient minimes : d’après un rapport de trois commissaires du roi du 26 décembre 1582, un seul religieux existait dans chacune des abbayes de Lanvaux et de Prières [Note : Archives d’Ille-et-Vilaine, série B, minutes d’arrêts de grand'- chambre du Parlement de Bretagne des 14 août 1560 et 26 mars 1578. — Arch. du Morbihan, 84 G. 3. (acte des commissaires députés par le Roi « pour ouïr les plaintes de son peuple »)]. Le 11 août 1587, sur la requête d’Edme de la Croix, abbé et chef d’ordre de Citeaux, le Parlement prononça la saisie de huit menses abbatiales : Bonrepos, Boquen. Coetmalouen, Langonnet, Lanvaux, Le Relec, Saint-Aubin-des-Bois et la Vieuville. Cet arrêt était la suite tardive d’une visite des abbayes faite en 1581 en exécution de l’arrêt de 1578 ; il fut complété par des arrêts visant spécialement certaines abbayes : Bonrepos, Boquen, la Vieuville... [Note : Minutes d’arrêts de grand'chambre des 11 août 1587, 16 février et 18 juillet 1588, 11, 25 avril 1589].

Dès que la soumission du duc de Mercœur et la promulgation de l’édit de Nantes (13 avril 1598) eurent consacré le triomphe de Henri IV et annoncé le prochain rétablissement de l’ordre, Dom Antoine Bouguier, abbé de Villeneuve et représentant de l’abbé de Citeaux en Bretagne, visita quelques abbayes. Comme précédemment, le Parlement confirma sans difficulté les règlements qu’il donna à Prières, à Bégar, à Langonnet, au Relec, et probablement à d’autres monastères [Note : Arrêts de grand’chambre des 18 août, 10, 17 et 21 octobre 1598. — Les abbayes bénédictines n’étaient pas en meilleur état que les abbayes cisterciennes ; le 18 août 1598 le Parlement ordonna au sénéchal de Quimperlé de lui rendre compte de la situation de la grande abbaye de Sainte-Croix où il ne restait qu’un religieux ; le 14 décembre la cour homologua un règlement donné à l’abbaye de Lantenac par Jean Régnault, prieur de Saint-Nicolas de Redon, vicaire général de l’Ordre de Saint-Benoît]. Règlements et arrêts furent aussi inefficaces que tous ceux qui avaient été promulgués depuis 1578 ; deux ans plus tard, on le constata, comme nous le verrons, à Prières, au Relec, à Langonnet.

Enfin, en 1600, le révérendissime abbé de Citeau, supérieur général de l’ordre, prescrivit une visite de tous ses couvents de France. Dom Denys Largentier, abbé de Clairvaux fut chargé d’inspecter les maisons de l’Ouest de la France et de prendre les décisions qu’il jugerait opportunes.

C’est son rapport sur les abbayes de Bretagne que nous allons analyser.

Quinze monastères de l’ordre de Citeaux existaient dans la province : Buzay, Melleray et Villeneuve (diocèse de Nantes), Lanvaux, Prières et la Joie (Vannes), Saint-Maurice de Carnouet, Langonnet, Bonrepos et Coetmalouen (Quimper), Le Relec (Léon), Bégar (Tréguier), Boquen et Saint-Aubin-des-Bois (Saint-Brieuc), la Vieuville (Dol). Aucune de ces maisons n’était très importante ; il n’est pas certain qu'avant les guerres de religion elles fussent toutes régulières et ferventes, mais nous verrons qu’en 1600 la situation était généralement mauvaise et qu’elle était scandaleuse au Relec et à Boquen. Villeneuve était dans un état parfait grâce à la bonne conduite de son abbé, un régulier, Dom Antoine Bouguier, dont l’influence paraît avoir réussi à maintenir un certain ordre dans les deux autres abbayes du diocèse de Nantes. Notre-Dame de la Joie, le seul couvent de cisterciennes existant dans la province [Note : Une autre abbaye de cisterciennes fut fondée en 1652 à Kerlot, paroisse de Plomelin ; elle fut transférée à Quimper peu d’années après], ne donna lieu qu’à une observation d’ailleurs grave ; à Langonnet, le zèle et la charité d’un bon abbé commendataire étaient insuffisants pour réparer les ruines ; on ne trouvait plus que deux moines à Lanvaux et trois à Boquen. Dans chacune des maisons qu’il visita, Dom Denys Largentier eut à rendre de nombreuses ordonnances : les unes pour rétablir la régularité et pour assurer la célébration décente du service divin ; les autres pour imposer aux abbés commendataires les contributions qui permettraient de réparer les bâtiments et de nourrir convenablement un plus grand nombre de moines.

