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Le Pape Innocent VI (1352-1362)

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Le pape Innocent VI à Avignon (1352-1362).

Le 16 décembre 1352, les cardinaux, au nombre de vingt-cinq, se retirèrent dans les loges aménagées pour eux au palais pontifical d'Avignon. Ils s'empressèrent de profiter des atténuations apportées par Clément VI à la Constitution Ubi periculum qui, depuis 1274, réglait la tenue des conclaves. Leus lits furent entourés de courtines pendant leur repos et deux familiers, clercs ou laïcs, vaquèrent à leur service. Le menu de leur table comporta désormais, au dîner et au souper, outre le pain et le vin, un plat de viande, de poisson ou d'œufs, un potage gras ou maigre, des hors-d'œuvre, du fromage, des fruits, des électuaires (COCQUELINES, Bullarum..., t. III, part. 2, p. 313 ; Constitution Licet in constitutiones, 6 décembre 1351). De ces dernières prescriptions le Sacré Collège ne bénéficia point. Le mardi 18 décembre, à l'heure de tierce, Étienne Aubert était proclamé pape, sous le nom d'Innocent VI.

L’élection n'avait pas eu lieu sans incidents. La candidature d'un Limousin, Jean Birel, avait été fort débattue. Quoique vénéré pour sa sainteté, ce digne général des Chartreux n'était pas l'homme qui convenait pour régir l'Église. Son choix eût renouvelé l'erreur commise au conclave de 1294 par les électeurs de Célestin V. Le cardinal Talleyrand de Périgord fit comprendre à ses collègues que, dans les circonstances critiques où se trouvait l'Europe, il serait impolitique, sinon périlleux, de nommer pape un second Pierre de Morrone. Son avis parut sage et prévalut au conclave [Note : MARTÈNE et DURAND, Veterum Scriptorum, t. VI, p. 187. — M. SOUCHON (Die Papstwahlen, p. 55-66) a montré l'invraisemblance du discours attribué à Talleyrand de Périgord pendant le conclave].

Cédant à des tendances oligarchiques, désirant peut-être endiguer le pouvoir pontifical qui, chaque jour, prenait une plus large extension, le Sacré Collège rédigea un compromis que certains de ses membres jurèrent simplement d'observer, tandis que d'autres insérèrent prudemment dans leur serment la clause restrictive suivante : si et in quantum scriptura hujusmodi de jure procederet. En aucun cas, le nombre des cardinaux ne devait dépasser le chiffre de vingt. Le pape futur s'interdisait d'en créer de nouveaux avant que le nombre des anciens se trouvât réduit à seize. Le choix de cardinaux n'aurait lieu que du consentement de tous les survivants ou du moins de la majorité des deux tiers. Sans l'approbation unanime du Sacré Collège, aucun cardinal ne serait déposé ou emprisonné. La majorité des deux tiers suffirait pour prononcer contre lui l'excommunication, une censure ecclésiastique, la suspense du droit de voter en cas d'élection pontificale, de participer aux consistoires, de porter le chapeau rouge, la perte temporaire ou la privation des bénéfices, la saisie des biens avant ou après la mort. La même majorité serait requise pour aliéner, inféoder, céder en emphytéose ou contre le paiement d'un cens les provinces, villes, châteaux forts et terres appartenant à l'Église romaine, pour désigner et destituer le haut personnel de la Cour et les officiers des États pontificaux. Jamais la charge de maréchal de la Cour ou de recteur des provinces de l'Église ne passerait aux mains d'un parent ou d'un allié du pontife régnant. L'approbation du Sacré Collège serait encore nécessaire pour octroyer des décimes ou des subsides aux rois et aux princes, pour prélever des impôts sur le clergé au profit de la Chambre apostolique. Celle-ci verserait la moitié de ses revenus à la Chambre des cardinaux, suivant les termes de la règle établie en 1289 par Nicolas IV. Enfin, les cardinaux auraient pleine liberté d’exprimer leurs avis et leurs assentiments dans l'expédition des affaires [Note : COCQUELINES, op. cit., t. III, part. 2, p. 316-318 ; Constitution Sollicitudo pastoralis qui annule la teneur du compromis].

