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LA BATAILLE DE LA CERISERAIE

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Le voyageur qui se rend de Nantes à Nort par la grande route des Sables-d'Olonne à Caen, après avoir dépassé le bourg de Carquefou et l'avenue du château du Perray, parvient, près du moulin de la Ceriseraie, à une côte assez raide, encaissée vers le haut par des rochers où s'agrippent quelques chênes rabougris. A gauche, les grands marais de l'Erdre s'étendent à perte de vue et, plus loin, les eaux endormies de la rivière scintillent sous le chaud soleil d'été. En arrivant au sommet de la côte, sur la gauche, s'élève une petite chapelle dédiée à Saint-Jean, fondée vers 1590 par René du Pé, chevalier, seigneur d'Orvault et du Perray, et Nicole Rouxel, sa compagne, qui n'est guère ouverte que le jour de la procession des Rogations.

Cet endroit écarté est désormais célèbre par un combat mémorable, par une vengeance terrible, mais en même temps par une juste représaille de la part des chouans contre des massacreurs patentés qui, au mépris de la parole donnée et de la foi jurée, avaient aidé les Belges et les volontaires de Paris et de la Gironde dans leur besogne sanguinaire (par Joseph de Goué).

                

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Le 25 thermidor an IV — 12 août 1795, un convoi chargé de un million cinq cent mille livres en assignats, vingt-cinq mille livres en numéraire, ayant six voitures chargées de farine, deux de rhum et d'eau-de-vie, d'autres encore contenant des objets pillés par les troupes républicaines (nota : Deux chandeliers provenant de la prise du convoi à la Ceriseraie existent encore et servent aux cérémonies du culte à Carquefou. Ils avaient sans doute été pillés dans une autre église), etc., quittait Nantes pour se rendre à Châteaubriant, escorté par les volontaires d'Arras. Ce bataillon, au dire des républicains, était « l'un des plus beaux et des mieux disciplinés de la République ». Les hommes qui le composaient étaient entrés les premiers avec la Légion Nantaise dans le fort Penthièvre et avaient pris une part active aux massacres de Quiberon. Aussi les Royalistes s'étaient juré de venger leurs frères. Ce voeu terrible devait bientôt se réaliser ! 

Le bataillon d'Arras était cependant parvenu à Nantes sans encombre, mais Jacques-Esprit-Bénigne Blandin, capitaine de la paroisse de Carquefou, « s'était chargé de rendre bon compte des égorgeurs de Quiberon ». Il avait appris que le convoi devait passer par Carquefou et, dans une réunion tenue la veille au village des Bréheudes, il avait assigné à chacun son poste. Le plan du combat était simple, Blandin l'avait ainsi ordonné : laisser les républicains parvenir à Carquefou sans encombre tout en les inquiétant par quelques coups de feu isolés, puis à Clouet commencer l'attaque, enfin à la côte de la Ceriseraie les arrêter et leur livrer bataille. 

La chaleur ce jour-là était accablante, aucun souffle de vent ne venait rafraîchir les soldats qui cheminaient dans la poussière, courbés sous un soleil de plomb. Les chevaux haletaient ; aussi, en passant par Carquefou, les républicains s'y arrêtèrent pour s'y reposer et abreuver leurs chevaux. La population en grande partie s'était jointe aux chouans et avait abandonné le bourg, seuls quelques patriotes y étaient restés et avertirent le commandant du bataillon que de nombreux groupes d'insurgés avaient été vus dans les environs. Mais, confiants dans leur nombre, les républicains ne tinrent aucun compte de ces avis et, après avoir étanché leur soif chez une femme qu'on accusa plus tard de les avoir empoisonnés, ils quittèrent le bourg et s'engagèrent dans la campagne. 

