Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

LE GÉNÉRAL BONTÉ

  Retour page d'accueil       Retour Ville de Saint-Goazec   

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Michel-Louis-Joseph Bonté naquit à Coutances, le 27 Juillet 1766, de Pierre Bonté, docteur en médecine de l'université de Montpellier, et de Marie Le Bourguignon.

Pour ses débuts dans la carrière des armes, nous devons nous en tenir aux renseignements qu'il fournit lui-même aux ministres de la Restauration sur ses états de services sous-lieutenant à l'état-major du général Wimpfen le 23 septembre 1792, lieutenant le 16 janvier 1793, il devient capitaine adjudant temporaire de la place de Coutances le 6 juin, chef de bataillon commandant le 9ème bataillon de la Manche, le 22 octobre de la même année, et passe ensuite à la 12ème demi-brigade de ligne, le 21 avril 1794. C'est à partir de cette époque que les archives du Grégo permettent de le suivre dans sa campagne de l'Ouest, avec Canclaux et Hoche. Plus tard, à l'appui des pétitions de sa femme, l'ancien chef de bataillon de la 12ème demi-brigade, devenu baron de l'empire, insistera sur ce qu'il est entré au service à l'occasion de la levée des forces départementales de la Normandie contre les conventionnels, que Puisaye n'ayant pu se maintenir dans le pays, lui-même, pour éviter la proscription, dut chercher « un refuge » dans l'armée. Il se gardera bien de dire que, de 1794 à 1800, il a parfaitement rempli son devoir militaire contre les chouans.

Bonté quitte la Normandie dans les premiers jours de pluviôse an III ; par Château-Gontier, Le Lion d'Angers, il marche sur la Bretagne. On le trouve à Rennes d'abord, puis au camp de Keralliot, prés de Musillac, où il rejoint les 2ème et 3ème bataillons de sa demi-brigade. Hoche nous apprend qu'il se distingua sous ses ordres à Quiberon. La rencontre du général en chef et du jeune officier fut le point de départ d'une amitié qui ne se démentit pas dans la suite, et peut-être est-ce grâce aux bonnes dispositions du général que Bonté n’eut pas à siéger dans les commissions militaires chargées d'exécuter judiciairement l'armée des émigrés. Ces commissions généralement présidées par des chefs de bataillon, opérèrent sans désemparer à Auray et Vannes, aussitôt après la défaite royaliste.

Cinq mois après Quiberon, Bonté s'efforce de ramener la paix dans l'arrondissement de Nozay (Loire-Inférieure) qui est en pleine insurrection, — si toutefois la terreur est un moyen d’apaisement [Note : « Il est ordonné à un détachement de se porter de Blain à Vay, pour y enlever les parents les plus proches des hommes reconnus habitués au chouannage. Ceux-ci seront conduits à Nozay. Le chef de détachement fera conduire également dans cette place quatre voitures de foin prises chez les mêmes personnes. Leurs meilleurs boeufs y seront amenés ». Nozai le 9 germinal an IV. Signé Bonté]. A la fin de cette même année, il est appelé à commander successivement l'arrondissement de Redon et celui d'Auray ; en brumaire an V, il est à Quimper.

La brillante conduite à Quiberon de la 12ème demi-brigade, devenue le 81ème régiment de ligne, avait coûté à ce corps la perte d’un chef courageux ; le citoyen Rolland, dangereusement blessé, s’était retiré dans ses foyers et sollicitait un commandement de place, son état lui interdisant désormais de faire campagne. Hoche aussitôt nomma Bonté aux fonctions provisoires de chef de corps en remplacement de Rolland. « Je suis enchanté, lui écrivait-il, que cette occasion me procure les moyens de vous récompenser des bons services que vous avez rendus et du zèle que vous avez toujours manifesté... » ; et dans sa lettre au Conseil Exécutif où il demande confirmation, du grade, le général renouvelle ses éloges sympathiques, certifiant que les mérites seuls avaient désigné Bonté à son choix et qu’aucun officier n'était plus apte que lui à ce commandement. Hoche se trouvait alors au quartier général de Friedberg, à la tête de l'armée de Sambre et Meuse.