Le conclave se fût peut-être prolongé davantage, si l’ingérence du roi de France dans l'élection n'eût été redoutée. C’est pourquoi l'entente se conclut vite sur le nom du Limousin Étienne Aubert, né au village des Monts, près, Pompadour. C'était un jurisconsulte distingué, renommé par son enseignement à l'université de Toulouse. On le savait agréable au roi de France, au nom duquel il avait géré les importantes fonctions de juge-mage dans la sénéchaussée de Toulouse. Il avait occupé les sièges de Noyon (23 janvier 1338) et de Clermont (11 octobre 1340). Promu à la dignité cardinalice avec le titre des SS.-Jean-et-Paul (20 septembre 1342), il était devenu évêque d'Ostie et de Valletri (13 février 1352) et enfin grand pénitencier.

Le nouvel élu était d'âge avancé, d'un tempérament maladif [Note : Dès son avènement, la Cour de France s'inquiète de sa santé. E, DÉPPREZ, Innocent VI, n. 4], de caractère plutôt indécis et impressionnable, prompt au découragement (Studi Storici, t. XII, 1903, p. 331), d'humeur quelque peu changeante. Le Sacré Collège espérait, sans doute, le plier facilement à ses volontés. Son espoir fut déçu. Le 6 juillet 1353, Innocent se délia du serment qu'il avait prêté au conclave et l’abolit comme contraire aux décrétales de Grégoire X et de Clément V qui interdisaient aux cardinaux, pendant la vacance du S.-Siège, de s'occuper de toute autre affaire que de l'élection. Il accorda, d'ailleurs, aux cardinaux une légére compensation en leur réservant certaines dignités tant dans les églises cathédrales que dans les collégiales, séculières ou régulières (E. DÉPREZ, op. cit., n. 267).

Probe, juste, animé des meilleures intentions, le pape renoua les traditions de Benoît XII et adopta de salutaires mesures de réforme. Les clercs, attirés à Avignon par la générosité de Clément VI, déguerpirent bientôt, dans la crainte d'encourir l'excommunication, en ne résidant pas dans leurs bénéfices (BALUZE, Vitae..., t. I, nouv. éd., p. 342, 347). Nul n'obtint de charges ecclésiastiques sans avoir fourni des garanties sérieuses de savoir et de mérite. Les intéressés se plaignirent. « Cilz pappe Innocent, note un chroniqueur, fut durs aux clers, et, pour ceste cause, fut l'estude pour la plus grant partie admenrie à Paris et ailleurs en son temps, car il ne voloit nulz benefices de sainte Église pourveoir aux clers ne à ceulx qui le valoient » (Annuaire-Bulletin, t. XX, 1883, p. 255).

L'étude était chère à l'ancien professeur de droit. A Toulouse, Innocent fonda le collège Saint-Martial ; à Bologne une faculté de théologie (FOURNIER, Les statuts, t. I, n. 612-655. — COCQUELINES, op. cit. t. III, part. 2, p. 323).

Le zèle réformateur du pape eut à s'exercer à l'endroit de plusieurs ordres religieux. Ses rapports avec les Franciscains notamment furent des plus orageux. On en peut suivre la courbe dans le langage dont use Ste Brigitte à l'égard d'Innocent VI. L'élection du pontife avait d'abord provoqué l'enthousiasme de la sainte : « Le pape Innocent écrivait-elle, est d'un airain meilleur que son prédécesseur et d'une matière apte à recevoir les plus belles couleurs ». Mais à mesure que la répression s'exerce plus sévèrement contre les spirituels et les fraticelles, la louange diminue sous la plume de la princesse suédoise, pour faire place à d'amères critiques. La mort même du pontife ne la désarme pas : « Le pape Innocent, dit-elle alors, a été plus abominable que les usuriers juifs, plus traître que Judas, plus cruel que Pilate ; il a dévoré les brebis et égorgé les véritables pasteurs ; enfin, pour tous ses crimes, [Jésus-Christ] l'a précipité dans l'abîme, comme une pierre pesante, et a condamné ses cardinaux à être consumés par le même feu, qui a dévoré Sodome » (Revelationes, I. IV, c. CXXXVI).