Arrivés à la hauteur du village de Clouet, une vive fusillade éclate tout à coup sur les deux flancs de la colonne, partant d'un petit bois taillis situé sur le bord de la route. De tous côtés retentissent les appels du cornet à bouquin, signal du ralliement des chouans et qui glace d'un mystérieux effroi le coeur des soldats de Quiberon. Les femmes crient à tue-tête : «A nous les gars ! A nous ! », (Journal La Feuille Nantaise, n° 333) et se précipitent pour achever quelques soldats couchés dans les fossés qui n'ont plus la force d'avancer. Surpris par cette soudaine attaque et se voyant sur le point d'être cerné, le commandant républicain donne l'ordre d'accélérer la marche malgré la chaleur accablante. Les bleus se lancent à toute allure et, toujours harcelés par les tirailleurs des chouans, les premières voitures parviennent à la Ceriseraie où elles ralentissent l'allure pour gravir la côte. C'est là que les attendent les hommes d'élite de Blandin, les chouans du village de la Rimbertière, embusqués des deux côtés de la route, les uns dissimulés derrière les haies ou dans les grands blés murs, les autres cachés dans les champs de genêts et d'ajoncs. Le capitaine paysan se jette au milieu de la route devant les bleus et crie de sa voix calme et un peu nasillarde : «Tirez sûr les chevaux, les gars ! ». Les royalistes obéissent à cet ordre et font feu sur les chevaux qui barrent la route et empêchent le convoi d'avancer. Harcelés de tous côtés, les bleus fuient éperdus par les champs et les chemins creux, abandonnant le convoi confié à leur garde ; mais les chouans se jettent à leur poursuite et les rejoignent au village de la Banque où ils se sont ralliés. Les républicains attendent l'attaque avec sang-froid et se battent avec le courage et l'intrépidité du désespoir : le feu est vif de part et d'autre ; Rocher et Sansoucy, les deux lieutenants de Blandin, sont blessés. Sur la sommation qui est faite aux bleus de rendre leur drapeau, ils répondent : « Tant qu'un seul homme du bataillon existera, sa vie sera employée à la défense de cet étendard de la liberté ; d'ailleurs, le soldat français, vrai républicain, ne sait pas survivre à son honneur ». Alors les royalistes ont présentes à la mémoire les scènes hideuses de Larmor et d'Auray, ils voient en imagination les prisonniers royalistes insultés, fusillés et foulés au pied ; ils voient les blessés jetés avec les morts dans des fosses béantes où leurs cris déchirants sont étouffés sous des pelletées de terre (Vicomte Aurélien de Courson : L'insurrection de 1832 en Bretagne et dans le Bas-Maine) ; voici les égorgeurs que Dieu livre à leur vengeance ! Les chouans passent comme un torrent furieux sur le bataillon d'Arras. Tous ces hommes, si religieux et si paisibles hier, ne connaissent plus la pitié ; les femmes et les enfants, accourus de toutes les fermes environnantes, applaudissent et prennent part au massacre. 

