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LA CHATELLENIE DE CHEVRE (1230-1240)

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UNE FONDATION D'ANDRE DE VITRE : LA CHATELLENIE DE CHEVRE (1230-1240).

Le donjon de Chevré à la Bouexière (Bretagne).

Les ruines de l'ancien donjon.

Il se dresse sur une motte cônique à pente très raide, qui domine la chaussée de l'étang au Sud-Est. Le fossé circulaire qui l'entoure est encore nettement visible au Nord et à l'Est, la prairie qui s'étend à l'Ouest laisse apparaître au Sud des contreforts comblés depuis lors. Le sommet de la butte est si étroit qu'il paraît strictement mesuré sur la largeur des fondations. Les terres qui s'éboulent, mal retenues par les racines des arbres qui la recouvrent, en ont déjà entraîné de grandes parties principalement à l'Ouest. Il ne reste debout qu'un pan de mur circulaire et, en contre-bas, à l'Ouest, les vestiges d'un glacis déjà fortement dégradé. L'ancien donjon ne s'élève plus de nos jours qu'à vingt pieds de haut. Il est constitué d'un mur épais (3 mètres) en moëllons de grès non appareillé rejointoyés par un mauvais mortier presque dénué de chaux. Nous sommes en présence d'une construction hâtive. Le diamètre de cette tour peut être de 8 mètres. M. Rame qui la vit il y a un siècle, alors qu'elle était moins dégradée qu'aujourd'hui, pense qu'elle devait comporter primitivement trois étages : un rez-de-chaussée très bas, un étage éclairé par une barbacane de 2,20 m de haut encore visible, un deuxième un peu plus élevé percé de meutrières en croix, ce qui annoncerait selon lui le XIVème siècle. Ceci tendrait à démentir les assertions de M. Banéat selon lequel ce donjon remonterait au XIIème siècle. Cette datation nous paraît trop précoce. Dans notre région la plupart des donjons remontant à cette époque étaient encore construits en bois. D'autre part le contexte historique nous incite à croire que ce donjon fut édifié par André de Vitré entre 1230 et 1239 et que sa construction serait liée aux conflits qui l'opposaient alors à Pierre Mauclerc, duc de Bretagne.

Nous ne disposons d'aucune preuve écrite de la date de fondation de la châtellenie.

Une forteresse en pierres se dressait-elle à Chevré dès la fin du XIIème siècle, avant la venue en Bretagne du duc baillistre Pierre Mauclerc (1213) ? L'historien La Borderie l'a affirmé [Note : Histoire de Bretagne : T. III, p. 96] et, après lui, Paul Banéat [Note : Département d'Ille-et-Vilaine, T. I, p. 179]. Nous ne le croyons pas. C'est tout au plus si s'élevait ici, en l'antique ville de Ganne un marché fortifié par les premiers barons de Vitré. Ces derniers paraissent en effet avoir étendu de bonne heure leur domination à l'Ouest jusqu'à la vallée du ruisseau de Chevré en lisière de Sérigné et de la forêt de Rennes. Les témoins appelés à l'enquête menée devant le Conseil du Roi à la suite de l'incursion opérée par les troupes bretonnes en rupture de trêve (1234-1237) parlent seulement de maison brûlée à Chevré (« domum » et non « castellum »). Ces témoignages, encore inédits, sont significatifs. Il y a tout lieu de croire que si un poste de surveillance existait à l'époque c'était au-dessus de la bourgade au lieu-dit « Le Carrefour » (2) à proximité du Haut-Chemin ; là, il était possible de regagner l'ancienne voie romaine de Rennes au Mans, seul accès vers Vitré. Cet ancien chemin dont les traces sont encore visibles, passait par Acigné, Tatoux, la chaussée de l'étang de Broons en direction de St-Melaine. La route qui permettait de la rejoindre passait anciennement par Bellevue au sud du bourg actuel de la Bouexière, de fondation postérieure, et traversait la forêt pour atteindre l'ancienne voie, un peu plus haut que La Baluère. Ne pouvant franchir l'obstacle important que constituait alors la longue zone marécageuse formée par l'étang et la haute vallée du Chevré, ce chemin poursuivait anciennement vers Allion, siège d'un prieuré remontant à l'époque carolingienne, pour rejoindre par-delà les granges de Champfleury, l'antique voie romaine de Rennes à Avranches, laquelle, à travers Cesson et Thorigné, longeait le Sud de la forêt de Rennes, pour gagner par Ecures et la Moinerie l'antique bourg de Serigné siège d'une paroisse desservie dès le XIIème siècle par l'abbaye de Sulpice des bois ainsi que d'une seigneurie, dont le territoire sera au XVIème siècle partagé entre les nouvelles églises de Liffré et de la Bouexière.