De fait, l'Inquisition fut partout mise en branle contre les franciscains illuminés ; elles les traqua impitoyablement. En Avignon, deux frères moururent sur le bûcher. Un autre franciscain, Jean de Roquetaillade, du couvent d'Aurillac, enfermé dans les prisons apostoliques du temps de Clément VI, vaticinait en vrai disciple de Joachim de Flore. Il raconta ses visions prophétiques et ses rêveries apocalyptiques dans un manuel, le Vade-mecum in tribulatione, et défendit une sorte de millénarisme mitigé (E. BROWN, Fasciculus rerum, t. II, p. 494-508). Versant dans l'erreur des spirituels, il fouailla avec virulence les mœurs du clergé et lui prédit la perte de ses biens (F. KAMPERS, dans Historisches Jahrbuch, t. XV, 1894, p. 796-802). Innocent se contenta d'ordonner la réclusion du visionnaire.

Les Franciscains n'oublièrent point non plus qu'au consistoire du 8 novembre 1357 le pape avait écouté l’archevêque d'Armagh, Richard Fitz-Ralph, qui déblatérait au nom du clergé anglais contre les ordres mendiants, attaquait leurs privilèges et leur reprochait leurs empiétement sur les droits curiaux. Innocent, à la vérité, évita de se prononcer, imposa silence tant à l'archevêque qu'aux mendiants qui s'étaient empressés de présenter leur défense, et renvoya l'examen de la cause à une commission cardinalice. L'orage qui menaçait les franciscains anglais ne se dissipa qu'à la mort de leur fougueux adversaire. Le chroniqueur ajoute malignement que le jour du décès de Richard Fitz-Ralph les frères entonnèrent le chant du Gaudeamus plutôt que celui du Requiem [Note : BALUZE, op. cit., p. 324, 337. — En 1357, l'archevêque d'Armagh écrivit un Defensorium curatorum contra eos qui privilegiatos se dicunt. E. BROWN, op. cit., t II, p. 466, 486].

Vers le milieu du XIVème siècle les Frères Prêcheurs étaient tombés dans une complète décadence. Afin de repeupler leurs couvents décimés par la peste, les prieurs locaux avaient favorisé le recrutement des novices en mitigeant de leur propre autorité, l'austérité de la règle. La pauvreté n'était plus observée. De continuelles atteintes à la discipline avaient répandu l'esprit d'insubordination parmi les membres de l'ordre. A bout de ressources, ne parvenant pas à se faire obéir, le grand maître Simon de Langres recourut au Saint-Siège. Des bulles ordonnèrent aux définiteurs du chapitre de Perpignan (1360) de visiter les diverses maisons de l'ordre et d'obliger, sous peine de censures, les religieux à dévoiler les abus. Aux frères qui se targuaient de leur titre de chapelains d'honneur du pape pour se déclarer exempts de la juridiction de leurs supérieurs et se soustraire aux observances de la règle, il fut signifié que les honneurs dont ils étaient revêtus ne leur conféraient aucun privilège et que les récalcitrants encourraient la prison.

Furieux des réformes que s'efforçait de leur imposer Simon de Langres avec l'aide de la papauté, huit définiteurs sur quatorze le déposèrent. Saisi de l'affaire, Innocent VI chargea d'une enquête le cardinal Francesco degli Atti. Le 22 juin 1361, il réintégrait Simon de Langres dans ses fonctions et lui promettait son appui pour les réformes (MORTIER, Histoire des maîtres généraux, t. III, p. 295-442).