C'est en vain que Blandin, de Carheil et Ertault de la Bretonnière, chefs des royalistes de Sucé, veulent s'interposer et protéger les prisonniers ; les paysans, excités sans doute par les liqueurs fortes contenues dans les voitures dont ils viennent de s'emparer, n'écoutent plus leurs voix. Les blessés sont impitoyablement torturés par quelques femmes furieuses qui ont à venger la mort d'un parent ou d'un ami. Armées de faucilles, elles coupent la tête aux blessés ; quelques-uns « sont ouverts vifs, les autres ont les bras et les jambes coupés, ensuite existant encore leur chemise est remplie de paille à laquelle on met le feu et ils expirent dans cet horrible état ; d'autres encore sont brûlés vifs, entre autres le capitaine de la 4ème compagnie, un des plus beaux et des plus braves hommes  du bataillon, à qui les chouans offrent la vie s'il veut accepter la place de capitaine de cavalerie parmi eux. Mais il leur répond qu'il aime mieux mourir républicain que de faire partie de leur horde assassine, et de suite il est livré aux flammes. Le croiriez-vous, citoyens, — ajoute un des rares survivants — les enfants de ces scélérats ont partagé les crimes de leurs pères, ils se sont approchés des cadavres de nos frères d'armes expirants et ils leur ont enfoncé le couteau dans le coeur » (Journal de La Feuille Nantaise, n° 333). Un soleil éblouissant éclaire cette scène de carnage, le sang ruisselle de tous côtés et une vapeur fétide s'élève des cadavres entassés. Au début de l'action, près de dix-huit cents républicains (nota : Le Journal La Feuille Nantaise dit que les volontaires du bataillon d'Arras n'étaient qu'au nombre de trois cents, mais tous les autres auteurs mettent le chiffre de dix-huit cents) entouraient le convoi, deux heures après on ne voyait que des cadavres percés de coups. Les royalistes avaient été inflexibles ; à ceux qui demandaient à se rendre, ils répondaient : « Vous avez fusillé nos frères à Quiberon, vous périrez tous ici ». Le commandant du bataillon, trouvé vivant sous un monceau de cadavres, fut emmené prisonnier et fusillé quelques jours plus tard au château de Bourmont ; trois fuyards échappés au massacre, rencontrés le lendemain près du ruisseau de la Digue, furent tués à coups de fourches par les paysans. Seuls quelques survivants, blessés et transis de peur, vinrent apporter l'annonce de ce désastre aux patriotes de Nort. Des deux côtés les pertes avaient été importantes ; le bataillon des volontaires d'Arras était à peu près anéanti, mais les chouans avaient eu aussi, malgré la supériorité de leur nombre (nota : Le jour du combat de la Ceriseraie, les chouans comptaient de quatre à cinq mille combattants), de nombreux tués et blessés. En apprenant le désastre de la Ceriseraie, les autorités Nantaises furent épouvantées de la force des chouans, malgré la récente pacification ; aussi, de tous côtés, les républicains demandèrent vengeance. Le 26 thermidor (13 août), les officiers municipaux de Nort écrivaient aux Administrateurs du Département de la Loire-Inférieure (Journal de La Feuille Nantaise, n° 333) : « Citoyens administrateurs : bientôt enfin les chouans seront les maîtres de toutes les communes du département. Hier, un convoi escorté par trois cents hommes est tombé en leur pouvoir entre Carquefou et Petit-Mars ; un grand nombre de volontaires sont inhumainement assassinés, le reste est arrivé hier soir ici parmi lesquels sont beaucoup de blessés, d'autres meurent sans blessures, sont-ils empoisonnés, les chirurgiens sont à s'en assurer ? Il n'est petit-être pas un homme des scélérates communes de Carquefou, Saint-Mars, Petit-Mars et partie de Sucé qui n'ait participé à ce massacre, les femmes même ont assassiné les blessés. Voilà, citoyens, nous vous le répétons, voilà l'ouvrage des Massonnet, Gicqueau, Héry et de tous les monstres de prêtres insermentés, voilà le fruit de la pacification, voilà la bonne foi de ces hommes pervers. Nous laissera-t-on encore réduits à notre faible garnison, n'y a-t-il pas encore assez de victimes de la Révolution, de la bonne foi, faut-il que tous les républicains le deviennent dans cette malheureuse contrée »

La dure représaille infligée aux républicains lors du combat de la Ceriseraie ne fit qu'augmenter la haine entre les deux partis ennemis. Des bandes de bleus, guidés par François Pentecouteau, guide des armées républicaines, parcoururent les paroisses de Carquefou, Sucé, Petit-Mars et Saint-Mars-du-Désert, fusillant tous les paysans qu'ils rencontraient pour venger, disaient-ils, le meurtre de leurs frères d'armes. 

Le 1er fructidor an III (18 août 1795), Pentecouteau, étant à piller le village de Longrais, à Saint-Mars-du Désert, déclarait en tenant à la gorge le malheureux fermier Pierre Denais : « S'il arrive malheur à nos familles, la commune de Saint-Mars-du-Désert et celle de Carquefou seront brûlées » (Archives départementales de la Loire-Inférieure, L. 1540). Un de ses compagnons, Lebot, s'adressant au nommé Gergaud, domestique de Jean Minier, lui dit : « Te voilà, bougre de Gergaud, tu étais cette nuit à égorger les patriotes et à les faire brûler » (Archives départementales de la Loire-Inférieure, L. 1540). La soeur du métayer, Jeanne Minier, lui déclara qu'il n'y était pas et qu'il avait couché dans son lit. « Réponds-tu bien qu'il n'y était pas, répliqua Lebot ? — Oui, j'en répondrai bien », ajouta Jeanne Minier. Alors, s'adressant à Pentecouteau, Lebot lui dit ; « Fous-lui un coup de fusil ». Heureusement des hommes plus humains détournèrent son bras et entraînèrent Jeanne Minier hors de la maison pour la soustraire à la colère de cette brute. 

La bataille de la Ceriseraie ne mit pas fin aux guerres de la Chouannerie ; longtemps encore les campagnes environnant la ville de Nantes devaient être ensanglantées par cette lutte fratricide. Après une courte période de calme, l'insurrection reprit de plus belle en 1799 pour se terminer à l'aurore du XIXème siècle. 

Elle fut enfin vaincue cette population de soldats laboureurs, mais elle a gardé intact son attachement à ses anciennes croyances et a inscrit avec la pointe de sa faux une des pages les plus dramatiques de l'histoire des guerres de l'Ouest !.

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