Ce chemin, les seigneurs de Vitré entendaient en assurer fermement le contrôle, d'autant qu'il donnait accès à la capitale du comté de Rennes, dont ils avaient été constitués prévots et voyers féodés. Cette qualité les autorisaient à prélever des coutumes sur les marchands jusqu'aux portes de la cité, dans les faubourgs de St-Hélier et de Toussaints où ils levaient des rentes et ils n'auraient point consenti à abandonner des prérogatives aussi fructueuses.

Entre 1220 et 1225, P. Mauclerc qui vient d'achever la pacification tant féodale que religieuse de la Bretagne entend raffermir sa position sur les marches du duché, singulièrement vis à vis de son beau-frère, le baron de Vitré. C'est à cette époque qu'il cherche à s'assurer du contrôle de l'antique motte de Serigné et qu'il place des sergents armés à sa dévotion en lisière orientale de la forêt de Rennes, sur la rive occidentale du ruisseau de Chevré, à la hauteur de Champfleury, à la limite actuelle des deux communes de la Bouexière et de Liffré. Pour André de Vitré, il importe d'autant plus de consolider de ce côté la défense de sa baronnie, que ses liaisons vers Fougères risquent d'être compromises, au Nord de la forêt de Sevailles, sur des terres ducales qui constituent la dot de son épouse, soeur de la femme de P. Mauclerc, la princesse Alice. A cette époque en effet, les travaux d'édification du lourd donjon de Saint-Aubin du Cormier sont en cours. Ils avancent rapidement et leur achèvement est prévu pour les premiers mois de 1225. Cette année-là, le duc convoque tous ses vassaux à Nantes, pour leur faire ratifier l'acte de franchise de la nouvelle ville. Fidèle à la tradition capétienne, P. Mauclerc affranchit les habitants appelés à venir y vivre de toutes les corvées féodales (taille chevauchée et autres coutumes), à l'exception toutefois du service d'ost. La charte comportait de plus pour ces derniers d'exceptionnelles concessions : le droit de commune pâture et le rachat à des tarifs fixes et modérés des bêtes prises dans les taillis au lieu et place de l'ancienne confiscation. Une clause de l'acte portait maintien des libertés accordées aux hommes de St-Aubin, même s'ils venaient à quitter la nouvelle ville. En ratifiant la charte, les vassaux du duc, et parmi eux André de Vitré, consentaient à en étendre le bénéfice à leurs domaines particuliers, ce qui leur permettait d'en jouir à travers toute la Bretagne, pour leurs propres affaires.

Cette politique, qui à l'époque constituait une innovation en Bretagne lésait doublement le baron de Vitré. L'endroit que Pierre Mauclerc avait choisi de submerger pour assurer la défense avancée de son donjon dépendait de l'héritage de Catherine de Bretagne sa femme et il entendait de ce chef continuer à y exercer certains droits de chasse et de forestage qui avaient été reconnus à ses ancêtres par les précédents ducs. — Ensuite l'afflux de population provoqué par la construction de la forteresse ne devait pas manquer de donner naissance à un marché concurrent du sien à Chevré ; or ce marché avait été établi le mardi, le jour même où il se tenait « de toute antiquité » dans sa ville de Ganne (Chevré).

L'entrée de P. Mauclerc, après son voyage en Flandre, dans les ligues fomentées par les puissants barons de Champagne et de Marche et surtout la signature avec Henri III d'Angleterre d'une alliance comportant avec la promesse de mariage de sa fille Yolande avec ce prince, la restitution du célèbre comté de Richemont, en contraignant le vassal rebelle à mettre en état de défense les frontières du duché contre les troupes royales, ne tarda pas à rejeter André de Vitré dans le parti des ennemis du duc et à le rapprocher de la France. La défection de Thibault de Champagne et la reprise de Belleme par les troupes de Blanche de Castille en janvier 1229 constitua pour Mauclerc un échec mais la reine ne jugea pas nécessaire de pousser plus avant la punition du rebelle et ne continua pas sa marche en direction de la Bretagne [Note : J. Levron. Pierre Mauclerc. (Mem. de la S.H.B. T. XIV, 1933, p. 203-295 et T. XV p. 199-329)].