A peine son protecteur avait-il quitté la Bretagne que Bonté s'efforçait de le suivre, et ses désirs semblaient sur le point de se réaliser par suite de la dislocation de l'armée des Côtes de l'Océan, dont la plus grande partie de l'effectif allait renforcer les armées de l'Est. Le 21 pluviôse, le général Gency ordonne au nouveau colonel en déplacement à Coutances de se rendre pour le 18 ventôse à Verneuil-au-Perche rejoindre son régiment. « Soyez satisfait, nous allons à l'armée de Sambre et Meuse avec le général Hoche ! »

Qu'advint-il ? Les documents nous manquent pour répondre à cette question. Toujours est-il, que le 2 germinal, Bonté est de retour à Quimper avec sa demi-brigade. Durant deux ans il conservera le commandement de cet arrondissement de Quimper, dont la police à l'intérieur et la surveillance des côtes feront l'objet de ses préoccupations. La circonscription dont il a la garde se divise en deux sous-arrondissements côtiers, celui de Concarneau (depuis le Pouldu, jusqu'à Benodet inclus), et celui d'Audierne (depuis Combrit et Douarnenez jusqu'à la pointe du Raz) ; des postes militaires occupent Kerity-Penmarch, Pont-L’Abbé, avec mission d'empêcher l'approche des navires étrangers. Hoche a porté un coup fatal aux émigrés, mais les chouans n'ont pas désarmé un instant ; dissimulés dans les fourres, cachés au fond des criques rocheuses, ils guettent les secours en hommes, en argent et en armes, qui doivent leur permettre de continuer la lutte. Du côté de l'intérieur, Quimper, sans craindre une attaque sérieuse, doit cependant exercer une surveillance non moins active. Le pays, coupé de vallons boisés et de levées de terre, offre mille difficultés naturelles qui augmentent les risques d'une police peu disciplinée ; il faut non seulement poursuivre les insurgés, mais encore rechercher les déserteurs, déjouer les complots, organiser des colonnes et prendre part à des expéditions régionales. Les registres de correspondance de Bonté offrent un grand intérêt à cet égard.

Les derniers jours de l'an V sont marqués d'un coup terrible pour le commandant militaire de Quimper. La mort est venue frapper Hoche dans son quartier général de Wetzlar, à 29 ans, lorsque la gloire commençait d'auréoler son front. Immense fut la douleur de l'armée, le deuil s'étendit jusqu’aux dernières limites des provinces de l'Ouest. Conformément aux ordres du directoire, Quimper, comme les autres chefs-lieux, fit une cérémonie funèbre à la mémoire du héros. Devant les citoyens assemblés, Bonté prit la parole en termes émus « Je ne pourrais ajouter aux justes témoignages qui lui sont rendus, dit-il, que ce que m’inspireraient mon attachement pour lui et les regrets douloureux que sa mort me fait éprouver. Le corps qui est ici en garnison lui était très attaché, il a partagé ses périls et sa gloire contre les chouans, en Vendée [Note : Nous n'avons pas trouvé la preuve que le bataillon que commandait Bonté, avant d'être à Quimper, ait été en Vendée ; par ailleurs nous savons que la 81ème 1/2 brigade prit part aux batailles du Mans, de Savenay et de Machecoul] et à Quiberon, et dans son expédition d'Irlande. Ce général l'honorait d'une confiance particulière puisqu'il faisait toujours partie de ses colonnes de réserve et qu'il lui confiait toujours quelque mission honorable. Un mot de sa part, sa présence seule, suffisait pour faire oublier aux soldats les fatigues, la misère et la faim. « Soldats ! encore un effort et les ennemis de la patrie n'existent plus », ce seul mot faisait faire sans aucun murmure quinze lieues par jour à des hommes sans souliers, sans vêtements, et réduits à une nourriture malsaine, que très souvent encore ils n’avaient pas ... (Archives du Grégo).