Les relations du pape avec l'ordre de l'Hôpital furent également des plus pénibles. Il existait depuis longtemps déjà, à la Cour pontificale, un parti puissant et fort hostile aux chevaliers. On leur reprochait leur mollesse, leur peu de zèle contre les infidèles, leur luxe, leurs richesses mal employées. En 1343, Clément VI avait menacé le grand maître Hélion de Villeneuve de transférer les biens de l'Hôpital à un ordre nouveau plus zélé, plus actif. Innocent, qui partageait les préventions de son entourage, avisa le grand maître Pierre de Corneillan, le 24 août 1354, de la prochaine arrivée d'une mission commandée par le chevalier Juan Fernandez de Hérédia. Les nonces devaient exposer les griefs du Saint-Siège contre l'ordre ainsi que les mesures arrêtées pour son bien. Le transfert en territoire, turc du couvent de Rhodes aurait lieu dans le plus bref délai, sinon les biens des Templiers, jadis annexés à ceux des Hospitaliers, seraient dévolus à un nouvel ordre. De sa propre autorité, le pape convoqua en Avignon un chapitre général qui accepta tout ce qu'on lui imposa, des réformes disciplinaires très sévères, la suppression de la charge de commandeur régional, des restrictions importantes aux prérogatives du grand maître...

Cependant, Innocent changea d'avis. Sous la pression de Hérédia qui ambitionnait la maîtrise, il abandonna le projet de transfert du siège de l'ordre de l'Hôpital en Turquie et songea à faire acheter le royaume d'Achaïe par les chevaliers. Bien plus, pour vaincre toute résistance, le pape pourvut du prieuré de Saint-Gilles l'intrigant de Hérédia. Le grand maître Roger de Pins envoya en Avignon des ambassadeurs qui présentèrent de respectueuses objections contre cette nomination. Le Souverain pontife ne voulut rien écouter. Seule l'opposition que fit Robert II d'Anjou, l'empereur titulaire de Constantinople, au transfert de l'ordre en Achaïe, obligea Innocent à renoncer aussi à ses autres projets.

Si les réformes que le S.-Père chercha à imposer aux Hospitaliers étaient pour la plupart bien conçues et sages, il ne pouvait qu'en compromettre le succès en accordant à Juan de Hérédia une confiance trop illimitée. Ce chevalier avait suscité des séditions dangereuses au sein de l'ordre par son ambition et son insoumission. En l'élevant à l'une des plus hautes dignités de son ordre, Innocent commettait une grave méprise et donnait à penser qu'il ne savait guère démêler les intrigues habilement ourdies (DELAVILLE LE ROULX, Les Hospitaliers à Rhodes, p. 116-139).

Les attaques des amants de la pauvreté contre le luxe de la cour d'Avignon n'étaient pas toutes justifiées. Innocent VI s'évertua à diminuer le train de sa maison et congédia les parasites qui l'encombraient. Les cardinaux restreignirent eux aussi leurs dépenses. En l'occurrence, les uns et les autres obéissaient autant à la nécessité qu'à un réel désir de forme. Les caisses du trésor pontifical étaient épuisées. En 1357, Innocent crie misère. Sa détresse est si peu feinte que, le 5 novembre 1358, il est acculé à sacrifier une grande partie de son argenterie, une foule de joyaux et d'ornements précieux. La pénurie à laquelle il se trouve réduit est extrême ; les œuvres d'art sont vendues au poids de l'or et de l'argent, sans qu'on tienne compte de la valeur de la main-d'œuvre (M. FAUCON, dans Revue archéologique, t. XLIII, 1882, p. 217-225).