Les archives de l’ordre de Citeaux ont été détruites [Note : Ces archives furent détruites, dit-on, en 1790, par les moines qui ne voulaient pas qu’elles tombassent aux mains de l’administration départementale (Etat général des fonds des archives départementales ...... Paris, 1903, in-4°, p. 167)]. Les rapports adressés à l’abbé général n’existent plus. Nous connaissons celui de Dom Denys Largentier par la copie qu’il remit le 7 juillet 1600 au Parlement de Bretagne et qui est resté anexée à l’arrêt sanctionnant les décisions qu’il avait prises [Note : Archives d’Ille-et-Vilaine, fonds du Parlement de Bretagne, liasse des arrêts de grand’chambre de 1600].

Denys Largentier partit de son abbaye de Clairvaux le 7 avril 1600 accompagné de Dom Etienne Vallenot, docteur en théologie, de frère Vincent Desforges, son secrétaire, et de Didier Beauvallet, sergent royal. Après avoir visité les couvents du Perche, du Maine et de l’Anjou, il entra en Bretagne le 31 mai. Nous allons le suivre dans son voyage de trente-six jours en analysant les notes consacrées à chaque abbaye, ne retenant toutefois que les traits essentiels et négligeant la longue et monotone énumération de ses desiderata relativement aux ornements sacerdotaux et aux linges d’autels.

***

MELLERAY (31 mai). — Les huit religieux perçoivent les revenus à condition de verser 800 livres à l’abbé commendataire (Jean Juhel). Le visiteur ordonne à celui-ci d’acheter des vêtements, des ornements et des vases sacrés ; de donner 100 livres par an pour les réparations et de remettre en culture les terres abandonnées. Le blé destiné aux aumônes sera reçu et délivré par un délégué des moines ; le prieur recevra une double ration. Les archives qui avaient été envoyées à Nantes pendant la guerre et qu’une parente d’un précédent abbé avait transportées en Poitou devront être restituées et placées dans un coffre à trois clefs.

VILLENEUVE (.. juin). — « Nous avons vu tout en si bon état par le soing et prudence du Révérend abbé (Dom Antoine Bouguier, régulier) de bonne et pieuse conversation, et des religieux, qu’y avons trouvé subject de consolation ».

BUZAY (9 juin). — Il existe dix religieux ; on en ajoutera deux. Le visiteur a écrit au commendataire (Henri de Gondi, évêque de Paris) « pour avoir quelques corporaux et corporaliers ».

PRIÈRES (11 juin). — On trouve beaucoup de défauts et de manquements en ce qui concerne le service divin, la vie conventuelle et les bâtiments, aussi les prescriptions sont-elles nombreuses. Le commendataire [Note : D’après le Gallia Christiana, Bernard Guillaudon, confidentiaire de la maison de Rieux d'Assérac, nommé en 1574, fut remplacé en 1586 par Jacques Landry, prêtre. Le Parlement ordonna, le 18 février 1598, une enquête au sujet des plaintes des moines contre Jean de Rieux « se portant abbé »] fournira trois calices d’étain, des orceaux, des burettes, du linge d’autel, des ornements, deux grands psautiers, une bible, les œuvres de Saint Bernard ; il aura soin que les personnes demeurant dans son logis abbatial ne commettent pas d'insolences à l’égard des moines ; il veillera à ce qu’aucune femme ne fréquente les cloîtres ; il fournira aux moines du vin « pur et léal » et du blé également marchand et léal et non pas du blé de moulure comme on s’est plaint qu’il l’ait fait ci-devant. Les religieux jouiront des pâturages ainsi que du colombier qu’ils ont rétabli, sauf à laisser une part du produit à l’abbé. 200 livres seront consacrées chaque année aux réparations ainsi que le loyer du passage de Lisle ou de Guédas et une partie des dîmes d’Elven et des revenus de Plaisance. Les archives seront rassemblées et inventoriées.