Une première entreprise pour soutenir l'insurrection des Irlandais contre l'Angleterre ayant échoué, une seconde fut tentée en Août-Septembre 1798, avec Harty comme chef. Bonté reçut l'ordre de partir avec deux de ses bataillons. A peine embarqué à Brest, il est rappelé à terre par ordre supérieur, et tandis que ses hommes vont affronter une pénible et longue expédition au-delà des mers, lui rentre à Quimper dans ses pénates. « Il fallait sans doute que le ministre eût des motifs très puissants pour retenir ce chef à Quimper quand son général l'appelait ailleurs à la tête de la majeure partie de son corps » écrit Harty  lui-même. Cette « dispense » d'embarquement fit grand bruit, et suivant certains, « excita les murmures des républicains de tout le Finistère ». Des protestations se firent entendre jusqu'au Directoire ; on s'informa, on enquêta... un citoyen, dont le civisme et la probité sont garantis par le représentant du peuple Guyomard, laisse entendre que la conduite du chef de brigade Bonté fut plus que suspecte. Il venait d’épouser Lise Dugrégo, fille d’un ex-marquis émigré, devant les charmes de laquelle le coeur du soldat n’avait pu s’empêcher de mollir. « Dès qu’il eut les pieds sur le vaisseau, il se mit à pleurer et à gémir. Le général Harty ne voulant associer à sa gloire que des hommes dignes d'un sort plus heureux, renvoya ce petit Antoine se consoler dans les bras de sa Cléopâtre ». En réalité le ministre lui-même avait dispensé Bonté de l'embarquement, et sa jeune épouse, à l'abri de toute suspicion, était connue pour avoir « servi utilement » la République.

Tous les historiens qui ont étudié l'époque troublée des guerres de l'Ouest, ont rencontré Lise Dugrégo dans le sillage de Hoche. Avant Bonté, le grand chef républicain s'est épris de sa jeunesse. Chassin dit, sans voile : « Elle a régné galamment à son état-major, et le général en chef l'a employée à la pacification de la Vendée » (Chassin : Les Pacifications de l'Ouest, Table générale ; article du Grégo).

Issue d'une des plus nobles et plus puissantes familles du Vannerais, Louise du Bot du Grégo [Note : Elle était fille de Charles-Jules du Bot du Grégo et de Jeanne Thomas de la Caulnaye, et alliée aux du Châtel, le Sénéchal de Carcado, Beauvau-Tigny, et autres grandes familles de la province. Charles du Bot émigra à Jersey, fit partie de la campagne de l'île d'Yeu ; sa fille le recueillit vers 1810 à Trevarez, où il mourut le 23 mai 1812] avait épousé à quinze ans un gentilhomme normand, Antoine Damphernet de Pontbellanger, lequel émigra dès le début de la Révolution. Celui-ci s'employa entre Londres et le comité royal de Bretagne, à la transmission de la correspondance, passa par mille dangers, fut fait prisonnier, puis libéré à la pacification de La Mabilais. En avril 1795, il se trouve à l' « armée rouge » des chouans sortis de Quiberon dans l'espoir de tendre la main aux insurgés des Côtes-du-Nord (aujourd'hui Côtes-d'Armor) et de se rabattre sur l'ennemi. Tinténiac qui commande la colonne, après avoir livré combat à Josselin, est tué à Coëtlogon dans une surprise qui jette le désarroi chez les chouans. Son lieutenant Pontbellanger veut rallier l'armée royale, mais la défiance s'est glissée dans les rangs, les officiers refusent d'aller plus au nord, des hommes se dispersent ; il semble que la colonne rouge n'ait eu qu’une âme et qu'une vie, celle de Tinténiac. Après Coëtlogon, elle se disloque, et son chef, Pontbellanger, disparaît de la scène chouanne. Aujourd’hui encore, l'obscurité enveloppe sa fin , des doutes, des soupçons planent et planeront vraisemblablement à jamais. Les renseignements les plus sérieux donnent à penser qu'il a été tué près de Médréac (Ille-et-Vilaine) le 25 mars 1796, c'est-à-dire longtemps après la dispersion des débris de l'armée royaliste [Note : Th. Muret, dans son Histoire des Guerres de l'Ouest (T. V, p. 287), donne cette date qui est conforme aux renseignements fournis par Madame Bonté (Archives de la Guerre)] ; des révélations laissent entendre qu'il a péri dans un guet-apens mais passons, l'histoire a des secrets qu'il faut respecter.