Les tracas financiers, amenés par les ruineuses guerres d'Italie, n'étaient pas les seuls à remplir d'anxiété Innocent VI. La trêve de Bordeaux (23 mars 1357) avait amené la dislocation des troupes irrégulières employées par l'Angleterre contre la France et provoqué la formation des Compagnies. Notre malheureux pays fut infesté de soudards qui pillaient tout sur leur passage, incendiaient les châteaux et les bourgades, saccageaient les églises et les monastères, tuaient beaucoup de nobles et de manants. Le pape essaya d'arrêter le fléau par l'anathème prononcé contre les Compagnies. Mais quelle prise pouvaient avoir les foudres de l'Église sur des gens sans aveu, qui ne se plaisaient que dans le pillage, le meurtre, l'incendie !

Soudain, en mai 1357, l'effroi se répandit en Avignon. Les bandes commandées par le trop fameux archiprêtre de Vélines, Arnaud de Cervole, s'apprêtaient à envahir la Provence. Vainement, Innocent supplie le gouvernement français et les princes voisins d'empêcher leurs gens d'armes de se mêler aux envahisseurs. De quelque côté qu'il se tourne, il ne reçoit que de bonnes paroles. La Provence fut envahie. A cette nouvelle, les portes d'Avignon sont réparées en grande hâte (6 juillet), des estafettes épient les mouvements de l'ennemi, des troupes de cavalerie et d'infanterie gardent les murs de la cité. Les places fortes du Comtat-Venaissin sont mises en état de défense. A l'aide des contributions pécuniaires des courtisans et des habitants d'Avignon, le travail de fortification de la ville est commencé, l'enceinte construite avec activité.

Au printemps de 1358 l'inquiétude des Avignonnais se dissipa pour un temps. Comme il ne restait plus rien à piller en Provence, Arnaud de Cervole s'enrôla sous la bannière du dauphin et alla combattre Étienne Marcel et les bourgeois de Paris (juin-juillet). Dès que les émeutiers parisiens eurent été réduits à l'impuissance, il reparut en Provence, avec l'intention bien marquée de vendre chèrement la paix. Innocent VI consentit à servir d'arbitre entre le bandit et les Provençaux. Moyennant le versement d'une indemnité de 1000 florins, avancés par le Saint-Siège, l'Archiprêtre se retira et gagna le Nivernais (29 septembre) (H. DENIFLE, La désolation..., t. II, p. 188-211).

La signature du traité de Brétigny (8 mai 1360), qui aurait dû procurer l'apaisement à la France, devint pour elle une source de malheurs. Les mercenaires congédiés et désœuvrés se réorganisèrent en compagnies plus redoutables qu'en 1357. Ils n'étaient que des soldats de fortune, mais rompus au métier des armes, disciplinés, adroits, et par-dessus tout avides de rapines. Des bandes qui infestaient le pays de Beaucaire, ayant appris qu'un important versement de fonds serait déposé sur la rive gauche du Rhône, à Pont-Saint-Esprit, s’emparèrent de cette ville dans la nuit du 28 au 29 décembre. Cette nouvelle consterna Innocent VI. La prise de Pont-Saint-Esprit coupait les communications d'Avignon avec l'extérieur et fournissait à l'ennemi une position favorable pour détrousser à l'envi prélats, clercs et laïcs qui, l'escarcelle bien garnie, se rendaient à la Curie.

L'épouvante d'Innocent VI gagna les Avignonnais. Les murs d'enceinte n'étant point achevés, on édifia à la hâte des barricades de bois. Des rondes de gens d'armes, à la solde du pape, surveillèrent les abords de la cité. On couronna de pièces d'artillerie les remparts. Innocent employa les armes spirituelles de l'Église et prêcha une véritable croisade. Son appel fut écouté. Des secours lui arrivèrent d’Aragon, de Languedoc, de la sénéchaussée de Beaucaire, du Gévaudan, du Velay, du Vivarais. Juan Fernandez de Hérédia, le valeureux châtelain d'Emposte, prit le commadement des croisés et assiégea Pont-Saint-Esprit. Par malheur, il n'avait ni argent pour payer ses troupes, ni vivres pour les nourrir. De leur côté, les assiégés, serrés de près, avaient tout à craindre. De part et d'autre, on désirait un accommodement qui se conclut effectivement vers la fin de mars 1361. Contre le versement de 14 500 florins d'or, les Compagnies partirent guerroyer en Italie sous let ordres du marquis de Montferrat (DENIFLE, op cit., p. 385-398).