LANVAUX (14 juin). — On trouve au couvent un seul religieux prêtre, un jeune profès, deux novices et un prêtre séculier qui aide à desservir les fondations. Le service divin se célèbre mal et les bâtiments sont ruinés. L’abbé commendataire [Note : La liste des abbés de Lanvaux est mal établie : en 1600, c’était peut-être encore Louis Le Clerc qui avait été pourvu par Mercœur ; il fut remplacé, en 1600 ou 1601, par Charles de Boues de Rancé nommé par le ro] donnera 200 livres par an pour les réparations qui commenceront par l’église et continueront par la couverture du dortoir. On placera à l’abbaye quatre religieux dont deux prêtres qui recevront chacun quatre setiers de froment et se partageront deux cents livres de beurre. Une curieuse inégalité de traitement est établie pour les autres articles entre les deux prêtres et les deux simples clercs ; aux premiers, deux barriques de vin et trois sous par jour et dix écus pour le vestiaire annuel ; aux clercs, une barrique et demie, deux sols et six écus pour le vestiaire. La ration d’un religieux prêtre, plus quatre charretées de foins et dix perrées d’avoine seront affectées à l’hospitalité fort onéreuse parce que le monastère est situé sur un grand chemin ; quinze perrées de seigle seront réservées pour les aumônes et six pour l’aumône générale du Jeudi-Saint. Deux serviteurs recevront la même nourriture, sauf le vin, que les religieux prêtres et la même pension que les clercs.

LA JOIE DE HENNEBONT (15 juin). — L’abbaye est en assez bon ordre ; cependant le visiteur doit prescrire à l’abbesse (Catherine Geffroy, régulière), d’observer la clôture ; il ordonne aussi que sur 3.000 écus dûs au couvent, 2.000 seront placés en constituts et 1.000 employés à payer les dettes et les réparations.

SAINT-MAURICE DE CARNOUET (17 juin). — Un abbé régulier est désigné, il va remplacer un « soi disant abbé » [Note : Ce soi-disant abbé était probablement Guillaume de Launay, dominicain et ami de Mercœur, pourvu en 1593. Fait prisonnier par les protestants, il résigna en faveur d’Olivier du Mur, moine cistercien de Bégar. Mais G. de Launay, rendu à la liberté, rentra en possession de l’abbaye. O. du Mur reçut des lettres de provision en 1599 ; il n’obtint sans doute pas ses bulles, car G. de Launay jouit de l’abbaye jusqu’à 1610 ; O. du Mur fut enfin abbé de Saint-Maurice en 1611 et fut remplacé la même année par Nicolas Druays, régulier] qui a emporté à Nantes, pendant les troubles, une croix et un calice d’argent. Le monastère, dont les revenus sont affermés 600 écus abrite le nouvel abbé, deux religieux et quatre jeunes. Dom Largentier ordonne de transférer l’un des jeunes dans une autre maison et de le remplacer par un religieux prêtre qui tiendra lieu de prieur et instruira les jeunes. Il prescrit d’acheter deux calices d’étain et quelque peu de linge d’autel. Comme à Lanvaux, il établit un règlement pour l’entretien du personnel, attribuant cinq pipes de vin « léal et marchand », quatre setiers de froment et dix écus de vestiaire par an et une pitance [Note : Ration fournie à chacun des moines pour sa subsistance] quotidienne de trois sous à chacun des religieux prêtres, une barrique, six écus et quatre setiers par an, une pitance et deux sous aux jeunes. L’infirmerie est dotée de six écus ; l’hospitalité de dix écus, plus trois setiers de froment, vingt boisseaux de froment, quatre charretées de foin, deux charretées de paille et une pipe de vin. Le serviteur de l’abbaye qui est en même temps boulanger et cuisinier recevra deux setiers de froment, deux setiers de seigle et le reste comme les religieux prêtres, sauf le vin. La lavandière sera payée deux écus, comme le barbier. Six écus devront être employés à acheter des livres.