Louise du Bot séparée de son mari à 19 ans, par les vicissitudes de la guerre, reste en Bretagne avec un enfant en bas âge. Le Grégo, près de Vannes, lui offre un asile, elle y va ; son père a émigré à Jersey, mais l'affection d'une mère lui reste. Les menaces les plus terribles grondent sur les personnes et les propriétés de l'ancien ordre dirigeant, l'autorité a changé de mains et s'est retournée contre la noblesse. Assurément, ces deux femmes livrées à elles-mêmes, sans force, sans appui moral devant la tourmente, se trouvent dans une situation angoissante, mais situation est commune à bien d'autres femmes de leur condition ; elles eussent pu se cacher à Vannes, ou ailleurs, attendre ainsi que l'orage fût passé sur leurs têtes, mais toutes deux voulurent prendre part aux luttes, elles intriguèrent.

Lorsqu'éclate l’insurrection de la Vendée (1793), Madame de Pontbellanger, est à Maulevrier, chez un parent, dit-elle, certainement dans la famille même de Maulevrier dont le garde-chasse, Stofflet, ancien soldat, s'est acquis une grande popularité dans les campagnes. Elle reste dans le pays jusqu'après le passage de la Loire, puis vient à Nantes aux fins d'obtenir mainlevée du séquestre mis sur les biens de sa famille. Sans doute, à cette époque, est-elle déjà en relations avec Hoche et les chefs du parti républicain qui l'appellent familièrement « la petite Lise »

Louise du Bot, durant les guerres de l'Ouest, résida non seulement en Vendée, à Nantes, ou au Grégo, mais elle fit plusieurs séjours à Trévarez, prés de Châteauneuf-du-Faou, ancienne propriété de son père ; là, au centre de la Bretagne, loin des communications, elle reçut les visites du grand républicain. Toujours au galop, et au moyen de relais préparés d'avance, celui-ci franchissait rapidement les distances qui séparaient ses quartiers généraux, de Trevarez, où il passait une ou deux fois vingt-quatre heures.

C'est à Quimper, plus vraisemblablement qu'à l'état-major de Hoche, que Bonté rencontra Louise du Bot ; cette ville est à quelques lieues de Trevarez et Madame de Pontbellanger y possédait des intérêts. Leur mariage fut contracté à Paris, le 4 brumaire an VI. 

Nous avons vu comment le colonel de la 81ème demi-brigade était resté au port, regardant s'éloigner la flotte qui emmenait la destinée de son régiment. Un autre bataillon avait suivi bientôt les deux premiers, de sorte que Bonté se trouve réduit au commandement d’une poignée d'hommes, lorsqu'il quitte l'arrondissement de Quimper pour prendre ses quartiers à Vannes (prairial an VII). L'inactivité lui pèse, prétend-il, peut-être aussi a-t-il compris le ridicule de sa situation [Note : Le 21 fructidor an VII, 800 de ses hommes sont encore à la flotte de l'amiral Bruix et 1.500 autres sont prisonniers en Angleterre]. Prenant sa plus belle plume, il écrit au Directoire Exécutif une lettre d’une outrecuidance remarquable.