Ce fut la nouvelle félonie de Mauclerc qui mit le feu aux poudres et décida André de Vitré à mettre ses forteresses au service du roi Louis IX. Au début d'octobre 1229, le duc de Bretagne s'était en effet embarqué vers Porstmouth décidant Henri III à traverser la Manche avec son armée et de marcher à la reconquête de ses anciens domaines perdus par la faute de Jean sans Terre. Avertie des intrigues de Mauclerc, la reine Blanche ne tarda pas à investir l'Anjou, menaçant la Bretagne. Mauclerc, sans attendre le débarquement regagna vite la Bretagne, en novembre. Le 3 mai 1230, le roi Henri III débarquait à St-Malo et se mettait en route sans hâte en direction de Nantes en vue de négocier en toute sécurité avec les barons du Poitou. Ayant appris cette nouvelle, l'armée de France reprit sa marche dès les premiers jours de juin, longeant la Loire et établit son camp à Liré en face de la ville bretonne d'Ancenis. Les tentes n'étaient pas encore dressées que les troupes royales furent rejointes par un groupe de cavaliers bretons. C'était André de Vitré, beau-frère de Pierre de Dreux, qui accourait affirmer sa fidélité et son dévouement. Le roi de France estima favorable l'occasion de frapper Mauclerc. Il fit rassembler tous les pairs présents et leur demanda de juger par contumace le vassal passé au service du roi d'Angleterre. Tous reconnurent que Pierre de Dreux s'était rendu coupable de félonie et qu'il n'avait plus le droit de gouverner la Bretagne qui lui avait été remise en bail. En conséquence tous ceux de ses vassaux qui lui avaient rendu hommage en Bretagne étaient déliés de leur serment envers lui. En cette circonstance André de Vitré rendit personnellement hommage à Louis IX, ce dernier lui promettant en retour aide et assistance contre le roi d'Angleterre et son allié. Il entendit toutefois réserver les droits des enfants mineurs de son ex-suzerain au siège ducal de Bretagne.

Si André était entré ainsi en rebellion contre son duc, c'était en raison même de la situation de son fief aux confins de la France et de la Bretagne. Craignant les représailles de Mauclerc et jugeant prudent de se ménager la neutralité bienveillante de l'Angleterre, les autres grands vassaux du duché ne bougèrent point. Ulcéré par ce qu'il appelait la trahison de son beau-frère, Mauclerc fonça sans plus attendre, entouré d'une bonne troupe sur le pays vitréen, qu'il n'eut pas de peine à mettre à feu et à sang. Cependant, Louis IX ne paraissait point décidé d'en découdre avec son royal cousin Henri III. Après la prise, sans résistance, des places d'Oudon et de Chantoceaux, les barons français, qui avaient achevé leur service de quarante jours prescrit par la coutume féodale, parlaient de se retirer et le roi ne fit rien pour les retenir. Abandonnant la Bretagne à son sort, le roi d'Angleterre gagnait à petites étapes Bordeaux. A son retour, il rencontra Hugues de Lusignan qui était porteur d'une proposition de trêve de la part du roi Louis IX qu'Henri III s'empressa d'accepter, limitant toutefois la cessation des hostilités au Sud de la Loire. Mauclerc, cependant, n'était pas compris dans le bénéfice de cet armistice. Satisfait de cette promenade militaire en Guyenne, le roi d'Angleterre laissait Mauclerc à la tête des troupes anglo-bretonnes, seul face à Louis IX, sauf à lui promettre, avec le comté de Richemont, une aide financière substantielle. Devant la reprise imminente des hostilités contre la Bretagne, les barons bretons ne tardèrent pas à manifester leur inquiétude et leur réticence. Liés à leurs intérêts plus qu'à celui de la Couronne de France, ils virent là l'occasion de relever la tête et de se venger des humiliations que leur avait fait subir leur duc. C'est par la Normandie que s'opéra cette fois l'invasion des troupes royales, grâce au ralliement de Raoul de Fougères qui leur ouvrit la ville. Une vigoureuse contre-offensive bretonne les arrêta et une trêve fut bientôt conclue, contraignant Mauclerc à ne pas dépasser la Bretagne et à abandonner ses anciennes conquêtes. Pour le duc c'était un nouveau répit de trois ans. Certes, Saint Louis avait pris soin d'inscrire dans l'armistice une clause de protection à l'égard des transfuges bretons en particulier les seigneurs de Fougères et de Vitré. Ce dernier cependant ne reçut point de solde et le roi se borna à lui inféoder quelques fiefs normands de la vallée de la Vire, anciennes terres de Guillaume de Mombray.