LANGONNET (19 juin). — Les bâtiments sont ruinés, particulièrement l’église et les cloîtres ; le revenu est presque nul car on ne peut trouver à affermer les terres « tant il y a peu d’hommes en ce cartier ». La maison est habitée par six religieux et par l’abbé commendataire (Paul Bonacoursi ou de Bonnecorse), qui fait tout ce qu’il peut pour la restaurer « voire jusques à se retrancher à mener la vie la plus frugale qu’il se puisse ». Le visiteur se borne à inviter l’abbé à envoyer tous les six mois un compte rendu à Citeaux [Note : Paul Bonacoursi succéda en 1590 à son oncle Laurent, abbé commendataire depuis 1574. Il mourut en 1641, après avoir complètement restauré son abbaye qui avait été pillée par La Fontenelle et dont les revenus étaient tombés en 1599 de 3.000 1. à 800 (cf. Notre-Dame de Langonnet, par le R. P. Albert David, Paris et Courtray, 1936, in-8°, p. 126-141)].

LE RELEC (21 juin). — On n’observe pas le règlement donné après une visite par l’abbé de Villeneuve, homologué par arrêt du Parlement du 17 octobre 1598, enregistré à la Sénéchaussée de Morlaix le 23 décembre, qui prescrivait diverses mesures pour l’entretien du service divin, les aumônes et l’hospitalité et qui ordonnait aux femmes demeurant dans des maisons voisines d’en partir dans huitaine à peine du fouet. L’abbaye est en misérable état au spirituel et au temporel : « les nécessités, ruynes des bastimens sont beaucoup accreus ; les yvrongneries, deshonnêtetés, pratiques et autres inconvéniens et abus sont arrivés à ung comble de scandale au grand préjudice du service de Dieu et des âmes ». Un procureur est institué pour poursuivre devant la juridiction de Morlaix l’exécution de l’arrêt du Parlement, l'expulsion des gens mal famés, l’interdiction des tavernes voisines, l’achèvement des réparations et la distribution des aumônes [Note : En 1542, la nomination d’un abbé commendataire, l’Italien Jacques Torsolis, protégé par Catherine de Médicis, avait soulevé une assez vive opposition dans le pays (Analyse d’un compte de l’abbaye du Relec, par H. Bourde de la Rogerie, dans Bulletin de la Soc. Archéol. du Finistère, T. XXXI. 1904). Le couvent, pauvre et mal gouverné, fut saccagé par les gens de guerre le 14 février 1598 (Information sur le village de l’abbaye du Relec, par F.-M. Luzel, même bulletin, T. XXIX, année 1892). Le règlement donné le 4 septembre suivant par Bouguier a été analysé par le chanoine Cornon dans son histoire de Notre-Dame du Relec (même bulletin), T. LIX, 1932). Un arrêt du Parlement du 17 octobre prescrivit d'exécuter le règlement ; cependant, en 1599, le commendataire afferma sa mense pour 3.300 l. Ce commendataire, René Potier, évêque de Beauvais, résigna le 7 mars 1600, âgé de 13 ou 14 ans. (Cf. David, Langonnet, p. 131)].