« C’est à vous, citoyens Directeurs, qu'il appartient de m'ouvrir une carrière plus vaste et plus propre au développement de mon énergie et des connaissances militaires qu'une expérience de toute la guerre de la Liberté m'a acquise. En conséquence, je vous prie de me faire passer soit à l'armée du Rhin, soit à celle d'Italie, avec le grade de général de brigade ou d'adjudant général, dont je me flatte de n'être pas indigne par les services non équivoques que je n'ai cessé de rendre à la République... D'après mon passé, vous jugerez sans doute que je ne suis pas dénué de l'activité, de la prudence, de la fermeté et de tous les talents militaires qui constituent l'officier général » (Archives de la guerre 1069). — On ne peut être plus modeste. Ses chefs hiérarchiques, les généraux Meunier et Beurnonvile, des représentants en mission, témoignent du zèle qu'il a apporté à la « destruction » des chouans. Que peut dès lors lui refuser le Pouvoir ?..... Malheureusement il n'est pas seul à fournir de telles références. Les tueurs de chouans ne manquent pas, et d'ailleurs les insurgés non plus. En restant â Vannes il trouvera encore l'occasion de faire preuve de civisme et d'acquérir de nouveaux titres à l'avancement. Harty qui, au retour d'Irlande, est nommé au commandement de la subdivision du Morbihan, le prend comme chef d'état-major. Bonté, par intérim, deviendra l'autorité principale de cette subdivision (an VIII). A cette époque, Cadoudal et Guillemot opèrent avec des forces sérieuses dans le Morbihan ; les soldats de la République sont harcelés de tous côtés ; ce qui représente la 81ème demi-brigade figure dans plusieurs engagements. Si Bonté reçoit des félicitations du Consul pour sa conduite à Grandchamp (29 octobre 1799), il ne se vante pas d'avoir été obligé de se replier à la Vachegare et de n'avoir pu s'opposer à la prise de Locminé. Enfin, le ministre reconnaît ses « talents » ; il le propose pour le grade supérieur, mais hélas !... la nomination ne vient que onze ans plus tard (6 août 1811). Et cependant, dans ce laps de temps, quel champ de bataille n'a-t-il pas foulé ? A quelle marche triomphale il a pris part ! Sur les pas de Bonaparte, Brune, Murat, Jourdan, Masséna, il a traversé l'Italie, de part en part ; à la suite de Molitor et Marmont, il fait les campagnes de Dalmatie, de Croatie et d'Illyrie ; avec Reille et Dorsenne, c’est l'Espagne et le Portugal qu'il soumet par les armes. L'état de services établi par lui, fait savoir qu'il « s'est distingué à toutes les batailles, sièges, et combats où il s'est trouvé ». Nous aurions mauvaise grâce à en douter.

En faisant la part de la fatuité personnelle, il est certain que Bonté fut un vaillant soldat et à ce titre un fidèle auxiliaire de l'épopée Napoléonienne. Il y a cependant un point noir dans les rapports qui le concernent. On trouve aussi un « Etat général pour prouver les malversations du colonel Bonté, depuis douze ans, particulièrement en Dalmatie » (Janvier 1810) (Archives de la guerre 1069). Sur les rives de l'Adriatique on est loin des inspecteurs d'armées, et puis les charges maritales deviennent lourdes, lorsque l'épouse, comme Madame Bonté, se mêle de faire campagne. Louise du Bot est effectivement près de son mari durant la campagne de Dalmatie ; pour rentrer en France elle voyage sous la protection d'un sergent détaché des troupes. Aucune difficulté de communications ne peut abattre son énergie et ralentir son enthousiasme pour le panache ; l'armée a pour elle un attrait irrésistible, et puis l'intimité et la cordialité qu'elle y trouve évoquent en elle tant de souvenirs. Du reste, pour elle, Bonté incarne le courage et la valeur militaires ; elle s'attachera à sa carrière, fera sonner ses mérites injustement ignorés, envers et contre tout elle forcera son avancement, en fera le plus fidèle serviteur du roi, un chevalier de Saint-Louis, un commandeur de la Légion d'Honneur, un Lieutenant Général, rêvant même de le voir officier de la Maison de Charles X, avec la Croix de commandeur de Saint-Louis. Que ce soit Robespierre, Bonaparte, ou le Roi, qui règne, en quoi cela peut-il importer ? Le véritable génie consiste à s'adapter au milieu qui gouverne et à ne connaître d'autres principes que ceux du pouvoir.