Dans les deux années qui suivirent, P. Mauclerc voyant venir l'expiration de la trêve, sans être assuré désormais du ferme soutien du roi d'Angleterre, résolut de renforcer son contrôle sur les féodaux bretons. Avec l'aide d'hommes de main qui lui étaient tous dévoués comme Normand de Quebriac et de sergents à sa solde comme Mathieu de Beauvais, il mena des actions brutales contre ceux qui l'avaient abandonné. André de Vitré en fut à Chevré la première victime, qui vit plusieurs de ses hommes trucidés et son manoir brûlé par une bande venue sans doute de Saint-Aubin du Cormier où elle courut se réfugier. André de Vitré s'étant plaint au Roi de cette félonie, ce dernier lui manda qu'il laissât ses châteaux à la disposition des troupes royales, lettre que le baron s'empressa de signifier à son beau-frère, le duc, lequel lui enjoignit que ce « fut pour le moins de temps qu'il pourrait ». Ce fut alors que, délié de son serment de fidélité, le baron entreprit sans sa permission, d'élever en pierres de taille le donjon de Chevré. La guerre ne tarda pas à se rallumer. Instruit par l'échec de cette nouvelle ligue féodale et ramené à de meilleurs sentiments par son nouveau mariage avec Marguerite de Montaigu, Pierre de Dreux consentit à apaiser la rancune familiale tenace qu'il nourrissait contre son beau-frère, autorisant ce dernier, en 1237, à reprendre ses fortifications à Vitré et à Chevré qu'il avait naguère tenté d'interrompre (1230), posant pour seule condition « que nous ayons les chevaliers de votre terre à notre secours, toutes les fois que nous en aurons besoin ». En juillet 1237, St-Louis s'offrit comme médiateur à Crepy en Valois. André de Vitré obtenait satisfaction : en échange des terres de la forèt de Rennes qu'il lui avait enlevées, Mauclerc cédait en compensation à son vassal le beau fief d'Aubigné. Des experts nommés par le Roi, en particulier l'évêque de Dol Alain d'Acigné reçurent mission d'évaluer les dommages causés à André par l'occupation de Vitré. Enfin le marché franc de St-Aubin, qui diminuait notablement le produit de ses taxes à Chevré, Mauclerc consentit à le déplacer du mardi au jeudi. En échange de toutes ces concessions, Mauclerc n'obtenait qu'une faveur : André de Vitré consentait à nouveau à se proclamer son vassal, mais il était confirmé dans la garde de tous ses châteaux y compris celui de Chevré. Le roi promit même à André au cas où le jeune Jean Le Roux ne ratifierait pas le traité signé par le duc son père de lui assurer le revenu des terres qu'il conservait alors en gage en Bretagne en vertu du traité de Paris jusqu'à la majorité du fils de Mauclerc : celle-ci devait marquer, avec son départ à la Croisade, la fin de son règne agité en Bretagne et le glorieux couronnement de sa prestigieuse carrière.

Entre temps, cependant André II de Vitré avait trouvé le moyen de fortifier CHEVRE contre de nouvelles incursions éventuelles. La vie de cette fortification fut courte. Trois siècles plus tard, elle était déjà en ruines, mais demeurait le siège d'une juridiction, destinée à assurer le paiement des rentes et la surveillance des sergents de la forêt. C'était aussi le siège d'un marché important. Ce fut pour en assurer la fréquentation que la chaussée de l'étang fut considérablement renforcée au Nord à l'aide de matériaux de choix importés et taillés à cet effet tandis que son accès était facilité par la construction d'un rempart fortifié qui est encore visible aujourd'hui ; les seigneurs de VITRE avaient en effet intérêt à faciliter de ce côté la traversée du gué d'autant que cette chaussée permettait alors aux charrois de rejoindre un kilomètre plus haut à la Paveillais le grand chemin qui venant de Serigné, gagnait Moronval et Vieux-Vy en direction de Fougères et d'Avranches et dont il est encore possible de repérer çà et là les traces. Cette voie passait en effet par la ferme de la Richelais, de là gagnait Launay, La Martois, le Haut Chemin et de là le moulin de Lande Ronde, avant de traverser la forêt de Haute Sève. La liaison actuelle entre Liffré et Saint-Aubin de Cormier, à travers la forêt, était alors inexistante. Ce fut bien la nécessité de protéger à proximité du marché antique de Ganne l'ancien carrefour où se rencontraient les deux voies menant l'une à Vitré par le vieux chemin de Paris, l'autre à Fougères par Vieux-Vy et Saint-Hilaire qui conduisit à l'érection de cette forteresse, et des bâtiments anciens de la châtellenie. Ruiné par les ligueurs, elle dut se replier sur Vitré en 1592. La plupart des archives de l'ancienne juridiction ont aujourd'hui disparu. Seuls subsistent avec la tour et l'ancienne chapelle seigneuriale quelques bâtiments anciens, rattachés depuis la Révolution à la commune de La Bouexière.

(Michel Duval).

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