BÉGAR (23 juin). — Le visiteur après avoir conféré avec « honnête et scientifique personne, messire Jean Fleuriot, abbé commendataire », ordonne qu’en plus de la somme de 200 livres fixée par un règlement de l’abbé de Villeneuve, le commendataire donnera 100 écus pour l'entretien de deux écoliers au collège des Bernardins à Paris. Les moines jouiront du moulin de Devant pour les aider à subvenir au luminaire et à l'hospitalité. On poursuivra le retrait des métairies de Saint-Carré en Lanvelec qui ont été aliénées sans droit, au dire des religieux, par l’abbé Pierre de la Vove [Note : Pierre de la Bausse (et non de la Vove), aumônier de la Reine, évêque de Saint-Flour, abbé de 1570 à 1595], ainsi que des métairies de Kercharre en Pédernec et de Parc-l’Abbé en Trézelan qui ont été cédées à vil prix lors de l’aliénation des biens du clergé [Note : Les habitants des terres vendues par Bégar et par le Relec restèrent assujettis à l’usement de Quevaise].

COETMALOUEN (25 juin). — Constatant les bons devoirs « qu’a faits et continue de faire l’Evêque de Verdun, commendataire » (le cardinal Eric de Lorraine), le visiteur se contentera de lui écrire pour lui demander de pourvoir l'églises de calices, de linge et de livres.

BONREPOS (26 juin). — Les bâtiments sont en ordre sauf le cloître que l’économe devra rétablir dans le délai d’un an, faute de quoi il payera 50 écus par année de travail. La communauté qui comprend six moines sera augmentée d’un prêtre séculier en attendant que l’on puisse envoyer un septième religieux ; l’un deux ira étudier au collège des Bernardins. Le commendataire (François Le Ny) fournira des vases sacrés, des ornements, du linge, une règle de Saint Benoît, un martyrologe, un panneau de tapisserie ou une autre tenture pour le maître-autel. Les beaux ornements anciens qui se gâtent seront visités par un brodeur.

BOQUEN (29 juin). — Il n’y a que trois religieux « par la pusillanimité desquels et la négligence et avarice du sieur commendataire [Note : L’abbé était probablement Jean Bouan, sieur de Saint-Cast] avons veu n’avoir esté satisfait aux règlements y laissés par le Révérend abbé de Villeneuve ; ... nous n’avons trouvé qu’un seul calice sale et noir comme la chemynée avec la patène cassée, un corporal malséant, deshonneste et usé, ung seul missal tout desrompu en divers endroits, deux autres tout déchirés... ». Suit une longue liste de vases sacrés et d’ornements que le commendataire devra fournir à moins qu’il ne préfère verser vingt écus [Note : Cette somme n’est pas en rapport avec la quantité d’objets à acheter : vingt est sans doute un lapsus] ; il n’a pas exécuté le règlement du 25 avril 1589 l’obligeant à donner annuellement 50 écus pour les réparations ; il en versera 50 pour l’année passé et ainsi de suite jusqu’à l’achèvement des travaux ; les sommes imposées pour le luminaire et les aumônes et qu’il n’a pas acquittées seront employées à acheter un calice d'ar gent. Les religieux sont invités à avoir « un peu de patience » au sujet de leur pension, mais « afin qu’ils aient l’occasion de faire meilleur debvoir », le pain qui était fait avec du seigle sera fait dorénavant pour moitié avec du froment.

SAINT-AUBIN-DES-BOIS (.. juin). — L’abbaye est dans le même état au spirituel et au temporel que les maisons précédentes. Le comble de la nef est tombé ; le mur septentrional et les chapelles sont dans un tel état que les ouvriers n’osent y monter : il paraît nécessaire de construire une nouvelle église. Les piliers du cloître menacent ruine ; la sacristie est démunie d’ornements. Le visiteur souhaite qu’un commissaire du Parlement descende sur les lieux et que tout le revenu soit saisi sauf à laisser une pension au commendataire (J. Bérel), s’il réside au couvent. Le règlement de l’abbé de Villeneuve sera mis en vigueur.