Louise du Bot entoure le guerrier de la plus affectueuse tendresse. Quand il est à l'armée et que les nouvelles s'égarent, de Trevarez ou du Grégo, elle écrit au ministre de la guerre pour le supplier de la renseigner ; elle s'inquiète fiévreusement, invoque des affaires privées restées en souffrance pour obtenir un congé à son mari. Peut-être est-il blessé !... Elle veut voler aux frontières d'Espagne. — Le style épistolaire a sensiblement changé depuis certaines lettres à Sottin, le chef de la police républicaine, à qui elle se recommande de son amitié avec Barras ; nous sommes en 1812 et 1813, et pour donner plus de poids à ses requêtes, l'ex-citoyenne Dubot signe : Baronne de Bonté. Le Général a été fait baron d'Empire et du coup son épouse l'anoblit. Passé à la grande armée en février 1814, Bonté se trouve avec le corps du maréchal Oudinot aux batailles de Montereau, Troyes, Bar-sur-Aube, Arcis, Mery, et à celle de la Fère-Champenoise où la division Pacthod, dont fait partie sa brigade, tient tête plusieurs heures à l'armée Russe. Lui-même est fait prisonnier et envoyé à Bruxelles, d'où, le jour de l'abdication de Napoléon, il écrit à Son Excellence le ministre de la guerre pour solliciter sa protection et lui apprendre que tous deux ont de nombreux « motifs de rapprochements » dont le moins précieux n'est certes pas le lien hiérarchique qui unit Monseigneur de Coutances, frère du ministre [Note : Le ministre de la guerre était alors le Comte Dupont], à son grand vicaire, qui est l'oncle du général Bonté. D'ailleurs, toute la famille de celui-ci peut se recommander de l'évêque. Et, à peine sorti de Bruxelles, le général se précipite sur les pas du fils de Saint-Louis, à Saint-Ouen et à Paris, où il escorte la monarchie triomphante. Bonté devenu le soutien du trône et de l’autel ! …

Non content de chercher un appui dans l'influence du clergé, il invoque en sa faveur la noblesse d'une alliance qui lui assure la considération de toute la Bretagne et le désigne naturellement pour un commandement important dans cette province.

En date du 6 Juin, il est nommé commandant militaire du Finistère. Mais ce succès est suivi d'une rapide et cruelle disgrâce. De fâcheuses indiscrétions se font jour, un royaliste du département fait parvenir aux pieds du trône l'expression de sa douleur et de sa surprise en voyant l'ancien chef républicain revenir dans le Finistère avec la cocarde blanche. « Ah ! supplie le royaliste, daignez accorder aux habitants du Finistère un chef qui ne les fera pas rougir et qui n'offre pas un contraste frappant entre leurs sentiments et les siens » (Archives de la guerre 1069). Malveillance ou jalousie, pourrait-on dire, si la requête ne portait en apostille l'aveu du comte de Ferriéres, commissaire du roi à Brest, d'avoir été trompé sur la personne du baron Bonté.

Le 31 août, Bonté était déplacé et envoyé à Morlaix occuper un simple arrondissement; le maréchal de camp Vabre prenait sa place à Quimper. Mais Bonté avait ses défenseurs une seconde fois, après les Cent jours, il fut nommé au commandement du Finistère (1er septembre 1815) et un mois après mis en disponibilité. Décidément, un mauvais vent soufflait.

Cependant, la baronne Bonté veillait. Ce fut un beau tapage que cette nouvelle disgrâce. Louise du Bot remua ciel et terre, courut de la préfecture aux sièges des municipalités, des municipalités aux comités royalistes, des comités royalistes chez les députés, de chez les députés chez les ministres. Quel reproche avait pu encourir le maréchal de camp Bonté ? De quelle calomnie était-il encore victime ? Durant l'interrègne sa conduite a été « sans tache » ; tous ceux qui l'ont connu alors certifient son loyalisme. L' « usurpateur » avait débarqué depuis plusieurs semaines, que Bonté restait le ferme défenseur de la cause royale. Au Grégo, il a endoctriné les paysans et donné asile aux chefs de l'armée royale du Morbihan. Son épouse a employé son zèle dans le Finistère à l'armement de la légion du comte de Cornouailles qui s'est réfugié à Trevarez. Bonté s'est mis à la disposition du duc de Bourbon dont il attendait les ordres, mais si les ordres ne sont pas arrivés, à qui la faute ? Depuis que le roi lui a confié le Finistère, le commandant n’a cessé « nuit et jour » de travailler à la tranquillité du pays et au bonheur des habitants. En trois mois, il a sauvé la tête du comte de Cornouailles, désarmé les fédérés, instruit une légion de cinq compagnies, « leur donnant le bon esprit », réorganisé les gardes nationales dans toutes les villes, protégé l'infortune des serviteurs de la dynastie et soutenu les requêtes des émigrés.