Alarmées de la présence des routiers sur les bords du Rhône, les populations du Comtat-Venaissin et des contrées avoisinantes avaient cherché un refuge en Avignon. Elles y trouvèrent d'affreuses souffrances et la mort. La famine, puis la peste exercèrent les pires ravages. L'épidémie, du 29 mars au 25 juillet 1361, enleva dix-sept mille personnes et neuf cardinaux (E. NICAISE, La grande chirurgie de Guy de Chauliac, Paris, 1890, p. 169. — BALUZE, op. cit., t. I, p. 327, 340 ; t. II, p. 490).

Aux soucis cuisants que lui causait sa propre sécurité se joignaient, pour Innocent VI, les amères déceptions d'une politique inhabile. Bien qu'il dépensât généreusement sa vie à prêcher la conciliation et à rétablir la paix dans le monde, il voyait partout sévir la guerre, la discorde ou le crime. Esprit simple et peu clairvoyant, le pontife se laissait tromper par les rois de France, d'Angleterre, de Navarre, de Castille et d'Aragon, par Bernabo Visconti. Accablé de chagrins, déprimé par les événements, affaissé au moral, Innocent VI déclina rapidement. Le 12 septembre 1362, il rendit l'âme, en recommandant d'ensevelir ses restes dans la chartreuse de Villeneuve qu'il avait fondée en 1356 et où, pendant son règne, il avait goûté, au milieu des tracas de son existence, quelques heures de paix et de tranquillité.

 

BIBLIOGRAPHIE — SOURCES.

M. FAUCON, Prêts faits aux rois de France par Clément VI, Innocent VI et le comte de Beaufort, dans B.E.C., t. XI, 1879, p. 570-578. — E. MUENTZ, Inventaire des objets précieux vendus à Avignon en 1358 par le pape Innocent VI, dans Revue archéologique, t. XLIII, 1882, p. 217-225. — E. WERUNSKY, Excerpta ex registris Clementis VI et Innocentii VI…, innsbruck, 1885. — E. DÉPREZ, Innocent VI, lettres closes.., Paris, 1909. — E. MARTÈNE-D. DURAND, Thesaurus novus anecdotorum, t. II, Paris, 1717, p. 843-1072 (registre de lettres expédiées per Cameram pendant la neuvième année du pontificat, 1361) ; Veterum scriptorum et monumentorum amplissima collectio, t. VI, Paris, 1729, p. 187 (où se trouve la Brevis historia ordinis Cartusiensis). — M. FOURNIER, Les status et privilèges des universités françaises, t. I, Paris, 1890. — E. BROWN, Fasciculus rerum expetendarum et fugiendarum, t. II, Londres, 1690. — É. BALUZE, Vitae… — C. LE COUTEULX, Annales ordinis Cartusiensis, t. V, Monstrolii, 1889, p. 512-514, 543- 550. — U. BERLIÈRE, Suppliques d’Innocent VI, Paris, 1911. — Is. COLLIJIN, Acta et processus canonizationis Beatae Brigittœ, Stockolm, 1931. — A. CABASSUT, Notice sur dix-huit manuscrits d’origine montpelliéraine conservés à Cambridge, dans Mémoires de la Société archéologique de Montpellier, sér. II, t. VIII, 1922, p. 215-224, lettres d’Innocent VI, d’Urbain V et de Grégoire XI. — P. GUIDI, La coronazione d’Innocenzo VI, dans Festgabe P. Kehr, Munich, 1925, p. 571-590. — Jeanne OLIER, Jean de Roquetaillade, dans Positions des thèses de l’École des chartes, Mâcon, 1925.

(G. Mollat).

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