LA VIEUVILLE (3 juillet). — En outre de ce qui a été imposé par de précédents règlements, le commendataire donnera 200 livres par an jusqu’à l’achèvement des réparations ; il fournira des vases sacrés, du linge et des livres. La pension des religieux est augmentée ; un supplément de 40 écus est accordé au prieur « en considération de sa qualité » et des frais qu’il devra faire jusqu’à la restauration complète de l’abbaye [Note : Ce prieur, frère Abraham Michel, paraît avoir voulu justifier le supplément de pension qui lui était accordé. Le 22 août 1600, il obtint du Parlement un arrêt ordonnant aux juges et sergents de Dol de tenir la main à l’exécution de l’arrêt du 10 juillet (Voir infra) et de lui délivrer des copies de l’information ouverte contre les frères Jean de la Croix, Gilles Languenan et autres, accusés de rébellion, port d’armes, etc. L’abbé commendataire se nommait Amaury Le Guindart].

***

Le 7 juillet, Dom Denys Largentier présenta une requête au Parlement demandant l’homologation, conformément aux lettres patentes données à Meaux au mois de septembre 1596, des décisions qu’il avait prises au cours de son voyage. Il résumait ses ordres en treize articles :

1° Chaque abbaye enverra au collège des Bernardins à Paris un écolier dont la pension sera payée par l’abbé commendataire à moins qu’il préfère verser 66 écus par an.

2° Des religieux ne connaissent même pas le nom de leur abbé : il sera ordonné aux commendataires de présenter leurs titres au Parlement et de les exhiber au représentant de l’abbé général qui fera la prochaine visite des couvents.

3° Au monastère de Saint-Aubin où « les religieux auraient été expulsés et chassés de leur dortoir pour y loger des gentilshommes et damoiselles et en autres monastères les dames et damoiselles y auraient fait leurs couches et résidence, avec grande inquiétude que causent lesdites dames et damoiselles, pages et laquais, aux religieux en la tranquillité nécessaire pour vacquer au deu de leur profession... », il sera défendu aux dames d’entrer dans les abbayes sinon pour satisfaire leur dévotion et des peines seront prononcées par la cour contre celles qui pénétreraient dans les lieux réguliers.

4° Les archives seront rassemblées et mises en sûreté dans des coffres à trois clefs.

5° Les abbés, ou à leur défaut, mais à leurs frais, les prieurs, établiront les droits des abbayes.

6° Les abbés seront responsables des abattis de bois.

7° Les accords passés entre les abbés et les moines au sujet de la nourriture et du vestiaire seront annulés s’ils sont contraires aux ordres des supérieurs et aux règlements et arrêts de la cour.

8° Défense sera faite aux abbés de bailler à ferme à un religieux le revenu des abbayes.

9° Il sera défendu aux juges civils d’admettre un moine à plaider à moins qu’il ne soit pourvu d’une procuration du couvent.

10° Un commissaire du Parlement sera désigné pour constater l’état des métairies éloignées et des moulins que le visiteur n’a pu voir.

11° La crainte empêchant les religieux de plaider contre les abbés, un syndic de la province sera nommé, pour l’entretien duquel chaque maison payera six écus par an, sauf Boquen, Langonnet et Lanvaux qui à raison de leur pauvreté n’en donneront que trois.

12° Si les abbés refusent de satisfaire aux règlements et arrêts, les abbayes consigneront telle somme que la cour fixera pour subvenir aux frais de poursuite.

13° Les règlements annexés à la requête seront exécutés.

Le 10 juillet, le procureur général, Jean Rogier, fit siennes les demandes de Dom Largentier en reproduisant presque textuellement les termes de la requête ; toutefois, on ne retrouve dans les conclusions l’acceptation des articles 1, 5, 9. 11, 12 et 13 que sous la forme : « adhère au parsus... ». Peut-être J. Rogier estimait-il que ces articles visaient surtout des questions d'ordre intérieur sans intérêt pour la cour. Le Parlement présidé par J. de Bourgneuf, homologua plus explicitement la requête le 12 juillet. Les articles 9 et 12 ne sont pas reproduits dans le dispositif de l’arrêt bien qu’ils ne soient pas rejetés par les considérants.