Ces détails, rapportés par certificats authentiques, sont assurément propres à justifier la conduite présente du baron Bonté ; malgré cela, le comte d'Hofflize reçoit l'ordre de prendre en ses mains le département du Finistère. Bonté reste à la dérive. Quelle ingratitude pour tant de marques d'attachement ! Cependant, en haut lieu, on s'occupait du général, mais c'était pour enquêter sur les détournements qu'on l'accusait d'avoir commis lors de la campagne de Dalmatie.

M. de Botderu, parent influent et royaliste éprouvé, n'a pu obtenir aucune assurance d'avenir. Toutes les prières restent sans réponse. Louise du Bot s'installe à Paris pour mieux intriguer ; dans les ministères, elle apprend que le général, son mari, va être mis à la demi-solde. « J'avoue, écrit-elle, que cette crainte m'a terrassée ! ». Aucune hésitation n'est plus permise, elle va se jeter aux pieds du roi, dont elle a obtenu une audience particulière. Sa Majesté lui donne satisfaction et promet de replacer Bonté.

Nous ne suivrons pas Louise du Bot dans ses requêtes, ses suppliques, ses réclamations, ses demandes importunes, ses placets, à Paris et à Saint-Cloud ; le dossier Bonté aux archives de la guerre en est gonflé, et le cadre de cette étude ne suffirait pas à les mentionner. Du jour où la monarchie a été rétablie, une autre préoccupation que l'avancement de son mari s'est emparée de son esprit ; il faut qu'elle reconstitue à son profit la situation des du Bot à la veille de la Révolution.

Se posant en victime de la spoliation nationale, elle implore la pitié des membres du gouvernement, du roi surtout, dont elle connaît la bonté et qui a daigné l'écouter. Par quelles horribles souffrances a-t-elle passé ! Proscrite, poursuivie, traquée, elle n'évita la mort qu'en se réfugiant en Vendée..... « Je fus condamnée, comme émigrée, à être fusillée sur le champ, partout où je serais rencontrée, un miracle et ma grande jeunesse me sauvèrent seuls ». Les cendres de Pontbellanger qu'elle réveille dans la tombe durent frémir d'une telle impudence. Et, comme refrain de la chanson, dans chaque lettre, elle rappelle qu'elle n'a recueilli des cent mille livres de rente de son père que des débris épars livrés à la rapacité des créanciers..... « cent mille écus de créances seraient faciles à acquitter avec cent mille livres de rente, mais il n'en reste pas la dixième partie..... ». « Les personnes qui sollicitent les bontés de S. M. n'ont peut-être pas été aussi ruinées que moi ; tous mes biens et ceux de mon père ont été vendus... ».

Le Marquis du Bot, père de Madame Bonté, avait effectivement, avant et au début de la Révolution, compromis sa grosse fortune territoriale par des aliénations et de nombreuses reconnaissances hypothécaires [Note : Charles du Bot (séparé de biens avec sa femme, par jugement du 14 mai 1778), dès 1771 avait hypothéqué une partie de ses terres et fait de nombreux emprunts. Quand arriva la Révolution, il fut aux abois et ne put même pas acquitter la pension de son fils naturel, confié aux soins de Jean Autissier, père du miniaturiste de ce nom (Revue Morbihannaise, n° 9, 1912)]. Grâce aux hautes protections de sa fille, tous ses biens ne furent pas vendus ; celle-ci réussit à arrêter la liquidation, se porta acquéreur de ce qui avait été déjà livré aux enchères, et fit passer la plus grande partie de Trevarez et du Grégo sur la tête de Monsieur Bonté [Note : Le 8 janvier 1814, Louise du Bot vend la terre et le château de Trevarez au général Bonté moyennant 120.000 francs destinés à purger les hypothèques]. Pas un instant, les créanciers n'abandonnèrent leurs droits sur les anciennes propriétés du Marquis du Bot ; sans trêve, ils harcelèrent Madame Bonté qui, ne sachant comment leur faire opposition, demande au roi protection et des délais à l'expropriation dont elle est menacée.