Deux jours plus tard, Dom Denys Largentier était à Savigny où il commença la visite des abbayes de Normandie. De l’avis de l’abbé de Villeneuve, qui l’accompagnait, il institua Dom Abraham-Michel Vannereau, religieux de Buzay, procureur et syndic de la province cistercienne de Bretagne et lui donne mission de poursuivre l’exécution des règlements [Note : Ces règlements étaient les prescriptions particulières pour chaque abbaye consignées dans le rapport], de procéder contre les moines fautifs et d’agir en justice contre les abbés commendataires et autres pour obtenir l’exécution des arrêts.

***

Le voyage de Dom Denys Largentier n’inaugura pas une ère nouvelle dans l’histoire des abbayes cisterciennes. L’arrêt du Parlement n’avait pas été rendu contradictoirement ; il est vraisemblable que plusieurs abbés commendataires protestèrent contre les dépenses, assez modérées cependant, qui leur étaient imposées. Certains, tels que le cardinal de Lorraine et les évêques de Paris et de Beauvais, étaient des personnages puissants ; d’autres appartenaient à des familles du pays qui avaient plus de crédit ou d'appui au Parlement de Bretagne que le lointain abbé de Citeaux. Le roi d’ailleurs pensait moins à réformer les ordres monastiques et à réparer les bâtiments conventuels qu’à récompenser ses serviteurs ; après comme avant sa conversion, Henri IV disposa à son gré et sans scrupule des menses abbatiales.

Le bon Denys Largentier essaya de régénérer l’ordre de Citeaux en établissant la réforme dite de l’Etroite Observance ; il l’introduisit, non sans peine, dans son abbaye de Clairvaux en 1615 ; la réforme fut adoptée la même année à Prières et dans le courant du XVIIème siècle à Saint- Aubin-des-Bois, Bégar, Saint-Maurice-de-Carnouet, Langonnet, Boquen et Villeneuve, mais, sauf à Prières, les moines ne restèrent pas longtemps fidèles à l’Etroite Observance.

Dans l’ordre matériel, les abbayes furent restaurées ; Prières fut entièrement reconstruit de 1715 à 1726 ; on admire sur les rives du Blavet les ruines imposantes de la façade de Bonrepos et au bord de la Laita, environnés par la forêt de Carnouet, les bâtiments de Saint-Maurice. Dans les maisons mal rentées les constructions furent médiocres ; les moines de Bocquen amputèrent l’église de ses bas-côtés pour construire de pauvres bâtiments conventuels ; au Relec une inscription trop pompeuse célèbre les travaux exécutés à la fin du XVIIème siècle. On trouve un plus grand mérite architectural aux couvents de Langonnet, de la Joie et de la Vieuville, en s’étonnant toutefois que des édifices aussi vastes aient été bâtis pour loger des communautés bien peu nombreuses.

Prières resta jusqu’à la fin une abbaye régulière ; les autres maisons n’avaient pas la réputation d’être plus ferventes que celles des autres provinces de France. Sauf dans quelques couvents qui avaient adopté les austères usages de la Trappe, l’ordre des Bernardins était en décadence. A Citeaux même, où Boileau a placé le séjour de la noblesse, la régularité ne régnait plus. En 1790, les moines se mutinèrent, réclamèrent des comptes à l’économe et forcèrent l'abbé à se cacher ; mais il y avait alors dans la ville voisine de Seurre un détachement du régiment d’Auxonne qui y avait été envoyé pour réprimer quelques troubles. Le lieutenant qui le commandait alla à Citeaux et, sans attendre des ordres, fit arrêter trois ou quatre moines particulièrement turbulents et les mit au cachot [Note : Souvenirs du général Thiard publiés par H. Lex, Paris, s. d., in-12, p. 14-15]. Le lieutenant Napoléon Bonaparte donna ainsi un premier témoignage de son amour de l’ordre et de la discipline et rendit la paix à l’abbaye de Citeaux pour les quelques jours qui lui restaient à vivre.

(H. Bourde de la Rogerie).

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