Cette situation se prolongea jusqu'au jour où M. de Pontbellanger, fils du premier mariage de Madame Bonté, vint mettre ordre à la succession de sa mère [Note : Charles-Félix d'Amphernet de Pontbellanger, né à Quimper en 1788. Après sa sortie de l'école militaire de Fontainebleau (10 octobre 1806), il fait les campagnes de Dalmatie et d'Italie ; le 17 février 1811, il est nommé aide de camp du général Jomini. Sa carrière se poursuit jusqu'au grade de chef d'escadron (officier de la Légion d'Honneur) ; il meurt à Redon (à la Barre) le 8 août 1827. De son mariage avec Monique-Zulmé Quesnel de la Morinière (1819), d'une famille de Normandie alliée aux Bonté, il laissa deux enfants]. Il reçut en 1828 et 1829 de sérieuses indemnités de la commission, dite de Liquidation des biens d'émigrés ; Trevarez et le Grégo purent être ainsi sauvés.

Le général Bonté, mis en disponibilité et réintégré grâce aux démarches de sa femme, avait repris du service comme inspecteur d'infanterie. Il conserva ces fonctions de septembre 1816 à juillet 1823, avant d’obtenir le commandement d'une subdivision militaire, dont le siège était à Chartres. Trois années s'écoulèrent dans l'Eure-et-Loir. Madame Bonté y résidait mais n'abandonnait pas pour cela la Bretagne, témoin de toutes ses vicissitudes. C'est à Trevarez qu'elle s’éteignit, le 17 janvier 1826, entourée de ses parents de Beauvoir.

Moins de sept mois après le décès de son épouse, le baron Bonté fut admis à la retraite, et la même année on lui accorda le grade honorifique de Lieutenant Général.

Sa carrière militaire était finie. S'il ne parvint pas à entrer dans la Maison du roi, comme il l'avait espéré, du moins il s'engagea sur le tard dans la voie purifiante qui conduit à Dieu. « Vous avez appris, je pense, que M. Bonté est mort le 6 mars (1836) écrivait sa belle fille, Madame de Pontbellanger ; priez pour lui, il a quitté le monde d'une manière fort édifiante..... ».

A une date qu'il ne nous est pas possible de préciser, le général avait épousé en secondes noces Elisa de Carlotti, dont nous ne savons rien de plus. Fidèle aux dernières volontés de son mari et respectueuse de sa mémoire, elle ramena sa dépouille mortelle de Paris à Saint-Goazec, paroisse de Trevarez, et lui édifia un sarcophage semblable à celui ,où dormait déjà sa première épouse. Sur le marbre fastueux on lit ces lignes pieuses :

SON BRAS SERVIT LA PATRIE, ET SOUTINT LE MALHEUR,
SA VOIX ENHARDIT LES BATAILLONS ET ENCOURAGEA LE TALENT.

SA JEUNESSE APPARTINT AUX BRAVES,

SON AGE MUR AU BONHEUR DE TOUS,

LE SOLDAT,

L'ARTISTE,

L'AMI,

ET SURTOUT L'ÉPOUSE,

VOUDRAIENT TRACER ICI SON ÉLOGE,

MAIS QUELS ACCENTS PRENDRAIT LEUR RECONNAISSANCE
POUR PARLER AUSSI HAUT QUE SES BIENFAITS ?
 

(Hervé Du Halgouët).

 © Copyright - Tous droits réservés.